Centenaire de l’Aviation royale canadienne : honneur aux femmes militaires

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Par Rebecca Murray

Remarque : Comme la plupart des photos présentées dans ce blogue proviennent de microfiches numérisées, leur qualité varie. De plus, certaines d’entre elles ne sont pas décrites au niveau de la pièce dans le catalogue.

L’Aviation royale canadienne (ARC) célèbre son centenaire en 2024. Bibliothèque et Archives Canada (BAC) a le privilège de conserver des documents de l’ARC qui vont des débuts de l’organisation jusqu’au 21e siècle. Celle-ci tient une place importante dans l’histoire militaire du pays en raison de son rôle dans le développement de l’aviation canadienne et de ses opérations à l’étranger.

Le présent billet est consacré aux collections photographiques de l’ARC conservées à BAC, et tout particulièrement aux photos de femmes militaires à l’époque de la Deuxième Guerre mondiale. Le découblogue propose également des billets sur des infrastructures de l’ARC, comme l’aéroport à Fort St. John, et sur des événements marquants, comme la saga de l’Avro Canada CF-105 Arrow.

Une femme en uniforme debout devant un mur nu.

HC 11684-A-2, Long manteau avec chapeau et gants, 4 juillet 1941 (MIKAN 4532368).

Une de mes collègues a déjà raconté l’histoire de la Division féminine de l’Aviation royale du Canada. Je me contenterai donc de rappeler que cette division a vu le jour le 2 juillet 1941, sous le nom de Corps auxiliaire féminin de l’Aviation canadienne, qu’elle a été rebaptisée au début de 1942 et que plus de 17 000 femmes ont joint ses rangs.

Deux femmes vêtues de combinaisons assises de part et d’autre d’une hélice.

PBG-3143, Division féminine – Mécaniciennes de moteurs d’avion, 23 octobre 1942 (MIKAN 5271611).

Le fonds du ministère de la Défense nationale (RG24/R112) contient des photographies sur la Division féminine qui nous renseignent sur le service militaire des femmes à l’époque de la Deuxième Guerre mondiale. Cette collection de plus de 500 000 images est une mine d’or pour quiconque s’intéresse à cette période, car on y trouve des photos prises au Canada et à l’étranger. Depuis six ans, je tente activement de repérer les femmes sur ces photos. Si certaines femmes sont explicitement identifiées et mises en évidence, d’autres, figurant en bordure sur les photos de groupe, sont très difficiles à distinguer de leurs homologues masculins, surtout au premier coup d’œil.

Un homme en uniforme (au centre de la photo), assis et portant des lunettes, regarde une femme en uniforme debout (en bordure droite de la photo).

RE-1941-1, Service des comptes de paie, revue Crosswinds, 25 septembre 1944 (MIKAN 4740938).

Le centenaire est l’occasion idéale de faire connaître les résultats du travail effectué sur la sous-série de photographies de l’ARC, et de mettre en évidence le rôle joué par les femmes qui ont joint ses rangs pendant la période visée. Les 53 sous-sous-séries se distinguent généralement les unes des autres par le lieu. Les photos sont très variées : on y trouve par exemple des vues aériennes du Canada; des portraits officiels; ou des photos de la vie sur des bases établies en Europe après la guerre, comme à North Luffenham ou à Grostenquin. Toutefois, plusieurs s’intéresseront surtout aux images de cette sous-série qui documentent les activités courantes et la vie quotidienne des militaires pendant la Deuxième Guerre mondiale, tant au pays qu’à l’étranger.

Quatre femmes en uniforme, debout ou agenouillées près d’un sapin de Noël posé sur une table. Des cadeaux emballés se trouvent sur le plancher et au pied de l’arbre.

NA-A162, Sapin et danse de Noël à la Division féminine, 25 décembre 1943 (MIKAN 4532479).

Avec plus de 160 000 images, cette sous-série est un véritable trésor! Environ 1 900 d’entre elles (1 %) montrent des membres de la Division féminine ou des infirmières militaires de l’ARC. Les femmes sont surtout représentées sur les photos prises à Ottawa, à Rockcliffe ou au quartier général, ainsi que sur des bases régionales comme celles à Terre-Neuve, à l’Île-du-Prince-Édouard et en Colombie-Britannique.

La collection nous montre les membres de la Division féminine en train de travailler ou de s’amuser. On les voit célébrer des fêtes en groupe ou partager des moments de plaisir, oubliant pendant quelques instants les horreurs de la guerre en cours. Il y a des images où l’ambiance semble décontractée (voir les photos NA-A162 ci-dessus et SS-230B ci-après), et d’autres qui témoignent des importants travaux accomplis (image PBG-3143, plus haut). Les photos de groupe officielles sont monnaie courante, comme en témoigne l’image ci-dessous (G-1448) montrant des infirmières militaires. Pour de nombreuses bases en milieu éloigné ou rural, surtout pendant les premières années de la guerre, les seules femmes présentes sur les photos sont des infirmières militaires.

Photo officielle d’un groupe de 41 militaires comprenant 12 femmes, dont cinq portent le voile blanc distinctif des infirmières militaires. Le groupe est divisé en trois rangées; les personnes à l’avant sont assises.

G-1448, Personnel hospitalier à l’École d’artillerie aéronavale no 1, Royal Navy, Yarmouth (Nouvelle-Écosse), 5 janvier 1945 (a052262).

Groupe de 15 femmes, la plupart habillées en civil, profitant d’un moment de loisir dans ce qui ressemble à un salon. Bon nombre d’entre elles semblent faire de la broderie.

SS-230B, Cercle de couture de la Division féminine, officières du renseignement, 4 avril 1943 (MIKAN 5285070).

Vous avez une tante ou une grand-mère qui a servi dans la Division féminine de l’ARC et vous cherchez de l’information sur son service militaire? Pour en savoir plus, consultez les nombreuses ressources de BAC sur la Deuxième Guerre mondiale. Vous y apprendrez entre autres comment avoir accès à des dossiers de service militaire. Les dossiers de service des victimes de guerre, 1939 à 1947 – Deuxième Guerre mondiale peuvent être consultés à l’aide de notre base de données en ligne.

BAC met bien d’autres collections photographiques à votre disposition, par exemple la sous-sous-série PL prefix – Public Liaison Office (Bureau des relations publiques). Cette fabuleuse ressource regorge de photos de l’ARC et se trouve, du point de vue du classement archivistique, juste à côté de l’acquisition 1967-052, qui fait l’objet de notre projet de recherche. Toute personne souhaitant trouver un proche ayant servi dans l’ARC devrait inclure ces photos dans sa recherche.

Vous trouverez aussi de l’information sur le centenaire de l’Aviation royale canadienne sur le site officiel de l’ARC.


Rebecca Murray est conseillère en programmes littéraires au sein de la Direction des programmes à Bibliothèque et Archives Canada.

La dernière charge de cavalerie canadienne

Par Ethan M. Coudenys

Près du bois de Moreuil, les mitrailleuses crachent le feu et les obus s’abattent sur le champ de bataille, enterrant les hennissements des chevaux. C’est la dernière charge de cavalerie de la Grande Guerre sur le front occidental. Les défenses ennemies étant enfoncées, le feld-maréchal Douglas Haig demande à la brigade de cavalerie canadienne (plus précisément au Lord Strathcona’s Horse) de s’introduire dans la brèche et de pénétrer plus profondément dans le territoire contrôlé par les Allemands. Cette attaque désastreuse est la dernière charge de cavalerie de l’histoire militaire canadienne.

Deux rangs de chevaux de la brigade de cavalerie canadienne chargent l’ennemi.

Sir Alfred Munnings
La charge de l’escadron de Flowerdew
MCG 19710261-0443
Collection Beaverbrook d’art militaire
Musée canadien de la guerre

L’attaque a lieu le 30 mars 1918, au milieu d’une campagne de 100 jours pendant laquelle les Alliés réalisent des avancées considérables dans le territoire contrôlé par les Allemands, sur le front occidental. C’est le début de la phase finale de la Première Guerre mondiale. Au bois de Moreuil, les généraux estiment que l’infanterie et l’artillerie ont brisé la ligne de défense allemande. Pour la première fois depuis 1914, la brigade de cavalerie canadienne se lance à l’assaut.

Entre janvier 1915 et le début de 1918, les cavaliers assument pratiquement le rôle de soldats d’infanterie. Ils travaillent dans les mêmes tranchées et adoptent les mêmes tactiques défensives et offensives. Ils doivent néanmoins transporter le matériel de cavaliers en tout temps : harnachement, provisions pour leur monture et pour eux-mêmes; munitions; etc. Pourtant, ils n’ont pas droit au même sac à dos que les troupes d’infanterie. Leur sacoche de selle peut transporter une partie du matériel lourd, mais elle ne suffit pas pour transporter la totalité de l’équipement.

Groupe de soldats à cheval.

Le Lord Strathcona’s Horse en déplacement derrière le front, en 1916 (a000119).

Après les premiers mois du conflit, la cavalerie disparaît presque du front de l’Ouest. Toutefois, les planificateurs des offensives alliées ne perdent pas confiance en elle pour autant. En Grande-Bretagne, l’état-major général de la planification (General Planning Staff) est composé en grande partie d’officiers de cavalerie, comme Douglas Haig. Cette force est donc jugée essentielle pour vaincre l’Empire allemand. Elle est cependant rarement utilisée comme une véritable troupe de cavalerie, et la dernière charge au bois de Moreuil prouve une fois pour toutes que sa valeur stratégique est extrêmement limitée dans le contexte d’une guerre moderne.

Lors de ce jour fatidique, le lieutenant Gordon Muriel Flowerdew mène deux charges contre les positions défensives allemandes avec la compagnie C du groupe de cavalerie Lord Strathcona’s Horse. Ses hommes sont accueillis par 300 soldats d’infanterie allemands retranchés. À l’aide de la terrifiante mitrailleuse lourde MG-08 et de la nouvelle mitrailleuse légère, les défenseurs fauchent la cavalerie en quelques minutes. Le seul cavalier survivant se rappelle avoir entendu le lieutenant Flowerdew crier : « It’s a charge, boys! It’s a charge! » (À l’attaque, les gars! À l’attaque!) L’escadron atteint les troupes allemandes au triple galop, sans toutefois parvenir à prendre la position.

Pour son héroïsme, Flowerdew reçoit à titre posthume la Croix de Victoria, la plus haute récompense du Commonwealth britannique pour un acte de bravoure. Son histoire connaît cependant une triste fin puisqu’un seul homme de son escadron échappe à la mort.

De nos jours, un petit monument installé au bois de Moreuil commémore le sacrifice consenti par la compagnie C du Lord Strathcona’s Horse. Les restes des cavaliers canadiens, de leurs montures et de soldats allemands jonchent le champ de bataille. C’est la dernière charge de la brigade de cavalerie canadienne. Après la Deuxième Guerre mondiale, celle-ci se transforme en grande partie en corps blindé et motorisé. Quelques cavaliers se voient attribuer des rôles protocolaires au sein de l’Armée royale canadienne.

Malheureusement, aucun photographe n’a pu immortaliser cette dernière charge. Par contre, un célèbre peintre britannique, sir Alfred Munnings, a peint dans les années 1920 un tableau à l’huile qui est aujourd’hui conservé au Musée canadien de la guerre.

Autres ressources


Ethan M. Coudenys est conseiller en généalogie à Bibliothèque et Archives Canada.

Les navires de la Dominion Bridge : un récit illustrant le travail d’équipe, la technologie et l’innovation pendant la Deuxième Guerre mondiale

Par Rian Manson

En 1940, après l’évacuation de Dunkerque, la situation en Grande-Bretagne est sombre. La marine allemande, qui mène ses opérations depuis les côtes françaises, coule les navires de charge à un rythme de 50 par mois. Au début de la Deuxième Guerre mondiale, le Canada ne dispose que de 41 navires de charge en bon état de navigabilité. Il faut, à tout prix, construire des navires de charge rapidement pour assurer l’approvisionnement continu de la Grande-Bretagne, tant en matériel de guerre qu’en aliments.

Affiches de la Deuxième Guerre mondiale montrant des navires de charge.

Pour maintenir le moral de la population, des affiches comme celles-ci sont apposées dans les chantiers navals de la Dominion Bridge et de la United Shipyards, à Montréal. Canadian Transportation, novembre 1941, p. 638 et 639, C-204-4*C-205-1 (OCLC 1080360026).

L’ensemble de l’industrie de la construction navale se prépare donc à la production de guerre et le Canada a besoin d’un nouveau et grand chantier naval pour satisfaire à l’énorme commande de 200 navires de charge de 10 000 tonnes. Pour ce projet crucial, le gouvernement fédéral signe des contrats avec tous les constructeurs navals du Canada – de la Nouvelle-Écosse à la Colombie-Britannique – afin qu’ils construisent des embarcations, des remorqueurs et des navires de charge.

Un navire de charge passant sous un pont avec une ville en arrière-plan.

Un navire de charge de 10 000 tonnes de type North Sands passant sous le pont Jacques-Cartier à Montréal, en route vers la mer (OCLC 321000549).

Le ministre des Munitions de l’époque, C.D. Howe, contacte alors la Dominion Bridge Company de Montréal pour lui demander de mettre à contribution sa vaste usine et son équipement pour aider à la construction de navires. Depuis 1882, la Dominion Bridge fournit aux sociétés ferroviaires et aux provinces canadiennes des ponts de toutes sortes. Dans ses immenses ateliers, elle construit d’énormes composantes en fer et en acier pour de vastes projets hydroélectriques. Elle fournit aussi à de multiples villes les poutres en acier de construction nécessaires à l’édification de magasins, de maisons et d’hôtels.

Dessin technique indiquant les dimensions et les mesures d’une plaque signalétique en laiton coulé.

Dessin technique d’une plaque signalétique en laiton coulé pour les turbines à vapeur marines des navires de charge de 4 700 tonnes construits dans les ateliers de la Dominion Bridge à Lachine, R5607, vol. 2073 (MIKAN 5183995).

Depuis l’obtention de son premier contrat avec le Chemin de fer Canadien Pacifique en 1882, la Dominion Bridge a développé une immense usine d’assemblage équipée d’appareils spécialement conçus pour la fabrication d’acier lourd, de produits en fer et de chaudières. L’emplacement de Lachine est idéal. En plus d’avoir accès à un réseau de transport maritime et un accès direct au réseau ferroviaire de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, l’usine est alimentée par un réseau électrique haute tension qui permet le soudage à la baguette de grandes pièces. Il n’y a qu’un seul problème : la compagnie n’a jamais envisagé de construire un chantier naval, et encore moins des navires océaniques. Elle a besoin des conseils d’une source digne de confiance. C’est ainsi que la compagnie Fraser Brace Ltd., une autre entreprise canadienne respectée qui possède une vaste expérience de la construction de gros navires, s’associe à la Dominion Bridge. Celle-ci l’aidera à construire et à exploiter le nouveau chantier naval de la United Shipyards Ltd. dans le bassin Bickerdike, à Montréal.

Un groupe de personnes se tenant debout sur un quai avec un chantier naval et des grues en arrière-plan.

Grâce aux nombreux mâts de charge, le chantier naval de la United Shipyards, dans le bassin Bickerdike, peut continuer de construire des navires durant les mois d’hiver, même lorsque le fleuve Saint-Laurent est gelé (e000761650).

Les travaux du chantier naval débutent en janvier 1942 et, à peine quatre mois plus tard, la quille du premier navire de charge est installée. Il s’agissait du plus récent et du plus vaste chantier naval à production unique au Canada. L’équipement nécessaire – mâts de charge, grues et locomotives – est acquis grâce à des prêts à long terme consentis par la direction du port et par les compagnies Fraser Brace Ltd., Dominion Bridge et Montreal Locomotive Works. Une source prétend même que les chariots ferroviaires ont été habilement volés au Chemin de fer Canadien Pacifique et à la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada pour permettre à cette gigantesque entreprise de fonctionner.

Diagramme en élévation illustrant l’emplacement des diverses parties du navire de charge.

Diagramme en élévation montrant le profil d’un navire de charge de type North Sands de 10 000 tonnes, réalisé par la Dominion Bridge, Lachine, novembre 1943, R5607, vol. 1612 (MIKAN 5183995).

La Dominion Bridge élabore un plan de préfabrication unique pour la construction de navires de 10 000 tonnes et de navires de charge plus petits de 4 700 tonnes. Dans les ateliers principaux de Lachine, les ouvriers soudent en une seule pièce la section arrière et le coqueron avant du navire. Ces sections terminées sont ensuite acheminées par wagons plats au bassin Bickerdike où la section arrière et le coqueron avant sont mis en place et rivetés à la coque à l’aide de mâts de charge construits sur mesure.

Juxtaposition d’une photo en gros plan et d’un dessin technique de la poupe et de l’hélice d’un navire.

Du dessin à l’atelier de construction navale : le plan de préfabrication de l’assemblage arrière élaboré par la Dominion Bridge permet d’accélérer la production en série de navires au chantier naval de la United Shipyards, à Montréal (document photographique : e000761682; dessin : R5607, vol. 1613, MIKAN 5183995).

La Dominion Bridge sait tirer profit de son expérience dans le domaine du soudage de ponts et de chaudières. Les cloisons intérieures, les cabines, les cales à marchandises et l’accastillage intérieur sont soudés. Le soudage permet d’économiser un temps et des matériaux précieux et de réduire le poids de chaque navire.

Les économies ainsi réalisées permettent au chantier naval de la United Shipyards d’établir un nouveau record canadien en termes de vitesse de construction de navires. De fait, 58 jours suffisent, depuis la pose de la quille jusqu’aux dernières touches de peinture, pour terminer le navire, soit un mois de moins que le précédent record. Le navire de charge arrive en Grande-Bretagne pleinement chargé, 86 jours après la mise en place de la quille. Le ministre C.D. Howe fait l’éloge de la United Shipyards comme étant le chantier naval où se construisent les navires de 10 000 tonnes les moins chers au Canada.

Vue de la proue du navire et d’officiers de marine au garde-à-vous.

Les invités d’honneur sur l’estrade aménagée pour la cérémonie de baptême et de lancement du navire de charge de 10 000 tonnes, le S.S. Fort Esperance, au chantier naval de la United Shipyards Ltd. (e000761721).

Un style qui lui est propre

Le 15 juillet 1944, par un après-midi ensoleillé, la Dominion Bridge lance un nouveau type de navire de charge, le « Canadien », depuis la cale de halage du chantier naval de la United Shipyards. De conception identique à celle du navire britannique de type North Sands de 10 000 tonnes, ce nouveau navire présente toutefois quelques améliorations. Il possède notamment des chaudières pouvant être alimentées au pétrole ou au charbon avec transition rapide d’un combustible à l’autre, des postes d’équipage améliorés, ainsi que des écoutilles et des ponts plus résistants pouvant supporter des charges plus lourdes.

La quasi-totalité de la fabrication est réalisée dans les ateliers de la Dominion Bridge. Très peu de travaux d’équipement sont confiés en sous-traitance, car la compagnie sait mettre à profit ses techniques créatives de soudage de ponts. Des gabarits de soudage spéciaux construits à l’interne et dotés de moteurs électriques facilitent les travaux de soudage complexes et permettent d’effectuer des soudures à plat. Puis, l’utilisation de plaques d’assise du moteur soudées plutôt que de boulons permet de réduire considérablement les vibrations et d’accroître la résistance aux chocs causés par les explosions en mer.

Un groupe de femmes au garde-à-vous à côté de la coque d’un navire de charge.

Femmes officiers du Service féminin de la Marine royale du Canada alignées sur une allée lors de la cérémonie de baptême et de lancement du S.S. Fort Esperance au chantier naval de la United Shipyards Ltd., à Montréal (e000761719).

Une personne soude une grande pièce de métal.

Un soudeur à l’usine de Lachine utilisant un gabarit rotatif spécial pour souder la plaque d’assise en acier d’un moteur à vapeur marin alimentant les navires de charge de 10 000 tonnes (OCLC 321000549).

Sur les 403 navires construits au Canada (y compris ceux construits par la Dominion Bridge), 112 ont été coulés et 18 ont été lourdement endommagés par l’action ennemie. De plus, avant la fin de la guerre, 1 146 marins marchands canadiens ont perdu la vie en haute mer et de nombreux autres ont subi des traumatismes dans des camps de prisonniers ennemis.

La construction de navires de charge est un aspect oublié du rôle joué par le Canada pendant la Deuxième Guerre mondiale. Sans l’effort humain herculéen de la Dominion Bridge Company et d’autres constructeurs de navires du Canada, on peut se demander si la Grande-Bretagne aurait survécu à la guerre. Aurait-elle été affamée et forcée de se rendre à l’Allemagne nazie?

Ce blogue n’aurait pu être produit sans les remarquables dessins techniques du fonds Dominion Bridge Company de Bibliothèque et Archives Canada.

Autres ressources

  • A Bridge of Ships: Canadian Shipbuilding during the Second World War, par James S. Pritchard, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2011 (OCLC 693809715)
  • Canadian Transportation, janvier 1941 à décembre 1945 (OCLC 1080360026)
  • Of Tasks Accomplished : The story of the Accomplishments of the Dominion Bridge Company Limited and its Wholly Owned Subsidiaries in World War II, par la Dominion Bridge Company Limited, 1945, Montréal: Dominion Bridge Co. (OCLC 321000549)
  • Fonds Dominion Bridge Company, R5607, vol. 1612, 1613 et 2073 (MIKAN 5183995)
  • Canadian Merchant Ship Losses, 1939-1945, par Robert C. Fisher, Le marin du nord (en anglais seulement)

Rian Manson est adjoint en archivistique à la Direction générale des archives privées et du patrimoine publié de Bibliothèque et Archives Canada.

Les femmes à la guerre : un défi Co-Lab

Rebecca Murray

Les Canadiennes sont bien présentes dans les archives photographiques de la Deuxième Guerre mondiale, et notamment dans le fonds du ministère de la Défense nationale (RG 24/R112). Celui-ci comprend plus de deux millions de photos prises à divers endroits sur le globe, de Comox, en Colombie-Britannique, jusqu’à Naples, en Italie. On peut y voir nos arrière-grands-mères, nos grands-mères, nos mères, nos tantes, nos sœurs, nos cousines et nos amies en uniforme.

Le défi Co-Lab Les femmes à la guerre vous invite à identifier sur des photos d’archives des femmes et des infirmières militaires qui ont servi au Canada et à l’étranger de 1942 à 1945. On y trouve autant des portraits individuels que des photos de groupe, prises dans diverses situations : au travail, dans les loisirs, sur des navires, dans des cuisines ou des bibliothèques, sur un terrain de sport ou une piste de danse.

Les femmes y sont rarement identifiées, comme en témoigne la mention « unidentified » dans les titres. Or, connaître leurs noms est essentiel pour mieux comprendre le rôle qu’elles ont joué pendant la Deuxième Guerre mondiale. Jumelé à d’autres efforts pour identifier des femmes et des infirmières militaires dans les archives, ce défi Co-Lab nous aidera à raconter une histoire plus complète.

Voici quelques-unes des photos du défi. Pouvez-vous nous aider à trouver qui sont ces femmes?

Photo noir et blanc d’une femme en uniforme militaire regardant l’objectif. Elle est assise derrière un bureau et tient un stylo dans sa main droite. Un téléphone de type chandelier est posé sur le bureau, à sa gauche.

Membre non identifiée du Service féminin de l’Armée canadienne, Angleterre, 19 juillet 1944. Photo : Jack H. Smith, capitaine (a162428-v6)

Photo noir et blanc d’un groupe de femmes en uniforme souriant à l’objectif. Deux des femmes portent un costume plus sombre. Celles au premier rang sont assises et se tiennent par la main. Les autres sont debout derrière; plusieurs se tiennent par le bras.

Membres du Service féminin de la Marine royale du Canada, août 1943. (e011180809)

Photo noir et blanc d’un atelier avec trois grandes fenêtres. On y voit quatre femmes et un homme entourés d’outils, de tables et d’un établi. Un panneau au haut d’un mur indique « YMCA ».

Atelier de la Division féminine de l’Aviation royale du Canada, Rockcliffe (Ontario), 11 avril 1944. (a064867-v8)

Pour trouver d’autres photos de femmes et d’infirmières militaires dans les fonds de Bibliothèque et Archives Canada, utilisez l’outil Recherche dans la collection et explorez l’acquisition 1967-052. Les photos y sont classées par branches des Forces armées canadiennes. Vous pouvez aussi faire une recherche par mot-clé (p. ex. « 1967-052 Halifax Women Royal Canadian Naval Service », pour le Service féminin de la Marine royale du Canada à Halifax).

Pour plus de renseignements sur les divisions féminines dans les trois branches des Forces armées canadiennes pendant la Deuxième Guerre mondiale, lisez ces articles de blogue :

Ces photos ne montrent qu’un échantillon des multiples fonctions remplies par les militaires canadiennes pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il est important d’identifier ces femmes dans nos archives pour bâtir un récit plus représentatif. Ainsi, plusieurs générations de femmes militaires, leurs familles et tous les Canadiens pourront souligner leur rôle extraordinaire.

Utilisez notre outil Co-Lab pour transcrire, étiqueter, traduire et décrire les documents numérisés pour ce défi. Vous pouvez aussi faire de même avec n’importe quelle image numérisée de notre collection, grâce à notre outil Recherche dans la collection.


Rebecca Murray est archiviste de référence principale à la Division des services de référence de Bibliothèque et Archives Canada.

Vêtir les troupes : tricoter en temps de guerre

Par Cara Downey

Les tricoteuses canadiennes ont joué un rôle important pour vêtir les militaires lors de divers conflits, dont les deux guerres mondiales et la guerre de Corée. Ces as du tricot (en grande majorité des femmes) fabriquaient chaussettes, chandails et autres articles pour les soldats, les pilotes, les matelots, la marine marchande, les malades et les blessés, ainsi que pour les prisonniers de guerre et les réfugiés.

Plusieurs groupes de bénévoles ont appelé la population à tricoter, comme la Société canadienne de la Croix-Rouge, l’Ordre impérial des filles de l’Empire, des corps des forces armées et leurs auxiliaires – par exemple, la ligue navale – et ainsi de suite. On imprimait des patrons spéciaux pour les bénévoles et on leur fournissait tout le matériel. L’ouvrage anglais de Shirley A. Scott, Canada Knits: Craft and Comfort in a Northern Land, vous donnera plus de détails aux pages 32 à 39.

Les patrons comprenaient des directives strictes. Ainsi, les tricoteuses devaient généralement s’en tenir au tricot de base, avec des mailles à l’endroit, puisque l’ajout de motifs non nécessaires les ralentissait et gaspillait de la laine. (À ce sujet, voyez l’ouvrage de Shirley A. Scott cité ci-dessus, à la page 39.)

La série Knitting Instructions for War Work (qu’on pourrait traduire librement par : Comment tricoter pour les militaires), publiée par la Société de la Croix-Rouge en 1940, donnait des instructions détaillées, comme celles-ci :

  • Les tricots doivent être d’une couleur précise :
    • Les chaussettes pour la Marine sont bleu marine ou grises; celles pour l’Armée sont kaki, grises ou chinées; celles des Forces aériennes sont noires ou grises; et celles pour les hôpitaux sont blanches ou grises.
    • Les tuques sont bleu marine pour la Marine et kaki pour l’Armée; pas besoin d’en tricoter pour les Forces aériennes.
  • Pour passer d’une pelote à l’autre, ne faites pas de nœud : utilisez la technique du feutrage.
  • Tricotez lâchement tous les points des bords-côtes.
  • Attachez les chaussettes par paires, avec de la laine de couleur pâle passée à travers deux épaisseurs. Faites une boucle serrée, mais pas de nœud. Attachez à l’extérieur de chaque paire une étiquette indiquant la grandeur; s’il s’agit d’un demi-point, choisissez la plus petite taille. (Knitting Instructions for War Work de la Croix-Rouge, pages 3, 13 et 15.)
Photo noir et blanc de soldats en uniforme, assis dehors en train de tricoter.

Une pause occupée. (e010963520)

Règle générale, le tricot incombait aux femmes, sur le front intérieur (peu importe leur classe sociale), aux enfants (en particulier les filles), ainsi qu’aux malades et aux blessés. La photo Une pause occupée, prise vers 1918-1925, montre des soldats convalescents en train de tricoter, une activité à la fois thérapeutique et relaxante.

On encourageait les gens à tricoter de diverses façons. Par exemple, des affiches incitaient les femmes à « tricoter pour nos hommes ». Pendant la Première Guerre mondiale, la Croix-Rouge américaine a réalisé une affiche qui disait : « Nos hommes ont besoin de chaussettes. Tricotez-en. » Et en 1942, le Comité national des finances de guerre du Canada a créé une affiche montrant une tricoteuse, où l’on pouvait lire : « Qui que vous soyez… quel que soit votre emploi… le Canada a besoin de VOUS… travaillez, épargnez, prêtez à la Victoire ».

Affiche sur laquelle on lit « Qui que vous soyez… quel que soit votre emploi… le Canada a besoin de VOUS… travaillez, épargnez, prêtez à la Victoire ». On y voit les portraits de deux hommes et de deux femmes.

Qui que vous soyez… quel que soit votre emploi… le Canada a besoin de VOUS… travaillez, épargnez, prêtez à la Victoire. (e010695660)

À l’époque, le tricot était tellement en vogue qu’il s’est faufilé jusque dans la culture populaire : songeons à des chansons comme « Knitting socks for Daddy’s men », parue en 1915, et « The pretty little mitt that Kitty knit », parue en 1940. Les livres ne font pas exception : les personnages du roman Rilla d’Ingleside (1921), de Lucy Maud Montgomery, participaient à des cercles de tricot et contribuaient à l’effort de guerre en tricotant à la maison. Quant à Katherine Hale, elle a dédié aux « tricoteuses » son livre Grey Knitting and Other Poems, publié à Toronto en 1914.

Ne passons pas sous silence l’apport de ces tricoteuses. Même si on ne connaît pas avec certitude leur nombre et leur contribution totale, la Société canadienne de la Croix-Rouge estime que pour la Deuxième Guerre mondiale seulement, 750 000 bénévoles ont tricoté 50 millions d’articles! La page Web The Monument Design: The Design for The Volunteers/Les bénévoles de la Halifax Women’s History Society (en anglais) vous donnera plus d’information à ce sujet. La section néo-écossaise de l’Ordre impérial des filles de l’Empire, quant à elle, a fabriqué pendant la même période 350 paires de chaussettes, 525 chandails, 125 couvre-chefs, 50 paires de mitaines, 12 paires de gants et 65 foulards. (Voyez à ce sujet l’ouvrage de Sharon M. H. MacDonald, Hidden Costs, Hidden Labours: Women in Nova Scotia During Two World Wars, page 141.)

Visitez l’album Flickr sur les images de tricot.


Cara Downey est analyste principale à la Division de la gouvernance, de la liaison et des partenariats.

Les Canadiens et l’occupation militaire de l’Islande (1940-1941) : entre bourrasques et « mort noire »

Par Marcelle Cinq-Mars

Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, la participation des militaires canadiens à l’occupation de l’Islande, alors pays neutre, est un épisode méconnu de l’histoire militaire du Canada.

Dès le début du conflit, les Alliés tentent de freiner l’expansion des troupes allemandes qui commencent à envahir les pays voisins de l’Allemagne. Après avoir envahi le Danemark, les Allemands s’apprêtent à s’emparer de la Norvège, en avril 1940. L’Islande, île voisine de la Norvège, sera-t-elle la prochaine à subir le même sort? Afin d’empêcher les Allemands d’envahir l’Islande, les Alliés décident d’y prendre position en premier et envoient des troupes pour l’occuper, malgré l’opposition du gouvernement local.

Si l’Histoire nous dit que les Allemands n’ont jamais envahi l’Islande et qu’ils n’en ont jamais eu l’intention, les Alliés n’en savent rien en 1940. Ce qui est certain, c’est que cette île représente alors un point des plus stratégiques pour les Alliés. En effet, l’Islande offre un avantage majeur pour la défense des convois maritimes transportant les troupes et le matériel de l’Amérique vers la Grande-Bretagne. Dès qu’un aéroport y sera construit, des avions pourront décoller, patrouiller le secteur et ainsi détecter les fameux U-Boots allemands. De plus, les pilotes du Ferry Command – chargés de mener vers la Grande-Bretagne les avions militaires construits en Amérique du Nord – pourront y atterrir et ravitailler les appareils en route vers leur destination finale. C’est donc dire toute la valeur stratégique de l’Islande pour les Forces alliées.

Photographie couleur d’un grand navire devant une île.

Le NCSM Assiniboine patrouillant les eaux au large de l’Islande, mai 1942. (e010777260)

L’avant-garde britannique arrive en Islande le 8 mai 1940. Une semaine plus tard, une brigade entière débarque et s’y installe; l’opération reçoit le nom de code Alabaster. Le pays est rude, les routes couvertes de gravier et il n’y a pas d’aéroport. Le port de Reykjavik doit être adapté pour permettre le débarquement des soldats et du matériel militaire.

Les Britanniques réalisent rapidement qu’il leur faut plus de soldats pour occuper et défendre l’île en cas de tentative d’invasion par les Allemands. Le 18 mai, on demande donc au gouvernement du Canada, qui accepte, d’envoyer du renfort en Islande. Le brigadier L. F. Page reçoit le commandement des troupes canadiennes composées de trois bataillons : le Royal Regiment of Canada, les Fusiliers Mont-Royal et les Cameron Highlanders of Ottawa (Machine Gun). Les troupes canadiennes et les unités de service sont désignées par le nom de code Force « Z ».

La Force « Z » canadienne se joint ainsi à l’opération Alabaster. Le journal de guerre des troupes canadiennes est une mine d’information et de détails sur cette opération; un rapport historique rédigé après les faits en présente aussi un très bon résumé.

Page couverture d’un journal de guerre. On peut y lire, à l’encre noire sur fond blanc, les mots « Secret » et « War Diary ».

Page couverture du journal de guerre du quartier-général de la Force « Z », septembre 1940. On peut le consulter en ligne sur Canadiana Héritage (en anglais). (RG24, vol. 13813)

Dès leur arrivée en Islande, les Canadiens éprouvent une série de contretemps qui nuisent à leur installation. Le principal problème provient de l’exigüité du port de Reykjavik, qui ne peut accommoder qu’un navire à la fois. Or, les Britanniques insistent que leurs cargaisons ont priorité sur celles des Canadiens. Quand les navires canadiens peuvent enfin accéder au quai, il n’y a pas de grue de déchargement; tout le matériel doit être transporté par des équipes d’hommes. Le gouvernement du Canada avait expédié tout le nécessaire à la construction des cabanes de style Yukon. Or, le matériel n’a pas été embarqué sous forme de trousses : les soldats doivent donc attendre que toutes les cargaisons arrivent à bon port avant de pouvoir assembler une première cabane! Et comme si cela n’était pas assez, aucun plan n’accompagne le matériel pour en assurer la construction.

À la mi-septembre alors qu’il commence à geler la nuit, seulement la moitié des membres de la Force « Z » ont un toit; les autres dorment encore sous la tente depuis juin. Et ce ne sont pas des cabanes Yukon qui hébergent les Canadiens, mais plutôt des cabanes Nissen obtenues des Britanniques! Les forts vents, la pluie abondante et les bourrasques qui font constamment rage en Islande à l’approche de l’automne balaient même les tentes et les ballots de vêtements des unités cantonnées près des côtes. Il s’agit là d’un souci constant pour le brigadier L. F. Page qui a à cœur le bien-être des troupes sous son commandement.

Les soldats, quant à eux, s’acclimatent tant bien que mal aux conditions de vie en Islande. Entre les corvées de travail et les exercices de tir, ils profitent de leurs moments libres pour aller en ville. Dans le rapport mensuel qu’il présente aux autorités militaires, le brigadier Page rapporte que ces sorties en ville sont source d’indiscipline liée à l’ivresse. Dépourvus d’alcool canadien sur leurs campements, les soldats prennent rapidement goût à un alcool local surnommé la « mort noire » par les Islandais : il s’agit très probablement de l’aquavit, une eau-de-vie aromatisée à forte teneur en alcool. Afin de remédier à cette situation, la Force « Z » passe sa commande de produits (en anglais) dont les soldats ont besoin chaque semaine :

  • 100 000 cigarettes en paquets de 10
  • 12 000 tablettes de chocolat de marque populaire et de qualité standard
  • 120 bouteilles de whisky, 60 bouteilles de brandy et 18 000 bouteilles de bonne bière, soit 12 000 John Labatt (India Pale) et 6 000 Molson
  • 75 livres de café de marque populaire et de bonne qualité

Grâce aux interventions répétées du brigadier Page, les conditions de vie des soldats canadiens s’améliorent en Islande. Pendant ce temps, le premier ministre britannique, sir Winston Churchill, visite les troupes canadiennes restées en entraînement en Grande-Bretagne. C’est alors qu’il apprend qu’une partie des Canadiens a été envoyée en Islande pour servir de troupes d’occupation et de défense. Le 7 juillet 1940, il écrit au secrétaire d’État à la Guerre :

« Vous avez partagé mon étonnement quand le général McNaughton a déclaré que l’ensemble de la 2e Division canadienne devait aller en Islande. Ce serait certainement une grande erreur de permettre l’utilisation de ces excellentes troupes dans un théâtre (d’opérations) aussi éloigné. Il semble que les trois premiers bataillons y soient déjà. Personne n’en a été informé. Nous requérons que deux divisions canadiennes travaillent ensemble en un seul corps, le plus rapidement possible. » [Traduction]

Le premier ministre britannique a une si haute opinion des soldats canadiens, qu’il ne peut comprendre qu’on les sous-utilise dans la défense de l’Islande, un rôle qu’il préfère voir remplir par les territoriaux britanniques. Après des discussions à ce sujet avec le gouvernement du Canada, la décision est prise : les troupes canadiennes iront rejoindre le reste du corps canadien en Grande-Bretagne. Le brigadier L. F. Page quitte donc l’Islande en octobre 1940 avec la majorité des troupes de la Force « Z »; les derniers éléments canadiens quitteront l’île en avril 1941. Le mois suivant, les Américains acceptent la demande des autorités islandaises et britanniques de prendre la relève pour la défense de l’Islande. Ils y sont présents, à divers degrés, depuis cette époque.

Page dactylographiée d’un rapport historique. On peut y lire, à l’encre noire sur fond blanc, les mots « Cancelled » et « Declassified » dans le coin supérieur droit.

Première page du rapport historique no 33 sur les opérations de la Force « Z » en Islande, décembre 1949. (RG24, vol. 6924)

Le journal de guerre et le rapport historique sont des sources incontournables pour documenter ce chapitre peu connu de l’histoire militaire canadienne.


Marcelle Cinq-Mars est archiviste principale des affaires militaires, Archives gouvernementales, Bibliothèque et Archives Canada.

Molly Lamb Bobak, première Canadienne artiste de guerre à l’étranger : un défi Co-Lab

Par Krista Cooke

Photo noir et blanc montrant une femme en uniforme, assise sur un quai, vue de côté. Elle tient une tablette à dessin et un crayon, et elle sourit. En arrière-plan, on voit un enfant blond ainsi que des voiliers amarrés au quai.

La lieutenante Molly Lamb, artiste de guerre du Service féminin de l’Armée canadienne, en train de dessiner à Volendam (Pays-Bas), septembre 1945. (a115762)

Molly Lamb Bobak (née Molly Lamb) fut la première Canadienne envoyée outre-mer en tant qu’artiste de guerre officielle. Elle est sans doute l’artiste peintre de la Deuxième Guerre mondiale qui a le mieux représenté la vie des femmes dans l’armée.

En 1942, fraîchement émoulue de l’école d’art de Vancouver, cette jeune peintre talentueuse s’enrôle dans le Service féminin de l’Armée canadienne en tant que dessinatrice. Son rêve : devenir artiste de guerre officielle.

Le Canada possédait déjà une vaste collection d’œuvres militaires, grâce au programme d’art militaire canadien établi durant la Première Guerre mondiale. Or, la contribution de Molly Lamb Bobak aux archives de la Deuxième Guerre mondiale est exceptionnelle. Ses œuvres, fruit de toute une vie consacrée à la peinture et au dessin, sont conservées dans nombre d’institutions canadiennes. Plusieurs se retrouvent notamment à Bibliothèque et Archives Canada (BAC), dont son remarquable journal de guerre. Maintenant numérisé, celui-ci peut être transcrit grâce à l’outil collaboratif Co-Lab.

Peu après son enrôlement, Molly Lamb Bobak commence à tenir un journal, qui apportera un précieux témoignage du rôle joué par le Service féminin de l’Armée canadienne dans l’effort de guerre. Ce journal, écrit à la main et agrémenté de dessins, s’intitule simplement W110278 (d’après son numéro matricule). Il offre un compte rendu personnel et instructif de la vie quotidienne dans l’armée. Rédigé entre novembre 1942 et juin 1945, il contient 226 pages illustrées et près de 50 croquis réalisés sur des feuilles intercalées entre ces pages.

Texte manuscrit et illustrations imitant une page de journal. Le texte est placé en colonne du côté droit; à gauche, un dessin montre une femme en uniforme militaire, et au bas, un autre dessin montre une scène dans une cantine. En haut de la page, on peut lire les titres « W110278 » (le numéro matricule de Molly Lamb Bobak) et « Girl Take Drastic Step! » (Une jeune femme franchit une étape importante).

Extrait du journal manuscrit de Molly Lamb Bobak, illustrée de dessins colorés. (e006078933)

Page manuscrite contenant du texte et des illustrations. On peut voir deux femmes en uniforme militaire, quatre femmes prenant la pose, deux femmes attablées dans un restaurant, un petit cochon rose et quatre femmes marchant au pas. La page est coiffée du titre « Life Begins as Second-Lieutenant! » (Les débuts d’une sous-lieutenante).

Extrait du journal manuscrit de Molly Lamb Bobak. (e011161136)

La première page du journal (ci-dessus) est révélatrice du ton humoristique et du point de vue original adoptés par l’artiste. Écrit dans un style journalistique, son format s’apparente à celui d’un grand quotidien. En manchette, on peut lire « Girl Take Drastic Step! » (Une jeune femme franchit une étape importante), « You’re in the Army now as Medical Test Okayed » (Vous faites maintenant partie de l’Armée, vous avez réussi l’examen médical). Suivent des bulletins de nouvelles écrits à la main, parsemés d’anecdotes amusantes et de dessins aux couleurs vives, qui racontent la vie des femmes militaires durant la Deuxième Guerre mondiale.

Ce journal offre un compte rendu quotidien de la vie de Molly Lamb Bobak dans le Service féminin de l’Armée canadienne, où elle travaille d’abord comme serveuse dans les cantines avant d’aller suivre une formation de base en Alberta. En 1945, elle est promue au grade de lieutenant au sein de la Section historique des Forces armées canadiennes. Pendant ses années de service au Canada, elle dessine le monde qui l’entoure. Plusieurs de ces dessins serviront éventuellement d’études pour ses peintures.

Trois ans après s’être enrôlée, Molly Lamb Bobak atteint son but ultime : elle devient la première Canadienne envoyée outre-mer en tant qu’artiste de guerre officielle. Elle en parle avec enthousiasme dans son journal, écrivant : « Lamb’s Fate Revealed…To Be First Woman War Artist! »  (Le destin de Lamb se réalise… Être la première femme artiste de guerre!).

Mais malgré son talent, rien n’est gagné d’avance. À l’époque, le point de vue des femmes n’est pas une priorité pour le programme d’art militaire. Comme elle le racontera plus tard, « être la première femme artiste de guerre, dans un groupe de neuf hommes, c’était toute une réussite pour moi… parce que je sais que l’Armée ne voulait pas de femmes artistes, à l’époque. » [Traduction ]

Molly Lamb Bobak attribue son succès au peintre A. Y. Jackson, membre du Groupe des Sept et ami de sa famille. Celui-ci l’avait recommandée au directeur du Musée des beaux-arts du Canada, associé au programme d’art militaire. Il avait fait valoir que si on lui en donnait la chance, Molly pourrait aller loin. Ce qu’elle fera!

Photo noir et blanc, prise de côté, montrant Molly Lamb Bobak en train de peindre devant un chevalet, un pinceau et une palette de couleurs à la main.

Molly Lamb Bobak peignant la buanderie de la base stationnaire no 1 (on voit ci-dessous l’œuvre terminée). (a188549)

Toile colorée représentant des femmes (certaines en uniforme) qui font la file devant un bâtiment. On voit à l’arrière-plan des collines verdoyantes et des arbres. Cette œuvre est la version achevée du tableau que Bobak est en train de peindre dans la photographie ci-dessus.

La buanderie de la base stationnaire no 1, une œuvre de Molly Lamb Bobak conservée au Musée canadien de la guerre (Musée canadien de la guerre, no 19710261-1617).

Après le cessez-le-feu de 1945, l’armée envoie Molly Lamb Bobak en Angleterre, aux Pays-Bas, en Belgique et en Allemagne. Des quelque 30 artistes de guerre canadiens de la Deuxième Guerre mondiale, elle se distingue en créant des œuvres qui portent essentiellement sur les femmes militaires. Environ 50 000 Canadiennes se sont enrôlées dans l’armée durant la Deuxième Guerre mondiale. Mais leur expérience n’intéresse pas beaucoup les artistes masculins et les administrateurs du programme d’art militaire, qui préfèrent généralement les scènes montrant des champs de bataille et des militaires de sexe masculin. En tant que membre du Service féminin de l’Armée canadienne, Molly Lamb Bobak jouit d’un accès privilégié aux femmes et peut témoigner de leur quotidien dans ses œuvres. Comme elle l’expliquera plus tard, « la structure même de la vie militaire convient au peintre… Où que l’on regarde, il y a quelque chose de fantastique à peindre… L’on pourrait passer des heures à dessiner les membres du Service qui arrivent et repartent, ou encore les nouvelles recrues, les filles de corvée en salopettes, l’officier de service ». [Traduction]

Pendant son service outre-mer, Molly Lamb Bobak réalise des dizaines d’œuvres, qui font maintenant partie de la collection d’art militaire Beaverbrook conservée au Musée canadien de la guerre. Jumelés aux documents conservés à Bibliothèque et Archives Canada, ils dressent un excellent portrait de sa vie militaire et artistique.

Après la guerre, Molly épouse Bruno Bobak, un collègue artiste de guerre lui aussi. Leur histoire d’amour avait commencé alors qu’ils partageaient un studio à Londres; elle durera jusqu’à leur décès. (Molly Lamb Bobak est décédée en 2014; Bruno Bobak, en 2012.) Leurs archives communes sont conservées à Bibliothèque et Archives Canada.

Nous vous invitons à utiliser notre outil Co-Lab pour transcrire, étiqueter, traduire et décrire des documents numérisés de notre collection, y compris le journal de guerre de Molly Lamb Bobak.


Krista Cooke est conservatrice à la Division des expositions de Bibliothèque et Archives Canada. Ce billet de blogue s’inspire d’un billet antérieur rédigé par Carolyn Cook, anciennement de BAC.

CIL : L’histoire derrière la marque

Par François Larivée

Le sigle CIL fait partie de ces marques de commerce qui évoquent immédiatement quelque chose dans l’imaginaire populaire – dans ce cas-ci, la peinture. Or, lorsqu’on découvre l’histoire de l’entreprise derrière cette marque bien connue, on constate avec surprise que CIL tire son origine de la fabrication d’explosifs et de munitions.

Photographie noir et blanc montrant un grand panneau de forme rectangulaire ancré dans un talus et affichant une publicité de la compagnie CIL. La publicité prend la forme d’une œuvre peinte, avec une maison à chaque extrémité, le tout situé dans un paysage de banlieue. Entre les deux maisons, on aperçoit le logo ovale de la compagnie CIL, avec les mots « Peintures » en haut à gauche et « Paints » en bas à droite.

Panneau publicitaire de la compagnie CIL sur le boulevard Monkland, Ville LaSalle (Québec), vers 1950. (a069072)

Des origines explosives

En fait, les origines de la CIL remontent jusqu’en 1862, avant même la Confédération. Cette année-là, la Hamilton Powder Company voit le jour à Hamilton, en Ontario. Cette compagnie se spécialise dans la production de poudre noire, utilisée alors comme explosif pour divers usages, et plus spécialement pour la construction des voies ferrées (un secteur alors en plein essor).

Les activités de la Hamilton Powder Company culminent en 1877 avec l’obtention d’un important contrat : participer aux travaux de construction du chemin de fer national devant relier l’Est du Canada et la Colombie-Britannique. (Ce lien, comme on le sait, était une condition posée par la Colombie-Britannique pour se joindre à la Confédération.) La poudre noire produite par la compagnie est alors utilisée pour permettre le périlleux passage de la voie ferrée à travers les Rocheuses, dans les années 1884 et 1885.

À la suite de son expansion, la Hamilton Powder Company déplace son siège social à Montréal. C’est aussi dans les environs de Montréal, à Belœil, qu’elle développe à partir de 1878 ce qui deviendra son principal site de production d’explosifs.

En 1910, elle fusionne avec six autres compagnies canadiennes, majoritairement spécialisées elles aussi dans la production d’explosifs. Ensemble, elles forment une nouvelle entreprise : la Canadian Explosives Company (CXL). Bien que les explosifs demeurent l’essentiel de sa production, de nouvelles activités s’ajoutent, dont la fabrication de produits chimiques et de munitions.

L’une des compagnies ayant participé à la fusion, la Dominion Cartridge Company, se spécialisait déjà en effet dans la fabrication de munitions, et plus particulièrement de cartouches de fusils (surtout utilisées pour la chasse). Elle avait été fondée en 1886 à Brownsburg, au Québec, par deux Américains – Arthur Howard et Thomas Brainerd – et par le Canadien John Abbott, qui deviendrait plus tard le troisième premier ministre du pays. En 2017, Bibliothèque et Archives Canada a acquis une importante partie du fonds d’archives de la CIL portant sur son usine de Brownsburg.

Guerres mondiales et munitions militaires

Au cours de la première moitié du 20e siècle, la compagnie produit de plus en plus de munitions. En effet, conséquence des deux guerres mondiales, la demande est en forte hausse, et particulièrement pour les munitions militaires.

Dès 1915, l’Arsenal fédéral (responsable de la production de munitions militaires au Canada) ne peut satisfaire seul à la demande. Le gouvernement canadien sollicite donc l’aide de la Dominion Cartridge, alors l’une des plus grandes compagnies privées dans ce secteur. Elle obtient ainsi d’importants contrats pour produire des munitions militaires.

Décret approuvé et signé le 4 mai 1915 par le Bureau du Conseil privé, sur la recommandation du ministère de la Milice et de la Défense. Il autorise l’établissement d’un contrat avec la Dominion Cartridge Company Limited de Montréal pour la production de cent millions de munitions de type .303 Mark VII, selon les spécifications du bureau britannique de la Guerre (War Office), à 36 $ par mille livres.

Décret du Bureau du Conseil privé approuvant l’établissement d’un contrat avec la Dominion Cartridge Company pour la production de munitions, mai 1915. (e010916133)

Afin de refléter la diversification progressive de ses opérations, la compagnie prend le nom, en 1927, de Canadian Industries Limited (CIL).

Après le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, la CIL augmente encore davantage sa production de munitions militaires. En partenariat avec la Couronne, elle met sur pied en 1939 une filiale dédiée exclusivement à ce secteur d’activité : la Defence Industries Limited (DIL). La Couronne est propriétaire des usines et des équipements, mais délègue à la CIL la gestion des opérations. Elle lui fournit aussi les fonds nécessaires pour faire fonctionner les usines, bien qu’elle n’en achète pas la production.

Les Alliés ayant d’importants besoins en munitions, la DIL prend rapidement de l’expansion. Elle ouvre de nombreuses usines : en Ontario, à Pickering (Ajax), Windsor, Nobel et Cornwall; au Québec, à Montréal, Brownsburg, Verdun, Saint-Paul-l’Hermite (usine Cherrier), Sainte-Thérèse (usine Bouchard), Belœil et Shawinigan; ainsi qu’au Manitoba, à Winnipeg.

Certaines occupent des sites immenses, et la DIL devient l’un des plus importants complexes industriels. En 1943, au sommet de son activité, elle emploie plus de 32 000 personnes, en grande majorité des femmes.

Photographie noir et blanc d’une employée vêtue d’un uniforme et d’un bonnet blancs, tenant un projectile qu’elle présente à l’honorable C. D. Howe. Derrière eux, plusieurs projectiles de formats différents sont exposés sur une table. À l’arrière-plan, on voit quelques civils et militaires debout sur une estrade, derrière un lutrin.

Edna Poirier, une employée de la Defence Industries Limited (DIL), présente à l’honorable C. D. Howe le 100 000 000e projectile fabriqué à l’usine Cherrier, Saint-Paul-l’Hermite (Québec), septembre 1944. (e000762462)

Photographie noir et blanc montrant des employés devant des bâtiments d’usine, s’éloignant de ce qui semble être un vestiaire. La plupart sont vus de dos; d’autres font face à la caméra ou discutent entre eux. On aperçoit en arrière-plan quelques wagons de train.

Des ouvriers et des ouvrières quittant l’usine Cherrier de la Defence Industries Limited pour aller prendre le train, Saint-Paul-l’Hermite (Québec), juin 1944. (e000762822)

Nouveaux produits et centenaire

Après la Seconde Guerre mondiale, la CIL réduit progressivement la production de munitions, qu’elle abandonne définitivement en 1976 pour se concentrer sur les produits chimiques et synthétiques, les fertilisants agricoles et les peintures. Elle commence alors à investir une importante partie de son budget de fonctionnement dans la recherche et le développement de nouveaux produits. Son laboratoire central de recherche, mis sur pied en 1916 près de l’usine de Belœil, prend de l’ampleur, comme en témoigne une importante partie du fonds d’archives de la CIL conservé à Bibliothèque et Archives Canada.

L’essor de l’usine d’explosifs et du laboratoire dans la région de Belœil débouche sur la création, en 1917, d’une toute nouvelle municipalité : McMasterville, ainsi nommée en l’honneur de William McMaster, premier président de la Canadian Explosives Company en 1910.

Photographie noir et blanc d’un travailleur portant un équipement de protection et une visière, versant d’une machine un liquide blanc coulant en une bande uniforme dans un cylindre qu’il tient de la main droite. Un peu de fumée s’échappe du liquide.

Travailleur versant du nylon liquide à partir d’un autoclave, Canadian Industries Limited, Kingston (Ontario), vers 1960. (e011051701)

Photographie noir et blanc d’un travailleur remplissant un sac en le tenant sous le bec verseur d’une machine. Une pile de sacs vides se trouve près de lui. On peut lire sur les sacs : « CIL Fertiliser ».

Mise en sac de l’engrais chimique à l’usine de Canadian Industries Limited, Halifax (Nouvelle-Écosse), vers 1960. (e010996324)

Même si la CIL diversifie ses opérations, la production d’explosifs demeure son principal facteur de croissance et de profitabilité. Ces explosifs sont utilisés dans de nombreux projets d’envergure, dont des projets miniers à Sudbury, Elliot Lake, Thompson, Matagami et Murdochville, et des projets hydroélectriques à Manicouagan, Niagara et Churchill Falls. Ils servent aussi lors de la construction de la voie maritime du Saint-Laurent et de l’autoroute transcanadienne.

Pour souligner son centenaire, en 1962, la compagnie fait construire un important immeuble au centre-ville de Montréal : la maison CIL (aujourd’hui la tour Telus). Les travaux s’échelonnent de 1960 à 1962 et témoignent de l’essor de la CIL.

À la même époque, la compagnie achète une maison patrimoniale dans le Vieux-Montréal, qu’elle restaure et baptise d’abord la Maison du centenaire de CIL, puis la maison Del Vecchio (en hommage à celui qui la fit construire). Elle y expose périodiquement des pièces de collection venant de son musée d’armes et de munitions, à Brownsburg.

La compagnie disparaît, mais la marque demeure

En 1981, la CIL déménage son siège social de Montréal vers Toronto. Son laboratoire central de recherche, quant à lui, est transféré de McMasterville à Mississauga. L’usine d’explosifs de McMasterville reste cependant en activité, et ce, malgré les nombreux accidents de travail – certains mortels – qui y surviennent. Elle diminuera progressivement sa production, avant de fermer pour de bon en 2000.

L’époque florissante de la CIL était toutefois déjà révolue depuis un certain temps, puisque depuis 1988, la compagnie n’était qu’une simple filiale de la compagnie britannique de produits chimiques ICI (elle-même acquise en 2008 par la compagnie hollandaise AkzoNobel).

Pour clore la boucle, en 2012, la compagnie américaine PPG acheta d’AkzoNobel sa division de production de revêtements et de peintures – et, par la même occasion, la marque de peinture si bien connue CIL, qui existe encore aujourd’hui.

Ressources connexes


François Larivée est archiviste à la Section des sciences, de l’environnement et de l’économie de la Direction générale des archives.

La libération des Pays-Bas (1944-1945)

Sarah Bellefleur Bondu

L’année 2020 marque le 75e anniversaire de la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Ce conflit sanglant aura duré six longues années marquées par les combats, les offensives militaires, les restrictions et le rationnement, autant pour les populations d’Europe que d’Amérique du Nord, ainsi que par les déchirements vécus par les familles ayant perdu un proche au front. Cette période de 1939 à 1945 fut également axée sur la coopération, l’entraide et la solidarité des forces alliées et des citoyens vivant des conditions extrêmement difficiles. Dès 1944, l’apport essentiel des forces canadiennes à la libération des Pays-Bas témoigne de cet esprit d’entraide.

À partir du 10 mai 1940, les troupes allemandes poussent leur assaut et traversent la frontière des Pays-Bas. Quelques jours plus tard, Sa Majesté la reine Wilhelmine et les membres du gouvernement néerlandais quittent le pays qui se trouve rapidement sous l’oppression des nazis. Les Pays-Bas resteront dans cette difficile situation durant quatre ans.

Village inondé dont les toits de maisons et le clocher de l’église émergent de l’eau.

La destruction des digues par les Allemands cause l’inondation d’une grande partie du nord des Pays-Bas. Cette photo, prise d’un avion le 31 mai 1945, montre un petit village inondé où le clocher de l’église et les toits des maisons servent de refuge aux goélands. (a175772)

Début des opérations aux Pays-Bas

En septembre 1944, quelques semaines après le débarquement de Normandie, les Alliés mettent en branle les opérations visant à briser la ligne d’occupation allemande qui traverse toujours le nord-ouest de l’Europe. De nombreux emplacements stratégiques, notamment plusieurs ponts sur les principaux cours d’eau des Pays-Bas, sont repris par les forces alliées grâce à l’opération Market Garden. Toutefois, les troupes allemandes occupent toujours les abords de l’Escaut, qui relie la ville portuaire d’Anvers, en Belgique, à la mer du Nord, en passant par les Pays-Bas. Les Alliés ont absolument besoin de ce canal de transport pour accéder à un grand port maritime afin d’assurer le ravitaillement des troupes.

Bataille de l’Escaut

En octobre 1944, les Alliés prennent successivement le contrôle des rives nord et sud de l’Escaut. Le 8 novembre, ils parviennent à reprendre la forteresse que les Allemands avaient établie sur l’île de Walcheren.

À l’hiver 1944-1945, les Alliés planifient soigneusement la prochaine campagne qui pourra vraisemblablement mettre fin à la guerre en Europe. Le peuple néerlandais arrive cependant à bout de toutes ses ressources pour continuer de survivre sous l’occupation allemande : c’est l’hiver de la faim. Les dernières réserves de nourriture épuisées, des milliers de civils connaissent une mort tragique.

L’opération Veritable est lancée le 8 février 1945. Elle vise à permettre aux troupes alliées de poursuivre leur avancée et de traverser les frontières allemandes, afin de repousser l’ennemi au-delà du Rhin et de créer une brèche dans la fameuse ligne Siegfried.

Campagne de l’Europe du Nord-Ouest : phase finale

Au fur et à mesure de leur avancée dans les Pays-Bas, les troupes alliées libèrent les villes occupées, l’une après l’autre. Le 2e Division canadienne d’infanterie se charge de débarrasser le nord-est des Pays-Bas et la côte allemande de l’occupation nazie, dont les villes d’Almelo (5 avril), de Zutphen (8 avril), de Deventer (12 avril), d’Arnhem (12-16 avril) et de Groningen (16 avril). De l’autre côté, le 1er Corps d’armée canadien déloge les Allemands encore présents dans l’ouest des Pays-Bas, au nord de la Meuse, et libère la ville d’Apeldoorn (17 avril).

Pendant ces opérations, les Alliés craignent toutefois que les Allemands ne détruisent des digues et que les eaux printanières inondent les villes néerlandaises. Ils sont aussi conscients des problèmes de ravitaillement qui laissent les civils en famine. À partir du 28 avril, ils entreprennent donc des négociations avec les Allemands, qui acceptent leur proposition deux jours plus tard. On transportera alors des milliers de tonnes de vivres et de charbon par avion, par bateau et par camion pour venir en aide aux Néerlandais.

Plusieurs personnes sortent des caisses de vivres de l’arrière d’un camion militaire. De nombreuses caisses sont empilées au premier plan.

Des civils néerlandais chargent un camion de vivres des Canadiens, à la suite de l’entente conclue entre les Allemands, les Néerlandais et les Alliés concernant la distribution de nourriture à la population des Pays-Bas, 3 mai 1945. (a134417)

Le 5 mai 1945, les forces allemandes occupant les Pays-Bas se rendent; le pays est officiellement libéré. Après avoir survécu à des années de misère, les Néerlandais réservent un accueil des plus chaleureux aux Canadiens, à leur arrivée. On assiste alors à plusieurs scènes où le peuple néerlandais célèbre la fin de l’occupation. Deux jours après la libération des Pays-Bas, la fin de la Deuxième Guerre mondiale  en Europe est officiellement déclarée.

Une foule de gens avec les bras levés, dont une jeune femme tenant des tulipes dans ses mains, entourant un soldat canadien brandissant son chapeau.

Foule de citoyens néerlandais célébrant la libération d’Utrecht par l’Armée canadienne, 7 mai 1945. (a134376)

Depuis, de nombreux Canadiens ayant participé à la libération des Pays-Bas sont retournés dans ce pays lors de cérémonies de commémoration et ont conservé des liens étroits avec les Néerlandais rencontrés sur place. Bibliothèque et Archives Canada conserve de nombreux documents d’archives témoignant des événements de 1945 et des liens tissés entre le Canada et les Pays-Bas jusqu’à ce jour.

De nombreux enfants debout devant des pierres tombales, tenant des bouquets de jonquilles.

De jeunes enfants s’apprêtent à déposer des fleurs sur des tombes au cimetière de guerre canadien de Bergen-op-Zoom, où plusieurs soldats canadiens sont enterrés, 1957. (e011176651)

Autres ressources :


Sarah Bellefleur Bondu est archiviste à la Division des services de référence, à Bibliothèque et Archives Canada.

Sélection d’archives portant sur le jour J et la campagne de Normandie (6 juin – 30 août 1944)

Par Alex Comber

Dans la première partie de cet article, nous avons souligné le 75e anniversaire du jour J et revisité la participation du Canada à l’invasion du Nord-Ouest de l’Europe et au reste de la campagne de Normandie, du 6 juin au 30 août 1944. Dans la deuxième, nous allons explorer des collections exceptionnelles de Bibliothèque et Archives Canada (BAC) qui concernent ce pan d’histoire, et présenter des archives que les internautes peuvent consulter facilement, notamment grâce à des activités de sensibilisation, à des projets de numérisation ciblés de grande envergure et aux nouveaux Numéri-Lab et Co-Lab de BAC.

Image en noir et blanc, tirée d’un film, où l’on voit des soldats sortir d’une péniche de débarquement.

Image des actualités filmées de l’Armée canadienne no 33, qui comprennent une séquence sur le débarquement des Canadiens le 6 juin 1944, dit le jour J.

Nous recevons souvent des demandes de référence concernant nos collections de photos, comme celles de l’Unité de film et de photographie de l’Armée canadienne, qui ont immortalisé le débarquement des troupes lors du jour J, il y a 75 ans. Au fil de la campagne de Normandie, l’Unité a continué de produire des documents visuels qui donnent une meilleure idée des opérations au front que ne le faisaient les photographies officielles des conflits précédents. Les séquences de tournage étaient intégrées aux actualités filmées que l’Armée canadienne diffusait sur son territoire, et certaines d’entre elles, comme celle du jour J ci-dessus, ont aussi été présentées dans d’autres pays.

Les photographes de l’Armée et de la Marine utilisaient des appareils noir et blanc et des appareils couleur. Leurs splendides images en couleur sont réunies dans les séries ZK (Armée de terre) et CT (Marine).

Photographie couleur d’un véhicule blindé armé d’un gros canon.

Un Centaur (char britannique de soutien rapproché armé d’un obusier) appuyant les Canadiens pendant la campagne de Normandie. (e010750628)

Certaines des images les plus célèbres de militaires canadiens en Normandie ont été intégrées à la série de l’Armée classée par ordre numérique, qui comptait plus de 60 000 photos au terme des hostilités. Les albums photo créés pendant la Seconde Guerre mondiale pour répondre aux demandes de reproduction peuvent aider à s’orienter dans cette montagne de documents. En feuilletant ces « albums rouges », comme les surnomment les chercheurs à nos locaux d’Ottawa, les visiteurs découvriront un compte rendu journalier, sous forme visuelle, des activités de l’Armée canadienne durant le conflit. Nous avons récemment numérisé les albums imprimés 74, 75, 76 et 77, qui montrent les événements qui se sont déroulés en France du 6 juin à la mi-août 1944.

Une page de photographies noir et blanc montrant une péniche de débarquement, des défenses ennemies détruites, des habitations et des sites de débarquement sur la plage.

Une page du 74e des 110 albums imprimés de l’Armée, où l’on voit des photographies prises tout juste après le débarquement (e011217614).

BAC possède également quantité de documents textuels sur la période allant de juin à août 1944. L’une des collections les plus importantes est composée des journaux de guerre d’unités canadiennes ayant participé à la campagne. Les unités outremer, alors tenues de consigner leurs activités quotidiennes aux fins de documentation, y résumaient habituellement leurs entraînements, leurs préparatifs, leurs opérations et les événements d’importance. Les journaux de la Seconde Guerre mondiale contiennent souvent le nom des soldats tués ou grièvement blessés. Les officiers ajoutaient en annexe de l’information supplémentaire : rapports, cartes de campagne, bulletins de leur unité et autres documents importants.

Nous avons d’ailleurs commencé à numériser et à mettre en ligne certains de ces journaux. Celui du 1er Bataillon canadien de parachutistes (MIKAN 928089, divisé en deux fichiers PDF) est particulièrement fascinant; les soldats de ce bataillon, qui ont pris part à l’opération Tonga avec la 6e Division aéroportée britannique, ont été les premiers Canadiens à entrer en action lors du jour J.

Image numérisée en couleur d’un compte rendu tapuscrit des opérations du jour J.

: Rapport du 6 juin 1944 dans le journal de guerre du 1er Bataillon canadien de parachutistes, où il est question des objectifs de l’unité pendant l’opération Overlord du jour J (e011268052).

Les journaux de guerre des unités de commandement et de quartiers généraux sont eux aussi d’importantes sources d’information, car ils expliquent la réussite ou l’échec d’une opération militaire. Ils contiennent en outre des documents d’unités subalternes. Parmi les journaux dont la numérisation est en cours figure celui du quartier général de la 3e division d’infanterie canadienne pour la période de juin et juillet 1944.

Image numérisée en couleur d’un compte rendu tapuscrit des opérations du jour J.

Première partie d’un long passage sur les opérations du jour J dans les rapports quotidiens d’un journal de guerre pour le début du mois de juin 1944 (e999919600).

BAC entrepose également tous les dossiers du personnel de l’Armée active du Canada (Armée canadienne outremer), de la Marine royale du Canada et de l’Aviation royale du Canada pour la période de la Seconde Guerre mondiale. Les dossiers de service de quelque 44 000 hommes et femmes morts en service de 1939 à 1947, dont plus de 5 000 pendant la campagne de Normandie, sont accessibles au public. Dans le cadre d’un partenariat avec Ancestry.ca, une partie de chacun des dossiers a été numérisée, puis mise en ligne sur ce site, où tous les Canadiens peuvent les consulter. Pour savoir comment vous inscrire gratuitement et accéder aux documents, suivez les instructions sur notre site Web.

Ces archives revêtent une grande valeur sur les plans généalogique et historique. Comme le montrent les documents suivants, elles gardent toute leur pertinence et constituent des témoignages touchants sur les hommes et les femmes qui ont servi pendant le conflit et leur famille.

Document médical présentant un schéma des dents supérieures et inférieures, avec des notes indiquant les dents manquantes et les interventions effectuées.

Le soldat Ralph T. Ferns, de Toronto, a disparu le 14 août 1944, victime d’un tir ami. Son unité d’infanterie, le Régiment Royal du Canada, a été ciblée accidentellement par l’aviation alliée alors qu’elle se déplaçait pour participer à l’opération Tractable, au sud de Caen. Soixante ans plus tard, les ossements du soldat Ferns ont été découverts près du Haut Mesnil, en France. Le ministère de la Défense nationale, grâce à son Programme d’identification des pertes militaires, a pu confirmer l’identité du défunt. Les documents médicaux dans son dossier de service, notamment son dossier dentaire, ont été très utiles à cette fin. Ralph T. Ferns a été inhumé avec tous les honneurs militaires au cimetière de guerre canadien de Bretteville-sur-Laize, en 2008, en présence de sa famille.

Réponse officielle, écrite en français en juillet 1948, à la demande soumise par la famille d’Alexis Albert, du North Shore (New Brunswick) Regiment, dans le but de communiquer avec ceux qui entretenaient la tombe du défunt soldat.

Le soldat Alexis Albert, du North Shore (New Brunswick) Regiment, est tombé au combat en France le 11 juin 1944. Quatre ans plus tard, son père Bruno, qui vivait à Caraquet (Nouveau-Brunswick), a demandé l’adresse de la famille qui entretenait soigneusement sa tombe au cimetière militaire canadien de Bény-sur-Mer, en Normandie, pour l’en remercier. Le directeur des Archives des services de guerre (ministère des Anciens Combattants) a fourni cette réponse, qui a permis aux proches du défunt de communiquer avec la famille française.

Ce ne sont là que quelques exemples des archives de BAC portant sur l’action des militaires canadiens en France entre le 6 juin et la fin août 1944. Notre outil Recherche dans la collection vous aidera à trouver bien d’autres sources précieuses pour explorer la planification et la logistique derrière les opérations militaires des Canadiens en France, approfondir vos recherches sur les événements eux-mêmes et découvrir des histoires personnelles d’adversité, de triomphe, de souffrance et de perte.

Photographie en noir et blanc montrant la grande Croix du Sacrifice et plusieurs rangées de pierres tombales de la Commission de l’Empire pour les tombes de guerre (Imperial War Graves Commission).

Cimetière de guerre canadien de Bény-sur-Mer, qui abrite les tombes de 2 000 soldats canadiens ayant péri au début de la campagne de Normandie (e011176110).


Alex Comber est un archiviste militaire au sein de la Division des archives gouvernementales.