Soldats autochtones de la Première Guerre mondiale : à la recherche d’anciens combattants oubliés

À la gauche de l’image, Tatânga Mânî (le chef Walking Buffalo, aussi appelé George McLean) est à cheval dans une tenue cérémonielle traditionnelle. Au centre, Iggi et une fillette font un kunik, une salutation traditionnelle dans la culture inuite. À droite, le guide métis Maxime Marion se tient debout, un fusil à la main. À l’arrière-plan, on aperçoit une carte du Haut et du Bas-Canada et du texte provenant de la collection de la colonie de la Rivière-rouge.Par Ethan M. Coudenys

Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certaines personnes pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde – terminologie historique.

Pour de nombreux chercheurs autochtones, dont je fais partie, il est essentiel de comprendre le point de vue des premiers habitants du territoire sur la Première Guerre mondiale. Il faut parfois chercher des heures et des heures pour savoir si un ancien combattant de la Grande Guerre était bel et bien autochtone. Nous avons d’excellentes ressources sur quelques militaires bien connus des Premières Nations, des Inuit et de la Nation Métisse, mais ce domaine de la recherche historique cache encore bien des mystères.

Le présent blogue ne vise pas à raconter l’histoire générale des Autochtones qui ont servi pendant la Première Guerre mondiale. Je ne tenterai pas non plus de synthétiser l’expérience de ces militaires dans un seul billet de blogue. Je vais plutôt raconter les histoires de deux personnes fort différentes et présenter des méthodes de recherche pour trouver de l’information sur les Autochtones qui ont servi pendant la Grande Guerre.

L’histoire de John Shiwak

Deux photos du même homme assis en uniforme militaire.

John Shiwak du Royal Newfoundland Regiment, no 1735. The Rooms, Item E 29-45.

John Shiwak est né en 1889 à Rigolet, au Labrador. Membre d’une communauté inuite, il est un chasseur-trappeur expérimenté lorsqu’il se joint au First Newfoundland Regiment (qui deviendra le Royal Newfoundland Regiment) le 24 juillet 1915. Il est encore à l’entraînement lorsque le régiment sort de la tranchée Saint John’s Road à Beaumont-Hamel, le 1er juillet 1916, pour lancer la bataille de la Somme. Quand Shiwak rejoint le régiment en France trois semaines plus tard, le 24 juillet, il constate, comme bien d’autres, à quel point le régiment a été ravagé pendant les 45 minutes de son combat sur la Somme. En avril 1917, Shiwak est promu au grade de caporal suppléant. Malheureusement, en novembre, soit moins d’un an avant la fin des combats, John Shiwak est atteint par un obus pendant la bataille de Masnières (dans le cadre de la première bataille de Cambrai). Il y trouve la mort avec six compagnons de son unité.

Groupe de cinq hommes assis ou debout.

Membres de la Légion des pionniers (avant 1915); John Shiwak est debout à gauche. The Rooms, Item IGA 10-25.

De telles histoires sont courantes pendant la Première Guerre mondiale. L’homme inuk a été tué dans l’exercice de ses fonctions, au milieu de ses frères d’armes. Ce qui ajoute à la tristesse de la tragédie, c’est que le lieu de sépulture de ces sept courageux hommes n’a jamais été retrouvé. Une hypothèse veut qu’une école ait été construite alors que l’on ignorait la présence des corps de sept soldats de la Grande Guerre à cet endroit. Cependant, comme tous les hommes tués dont le lieu de sépulture demeure inconnu, Shiwak ne tombera pas dans l’oubli. Son nom restera à jamais gravé sur les plaques de bronze au Mémorial terre-neuvien à Beaumont-Hamel, en France, et sur un monument semblable à St. John’s, à Terre-Neuve-et-Labrador.

L’histoire d’Angus Edwardson

Le soldat Angus Edwardson m’intéresse particulièrement, car il est mon arrière-arrière-grand-père. Il a combattu à Passchendaele. Il est né en 1894 à Lac-Barrière, environ 300 kilomètres au nord-ouest d’Ottawa, dans une communauté nordique en grande partie algonquine anishinaabe. Selon son formulaire d’enrôlement, Edwardson et sa famille vivaient à Oskélanéo, au Québec. Pendant très longtemps, notre famille ignorait qu’il était Autochtone et ne connaissait pas les détails de son séjour dans les tranchées.

Heureusement, mon domaine de travail m’amène à faire des découvertes extrêmement intéressantes. Le recensement de 1921 m’a appris qu’il était un ancien soldat. J’ai ensuite pu trouver ses feuilles d’engagement.

L’histoire d’Edwardson n’est pas aussi remarquable que celle de Shiwak, mais elle donne une idée des difficultés que doivent surmonter les chercheurs qui s’intéressent à des Autochtones ayant fait partie du Corps expéditionnaire canadien (CEC) ou des Forces armées britanniques en général.

Feuilles d’engagement d’Angus Edwardson, sur deux pages.

Feuilles d’engagement d’Angus Edwardson (matricule 1090307).

Selon l’agent de recrutement qui remplit les feuilles d’engagement, Edwardson a le teint pâle, les yeux bleus et les cheveux foncés, une description qui ne correspond pas à l’idée qu’on se fait généralement d’un Autochtone. Il ne dit pas non plus qu’Edwardson fait partie des Premières Nations en écrivant le mot « Indien », fréquemment employé à l’époque, dans la section réservée aux marques distinctives, aux particularités congénitales et aux signes d’anciennes maladies.

Son dossier nous apprend qu’Edwardson est membre du 253e bataillon d’infanterie (Université Queen’s), mais qu’il sert dans plusieurs bataillons et régiments pendant son passage au front. Le 28 août 1918, alors membre du 213e Bataillon, il est blessé à la main gauche par une balle.

Difficultés pour les chercheurs

Comme je l’ai mentionné, ne pas savoir si un membre du CEC est Autochtone constitue un sérieux obstacle pour les chercheurs. Les dossiers d’engagement demeurent parfois entièrement muets à ce sujet. C’est même très courant pendant les dernières années de la Première Guerre mondiale. Aucun des deux hommes dont j’ai parlé n’est désigné comme un « Indien » sur son formulaire d’engagement. Nous devons donc nous fier à d’autres sources pour savoir s’ils étaient bien Autochtones.

Les recensements, souvent négligés, constituent la première de ces sources. Ils procurent des renseignements essentiels sur les personnes recherchées. Et les renseignements personnels améliorent considérablement les chances de réussite lorsqu’on cherche des Autochtones ayant fait partie du CEC ou du Royal Newfoundland Regiment. J’ai découvert qu’Edwardson était Autochtone parce qu’il est inscrit comme tel dans le recensement de 1921. Dans le cas de Shiwak, j’ai dû suivre un tout autre chemin, parsemé d’embûches. J’ai fini par trouver ses origines ethniques dans les mémoires de Sydney Frost, un capitaine du Royal Newfoundland Regiment, intitulés A Blue Puttee at War. Il existe encore d’autres sources confirmant que Shiwak était Autochtone.

Liste de noms dans le recensement de 1921, avec le sexe, l’âge et l’origine de chacun.

Déclaration de recensement d’Angus Edwardson et de sa famille, 1921 (e003065155).

Les sources secondaires sur la Première Guerre mondiale sont innombrables. Il suffit de chercher le nom de Shiwak pour en trouver plusieurs. Mais quand il s’agit de membres autochtones du CEC moins connus, ce n’est pas si simple. L’excellent livre For King and Kanata: Canadian Indians and the First World War, par Timothy Winegard, explique comment nous pourrions améliorer nos techniques pour chercher des individus et des groupes autochtones au sein du CEC. L’auteur souligne implicitement le rôle des communautés, qui décidaient d’envoyer des hommes s’enrôler. Cependant, cette piste n’est pas facile à suivre. Ça vaut la peine de communiquer avec des sociétés de généalogie locales ou des communautés autochtones pour qu’elles nous aident à trouver des listes de noms. Elles peuvent aussi nous donner une petite idée du nombre d’hommes de cette communauté qui ont servi dans l’armée.

Les dernières sources d’information très utiles pour des recherches de cette nature sont ce qu’on appelait les « Registres des Indiens ». Ces archives dressent des listes de membres de nombreuses bandes. Il s’agit d’une excellente source si vos recherches portent sur une bande précise et si vous pouvez vous rendre dans les locaux de Bibliothèque et Archives Canada, à Ottawa. Par contre, la difficulté reste entière pour les chercheurs qui ne connaissent pas le nom de la bande et qui ignorent si le sujet est mort pendant la guerre. Chercher un Inuk ou un Métis est encore plus difficile, car très peu de sources primaires ont été produites durant les années qui ont immédiatement suivi la Grande Guerre. Il est parfois possible de trouver un Inuk ou un Métis ayant fait partie du CEC ou du Royal Newfoundland Regiment grâce à des sources secondaires, mais c’est un processus long et ardu.

Conclusion

Le caporal suppléant John Shiwak (Inuk) et le soldat Angus Edwardson (Premières Nations) ont tous deux combattu pendant la Première Guerre mondiale. Les deux exemples montrent les obstacles à surmonter pour trouver de l’information sur des Autochtones qui ont fait partie du CEC ou du Royal Newfoundland Regiment. Les multiples défis peuvent poser des difficultés considérables. Il existe néanmoins des ressources, comme les archives (notamment les recensements), les communautés autochtones locales et les sources propres à certains peuples autochtones conservées à Bibliothèque et Archives Canada. Ces solutions possibles ne permettent cependant pas de résoudre tous les problèmes pour les chercheurs qui s’intéressent aux Autochtones ayant participé à la Première Guerre mondiale.

Autres ressources


Ethan M. Coudenys est conseiller en généalogie à Bibliothèque et Archives Canada. Fier de ses origines innues, il est aussi le descendant d’une personne ayant survécu aux pensionnats autochtones.

Pidji-ijashig – Anamikàge – Pee-piihtikweek – Tunngasugit – ᑐᙵᓱᒋᑦ – Bienvenue

À gauche, Tatânga Mânî [chef Walking Buffalo] [George McLean] monte à cheval et porte son costume traditionnel des Premières Nations. Au centre, Iggi et une fille échangent un « kunik », un baiser traditionnel dans la culture inuit. À droite, le guide métis Maxime Marion tient un fusil. À l’arrière-plan, il y a une carte du Haut et du Bas-Canada, ainsi qu’un texte de la collection Red River Settlement [colonie de la rivière Rouge].

Ce blogue fait partie de notre programme De Nations à Nations : voix autochtones à Bibliothèque et Archives Canada.

Par Karyne Holmes

 Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certaines personnes pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde – terminologie historique.

Dans le livrel multilingue interactif De Nations à Nations : voix autochtones à Bibliothèque et Archives Canada, des employés des Premières Nations, Inuit et de la Nation Métisse présentent des centaines d’articles conservés à Bibliothèque et Archives Canada. L’élaboration du livrel a commencé en 2018, peu après mon arrivée à BAC en tant que chercheuse pour l’initiative Nous sommes là : Voici nos histoires. Celle-ci vise à chercher, numériser et décrire les documents relatifs aux Autochtones pour qu’ils soient plus faciles à consulter.

J’ai eu l’honneur d’être invitée à rédiger des essais, ainsi que l’introduction du livrel intitulée « Pidji-ijashig – Anamikàge – Pee-piihtikweek – Tunngasugit – ᑐᙵᓱᒋᑦ – Bienvenue ». Pour écrire l’introduction, j’ai songé à l’impact que peut avoir la découverte de documents familiaux historiques dans la vie d’une personne. Je me suis aussi demandé pourquoi le travail accompli dans le cadre de l’initiative Nous sommes là : Voici nos histoires était si important. Je voulais également faire connaître la valeur inestimable de certains projets, comme le livrel et cette initiative de BAC. L’introduction explique enfin que le livrel favorise la connaissance et la réappropriation des langues autochtones.

Deux femmes et une fille debout dans l’herbe. Derrière elles, une peau d’orignal étirée est attachée par des cordes à un cadre en bois. La fille porte un bébé et la femme à gauche tient la main d’un petit enfant. De grands arbres minces ayant perdu leurs feuilles se trouvent à l’arrière-plan.

Des femmes et des enfants denesųłiné debout devant un cadre de tannage de peaux d’orignal, lac Christina (Alberta), 1918 (a017946). Cette photo est présentée dans l’essai « Tannage traditionnel de peaux de caribou et d’orignal dans les collectivités dénées du Nord » rédigé par Angela Code.

Le Comité directeur sur les archives canadiennes a récemment publié le cadre de réconciliation en réponse à l’appel à l’action no 70 lancé par la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Ce rapport reconnaît que « les archives coloniales […] ont largement contribué à la formation d’un récit historique canadien qui privilégie les réalisations de la société de colonisateurs eurocentrique au détriment des identités, expériences et histoires des Premières Nations, des [Inuit et de la Nation Métisse]. » Un des principaux messages transmis dans le cadre est que les archives doivent respecter la souveraineté intellectuelle des peuples autochtones sur les documents créés par ces derniers et les concernant. De plus, ces archives doivent intégrer les points de vue, les connaissances, les langues, les histoires, les noms de lieux et les interprétations des Autochtones.

Le cadre donne des pistes pour intégrer la réconciliation aux pratiques archivistiques qui témoignent du travail amorcé à BAC. Notre publication collaborative De Nations à Nations constitue une précieuse ressource éducative pour montrer l’importance de replacer les archives dans leur contexte afin de faire connaître la grande diversité des points de vue et des expériences des Premières Nations, des Inuit et de la Nation Métisse.

Pidji-ijashig – Anamikàge – Pee-piihtikweek – Tunngasugit – ᑐᙵᓱᒋᑦ – Bienvenue : introduction du livrel De Nations à Nations : voix autochtones à Bibliothèque et Archives Canada

Pour lire ce billet de blogue en anishinabemowin, visitez le livrel. De Nations à Nations : voix autochtones à Bibliothèque et Archives Canada est gratuit et peut être téléchargé sur Apple Books (format iBooks) ou sur le site Web de BAC (format EPUB). On peut aussi consulter une version en ligne au moyen d’un ordinateur, d’une tablette ou d’un navigateur Web mobile; aucun module d’extension n’est requis.

Les documents d’archives et les ressources documentaires des bibliothèques nous donnent un aperçu de la vie et des expériences de nos ancêtres. C’est le cas pour tous les peuples, mais de tels documents revêtent une signification particulière pour les peuples autochtones. Les politiques et les actions coloniales, encore courantes de nos jours, ont séparé nos familles et rompu les liens qui nous unissent aux cultures, aux communautés, aux connaissances et aux récits de nos peuples, tout en nous privant d’y accéder. Les documents d’archives facilitent la découverte de l’histoire des familles et des communautés. Ils contribuent également à raviver des souvenirs et à restaurer le savoir, des réalités que beaucoup de gens ont oubliées en partie pendant l’ère des pensionnats et le retrait forcé des enfants autochtones de leurs familles. Grâce aux documents historiques, chaque personne peut retrouver des pièces manquantes et découvrir de nouvelles informations sur son histoire personnelle et celle de sa communauté. Ces pièces nous permettent de raconter nos histoires dans nos propres mots et de les faire connaître au monde entier.

Un homme et son épouse debout devant un bâtiment. Une de leurs filles est debout à côté de sa mère. Leur fils et leur deuxième fille sont assis devant eux.

Michel Wakegijig et sa famille à l’extérieur de leur résidence, Première Nation Wiikwemkoong, vers 1916 (e011310537-040_s1).

Certes, la valeur des documents historiques est indéniablement reconnue. Toutefois, la majorité des documents conservés par Bibliothèque et Archives Canada (BAC) ont été créés, recueillis et interprétés selon une perspective coloniale. Par conséquent, de nombreux documents concernant les communautés autochtones ne rendent pas tous les détails et dressent un portrait inexact des faits. En outre, ils sont souvent présentés selon le point de vue et l’intérêt de l’auteur et l’importance qu’il leur accorde. Pour parvenir à mettre en contexte et à interpréter les documents qui concernent les Premières Nations, les Inuit et la Nation Métisse, il est essentiel de les jumeler aux connaissances autochtones.

Formulaire textuel avec questions dactylographiées et réponses manuscrites.

Page de la déclaration de Lucie Bellerose pour demander un certificat des Métis, signée à Saint-Albert en 1885. Les certificats numérisés comprennent des renseignements biographiques sur les ancêtres de la Nation Métissse (e011358921).

Les initiatives en cours à BAC donnent aux Premières Nations, aux Inuit et à la Nation Métisse la priorité quant à la gestion du contenu lié aux peuples autochtones. L’initiative Nous sommes là : Voici nos histoires vient modifier les descriptions de documents d’archives en adoptant une perspective de décolonisation. Afin que les descriptions représentent fidèlement le contenu des documents d’archives, nous y intégrons des noms de lieux, de communautés et de personnes ainsi que des termes culturels. L’initiative Écoutez pour entendre nos voix apporte un soutien aux communautés qui souhaitent contrôler et préserver tout matériel propre aux langues autochtones qui a été créé et hébergé dans ces communautés.

Une femme debout dans la neige. Elle porte un capuchon avec une doublure de fourrure et des bottes couvertes de fourrure qui montent jusqu’aux genoux. Elle tient un sac à main en cuir brun dans sa main gauche.

Jeune femme inuk de Kinngait (anciennement Cape Dorset) portant un parka rouge de style qilapaaq (ourlet droit) ainsi que des kamiik (bottes) avec des ours polaires brodés sur les doublures de laine, Iqaluit, Nunavut (anciennement Frobisher Bay, Territoires du Nord-Ouest) (e011212600). Cette photo a été décrite dans le cadre de l’initiative Nous sommes là : Voici nos histoires.

Le présent livrel offre une collection d’archives et de documents publiés qui sont conservés à BAC et qui ont été sélectionnés par des membres de l’équipe de BAC s’identifiant comme faisant partie des Premières Nations, des Inuit ou de la Nation Métisse. Les documents choisis – tirés de transcriptions, photographies, cartes, matériel audiovisuel et publications – mettent en lumière l’importance de notre identité culturelle et reflètent nos expériences personnelles en matière d’apprentissage et de connaissance de notre propre histoire. Les essais du livrel présentent des voix différentes, des perspectives multiples et des interprétations personnelles des documents.

Aquarelle montrant un groupe de personnes accompagnées de deux chiens, debout sur une rivière gelée, dans le coin inférieur gauche. Plusieurs d’entre eux portent des harpons. Un autre chien court en direction du groupe. À l’arrière-plan, quelques petits groupes de personnes, plusieurs chiens et un cheval se tiennent sur la glace. Un fort en bois domine la rive gauche. Quelques bâtiments de bois plus petits se trouvent sur la rive opposée, au loin.

Pêche hivernale sur la glace des rivières Assiniboine et Rouge (à l’emplacement actuel de Winnipeg). Un fort se trouve à l’arrière-plan, Manitoba, 1821 (e011161354). Cette œuvre est présentée dans l’essai « Trois mille ans de pêche sur la rivière Rouge », par William Benoit.

Lorsque cela est possible, une traduction est fournie dans la langue parlée par les personnes dont il est question dans l’essai. Pour les Autochtones, la langue est inextricablement liée à la culture. Les langues autochtones sont exceptionnellement descriptives des objets, des expériences et des émotions, des éléments qui ne peuvent être entièrement expliqués ou traduits en français ou en anglais. Les langues des Premières Nations, des Inuit et de la Nation Métisse ont été transmises d’une génération à l’autre par les récits, les chants et les expériences liées au territoire. La langue est largement influencée par le paysage physique d’un lieu et ses ressources. Ces éléments ont façonné les vocabulaires autochtones et chaque peuple possède des représentations et des valeurs uniques, propres à sa culture. Partout au Canada, les Premières Nations, les Inuit et la Nation Métisse se réapproprient leurs langues pour renouer avec leur histoire, assurer la continuité culturelle et honorer leurs ancêtres en connaissant les langues par lesquelles ces derniers interprétaient le monde.

À noter que l’écriture des langues et des noms des peuples autochtones suit les désirs exprimés par les Premières Nations, les Inuit et la Nation Métisse. Les règles grammaticales du français et de l’anglais ne sont donc pas toujours respectées.

Autres ressources de Bibliothèque et Archives Canada


Karyne Holmes est conservatrice à la Division des expositions et des prêts. Elle a aussi été archiviste pour le projet Nous sommes là : Voici nos histoires, visant à numériser les documents relatifs aux Autochtones conservés à Bibliothèque et Archives Canada.

Le tikinagan : transporter les nourrissons en toute sécurité

À gauche, Tatânga Mânî [chef Walking Buffalo] [George McLean] monte à cheval et porte son costume traditionnel des Premières Nations. Au centre, Iggi et une fille échangent un « kunik », un baiser traditionnel dans la culture inuit. À droite, le guide métis Maxime Marion tient un fusil. À l’arrière-plan, il y a une carte du Haut et du Bas-Canada, ainsi qu’un texte de la collection Red River Settlement [colonie de la rivière Rouge].

Ce blogue fait partie de notre programme De Nations à Nations : voix autochtones à Bibliothèque et Archives Canada. Pour lire ce billet de blogue en kanien’keha, visitez le livrel.

De Nations à Nations : voix autochtones à Bibliothèque et Archives Canada est gratuit et peut être téléchargé sur Apple Books (format iBooks) ou sur le site Web de BAC (format EPUB). On peut aussi consulter une version en ligne au moyen d’un ordinateur, d’une tablette ou d’un navigateur Web mobile; aucun module d’extension n’est requis.

Les Premières Nations et la Nation Métisse utilisent les tikinagans pour transporter les nouveau-nés en toute sécurité. Les modèles varient d’une nation à l’autre, mais ils sont généralement faits de petites pièces de bois. Le nourrisson est solidement emmailloté dans une longue écharpe ou un sac fixé à une planche. Les tikinagans permettent aux parents de travailler de leurs mains et de se déplacer avec leur enfant en toute sécurité.

Une femme de Première Nation porte un bébé sur son dos.

Une femme de Première Nation transporte un enfant dans un tikinagan attaché à l’aide d’une sangle (e011303100-006)

Pour en savoir davantage sur les images de tikinagans dans les collections conservées à Bibliothèque et Archives Canada, lisez le billet de blogue de l’auteure kanien’keha:ka Elizabeth Kawenaa Montour, intitulé La signification et la polyvalence du tikinagan, ainsi que son essai Le tikinagan des Premières Nations : un legs durable.

Une famille devant une tente près de Lac Seul, en Ontario.

Mary Ann Trout-Carpenter et son époux George Carpenter avec leurs enfants. Le nourrisson dans le tikinagan est soit Melvin, soit Donna. James est auprès de sa mère, George se trouve au centre et Marianne se tient debout devant son père. Première Nation de Lac Seul, Ontario. (e008300467)

Cet essai a été publié dans le livrel interactif multilingue De Nations à Nations : voix autochtones à Bibliothèque et Archives Canada. Il s’agit d’un recueil de 28 essais rédigés par Elizabeth Kawenaa Montour et d’autres membres du personnel issus des Premières Nations, des Inuit et de la Nation Métisse. La plupart des textes sont écrits dans la langue du peuple autochtone dont ils racontent l’histoire et sont accompagnés d’une traduction française et anglaise. Les auteurs sont des archivistes, des conservateurs et des conseillers autochtones qui ont un lien personnel avec les articles de la collection présentés dans leurs essais. Ceux-ci témoignent de la diversité des récits, des langues et des cultures autochtones.

Une femme porte un bébé dans un tikinagan sur son dos.

Femme de Première Nation transportant un bébé dans un tikinagan, lieu inconnu, 1918 (a017973)

Comment dire « tikinagan » dans diverses langues autochtones

  • Anishnaabeg : tiginaaganan
  • Oji-cri : tikinagan (aussi épelé tiginaagan, tikkanaagan ou tikanagan)
  • Kanien’kéha : kahrhon
  • Mitchif : tikinagan
  • Mi’kmaq : migjowajij alapilaqan
  • Ojibwé : dikinaagan
  • Cri des plaines (nêhiyawêwin) : askotaskopison

Autres ressources

    • Porte-bébés, un album Flickr de Bibliothèque et Archives Canada

Histoires cachées

À gauche, Tatânga Mânî [chef Walking Buffalo] [George McLean] monte à cheval et porte son costume traditionnel des Premières Nations. Au centre, Iggi et une fille échangent un « kunik », un baiser traditionnel dans la culture inuit. À droite, le guide métis Maxime Marion tient un fusil. À l’arrière-plan, il y a une carte du Haut et du Bas-Canada, ainsi qu’un texte de la collection Red River Settlement [colonie de la rivière Rouge].Ce blogue fait partie de notre programme De Nations à Nations : voix autochtones à Bibliothèque et Archives Canada.

De Nations à Nations : voix autochtones à Bibliothèque et Archives Canada est gratuit et peut être téléchargé sur Apple Books (format iBooks) ou sur le site Web de BAC (format EPUB). On peut aussi consulter une version en ligne au moyen d’un ordinateur, d’une tablette ou d’un navigateur Web mobile; aucun module d’extension n’est requis.

Par Ryan Courchene

Bibliothèque et Archives Canada (BAC) détient une collection d’archives et de documents publiés si vaste et incroyable que vous ne pourrez jamais la consulter dans sa totalité. Chaque jour, on peut trouver des perles cachées en consultant le site Web de BAC ou en visitant l’un des divers édifices abritant des fonds d’archives répartis partout au Canada.

Le bureau de Winnipeg, où je travaille, contient à lui seul près de 9 150 m (30 000 pi) linéaires d’archives. Lors d’un voyage professionnel à Ottawa en 2016, j’ai eu l’occasion d’observer le travail d’employés des Services de référence du 395, rue Wellington. Sur place, j’ai constaté trois meubles à compartiments près du comptoir d’accueil et j’ai demandé ce qu’ils contenaient.

Photo couleur, prise depuis un corridor, d’une salle de référence que l’on voit à travers une paroi et deux portes vitrées.

La salle de référence de BAC, à Ottawa, vue depuis le corridor. À gauche, on voit les tiroirs des meubles à compartiments contenant des fiches de recherche avec des copies de photographies. Source : Tom Thompson

Photo couleur de quatre étagères en métal dotées de huit tiroirs coulissants contenant des fiches et des exemplaires de photographies ainsi que des renseignements de référence connexes.

Tiroirs des meubles à compartiments se trouvant dans la salle de référence, organisés par vedettes-matières et lieux géographiques et contenant des fiches de recherche avec des copies de photographies conservées dans les collections de BAC, à Ottawa. Source : Tom Thompson

On m’a alors indiqué qu’ils renfermaient de petites fiches qui illustraient des images de la collection, copiées de microfilms et de microfiches. Intrigué, j’ai décidé de jeter un coup d’œil aux fiches pendant la pause du dîner. Je suis bien vite tombé sur la collection Birth of the West [la naissance de l’Ouest], un ensemble comprenant des centaines de remarquables photos de l’Ouest canadien, la majorité étant des images autochtones d’Ernest Brown. Petites et de mauvaise qualité, les photos de ces tiroirs n’étaient en fait que des copies de leurs versions originales. Tout chercheur vous dira que cela peut être à la fois frustrant et utile au moment d’effectuer une recherche sur place. De nombreuses photographies répertoriées dans les fiches catalographiques n’ont jamais été numérisées, comme c’est le cas pour cette image de l’orignal. Dans de telles situations, les fiches fournissent un accès immédiat aux images sans avoir à commander le matériel original entreposé ailleurs.

Les photos de cette prestigieuse collection ne sont pas seulement saisissantes sur le plan visuel, mais exceptionnelles pour la mine de renseignements à caractère historique qu’elles représentent sur le Canada et les peuples de Premières Nations de l’Ouest. Même si la collection compte des centaines d’images, l’une d’entre elles a réellement retenu mon attention. Chaque fois que je la regarde, elle raconte une histoire qui évolue sans cesse.

Photo couleur d’une fiche catalographique au ton crème. La partie gauche comprend de l’information dactylographiée en noir et organisée selon diverses catégories. Une copie d’une photo noir et blanc présentée sur le côté montre un orignal équipé d’un harnais fixé à un travois, l’animal se tenant devant un tipi.

Fiche catalographique d’une copie d’une photo d’un jeune orignal équipé d’un harnais fixé à un travois et qui se tient devant un tipi, lieu inconnu, vers 1870-1910. Source : Tom Thompson

Cette photo montre une petite maison qui pourrait appartenir à une famille de Métis ou de Premières Nations, des couvertures suspendues pour sécher, quelques arbustes nus, un chaudron de nourriture près d’un feu de camp, un beau tipi et, bien sûr, un jeune orignal domestiqué équipé d’un harnais fixé à un travois. Un élément n’a pas capté mon attention au premier coup d’œil, mais est sans doute le plus important de la photo : on voit une main agrippant la corde attachée à l’orignal. Mon grand-père me racontait comment il avait défriché sa propre terre pour la cultiver et y élever du bétail. Est-ce que c’est ce qui se passe sur la photo? Sinon, que nous raconte-t-elle? Chaque fois que je regarde cette photo, diverses possibilités s’offrent à moi et soulèvent toujours plus de questions.

Détail d’une photo noir et blanc montrant la main d’une personne tenant une corde.

Détail de la photo d’un jeune orignal équipé d’un harnais fixé à un travois et qui se tient devant un tipi, lieu inconnu, vers 1870-1910. Source : Tom Thompson

Après avoir vu la photo de ce jeune orignal, j’en voulais un exemplaire. Comme je travaillais à rebours, il me fallait trouver l’image dans la collection pour savoir si elle avait déjà été numérisée, et dans le cas contraire, vérifier si l’obtention d’un exemplaire faisait l’objet de restrictions. Malheureusement pour moi, la photo n’était pas numérisée et j’ai préféré ne pas insister pour en obtenir un exemplaire.

Finalement, en 2019, il est venu à mon attention que l’on procédait à la numérisation de la collection d’Ernest Brown dans le cadre de l’initiative Nous sommes là : Voici nos histoires. La photo de l’orignal est l’une des 126 images de l’album intitulé Birth of the West [la naissance de l’Ouest]. Datant de la période 1870-1910, l’album comprend des photos prises dans les Territoires du Nord-Ouest (aujourd’hui le Manitoba, la Saskatchewan, l’Alberta et le Nunavut) et la Colombie-Britannique. En plus de numériser et de décrire entièrement cet album, l’équipe de l’initiative Nous sommes là : Voici nos histoires a numérisé plus de 450 000 images, y compris des enregistrements photographiques, des documents textuels et des cartes, dans le but de fournir un accès en ligne gratuit aux sources primaires. Aucun déplacement requis!

En octobre 2019, j’ai finalement pu commander un exemplaire. Je me réjouis de savoir que je possède le premier exemplaire imprimé de cette splendide photo numérisée. Aujourd’hui, elle est accrochée à l’un des murs de mon bureau.

Photo noir et blanc entourée d’une large bordure blanche et présentée sur une page gris foncé d’un album. La photo illustre un orignal équipé d’un harnais fixé à un travois, l’animal se tenant devant un tipi.

Jeune orignal équipé d’un harnais fixé à un travois, lieu inconnu, vers 1870-1910. Cette photo apparaît à la page 28 de l’album Birth of the West [la naissance de l’Ouest]. (e011303100-028)


Ryan Courchene est archvisite à la Direction des initiatives autochtones à Bibliothèque et Archives Canada.

Explorer l’histoire des peuples autochtones dans un livrel multilingue – Partie 2

À gauche, Tatânga Mânî [chef Walking Buffalo] [George McLean] monte à cheval et porte son costume traditionnel des Premières Nations. Au centre, Iggi et une fille échangent un « kunik », un baiser traditionnel dans la culture inuit. À droite, le guide métis Maxime Marion tient un fusil. À l’arrière-plan, il y a une carte du Haut et du Bas-Canada, ainsi qu’un texte de la collection Red River Settlement [colonie de la rivière Rouge].

Bibliothèque et Archives Canada (BAC) a lancé De Nations à Nations : voix autochtones à Bibliothèque et Archives Canada pour coïncider avec la première Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, le 30 septembre 2021. Les essais contenus dans la première édition de ce livre électronique interactif et multilingue présentent une large sélection de documents d’archives et de publications, comme des revues, des cartes, des journaux, des œuvres d’art, des photographies, des enregistrements sonores et cinématographiques, ainsi que des publications. Les biographies des auteurs sont également incluses. Bon nombre de ces derniers ont enregistré des salutations audio personnalisées sur la page de leur biographie, dont certaines dans leur langue ancestrale. Les essais sont variés et, dans certains cas, très personnels. Les histoires que racontent les auteurs remettent en question le récit dominant. Nous avons inclus, outre les biographies, des notices biographiques des traducteurs en reconnaissance de leur expertise et de leurs contributions.

Le livrel De Nations à Nations a été créé dans le cadre de deux initiatives autochtones à BAC : Nous sommes là : Voici nos histoires et Écoutez pour entendre nos voix. Les essais ont été rédigés par Heather Campbell (Inuk), Anna Heffernan (Nishnaabe), Karyne Holmes (Anishinaabekwe), Elizabeth Kawenaa Montour (Kanien’kehá:ka), William Benoit (Nation Métisse) et Jennelle Doyle (Inuk) du bureau de BAC de la région de la capitale nationale. Ryan Courchene (Métis-Anichinabe), du bureau régional de BAC à Winnipeg, ainsi que Delia Chartrand (Nation Métisse), Angela Code (Dénée) et Samara mîkiwin Harp (nêhiyawak), archivistes de l’initiative Écoutez pour entendre nos voix, se sont joints à eux.

Cette édition comprend les langues ou dialectes autochtones suivants : anishinaabemowin, anishinabemowin, denesųłiné, kanien’kéha, mi’kmaq, nêhiyawêwin et nishnaabemowin. Les essais relatifs au patrimoine inuit sont présentés en inuttut et en inuktitut. En outre, le contenu du patrimoine inuit est présenté en inuktut qaliujaaqpait (orthographe romaine) et en inuktut qaniujaaqpait (syllabique inuktitut). Le livrel présente des enregistrements audio en mitchif patrimonial d’images sélectionnées dans des essais relatifs à la Nation Métisse.

Préparer un tel type de publication est une entreprise complexe en raison de défis techniques et linguistiques qui font appel à la créativité et à la flexibilité. Les avantages d’un contenu dirigé par des Autochtones l’emportent cependant sur toutes les complications. Avec l’espace et le temps dont ils ont bénéficié, les auteurs ont récupéré des documents pertinents pour leurs histoires et offert de nouvelles perspectives grâce à leurs interprétations. Les traducteurs ont donné un sens nouveau aux documents, en décrivant la plupart d’entre eux, sinon tous, pour la première fois dans les langues des Premières Nations, l’inuktut et le mitchif.

L’archiviste Anna Heffernan décrit ainsi l’expérience vécue lors de la recherche et de la rédaction de son essai concernant la tradition manoominikewin (récolte du riz sauvage) des Michi Saagiig Nishnaabeg (Ojibwas de Mississauga) : « J’espère que les gens de Hiawatha, de Curve Lake et des autres collectivités Michi Saagiig seront heureux et fiers de voir leurs ancêtres sur ces photos, et de les voir représentés en tant que Michi Saagiig, pas seulement en tant qu’ »Indiens ». »

Une page du livre électronique contenant trois images noir et blanc de personnes et montrant les différentes étapes de la récolte du riz sauvage.

Page tirée de l’essai d’Anna Heffernan, « Manoominikewin : la récolte du riz sauvage, tradition des Nishnaabeg », traduit en nishnaabemowin par Maanii Taylor. Image de gauche : homme des Michi Saagiig Nishnaabeg piétinant le manoomin, Pimadashkodeyong (lac Rice), Ontario, 1921 (e011303090). En haut à droite : femme des Michi Saagiig Nishnaabeg vannant du manoomin, Pimadashkodeyong (lac Rice), Ontario, 1921 (e011303089). En bas à droite : extraits de films muets montrant des hommes et des femmes ojibwas d’une collectivité non identifiée récoltant du manoomin, Manitoba, 1920-1929 (MIKAN 192664).

En réfléchissant à son expérience, l’archiviste Heather Campbell décrit ainsi l’incidence positive du processus :

« Lorsque l’on écrit sur nos collectivités, c’est rarement du point de vue d’une personne qui en fait partie. C’est un honneur d’avoir été invitée à écrire sur la culture inuit pour le livre électronique. J’ai pu choisir le thème de mon article, et on m’a fait confiance pour effectuer les recherches appropriées. En tant que personne originaire du Nunatsiavut, il était très important pour moi d’avoir la possibilité d’écrire sur ma propre région, en sachant que d’autres Nunatsiavummiut y trouveraient leur écho. »

Une page du livre électronique qui montre les pages d’un livre d’images, avec du texte écrit en inuktut qaliujaaqpait et en français.

Page tirée de l’essai de Heather Campbell, « Publications en inuktut », traduit en inuktut qaliujaaqpait par Eileen Kilabuk-Weber. On y voit des pages sélectionnées du livre Angutiup ânguanga / Anguti’s Amulet, 2010, écrit par le Central Coast of Labrador Archaeology Partnership, illustré par Cynthia Colosimo et traduit par Sophie Tuglavina (OCLC 651119106).

William Benoit, conseiller autochtone interne à BAC, a rédigé un certain nombre d’essais plus courts sur la langue et le patrimoine de la Nation Métisse. Chacun de ses textes peut être lu séparément; toutefois, collectivement, ils donnent un aperçu de divers aspects de la culture métisse. Il affirme ce qui suit : « Bien que la Nation Métisse soit le plus grand groupe autochtone au Canada, nous sommes incompris ou mal représentés dans le récit national général. Je suis reconnaissant d’avoir la possibilité de raconter quelques histoires sur mon héritage. »

Une page du livre électronique avec, à gauche, un texte en français, et à droite, une lithographie d’un paysage enneigé avec un homme assis dans une carriole (traîneau) tirée par trois chiens portant des manteaux colorés. À gauche, un homme vêtu d’une couverture et chaussé de raquettes marche devant les chiens. Un homme tenant un fouet et portant des vêtements typiques de la culture métisse (long manteau bleu, jambières rouges et chapeau décoré) marche à la droite du traîneau.

Page tirée de l’essai de William Benoit, « Carrioles et tuppies métis », avec un enregistrement audio en mitchif par Verna De Montigny, aînée métisse. Image représentant le gouverneur de la Compagnie de la Baie d’Hudson voyageant en carriole à chiens, avec un guide des Premières Nations et un meneur de chiens de la Nation Métisse, Rivière Rouge, 1825 (c001940k).

La création du livrel De Nations à Nations a été une entreprise importante et une expérience d’apprentissage positive. Ayant nécessité deux ans et demi d’élaboration, le livrel est véritablement le fruit d’un travail collectif qui a fait appel à l’expertise et à la collaboration d’auteurs des Premières Nations, des Inuit et de la Nation Métisse, des traducteurs en langues autochtones et des conseillers autochtones.

Je suis reconnaissante d’avoir eu l’occasion de collaborer avec tant de personnes formidables et dévouées. Un grand merci aux membres du Cercle consultatif autochtone, qui ont offert leurs connaissances et leurs conseils tout au long de la préparation de cette publication.

Dans le cadre du travail continu visant à soutenir les initiatives autochtones à BAC, nous présenterons les essais du livrel De Nations à Nations sous forme de billets de blogue. Nous sommes heureux d’amorcer cette série avec l’essai de Ryan Courchene, « Histoires cachées ».

De Nations à Nations : voix autochtones à Bibliothèque et Archives Canada est gratuit et peut être téléchargé sur Apple Books (format iBooks) ou sur le site Web de BAC (format EPUB). On peut aussi consulter une version en ligne au moyen d’un ordinateur, d’une tablette ou d’un navigateur Web mobile; aucun module d’extension n’est requis.


Beth Greenhorn est gestionnaire principale de projet à la Division des expositions et du contenu en ligne, à Bibliothèque et Archives Canada.

Tom Thompson est spécialiste en production multimédia à la Division des expositions et du contenu en ligne, à Bibliothèque et Archives Canada.

Explorer l’histoire des peuples autochtones dans un livrel multilingue – Partie 1

À gauche, Tatânga Mânî [chef Walking Buffalo] [George McLean] monte à cheval et porte son costume traditionnel des Premières Nations. Au centre, Iggi et une fille échangent un « kunik », un baiser traditionnel dans la culture inuit. À droite, le guide métis Maxime Marion tient un fusil. À l’arrière-plan, il y a une carte du Haut et du Bas-Canada, ainsi qu’un texte de la collection Red River Settlement [colonie de la rivière Rouge].Beth Greenhorn, en collaboration avec Tom Thompson

Bibliothèque et Archives Canada (BAC) a récemment publié le livre électronique interactif et multilingue De Nations à Nations : voix autochtones à Bibliothèque et Archives Canada. Ce livrel est le fruit de deux initiatives touchant le patrimoine documentaire autochtone, Nous sommes là : Voici nos histoires et Écoutez pour entendre nos voix. Il contient des essais rédigés par des collègues à BAC faisant partie des Premières Nations, des Inuit et de la Nation Métisse. Le processus de création de cette publication a été bien différent de tout ce que BAC a réalisé auparavant.

Au début, l’équipe du projet ne comptait que deux personnes : Tom Thompson, un spécialiste de la production multimédia, et moi-même. On m’avait demandé de coordonner un livre électronique (livrel) portant sur les documents autochtones conservés à BAC. Nous avions déterminé qu’il s’agissait d’un excellent moyen de présenter le contenu nouvellement numérisé et de la meilleure plateforme pour incorporer du matériel interactif, comme des documents audiovisuels. Un livrel offrait également la possibilité de présenter les langues et les dialectes autochtones.

Les travaux commencent peu de temps après que les Nations Unies déclarent 2019 Année internationale des langues autochtones. C’est dans cet esprit que nous amorçons alors des consultations auprès de nos collègues autochtones; les discussions sont aussitôt encourageantes.

À ce moment, notre intention de départ est de présenter du contenu d’archives et d’autres documents historiques créés par des Autochtones dans leurs langues ancestrales et conservés à BAC. Après plusieurs mois de recherches infructueuses, nous constatons qu’à l’exception d’un petit nombre de documents, il existe peu de contenu écrit dans les langues des Premières Nations ou en inuktut, la langue des Inuit. En ce qui concerne le mitchif, la langue de la Nation Métisse, il n’y a aucun document connu dans la collection préservée à BAC.

Compte tenu de cette réalité, l’équipe chargée du livrel doit alors adopter une nouvelle stratégie pour créer une publication qui appuie les langues autochtones, bien que les documents publiés et archivés aient été créés en grande partie par la société colonisatrice. Après plusieurs séances de remue-méninges, la réponse devient claire et s’avère étonnamment simple. Au lieu de mettre l’accent sur les documents historiques écrits en langue autochtone, les auteurs doivent d’abord choisir des éléments de la collection qu’ils trouvent significatifs, peu importe le média, puis en discuter dans leurs essais. L’étape suivante est de traduire chaque essai dans la langue autochtone représentée par les personnes décrites dans chaque section. Le contenu traduit dans une langue autochtone doit être présenté comme le texte principal, tandis que les versions française et anglaise deviennent secondaires.

Choisi par les auteurs, le titre De Nations à Nations : voix autochtones à Bibliothèque et Archives Canada souligne le caractère distinct de chaque nation et la diversité des voix. En plaçant la voix des auteurs au premier plan, les histoires offrent une compréhension plus riche du monde grâce à la prise en compte des connaissances et des perspectives autochtones.

Puisque de nombreuses collectivités autochtones ne disposent que d’une connectivité Internet limitée, l’équipe de projet prend soin d’intégrer dans le livrel un contenu dynamique, chaque fois que cela est possible. Il s’agit notamment d’images en haute résolution, d’épisodes de baladodiffusion, de clips audio et de séquences de films. Une connexion Internet demeure nécessaire pour télécharger le livrel et accéder à certains contenus, dont les enregistrements de la base de données, les billets de blogue et les liens externes.

Une carte de l’Amérique du Nord avec des symboles placés d’un bout à l’autre du Canada.

Carte montrant l’Amérique du Nord avant l’arrivée des Européens, sans frontières géopolitiques. Les icônes font référence aux biographies et aux essais des auteurs du livrel. Image : Eric Mineault, BAC

À la suite d’une recommandation du Cercle consultatif autochtone à BAC, l’équipe de projet engage des experts en langues autochtones et des gardiens du savoir pour traduire les essais et les textes connexes dans le livrel. De toutes les tâches liées à la création de ce livre électronique, la recherche de traducteurs qualifiés restera l’une des plus difficiles, certes, mais aussi l’une des plus gratifiantes. Beaucoup de ces langues sont en péril; dans certains cas, elles sont même sur le point de disparaître. Alors que le travail de revitalisation de la langue commence dans de nombreuses collectivités pour créer des lexiques et des dictionnaires normalisés, on se rend vite compte que de nombreux mots en anglais sont sans équivalent dans les langues autochtones. Très souvent, les traducteurs doivent consulter les aînés de leur collectivité pour confirmer la terminologie et trouver un mot ou une expression transmettant le même sens, le même message.

En créant le livrel, BAC adopte un important changement de paradigme, soit celui de présenter la langue autochtone en tant que contenu principal, et de proposer le français et l’anglais comme textes secondaires. Pour souligner ce changement, les auteurs intègrent dans leurs essais des mots dans leurs langues ancestrales pour dépeindre les lieux, donner des noms propres et fournir des descriptions. La première occurrence d’un de ces mots s’accompagne de traductions en français ou en anglais entre parenthèses. Par la suite, seuls les mots autochtones sont utilisés pour toute référence ultérieure.

De Nations à Nations : voix autochtones à Bibliothèque et Archives Canada est gratuit et peut être téléchargé sur Apple Books (format iBooks) ou sur le site Web de BAC (format EPUB). On peut aussi consulter une version en ligne au moyen d’un ordinateur, d’une tablette ou d’un navigateur Web mobile; aucun module d’extension n’est requis.


Beth Greenhorn est gestionnaire principale de projet à la Division des expositions et du contenu en ligne, à Bibliothèque et Archives Canada.

Tom Thompson est spécialiste en production multimédia à la Division des expositions et du contenu en ligne, à Bibliothèque et Archives Canada.

Cinq mythes sur les armoiries du Canada

Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certains pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde — terminologie historique.

Par Forrest Pass

Le 21 novembre 2021 marque le centenaire des armoiries du Canada. Emblème officiel du gouvernement fédéral, elles figurent sur les passeports, les billets de banque, les insignes militaires et les bâtiments publics canadiens. Certains éléments des armoiries ont influencé la conception d’autres emblèmes, dont le drapeau national adopté en 1964.

Peinture en couleur représentant des armoiries. L’écu au centre est divisé en cinq sections. La première a un fond rouge et trois lions dorés. La deuxième a un fonds doré avec un lion rouge dessiné dans un cadre rouge orné de fleurs de lys. La troisième est de couleur bleu pâle avec une harpe dorée. La quatrième, de couleur bleu royal, comporte trois fleurs de lys dorées. La cinquième, en bas, est de couleur argent et représente une branche à trois feuilles d’érable vertes. Au-dessus de l’écu se trouve un cimier composé d’un lion doré couronné, tenant une feuille d’érable rouge dans sa patte droite. Le lion se tient sur une couronne torsadée de soie rouge et blanc, au-dessus d’un heaume royal de couleur or. La devise « A mari usque ad mare » est inscrite sur un listel bleu placé sous l’écu. Le listel repose sur des roses, des chardons, des trèfles et des lys. L’écu est soutenu par un lion et une licorne. Le lion tient une lance à laquelle est attaché un drapeau britannique. La licorne tient une lance à laquelle est attaché un drapeau bleu chargé de trois fleurs de lys dorées, la bannière de la France prérévolutionnaire.

Le dessin final des armoiries du Canada, 1921. Illustration d’Alexander Scott Carter. (e008319450) Les signatures des membres du comité, dont celle de l’archiviste fédéral Arthur Doughty, apparaissent dans le coin inférieur droit.

Bibliothèque et Archives Canada conserve les documents du comité qui a conçu les armoiries. Ce comité, créé par le cabinet fédéral en 1919, comprenait notamment l’archiviste fédéral Arthur Doughty.

Contrairement au débat sur le drapeau qui s’est déroulé environ 40 ans plus tard, la question des armoiries n’a donné lieu à aucun débat parlementaire ou discussion publique de grande ampleur. Par conséquent, peu de Canadiens connaissent bien les délibérations qui ont mené à l’adoption des armoiries. Des mythes populaires sur l’histoire et la signification de l’emblème ont comblé ce vide. Voici cinq idées fausses, démenties par des sources primaires.

Mythe no 1 : Les trois feuilles d’érable sur une seule tige représentent le multiculturalisme canadien.

Les trois feuilles d’érable présentes sur l’écu sont la caractéristique canadienne par excellence sur les armoiries. Depuis les années 1960, certains suggèrent que cette disposition des feuilles représente l’unité des Canadiens de différentes origines. Par exemple, dans sa ballade Three Red Leaves, composée pendant le grand débat sur le drapeau de 1964, la chanteuse country et western Diane Leigh chante un éloge que l’on pourrait traduire ainsi :

Trois feuilles rouges jointes ensemble
Liant trois nationalités dans l’unité
Anglais, Français et nouveaux Canadiens
Vivant dans cette terre d’opportunités

Jusqu’à tout récemment, quelques publications officielles affirmaient elles aussi que les feuilles symbolisent les Canadiens de toutes origines, y compris les Premières Nations, les Inuit et la Nation Métisse, qui ne sont nullement mentionnés par Mme Leigh.

La signification d’un emblème évolue avec le pays qu’il représente. Si « l’unité dans la diversité » a la cote aujourd’hui, rien ne prouve que le comité a voulu représenter cet idéal canadien. En réalité, la tige à trois feuilles d’érable devient un emblème populaire bien avant 1921. Elle apparaît pour la première fois sur une affiche de la Saint-Jean-Baptiste en 1850. Elle figure également sur les armoiries provinciales du Québec et de l’Ontario, conçues par les hérauts du Collège d’armes à Londres, en 1868. À cette époque, comme en 1921, les trois feuilles sont probablement choisies pour des raisons esthétiques plutôt que symboliques : trois feuilles remplissent mieux qu’une la base triangulaire d’un écu héraldique.

Une page dactylographiée comportant une tige à trois feuilles d’érable. Plusieurs éléments d’un défilé, dans une variété de polices de caractères, sont énumérés sous le titre « Association Saint-Jean-Baptiste » : Drapeau britannique; Les pompiers canadiens; La Société mercantile d’économie; La Société de tempérance; et Bannière du commerce.

Affiche annonçant la procession annuelle de l’Association Saint Jean-Baptiste, Montréal, 24 juin 1850. (OCLC 1007829742) Il s’agit peut-être de la plus ancienne utilisation de trois feuilles d’érable sur une seule tige.

Mythe no 2 : Le roi George V a choisi le rouge et le blanc comme couleurs nationales du Canada.

Dans les années 1940, le colonel Archer Fortescue Duguid, historien militaire passionné d’héraldique, affirme que le roi George V a choisi le rouge et le blanc comme couleurs nationales du Canada parce que ce sont les couleurs de la torque et du lambrequin (le tissu flottant autour du heaume) sur les armoiries du Canada. Par conséquent, soutient M. Duguid, le futur drapeau canadien doit également être rouge et blanc.

L’idée selon laquelle le dessin des armoiries serait à l’origine des couleurs nationales du Canada apparaît pour la première fois en 1918. Selon le sous-ministre de la Défense Eugène Fiset, le rouge évoque la Grande-Bretagne, le sacrifice militaire et la splendeur de l’automne, tandis que le blanc représente les froids hivers canadiens. Le premier dessin proposé par le comité des armoiries comprend les feuilles d’érable rouges sur fond blanc proposées par M. Fiset, ainsi qu’une torque rouge et blanc au sommet de l’écu.

Peinture en couleur représentant des armoiries. L’écu au centre est divisé en cinq sections. La première est blanche et ornée d’une tige à trois feuilles d’érable rouges. La deuxième est rouge avec trois lions dorés. La troisième, de couleur or, comprend un lion rouge dans un cadre rouge orné de fleurs de lys. La quatrième est bleue avec une harpe dorée. La cinquième, bleue elle aussi, comporte trois fleurs de lys dorées. L’écu est surmonté d’un cimier composé d’un lion couronné de couleur or tenant une feuille d’érable dans sa patte droite et se tenant sur un carré d’herbe verte, le tout reposant sur une couronne torsadée de soie rouge et blanc. Sous l’écu, la devise « A mari usque ad mare » est inscrite sur un listel gris. L’écu est soutenu par un lion et une licorne.

La première proposition du comité, illustrée par Alexander Scott Carter, 1920. (e011313790) Dans la version finale, les feuilles d’érable rouges sont devenues vertes, mais la torque est restée rouge et blanche, tout comme le lambrequin ajouté plus tard.

Cette proposition ne fait pas l’unanimité. Sir Joseph Pope, sous-secrétaire d’État aux affaires extérieures, préférerait que les feuilles d’érable soient vertes plutôt que rouges, cette dernière couleur évoquant pour lui la mort et la pourriture. C’est finalement sir Pope qui aura gain de cause, mais le lambrequin rouge et blanc est resté, probablement par accident.

Personne, à commencer par le roi, ne se soucie des lambrequins en 1921. Lorsqu’un citoyen fait valoir en 1922 que ceux-ci devraient être rouge et or — les couleurs principales de l’écu — les membres du comité répondent avec indifférence qu’il est trop tard pour faire des changements. Les couleurs nationales ne sont mentionnées, ni dans la proclamation royale, ni dans la brochure officielle publiée en 1922 pour expliquer le symbolisme des armoiries.

En 1946, au cours d’audiences parlementaires sur un nouveau drapeau canadien, la thèse de M. Duguid est contestée par un passionné d’héraldique, Hugh Savage : c’est généralement le drapeau, et non les armoiries, qui détermine les couleurs nationales d’un pays. Pourtant, la théorie de M. Duguid convainc de nombreuses personnes et contribue au choix du rouge et du blanc pour le drapeau canadien en 1964.

Mythe no 3 : La licorne enchaînée commémore la conquête britannique de la Nouvelle-France.

Le lion et la licorne qui soutiennent l’écu sont empruntés aux armoiries royales du Royaume-Uni, ce qui montre les loyautés impériales du comité. À l’époque, la licorne représente l’Écosse. Sa chaîne rappelle peut-être les légendes médiévales sur la difficulté de dompter cet animal mythique.

Comme la licorne enchaînée des armoiries canadiennes tient une bannière royale française, certains y ont vu un symbole de la domination britannique sur le Canada français. Or, rien ne prouve que le comité ait voulu, ou même envisagé, cette interprétation.

Il est cependant vrai que les trois fleurs de lys dorées mises sur l’écu par les membres du comité soulèvent des inquiétudes parmi les conseillers héraldiques du roi. Le Collège d’armes craint en effet que les fleurs de lys, destinées à honorer les Canadiens français, laissent croire que le Canada revendique la souveraineté sur la France! Le commissaire général du Canada à Paris consulte discrètement des responsables français pour s’assurer que le dessin ne déclenchera pas de tensions diplomatiques.

Peinture en couleur représentant des armoiries. L’écu au centre est divisé en sept sections. La première et la quatrième sont rouges et comprennent trois lions dorés. La deuxième est de couleur or, avec un lion rouge dans un cadre rouge orné de fleurs de lys. La troisième est bleue et renferme une harpe dorée. Les cinquième et septième sections sont blanches et comportent chacune une seule feuille d’érable verte. La sixième est bleue avec trois fleurs de lys dorées. Au-dessus de l’écu se trouve un cimier composé d’un lion couronné de couleur or, tenant une feuille d’érable rouge dans sa patte droite. Le lion se tient sur une torque torsadée de soie rouge et blanc. Sous l’écu, la devise « A mari usque ad mare » est inscrite sur un listel bleu. L’écu est soutenu par un lion et une licorne. Le lion tient une lance à laquelle est attaché un drapeau britannique. La licorne tient une lance à laquelle est attaché un drapeau bleu chargé de trois fleurs de lys dorées, la bannière de la France prérévolutionnaire.

Contre-proposition du Collège d’armes, Londres, septembre 1921. (e011313801) Le Collège d’armes a suggéré de déplacer les fleurs de lys pour éviter de laisser entendre que le Canada règne sur la France. Les Canadiens ont rejeté cette idée.

Mythe no 4 : Le comité qui a conçu les armoiries n’a pas songé à inclure des symboles autochtones.

Les symboles de deux puissances colonisatrices, la Grande-Bretagne et la France, dominent les armoiries du Canada. Celles-ci ne comportent aucune référence aux peuples autochtones. Pourtant, sur l’une des propositions, des figures des Premières Nations soutiennent l’écu. Ce dessin a été soumis par Edward Marion Chadwick, un avocat de Toronto qui s’intéresse à la fois à l’héraldique et aux cultures des Premières Nations.

Dessin noir et blanc représentant des armoiries. L’écu central présente un lion entouré de deux feuilles d’érable, en haut, et d’une fleur de lys, en bas. Au sommet de l’écu se trouve un cimier composé d’un orignal, le sabot droit levé, debout sur une torque torsadée et des lambrequins en tissu. Le cimier repose sur un heaume d’écuyer marqué d’une croix. Sous l’écu, un listel dit « Dieu Protege Le Roy ». Deux hommes des Premières Nations soutiennent l’écu. Ils portent des coiffes à plumes et des vêtements en peau de daim à franges. Celui de gauche tient un tomahawk, et celui de droite, un calumet, c’est-à-dire une pipe de cérémonie.

Proposition d’armoiries canadiennes soumise par Edward Marion Chadwick, 1917. (e011313794) Les figures qui soutiennent l’écu dans la version de M. Chadwick représentent les Premières Nations de l’est et de l’ouest du Canada.

Ce n’est pas la première fois que des personnages et emblèmes autochtones figurent dans l’héraldique coloniale. Sur les armoiries séculaires de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador, des membres des Premières Nations soutiennent l’écu. Le sceau du Haut-Canada, avant la Confédération, comprend un calumet (une pipe de cérémonie) commémorant les traités et les alliances.

Cependant, selon sir Joseph Pope, qui s’exprime souvent au nom du comité des armoiries, les peuples autochtones constituent une partie négligeable du passé. « Pour ma part, je ne vois pas du tout la nécessité de commémorer les Indiens », écrit sir Pope en rejetant la proposition de M. Chadwick. Cette réponse raciste reflète l’opinion de nombreux Canadiens blancs de l’époque.

Aujourd’hui, rares sont les personnes qui approuveraient la proposition de M. Chadwick, mais pour des raisons très différentes. À son crédit, M. Chadwick s’est efforcé de représenter les vêtements et les insignes avec précision. Par contre, à notre époque, sa proposition serait perçue comme un stéréotype et une appropriation culturelle. Les Autochtones qui soutiennent l’écu sont de « nobles sauvages » donnant une idée romancée de l’apparence d’un membre des Premières Nations.

De plus, ces figures représentent des régions du pays; elles ne constituent pas une inclusion significative des peuples autochtones, qui n’ont d’ailleurs pas été consultés. De nos jours, de nombreux Autochtones s’opposent à juste titre à la manière dont ils apparaissent dans l’héraldique. En conséquence, le gouvernement provincial de Terre-Neuve-et-Labrador, par exemple, est en train de revoir ses armoiries dessinées en 1635. Le Canada ferait sans doute de même si la conception de M. Chadwick avait prévalu.

Mythe no 5 : Les armoiries du Canada ne peuvent être modifiées.

Le gouvernement canadien pourrait-il changer les armoiries du pays pour les rendre plus représentatives d’un pays diversifié? Les armoiries sont des symboles qui nous rattachent au passé, mais même les emblèmes très anciens peuvent évoluer.

Par exemple, les armoiries royales du Royaume-Uni, qui ont servi de modèle aux armoiries du Canada, ont été modifiées une demi-douzaine de fois depuis l’union des couronnes anglaise et écossaise, en 1603. Le dernier changement remonte à 1837.

Depuis 1921, des artistes ont réinterprété les armoiries officielles du Canada à deux reprises, en 1957 et en 1994, dans le but de moderniser leur apparence sans en modifier les éléments essentiels.

Si le gouvernement du Canada souhaite modifier ses armoiries un jour, il aura besoin de la collaboration de l’Autorité héraldique du Canada, la division du Bureau du secrétaire du gouverneur général chargée de concéder et d’enregistrer les armoiries au Canada. Il ne sera pas nécessaire de consulter les autorités héraldiques britanniques, mais la reine (ou le roi) devra approuver le projet final.

Un processus lancé à notre époque, que ce soit dans le but de modifier les armoiries actuelles ou d’en concevoir de nouvelles, serait sans aucun doute plus participatif — et transparent — que celui du siècle dernier.


Forrest Pass est conservateur au sein de l’équipe des expositions de Bibliothèque et Archives Canada.

Les calculs créatifs d’un gouverneur de colonie

English version

Par Forrest Pass

Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique qui pourraient être considérés comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde – terminologie historique.

Le 20 juillet 2021 marque le 150e anniversaire de la province de la Colombie-Britannique. Cette photo de Victoria raconte involontairement une histoire souvent oubliée, survenue la veille de l’entrée de la province dans la Confédération. À l’arrière-plan, de l’autre côté de l’arrière-port, on aperçoit la capitale située à la frontière coloniale, avec les vieux bâtiments gouvernementaux, surnommés les « Cages d’oiseaux », à droite, et les entrepôts et les quais du district commercial, à gauche.

Photo noir et blanc de villages situés de chaque côté d’un port. Un grand navire vogue sur l’eau. Des forêts se trouvent derrière chaque village.

Le port de Victoria vers 1870, par Frederick Dally. (c023418)

Au premier plan, la vue est bien différente. Les bâtiments appartiennent au village lək̓ʷəŋən (Lekwungen) de p’álәc’әs (Songhees Point). Le peuple lək̓ʷəŋən habitait depuis des temps immémoriaux à l’endroit où se trouve actuellement le Grand Victoria. Peut-être sans le savoir, le photographe Frederick Dally a capturé une réalité importante : en 1871, la « Colombie-Britannique » est composée de multiples communautés des Premières Nations et de la Nation métisse. La colonie européenne est encore très petite.

Ce fait aura des conséquences imprévues sur l’entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération. Des documents de la collection de Bibliothèque et Archives Canada révèlent que les négociateurs de la province ont essayé d’utiliser la grande population autochtone de la colonie à leur avantage, tout en la dépouillant de ses territoires traditionnels et de ses ressources.

L’île de Vancouver devient une colonie britannique en 1849. Neuf ans plus tard, la découverte d’or dans le fleuve Fraser attire 30 000 prospecteurs dans les terres continentales des environs. Une deuxième colonie, la Colombie-Britannique, est alors créée.

La ruée vers l’or se termine à la fin des années 1860. Pour réaliser des économies, les colonies de l’île et des terres continentales s’unissent en 1866. La population de colons de la Colombie-Britannique unie chute à environ 10 000 personnes. Le gouvernement, qui a dépensé une fortune pour créer des voies d’accès et financer d’autres projets de construction, est au bord de la faillite. Le gouvernement canadien profite de l’occasion pour recommander la nomination de sir Anthony Musgrave au poste de gouverneur de la Colombie-Britannique en 1869. Musgrave a été gouverneur de Terre-Neuve et, même s’il n’a pas réussi à unir cette colonie avec le Canada, son engagement envers la Confédération est reconnu.

Aquarelle montrant deux arbres devant une étendue d’eau, avec une montagne à l’arrière-plan.

La vue à partir de Morning House, résidence du gouvernement à Victoria. Aquarelle de Frances Musgrave, vers 1870. Le frère de Frances, le gouverneur sir Anthony Musgrave, a peut-être profité d’une telle vue lorsqu’il rédigeait ses dépêches proposant l’entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération. (c028380k)

À son arrivée à Victoria, Musgrave écrit au secrétaire britannique aux colonies pour discuter de la possibilité d’entrer dans la Confédération. Les coûts représentent un obstacle important, car gouverner un territoire si grand, où les colons européens sont si peu nombreux, coûte cher. La subvention fédérale annuelle octroyée à chaque province, qui s’élève à 80 cents par résident, serait assez négligeable pour la Colombie-Britannique.

Deux pages d’une lettre écrite à l’encre noire.Deux pages d’une lettre écrite à l’encre noire.

Lettre de sir Anthony Musgrave à lord Granville, secrétaire aux colonies, décrivant les obstacles liés à l’entrée dans la Confédération, 30 octobre 1869. « L’administration gouvernementale est forcément coûteuse en raison du coût de la vie, qui est au moins deux fois plus élevé qu’au Canada. » (RG7 G21 Vol 8 File 25a Pt 1, Heritage)

La subvention serait donc plus substantielle si Musgrave parvenait à envoyer une estimation plus élevée de la population. Pour y arriver, il a recours à des calculs plutôt créatifs. Musgrave révèle son idée dans une lettre de 1870 au gouverneur général du Canada, sir John Young (qui deviendra lord Lisgar). La Colombie-Britannique dépend fortement des marchandises importées. Musgrave divise donc les recettes douanières annuelles de la colonie (environ 350 000 $, ou 7,2 millions de dollars aujourd’hui) par les recettes douanières par habitant des provinces de l’Est (2,75 $, ou 56,51 $ aujourd’hui). Grâce à ce calcul, la Colombie-Britannique arrive à un total de 120 000 habitants plutôt que 10 000 pour établir la subvention annuelle et sa représentation au Parlement du Canada.

Pour appuyer son argument, Musgrave mentionne la population autochtone. Après tout, les Premières Nations de la Colombie-Britannique sont des « consommateurs » et paient des droits de douane au même titre que les colons. L’inclusion des Autochtones permet d’atteindre une population réelle qui s’approche du résultat obtenu grâce au calcul créatif de Musgrave.

Étonnamment, les négociateurs du Canada donnent leur accord de principe, même si l’ébauche du document établissant les conditions d’adhésion réduit l’estimation démographique à 60 000 âmes. Néanmoins, lorsque le Parlement du Canada débat l’accord de la Colombie-Britannique en mars 1871, l’opposition se plaint vivement : en incluant les Premières Nations, les conditions ne respectent pas le principe de représentation par population. « On n’a jamais encore permis aux Indiens d’être représentés dans notre système », déclare le chef du Parti libéral Alexander Mackenzie. Dans la même veine, David Mills, un député de l’Ontario, soutient que les peuples autochtones « ne participent pas à l’union sociale et ils ne peuvent pas être sur le même pied que les Blancs ».

Pourtant, Musgrave n’affirme d’aucune façon que les Premières Nations sont égales aux colons. Par exemple, il ne croit pas que les Autochtones devraient avoir le droit de voter ou de profiter de la subvention annuelle. En ce sens, sa formule est semblable à la tristement célèbre disposition de la constitution des États-Unis, qui compte chaque esclave comme trois cinquièmes de personne lors du calcul de la représentation d’un État au Congrès. Tout comme le compromis des « trois cinquièmes », qui utilise les esclaves pour accroître l’influence politique des maîtres, la formule de Musgrave permet de renforcer le poids de la Colombie-Britannique au sein du pays, sans reconnaître les droits et la souveraineté de la majorité autochtone.

Malgré les objections de l’opposition, la Colombie-Britannique devient la sixième province du Canada le 20 juillet 1871. La correspondance à ce sujet, qui se trouve dans les documents du gouverneur général conservés à Bibliothèque et Archives Canada, se termine avec une copie des conditions d’adhésion — une des rares copies imprimées originales de cet important document constitutionnel. Dans sa lettre d’accompagnement, le secrétaire aux colonies, lord Kimberley, souhaite au Canada et à la Colombie-Britannique « une trajectoire de progrès et de prospérité digne de leurs importantes ressources et richesses naturelles ».

Une page manuscrite avec de l’écriture à l’encre noire et une page dactylographiée sur deux longues colonnes.

Impression originale des conditions d’adhésion de la Colombie-Britannique, avec la lettre d’accompagnement du secrétaire aux colonies envoyée au gouverneur général du Canada. (RG7 G21 Vol 8 File 25a Pt 1, Heritage)

Les Premières Nations ne profiteront pas vraiment de ce progrès et de cette prospérité. Selon les conditions, le Canada convient de suivre une ligne de conduite aussi libérale que celle suivie jusqu’ici avec elles. C’est une blague cruelle puisque cette ligne de conduite n’est pas particulièrement « libérale », ni avant ni après la Confédération.

À l’exception des traités Douglas, une série d’achats de terres controversés dans les environs de Victoria au cours des années 1850, les administrations coloniales de la Colombie-Britannique ne signent aucun traité avec les Premières Nations. Après la Confédération, les politiques fédérales et provinciales contribuent à la marginalisation des Premières Nations et de la Nation métisse dans leurs propres territoires et communautés. Par exemple, les résidents lək̓ʷəŋən de p’álәc’әs doivent déménager dans un autre village en 1911, afin de laisser ce territoire à la population de colons grandissante.

Les Premières Nations ont joué un rôle essentiel dans la formule démographique de Musgrave, ce qui a aidé à convaincre les colons de la Colombie-Britannique à accepter leur entrée dans la Confédération du Canada. Pourtant, cette union s’est faite au détriment des peuples autochtones de la région, un fait important dont il faut se souvenir alors que nous soulignons le 150e anniversaire de la province.


Forrest Pass est conservateur au sein de l’équipe des expositions de Bibliothèque et Archives Canada.

Kahentinetha Horn : celle qui survole les terres

À la gauche de l’image, Tatânga Mânî (le chef Walking Buffalo, aussi appelé George McLean) est à cheval dans une tenue cérémonielle traditionnelle. Au centre, Iggi et une fillette font un kunik, une salutation traditionnelle dans la culture inuite. À droite, le guide métis Maxime Marion se tient debout, un fusil à la main. À l’arrière-plan, on aperçoit une carte du Haut et du Bas-Canada et du texte provenant de la collection de la colonie de la Rivière-rouge.Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certains pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde — terminologie historique.

Par Elizabeth Kawenaa Montour

Kahentinetha Horn, du peuple Kanien’kehá:ka (peuple du silex; Mohawks), tiendra la vedette d’un balado à thématique autochtone de Bibliothèque et Archives Canada (BAC) qui fera la lumière sur certains grands moments de sa vie. BAC possède d’ailleurs un riche éventail de documents d’archives se rapportant à Kahentinetha (ou Kahn-Tineta) Horn : photos, matériel audiovisuel, films, correspondance – tout un assortiment qui atteste de sa vision, de sa résilience et de son ambition de faire connaître les enjeux touchant les Onkweonwe (Premières Nations).

Le prénom Kahentinetha signifie « survolant les terres ». On peut dire qu’elle lui a fait honneur toute sa vie, et encore aujourd’hui. J’ai eu la chance, le privilège de grandir aux côtés de cette femme forte et passionnée à Kahnawake. Grande et mince, elle avait une carrure athlétique et l’épaisse chevelure d’ébène, lisse et raffinée des Kanien’kehá:ka. Aux yeux de bien des gens – moi y compris – elle était dans une classe à part. Elle s’exprimait de manière concise, d’une voix claire et toujours assurée. D’une curiosité à toute épreuve, elle était toujours d’attaque pour débattre d’un sujet ou d’une situation et y apporter une nouvelle perspective. En travaillant sur le balado, j’ai pu découvrir de nouveaux pans de son incroyable histoire et apprendre à l’admirer encore davantage.

En février 2020, Kahentinetha et sa fille Waneek ont visité BAC pour y consulter des documents d’archives, entre autres : des lettres de Kahentinetha à Maryon Pearson (épouse du premier ministre Lester B. Pearson), au ministre et aux sous-ministres des Affaires indiennes, et à d’autres fonctionnaires fédéraux de l’époque; de la correspondance interne; et des lettres de réponse. Parmi le matériel textuel, on trouve aussi de la correspondance et des documents du conseil de bande des Mohawks de Kahnawake, dont une résolution déchirante contre Kahentinetha qui n’a jamais été mise en application.

Photo noir et blanc de neuf personnes prenant la pose pour l’appareil. Un homme porte un enfant dans un tikinagan. On voit des broussailles en arrière-plan. Il n’y a aucun bâtiment à l’horizon.

Réserve de Caughnawaga [Kahnawake], près de Montréal, vers 1925 [de gauche à droite : Kahentinetha Horn (née Delisle; grand-mère de Kahentinetha Horn), Joseph Assenaienton Horn, Peter Ronaiakarakete Horn (père) portant Peter Horn (fils), Theresa Deer (née Horn), Lilie Meloche (née Horn), anonyme, Andrew Horn, anonyme]. (e010859891)

Kahentinetha se souvient de son père comme d’un homme ayant eu une grande influence sur elle dès le début de sa vie. Il lui a inculqué l’importance de parler la langue kanien’kehá en tout temps – une quête linguistique qu’elle poursuit encore aujourd’hui. En collaboration avec les aînés de Kanehsatà:ke (portion kanien’kehá:ka d’Oka), elle consigne la prononciation et l’orthographe d’expressions complexes qui risqueraient autrement de tomber dans l’oubli.

Photo noir et blanc d’une femme souriant à l’appareil. Elle porte un costume en peau de daim, un collier, des bracelets et un bandeau.

Kahentinetha Horn dans ses habits de reine du carnaval, au poste de pilotage d’un avion Vickers Viscount. Une semaine après le début de son emploi chez Trans-Canada Airlines, elle est couronnée reine du carnaval d’hiver du Collège Sir George Williams, à Montréal. Elle porte ici un costume en peau de daim fabriqué par sa tante Francis Dionne (née Diabo). (e011052443)

Comme beaucoup de Kahnewakeronon, Kahentinetha voit le jour à New York, dans le quartier de Brooklyn. Son père travaille alors dans les structures d’acier et doit rester près des grands chantiers. La famille revient plus tard s’installer à Kahnawake. Le père de Kahentinetha perdra tragiquement la vie sur le pont Rouses Point, qui traverse le lac Champlain pour relier les états de New York et du Vermont, à seulement une demi-heure de Kahnawake. Kahentinetha verra aussi la construction de la Voie maritime du Saint-Laurent dans les années 1950, un canal qui coupera de façon permanente la communauté du rivage naturel.

Kahentinetha étudie en économie à l’Université Sir George Williams, à Tio’tia:ke (Montréal), ce qui lui ouvre des possibilités, dont celle d’aller travailler à Paris. En décembre 1959, alors qu’elle poursuit ses études dans le même domaine à l’Université McGill, elle se rend à La Havane avec deux condisciples pour assister aux célébrations entourant le premier anniversaire de la révolution cubaine.

Photo noir et blanc de deux femmes et d’un homme en tenue de ville.

L’agent Harold Walker présente Kahentinetha Horn à la réceptionniste Pierrette Desjardins, le premier jour de travail de Kahentinetha chez Trans-Canada Airlines. (e011311516)

Kahentinetha occupe divers postes au cours de sa carrière, dont celui de secrétaire chez Trans-Canada Airlines (entreprise rebaptisée Air Canada en 1965) et à la Power Corporation. Elle travaille aussi dans le domaine de la mode comme mannequin au pavillon du Canada à l’Exposition universelle (Expo 67), à Montréal, chaque jour pendant toute la durée de l’événement. Elle pose pour des publicités de mode dans les magazines, et tourne aussi dans des films et des publicités télévisées. En 1973, elle décroche un emploi de fonctionnaire au ministère des Affaires indiennes, dans la région de la capitale nationale. Puis, au cours de l’été 1990, alors même qu’elle mène des recherches universitaires sur Kahnawake, Kanehsatà:ke et Akwesasne, la résistance de Kanehsatà:ke (crise d’Oka) atteint un moment décisif. Sachant qu’elle doit soutenir et défendre le territoire de Kanehsatà:ke, elle se rend donc sur place en juillet avec ses quatre filles. Elles y restent jusqu’au 26 septembre, date à laquelle l’Armée canadienne investit la zone, démantèle les barricades et procède à l’arrestation des derniers revendicateurs. Parmi ceux-ci se trouvent Kahentinetha et ses deux plus jeunes filles, Waneek et Kaniehtiio.

Photo noir et blanc de passants marchant entre de vastes pavillons au bord de l’eau. À l’avant-plan se trouve un train de voitures blanches.

Foule devant le pavillon du Canada à l’Expo 67 à Montréal, en 1967. (e001096693)

À compter du 21 février 1991, Kahentinetha participe en tant que témoin individuel à l’audience publique de la Chambre des communes qui mènera, en mai 1991, à la publication du cinquième rapport du Comité permanent des affaires autochtones. Puis, en mai 1993, elle fait une présentation devant la Commission royale sur les peuples autochtones lors d’une audience tenue à Kahnawake. Organisées partout au Canada, ces audiences visent alors à rassembler de l’information, des preuves et des recommandations, mais aussi à déceler les enjeux qui appellent une intervention. Plus récemment, le 20 février 2020, Kahentinetha participe à l’accueil des chefs héréditaires de la Première Nation Wet’suwet’en à leur arrivée à Tyendinaga.

Photo couleur d’une femme debout vêtue d’un chandail blanc, en train de discuter avec trois femmes assises en face d’elle, de l’autre côté d’une longue table.

Audience de la Commission royale sur les peuples autochtones, à Kahnawake. Assises : Kahente Horn-Miller (fille de Kahentinetha), Kahentinetha Horn et Dale Dionne. Debout à l’avant : Mary Sillett (Inuk du Nunatsiavut [Labrador]), commissaire. Kahnawake, mai 1993. (e011301811)

Des nombreux aînés Kanien’kehá:ka qu’elle a connus au cours de sa vie, Kahentinetha a été particulièrement inspirée par Louis Karonhiaktajeh (« limite du ciel ») Hall, un militant, écrivain et peintre traditionaliste né en 1918 à Kahnawake et décédé en 1993, à l’âge de 76 ans. Artiste aux dons innés, Louis Hall peignait des scènes vibrantes et poignantes sur des sujets kanien’kehá. On lui doit notamment l’emblématique drapeau rouge des Warriors, avec en son centre le profil d’un guerrier haudenosaunee. Kahentinetha lui a ouvert les portes de sa demeure et s’est occupée de lui dans sa vieillesse. Il lui a donné en retour un portrait d’elle qu’il avait peint – peut-être la seule œuvre qui ait jamais quitté sa collection privée.

Kahentinetha nous rendait souvent visite à la maison, généralement avec d’autres amis et membres de la famille qui venaient parfois d’ailleurs. Ma mère, Josephine Kaientatie (« des choses partout »), préparait toujours de bons petits plats, et personne ne repartait l’estomac vide! L’une des images que je garde de cette époque – nous étions alors dans les années soixante – est celle de Kahentinetha vêtue de son manteau de cuir blanc à franges et de sa minijupe assortie, et chaussée de ses bottes blanches. Ce style lui allait bien, et elle le portait avec assurance. Lors de ces visites, on discutait habituellement de questions sociopolitiques. Quand les discussions étaient ponctuées de l’humour des Kanien’kehá:ka, elles étaient une source intarissable de rires.

Puis il y a les souvenirs plus légers, comme l’été de 1971, où Kahentinetha vient d’acheter sa première voiture, une Ford Pinto nouveau modèle. Avec sa fille Ojistoh, qui n’est alors qu’un bébé, elle nous emmène, ma mère et moi, visiter nos cousins en Ontario. À bord de notre rutilante fausse Cadillac rouge, nous filons vers l’ouest sur l’autoroute 401 en direction de deux communautés kanien’kehá:ka des Six Nations, Tyendinaga et Ohsweken.

Kahentinetha éprouve une très grande fierté pour ses filles. Toutes connaissent beaucoup de succès à leur manière, à la hauteur de leurs ambitions. Sa plus vieille, Ojistoh, est médecin; Kahente est titulaire d’un doctorat et maintenant professeure à l’Université Carleton; Waneek est une athlète olympique médaillée d’or aux Jeux panaméricains; et la plus jeune, Kaniehtiio, touche à de nombreuses sphères médiatiques, y compris des rôles aux petit et grand écrans.

Photo couleur de trois femmes assises autour d’une table de conférence en bois, souriant à l’appareil.

Kahentinetha Horn, Hilda Kaheratahawi Nicolas et Nancy Kanahstatsi Beauvais, au centre culturel et linguistique de Kanehsatà:ke, 6 mars 2020. Photo : Elizabeth Kawenaa Montour

Kahentinetha habite aujourd’hui dans l’est de Kahnawake, tout près des rapides de Lachine, sur un terrain bordé d’un ruisseau. Elle aime s’occuper de son potager avec ses nombreux petits-enfants. Après avoir passé toute sa vie à influencer et à côtoyer des gens de toutes origines et cultures, elle continue de se rendre utile en guidant les autres et en transmettant à qui s’y intéresse ses connaissances de la culture, de la langue et de l’histoire haudenosaunee. Je me compte chanceuse d’avoir travaillé sur ce projet, grâce auquel j’ai pu renouer avec elle. J’y ai découvert des facettes de sa personne et de ses réalisations que je n’aurais jamais pu imaginer.

Vous pouvez également écouter notre baladodiffusion (partie 1 et partie 2) et parcourir notre album Flickr consacrés à Kahentinetha Horn.

Ce blogue fait partie d’une série portant sur les Initiatives du patrimoine documentaire autochtone. Apprenez-en plus sur la façon dont Bibliothèque et Archives Canada (BAC) améliore l’accès aux collections en lien avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Voyez aussi comment BAC appuie les communautés en matière de préservation d’enregistrements de langue autochtone.


Elizabeth Kawenaa Montour est archiviste de projet à la Division du contenu en ligne de la Direction générale des services au public, à Bibliothèque et Archives Canada.

Comment chercher un document sur l’émancipation?

À la gauche de l’image, Tatânga Mânî (le chef Walking Buffalo, aussi appelé George McLean) est à cheval dans une tenue cérémonielle traditionnelle. Au centre, Iggi et une fillette font un kunik, une salutation traditionnelle dans la culture inuite. À droite, le guide métis Maxime Marion se tient debout, un fusil à la main. À l’arrière-plan, on aperçoit une carte du Haut et du Bas-Canada et du texte provenant de la collection de la colonie de la Rivière-rouge.Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certains pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde — terminologie historique.

Par Jasmine Charette

Dans un billet de blogue intitulé Émancipation des Premières Nations, j’ai discuté de l’histoire de l’émancipation et de ses répercussions sur les Premières Nations. Ici, j’expliquerai comment chercher des documents à ce sujet.

Vous aurez peut-être besoin de vous rendre sur place pour certaines recherches. Si c’est impossible, vous pouvez embaucher un chercheur indépendant ou demander l’aide de nos Services de référence sur la page Posez-nous une question.

Recherche dans la collection

La méthode la plus simple pour trouver un document sur l’émancipation est d’utiliser Recherche dans la collection. Si vous connaissez le nom de la personne et de sa bande ainsi que l’année approximative de son émancipation, cette méthode est pour vous. Dans certains documents, le nom de l’agence ou du district qui administrait la bande à l’époque remplace le nom de la bande.

Saisie d’écran de l’interface Recherche dans la collection, avec des résultats de recherche.
Saisie d’écran de la recherche d’un document sur l’émancipation pour l’agence Moravian.

Si vous ne connaissez pas l’agence ou le district qui administrait la bande, vous pouvez consulter les instruments de recherche ci-dessous. Ceux-ci sont classés par région; ils énumèrent les agences, les districts et les surintendances et fournissent le nom des bandes qui relevaient d’eux pendant des périodes précises, permettant ainsi de retracer l’administration des bandes au fil du temps. Ces guides sont disponibles dans nos salles de référence. Ils font partie du groupe d’archives RG10 (fond du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien).

  • 10-202 : Colombie-Britannique
  • 10-12 : Ouest du Canada (Alberta, Saskatchewan, Manitoba, Yukon et Territoires du Nord-Ouest)
  • 10-157 : Ontario
  • 10-249 : Québec
  • 10-475 : Maritimes (Île-du-Prince-Édouard, Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve à partir de 1984)
  • 10-145 : Nouvelle-Écosse (la Nouvelle-Écosse avait un système distinct du reste du Canada)

Voici comment chercher un document sur l’émancipation dans la base de données Recherche dans la collection. Les documents recherchés étant en anglais, il faut utiliser le mot-clé enfranchisement plutôt qu’émancipation.

  1. Sous le menu Recherche dans la collection du site Web de BAC, cliquez sur Recherche dans la collection.
  2. Dans la barre de recherche, inscrivez enfranchisement [NOM] [BANDE/AGENCE].
  3. Dans le menu déroulant, choisissez Archives plutôt que Tous.
  4. Cliquez sur la loupe.
  5. Regardez les résultats et choisissez celui qui correspond à la bonne personne.

La référence complète d’un document ressemble à ceci :

RG10-B-3, Numéro de volume : 7222, Numéro de dossier : 8015-25; titre : « Moravian Agency – Enfranchisement – Hill, D.C ».

Remarque : L’accès à certains documents sur l’émancipation étant restreint, une demande d’accès en vertu de la Loi sur l’accès à l’information ou de la Loi sur la protection des renseignements personnels est parfois nécessaire pour les consulter. Notre site Web explique comment soumettre une telle demande.

Décrets

Une saisie d’écran de la base de données Recherche dans la collection.
Une saisie d’écran de la recherche visant à trouver les documents sur l’émancipation de James Marsdewan.

On peut aussi chercher les décrets qui confirmaient les émancipations. Bien qu’ils ne comprennent pas les documents les plus importants, les décrets peuvent renfermer des renseignements intéressants :

  • La personne a-t-elle été émancipée?
  • De quelle bande a-t-elle été émancipée?
  • Quel était son nom au moment de l’émancipation?
  • L’émancipation était-elle due à un mariage?

Grâce à ces renseignements, vous serez peut-être en mesure de trouver d’autres documents avec Recherche dans la collection.

Les décrets sont indexés par année dans nos registres rouges, lesquels se trouvent dans nos salles de référence. Ces registres sont séparés en deux : la première partie donne une liste de numéros de décret (classés de manière plus ou moins précise par date) et la deuxième propose une liste de mots-clés visant à faciliter la recherche d’un décret précis.

Le nom des personnes émancipées avant les années 1920 est mentionné dans nos registres rouges. Un outil externe peut vous aider à trouver des personnes et des familles dans les décrets subséquents : le site Web Order In Council Lists contient un index des personnes émancipées jusqu’en 1968.

Pour obtenir des renseignements plus précis sur la recherche de décrets, lisez nos billets de blogue Les décrets du Conseil accessibles en ligne et Comment accéder aux décrets du Conseil privé conservés à Bibliothèque et Archives Canada?

Si vous avez des questions, n’arrivez pas à identifier une personne ou avez besoin d’aide pour naviguer dans nos fonds, n’hésitez pas à communiquer avec les Services de référence. Nous vous aiderons avec plaisir!


Jasmine Charette est archiviste de référence à la Division des services de référence, Direction générale des services au public, Bibliothèque et Archives Canada.