Molly Lamb Bobak, première Canadienne artiste de guerre à l’étranger : un défi Co-Lab

Par Krista Cooke

Photo noir et blanc montrant une femme en uniforme, assise sur un quai, vue de côté. Elle tient une tablette à dessin et un crayon, et elle sourit. En arrière-plan, on voit un enfant blond ainsi que des voiliers amarrés au quai.

La lieutenante Molly Lamb, artiste de guerre du Service féminin de l’Armée canadienne, en train de dessiner à Volendam (Pays-Bas), septembre 1945. (a115762)

Molly Lamb Bobak (née Molly Lamb) fut la première Canadienne envoyée outre-mer en tant qu’artiste de guerre officielle. Elle est sans doute l’artiste peintre de la Deuxième Guerre mondiale qui a le mieux représenté la vie des femmes dans l’armée.

En 1942, fraîchement émoulue de l’école d’art de Vancouver, cette jeune peintre talentueuse s’enrôle dans le Service féminin de l’Armée canadienne en tant que dessinatrice. Son rêve : devenir artiste de guerre officielle.

Le Canada possédait déjà une vaste collection d’œuvres militaires, grâce au programme d’art militaire canadien établi durant la Première Guerre mondiale. Or, la contribution de Molly Lamb Bobak aux archives de la Deuxième Guerre mondiale est exceptionnelle. Ses œuvres, fruit de toute une vie consacrée à la peinture et au dessin, sont conservées dans nombre d’institutions canadiennes. Plusieurs se retrouvent notamment à Bibliothèque et Archives Canada (BAC), dont son remarquable journal de guerre. Maintenant numérisé, celui-ci peut être transcrit grâce à l’outil collaboratif Co-Lab.

Peu après son enrôlement, Molly Lamb Bobak commence à tenir un journal, qui apportera un précieux témoignage du rôle joué par le Service féminin de l’Armée canadienne dans l’effort de guerre. Ce journal, écrit à la main et agrémenté de dessins, s’intitule simplement W110278 (d’après son numéro matricule). Il offre un compte rendu personnel et instructif de la vie quotidienne dans l’armée. Rédigé entre novembre 1942 et juin 1945, il contient 226 pages illustrées et près de 50 croquis réalisés sur des feuilles intercalées entre ces pages.

Texte manuscrit et illustrations imitant une page de journal. Le texte est placé en colonne du côté droit; à gauche, un dessin montre une femme en uniforme militaire, et au bas, un autre dessin montre une scène dans une cantine. En haut de la page, on peut lire les titres « W110278 » (le numéro matricule de Molly Lamb Bobak) et « Girl Take Drastic Step! » (Une jeune femme franchit une étape importante).

Extrait du journal manuscrit de Molly Lamb Bobak, illustrée de dessins colorés. (e006078933)

Page manuscrite contenant du texte et des illustrations. On peut voir deux femmes en uniforme militaire, quatre femmes prenant la pose, deux femmes attablées dans un restaurant, un petit cochon rose et quatre femmes marchant au pas. La page est coiffée du titre « Life Begins as Second-Lieutenant! » (Les débuts d’une sous-lieutenante).

Extrait du journal manuscrit de Molly Lamb Bobak. (e011161136)

La première page du journal (ci-dessus) est révélatrice du ton humoristique et du point de vue original adoptés par l’artiste. Écrit dans un style journalistique, son format s’apparente à celui d’un grand quotidien. En manchette, on peut lire « Girl Take Drastic Step! » (Une jeune femme franchit une étape importante), « You’re in the Army now as Medical Test Okayed » (Vous faites maintenant partie de l’Armée, vous avez réussi l’examen médical). Suivent des bulletins de nouvelles écrits à la main, parsemés d’anecdotes amusantes et de dessins aux couleurs vives, qui racontent la vie des femmes militaires durant la Deuxième Guerre mondiale.

Ce journal offre un compte rendu quotidien de la vie de Molly Lamb Bobak dans le Service féminin de l’Armée canadienne, où elle travaille d’abord comme serveuse dans les cantines avant d’aller suivre une formation de base en Alberta. En 1945, elle est promue au grade de lieutenant au sein de la Section historique des Forces armées canadiennes. Pendant ses années de service au Canada, elle dessine le monde qui l’entoure. Plusieurs de ces dessins serviront éventuellement d’études pour ses peintures.

Trois ans après s’être enrôlée, Molly Lamb Bobak atteint son but ultime : elle devient la première Canadienne envoyée outre-mer en tant qu’artiste de guerre officielle. Elle en parle avec enthousiasme dans son journal, écrivant : « Lamb’s Fate Revealed…To Be First Woman War Artist! »  (Le destin de Lamb se réalise… Être la première femme artiste de guerre!).

Mais malgré son talent, rien n’est gagné d’avance. À l’époque, le point de vue des femmes n’est pas une priorité pour le programme d’art militaire. Comme elle le racontera plus tard, « être la première femme artiste de guerre, dans un groupe de neuf hommes, c’était toute une réussite pour moi… parce que je sais que l’Armée ne voulait pas de femmes artistes, à l’époque. » [Traduction ]

Molly Lamb Bobak attribue son succès au peintre A. Y. Jackson, membre du Groupe des Sept et ami de sa famille. Celui-ci l’avait recommandée au directeur du Musée des beaux-arts du Canada, associé au programme d’art militaire. Il avait fait valoir que si on lui en donnait la chance, Molly pourrait aller loin. Ce qu’elle fera!

Photo noir et blanc, prise de côté, montrant Molly Lamb Bobak en train de peindre devant un chevalet, un pinceau et une palette de couleurs à la main.

Molly Lamb Bobak peignant la buanderie de la base stationnaire no 1 (on voit ci-dessous l’œuvre terminée). (a188549)

Toile colorée représentant des femmes (certaines en uniforme) qui font la file devant un bâtiment. On voit à l’arrière-plan des collines verdoyantes et des arbres. Cette œuvre est la version achevée du tableau que Bobak est en train de peindre dans la photographie ci-dessus.

La buanderie de la base stationnaire no 1, une œuvre de Molly Lamb Bobak conservée au Musée canadien de la guerre (Musée canadien de la guerre, no 19710261-1617).

Après le cessez-le-feu de 1945, l’armée envoie Molly Lamb Bobak en Angleterre, aux Pays-Bas, en Belgique et en Allemagne. Des quelque 30 artistes de guerre canadiens de la Deuxième Guerre mondiale, elle se distingue en créant des œuvres qui portent essentiellement sur les femmes militaires. Environ 50 000 Canadiennes se sont enrôlées dans l’armée durant la Deuxième Guerre mondiale. Mais leur expérience n’intéresse pas beaucoup les artistes masculins et les administrateurs du programme d’art militaire, qui préfèrent généralement les scènes montrant des champs de bataille et des militaires de sexe masculin. En tant que membre du Service féminin de l’Armée canadienne, Molly Lamb Bobak jouit d’un accès privilégié aux femmes et peut témoigner de leur quotidien dans ses œuvres. Comme elle l’expliquera plus tard, « la structure même de la vie militaire convient au peintre… Où que l’on regarde, il y a quelque chose de fantastique à peindre… L’on pourrait passer des heures à dessiner les membres du Service qui arrivent et repartent, ou encore les nouvelles recrues, les filles de corvée en salopettes, l’officier de service ». [Traduction]

Pendant son service outre-mer, Molly Lamb Bobak réalise des dizaines d’œuvres, qui font maintenant partie de la collection d’art militaire Beaverbrook conservée au Musée canadien de la guerre. Jumelés aux documents conservés à Bibliothèque et Archives Canada, ils dressent un excellent portrait de sa vie militaire et artistique.

Après la guerre, Molly épouse Bruno Bobak, un collègue artiste de guerre lui aussi. Leur histoire d’amour avait commencé alors qu’ils partageaient un studio à Londres; elle durera jusqu’à leur décès. (Molly Lamb Bobak est décédée en 2014; Bruno Bobak, en 2012.) Leurs archives communes sont conservées à Bibliothèque et Archives Canada.

Nous vous invitons à utiliser notre outil Co-Lab pour transcrire, étiqueter, traduire et décrire des documents numérisés de notre collection, y compris le journal de guerre de Molly Lamb Bobak.


Krista Cooke est conservatrice à la Division des expositions de Bibliothèque et Archives Canada. Ce billet de blogue s’inspire d’un billet antérieur rédigé par Carolyn Cook, anciennement de BAC.

Frederick Bourchier Taylor

Artiste canadien aux talents et aux intérêts multiples, Frederick Bourchier Taylor (1906–1987) est né à Ottawa, où il a grandi pendant quelques années avant d’habiter brièvement à Londres, en Angleterre, de 1916 à 1918, après que son père y ait été envoyé pendant la Première Guerre mondiale. Il est ensuite retourné à Ottawa, où il a obtenu son diplôme du Lisgar Collegiate Institute en 1918, et il a étudié à l’Université McGill en 1925 après que ses parents aient soutenu qu’il devait terminer ses études universitaires avant d’entreprendre une carrière artistique. Pendant ses études à McGill, M. Taylor s’est intéressé à l’architecture et a développé un intérêt marqué pour le ski et la boxe. Il a d’ailleurs remporté le prix Anglin Norcross de l’Université McGill en 1927 pour ses dessins d’architecture, en plus de devenir le champion de boxe de l’université dans la catégorie poids lourds, démontrant ainsi ses nombreux talents.

Après avoir obtenu son diplôme en 1930, M. Taylor a étudié et a travaillé en Grande-Bretagne ainsi qu’au Canada, s’installant finalement à Montréal en 1937. Au cours de cette période, il a gagné son pain en enseignant le dessin à l’École d’architecture de McGill et en peignant des portraits.

Lorsque la guerre a éclaté en 1939, M. Taylor a exercé des pressions sur le gouvernement canadien afin qu’il mette sur pied un programme d’art militaire officiel, mais celles-ci se sont avérées infructueuses. Il ne s’est toutefois pas découragé par le refus du gouvernement et a alors utilisé son talent artistique ainsi que ses liens familiaux (son frère était E.P. Taylor, un homme d’affaires canadien millionnaire) afin d’avoir accès aux usines Angus du chemin de fer Canadien Pacifique de Montréal, à plusieurs chantiers navals canadiens ainsi que d’autres usines militaires, et de les documenter.

Au cours de cette période, M. Taylor a peint plus de 200 œuvres documentant le travail effectué par les travailleurs d’usines canadiennes, qui était varié et ardu, et souvent non reconnu et sous-apprécié. Bibliothèque et Archives Canada détient certains de ces tableaux parmi sa collection d’œuvres d’art. Ces peintures comptent dix-neuf œuvres de petit format ainsi que huit œuvres finies de plus grand format documentant les travailleurs d’usine de l’industrie de la fourrure et du vêtement de Montréal dans les années 1940. Dans ces œuvres, M. Taylor a utilisé une palette subtile de bruns, de gris et de verts industriels. Il avait le talent extraordinaire de reproduire non seulement l’atmosphère industrielle et l’éclairage vif et fluorescent des usines, mais aussi le regard intense des ouvriers concentrés sur leur travail.

  1. Taylor a poursuivi sa carrière artistique après la Deuxième Guerre mondiale, en exposant ses œuvres et en participant à des expositions, surtout au Québec et en Ontario. En 1960, il a déménagé au Mexique, où il a pratiqué la sculpture et la sérigraphie. Frederick Taylor s’est enlevé la vie au Mexique, en 1987.

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