Un nouveau départ : 150 ans d’infrastructures fédérales en Colombie-Britannique – Île de Vancouver : Le laboratoire fédéral d’astrophysique

Par Caitlin Webster

La Colombie-Britannique s’est jointe au Canada en 1871, il y a 150 ans. Dans les années qui ont suivi, les infrastructures fédérales se sont répandues dans toute la province. Ce processus est bien documenté dans les collections de Bibliothèque et Archives Canada. La présente série de huit blogues met en lumière des bâtiments, des services et des programmes, ainsi que leur impact sur les diverses régions de la Colombie-Britannique.

Bien que la recherche astronomique au Canada commence avant la Confédération, les premiers investissements fédéraux substantiels dans ce domaine sont faits au début du 20e siècle. Après la construction d’un observatoire à Ottawa, en 1905, l’astronome John Stanley Plaskett demande l’acquisition d’un télescope à réflexion sophistiqué. Cette requête mène à la construction de l’Observatoire fédéral d’astrophysique à Saanich, près de Victoria, en Colombie-Britannique. Celui-ci possède à l’époque le plus grand télescope du monde.

L’Observatoire est situé dans les territoires traditionnels des nations Xwsepsum (Esquimalt), Songhees, Tsartlip, Pauquachin, Tsawout, Tseycum et Malahat. Leurs représentants ont signé les traités de Douglas, également connus sous le nom de traités de Fort Victoria, dans les années 1850. Les différences entre le texte du traité et les récits oraux des Premières Nations signataires engendrent un débat permanent sur la nature des traités : s’agit-il de ventes de terres ou d’accords de paix?

Le défrichage et la construction commencent en 1914 et se poursuivent malgré les défis posés par la Première Guerre mondiale.

Photographie en noir et blanc d’un groupe d’hommes posant avec un attelage de chevaux attaché à un chariot transportant une partie d’un télescope.

Transport d’un axe polaire de 9,5 tonnes à l’Observatoire fédéral d’astrophysique, vers 1916-1917 (a149324-v8)

Les travaux de l’observatoire suscitent l’intérêt à l’échelle locale, mais aussi à l’étranger. Le chantier devient une destination touristique, les résidents venant observer les progrès et assister à l’inauguration officielle en 1918.

Photographie en noir et blanc d’un grand groupe de personnes à l’intérieur de l’Observatoire fédéral d’astrophysique pendant la cérémonie d’ouverture. Le groupe est rassemblé devant le télescope et sur la plateforme d’observation.

Cérémonie d’ouverture de l’Observatoire fédéral d’astrophysique; vue du télescope (a149323-v8)

Disposant du plus grand télescope fonctionnel du monde, Plaskett et ses collègues astronomes lancent immédiatement un ambitieux programme d’observation. Spécialisée dans les étoiles doubles, puis dans la Voie lactée, l’équipe contribue grandement à l’étude de l’astronomie. Des équipes successives ont poursuivi ce travail essentiel par la suite. De nos jours, l’Observatoire fédéral d’astrophysique est l’un des deux observatoires gérés par le Centre de recherche Herzberg en astronomie et en astrophysique.

Photographie en noir et blanc de l’extérieur de l’Observatoire fédéral d’astrophysique.

Observatoire fédéral d’astrophysique (a032169-v6)

L’Observatoire s’est toujours engagé auprès du public. Dans les années 1920 et 1930, le personnel rédige des chroniques dans les journaux locaux et participe à des émissions de radio sur les sujets astronomiques du jour. Aujourd’hui, l’organisation caritative des Amis de l’Observatoire promeut des activités publiques sur le site, notamment au Centre de l’univers.


Caitlin Webster est archiviste principale à la Division des services de référence au bureau de Vancouver de Bibliothèque et Archives Canada.

Les calculs créatifs d’un gouverneur de colonie

Par Forrest Pass

Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certains pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde — terminologie historique.

Le 20 juillet 2021 marque le 150e anniversaire de la province de la Colombie-Britannique. Cette photo de Victoria raconte involontairement une histoire souvent oubliée, survenue la veille de l’entrée de la province dans la Confédération. À l’arrière-plan, de l’autre côté de l’arrière-port, on aperçoit la capitale située à la frontière coloniale, avec les vieux bâtiments gouvernementaux, surnommés les « Cages d’oiseaux », à droite, et les entrepôts et les quais du district commercial, à gauche.

Photo noir et blanc de villages situés de chaque côté d’un port. Un grand navire vogue sur l’eau. Des forêts se trouvent derrière chaque village.

Le port de Victoria vers 1870, par Frederick Dally (c023418)

Au premier plan, la vue est bien différente. Les bâtiments appartiennent au village lək̓ʷəŋən (Lekwungen) de p’álәc’әs (Songhees Point). Le peuple lək̓ʷəŋən habitait depuis des temps immémoriaux à l’endroit où se trouve actuellement le Grand Victoria. Peut-être sans le savoir, le photographe Frederick Dally a capturé une réalité importante : en 1871, la « Colombie-Britannique » est composée de multiples communautés des Premières Nations et de la Nation métisse. La colonie européenne est encore très petite.

Ce fait aura des conséquences imprévues sur l’entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération. Des documents de la collection de Bibliothèque et Archives Canada révèlent que les négociateurs de la province ont essayé d’utiliser la grande population autochtone de la colonie à leur avantage, tout en la dépouillant de ses territoires traditionnels et de ses ressources.

L’île de Vancouver devient une colonie britannique en 1849. Neuf ans plus tard, la découverte d’or dans le fleuve Fraser attire 30 000 prospecteurs dans les terres continentales des environs. Une deuxième colonie, la Colombie-Britannique, est alors créée.

La ruée vers l’or se termine à la fin des années 1860. Pour réaliser des économies, les colonies de l’île et des terres continentales s’unissent en 1866. La population de colons de la Colombie-Britannique unie chute à environ 10 000 personnes. Le gouvernement, qui a dépensé une fortune pour créer des voies d’accès et financer d’autres projets de construction, est au bord de la faillite. Le gouvernement canadien profite de l’occasion pour recommander la nomination de sir Anthony Musgrave au poste de gouverneur de la Colombie-Britannique en 1869. Musgrave a été gouverneur de Terre-Neuve et, même s’il n’a pas réussi à unir cette colonie avec le Canada, son engagement envers la Confédération est reconnu.

Aquarelle montrant deux arbres devant une étendue d’eau, avec une montagne à l’arrière-plan.

La vue à partir de Morning House, résidence du gouvernement à Victoria. Aquarelle de Frances Musgrave, vers 1870. Le frère de Frances, le gouverneur sir Anthony Musgrave, a peut-être profité d’une telle vue lorsqu’il rédigeait ses dépêches proposant l’entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération. (c028380k)

À son arrivée à Victoria, Musgrave écrit au secrétaire britannique aux colonies pour discuter de la possibilité d’entrer dans la Confédération. Les coûts représentent un obstacle important, car gouverner un territoire si grand, où les colons européens sont si peu nombreux, coûte cher. La subvention fédérale annuelle octroyée à chaque province, qui s’élève à 80 cents par résident, serait assez négligeable pour la Colombie-Britannique.

Deux pages d’une lettre écrite à l’encre noire.Deux pages d’une lettre écrite à l’encre noire.

Lettre de sir Anthony Musgrave à lord Granville, secrétaire aux colonies, décrivant les obstacles liés à l’entrée dans la Confédération, 30 octobre 1869. « L’administration gouvernementale est forcément coûteuse en raison du coût de la vie, qui est au moins deux fois plus élevé qu’au Canada.» (RG7 G21 Vol 8 File 25a Pt 1, Heritage)

La subvention serait donc plus substantielle si Musgrave parvenait à envoyer une estimation plus élevée de la population. Pour y arriver, il a recours à des calculs plutôt créatifs. Musgrave révèle son idée dans une lettre de 1870 au gouverneur général du Canada, sir John Young (qui deviendra lord Lisgar). La Colombie-Britannique dépend fortement des marchandises importées. Musgrave divise donc les recettes douanières annuelles de la colonie (environ 350 000 $, ou 7,2 millions de dollars aujourd’hui) par les recettes douanières par habitant des provinces de l’Est (2,75 $, ou 56,51 $ aujourd’hui). Grâce à ce calcul, la Colombie-Britannique arrive à un total de 120 000 habitants plutôt que 10 000 pour établir la subvention annuelle et sa représentation au Parlement du Canada.

Pour appuyer son argument, Musgrave mentionne la population autochtone. Après tout, les Premières Nations de la Colombie-Britannique sont des « consommateurs » et paient des droits de douane au même titre que les colons. L’inclusion des Autochtones permet d’atteindre une population réelle qui s’approche du résultat obtenu grâce au calcul créatif de Musgrave.

Étonnamment, les négociateurs du Canada donnent leur accord de principe, même si l’ébauche du document établissant les conditions d’adhésion réduit l’estimation démographique à 60 000 âmes. Néanmoins, lorsque le Parlement du Canada débat l’accord de la Colombie-Britannique en mars 1871, l’opposition se plaint vivement : en incluant les Premières Nations, les conditions ne respectent pas le principe de représentation par population. « On n’a jamais encore permis aux Indiens d’être représentés dans notre système », déclare le chef du Parti libéral Alexander Mackenzie. Dans la même veine, David Mills, un député de l’Ontario, soutient que les peuples autochtones « ne participent pas à l’union sociale et ils ne peuvent pas être sur le même pied que les Blancs ».

Pourtant, Musgrave n’affirme d’aucune façon que les Premières Nations sont égales aux colons. Par exemple, il ne croit pas que les Autochtones devraient avoir le droit de voter ou de profiter de la subvention annuelle. En ce sens, sa formule est semblable à la tristement célèbre disposition de la constitution des États-Unis, qui compte chaque esclave comme trois cinquièmes de personne lors du calcul de la représentation d’un État au Congrès. Tout comme le compromis des « trois cinquièmes », qui utilise les esclaves pour accroître l’influence politique des maîtres, la formule de Musgrave permet de renforcer le poids de la Colombie-Britannique au sein du pays, sans reconnaître les droits et la souveraineté de la majorité autochtone.

Malgré les objections de l’opposition, la Colombie-Britannique devient la sixième province du Canada le 20 juillet 1871. La correspondance à ce sujet, qui se trouve dans les documents du gouverneur général conservés à Bibliothèque et Archives Canada, se termine avec une copie des conditions d’adhésion — une des rares copies imprimées originales de cet important document constitutionnel. Dans sa lettre d’accompagnement, le secrétaire aux colonies, lord Kimberley, souhaite au Canada et à la Colombie-Britannique « une trajectoire de progrès et de prospérité digne de leurs importantes ressources et richesses naturelles ».

Une page manuscrite avec de l’écriture à l’encre noire et une page dactylographiée sur deux longues colonnes.

: Impression originale des conditions d’adhésion de la Colombie-Britannique, avec la lettre d’accompagnement du secrétaire aux colonies envoyée au gouverneur général du Canada (RG7 G21 Vol 8 File 25a Pt 1, Heritage)

Les Premières Nations ne profiteront pas vraiment de ce progrès et de cette prospérité. Selon les conditions, le Canada convient de suivre une ligne de conduite aussi libérale que celle suivie jusqu’ici avec elles. C’est une blague cruelle puisque cette ligne de conduite n’est pas particulièrement « libérale », ni avant ni après la Confédération.

À l’exception des traités Douglas, une série d’achats de terres controversés dans les environs de Victoria au cours des années 1850, les administrations coloniales de la Colombie-Britannique ne signent aucun traité avec les Premières Nations. Après la Confédération, les politiques fédérales et provinciales contribuent à la marginalisation des Premières Nations et de la Nation métisse dans leurs propres territoires et communautés. Par exemple, les résidents lək̓ʷəŋən de p’álәc’әs doivent déménager dans un autre village en 1911, afin de laisser ce territoire à la population de colons grandissante.

Les Premières Nations ont joué un rôle essentiel dans la formule démographique de Musgrave, ce qui a aidé à convaincre les colons de la Colombie-Britannique à accepter leur entrée dans la Confédération du Canada. Pourtant, cette union s’est faite au détriment des peuples autochtones de la région, un fait important dont il faut se souvenir alors que nous soulignons le 150e anniversaire de la province.


Forrest Pass est conservateur au sein de l’équipe des expositions de Bibliothèque et Archives Canada.