Comment s’effectuait un recensement en 1931?

Par Sara Chatfield

Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certains pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde — terminologie historique.

J’ai un aveu à vous faire : ce que je préfère dans les recensements, ce sont les instructions aux commissaires et énumérateurs. J’ai d’ailleurs abordé cette question dans un billet de blogue sur le recensement de 1926. Quand j’ai appris que celui de 1931 allait paraître, je me suis tout de suite demandé quelles nouvelles questions avaient été posées cette année-là. J’ai eu de la chance : j’ai trouvé une mine de renseignements dans un document de 118 pages numérisé par Statistique Canada.

Page tapuscrite avec des titres et un emblème.

Page couverture des instructions aux commissaires et énumérateurs (OCLC 988695501)

Comme l’indique la page titre, il s’agit des instructions données par le Bureau fédéral de la statistique (l’ancêtre de Statistique Canada) aux commissaires et énumérateurs pour réaliser le septième recensement du Canada, en 1931.

La première section, de nature administrative, s’intitule « Stipulations générales »; elle porte sur l’emploi des énumérateurs qui réalisent le recensement de 1931. Y sont indiqués la date du début du recensement, la rémunération journalière des commissaires, les droits de l’énumérateur et la manière de réagir si quelqu’un refuse de répondre aux questions. En cas de refus de la part d’un répondant, l’énumérateur doit se souvenir que « son attitude dans toute circonstance doit être celle de la courtoisie et de la conciliation. Il ne doit jamais s’emporter, discuter ni menacer; on peut accomplir beaucoup par le tact et la persuasion. Bien des gens, après une nuit de réflexion, donneront le matin les renseignements refusés la veille. »

Un autre article des stipulations générales se lit comme suit : « Nul employé ne peut faire faire son travail par un autre. Il est défendu aux commissaires, recenseurs ou autres employés au recensement d’engager un remplaçant ou de faire faire leur travail par un autre. »

Capture d’écran d’un document tapuscrit.

L’article 34 des stipulations générales indiquant aux commissaires et aux énumérateurs que « nul employé ne peut faire faire son travail par un autre » (OCLC 988695501)

Les stipulations générales sont intéressantes à plus d’un titre. En plus de donner un aperçu des conditions de travail des énumérateurs (les employés chargés de recueillir les renseignements du recensement) et des commissaires (les personnes qui forment les énumérateurs, les supervisent et vérifient leur travail), elles donnent des renseignements essentiels. Par exemple, on y apprend que : « Les Réserves Indiennes ne font pas partie d’un district de recensement; leur dénombrement se fait par des fonctionnaires du Ministère des Affaires Indiennes. » Cette information est très importante si vous cherchez des communautés ou des ancêtres autochtones.

La section suivante s’intitule « Instructions sur la formule de la population ». Les chercheurs y apprendront qui est considéré comme un membre de la famille ou non, et comment l’énumérateur consigne l’information donnée par le répondant. C’est bon à savoir si la famille qui vous intéresse comprend un étudiant, un visiteur, un domestique, un manœuvre, un marin ou un pêcheur parti en mer, un ouvrier de chemin de fer ou un travailleur dans un chantier de construction. Cette section explique aussi aux énumérateurs comment remplir chacune des colonnes, dont les colonnes 7 et 8 (Catégories de logements et Matériaux de construction).

Capture d’écran d’un document tapuscrit.

Une partie des instructions indiquant comment l’information sur l’habitation et les matériaux de construction doit être inscrite dans le recensement (OCLC 988695501)

Comparativement aux instructions données pour le recensement de 1921, celles de 1931 fournissent plus de détails sur les personnes considérées comme des membres de la famille. On y trouve des options supplémentaires et des descriptions plus détaillées. De plus, une toute nouvelle colonne est ajoutée en 1931 pour déterminer combien de familles possèdent une radio. C’est le début de l’ère des télécommunications! La question vise probablement à évaluer à quelle vitesse et dans quelle mesure l’information peut se répandre. Le recensement de 1931 est un excellent moyen de suivre l’évolution de ce nouvel instrument de la culture populaire.

Capture d’écran d’un document tapuscrit.

Le recensement de 1931 évalue combien de familles canadiennes possèdent une radio (OCLC 988695501)

Les instructions de 1931 prévoient également une façon plus détaillée de recenser les personnes nées à l’extérieur du Canada. En 1921, les instructions étaient les suivantes : « si une personne déclare qu’elle est née en Autriche-Hongrie, en Allemagne, en Russie ou en Turquie, tel que chacun de ces pays se trouvait constitué avant la guerre, on entrera le nom de la province ou la région dans laquelle cette personne est née, comme Alsace-Lorraine, Bohème, Bavière, Pologne allemande ou russe, Croatie, Galicie, Finlande, Slavonie, etc., ou le nom de la cité ou la ville dans laquelle elle est née, comme Berlin, Prague, Vienne, etc. » En 1931, plus de dix ans après la fin de la Première Guerre mondiale, les instructions tiennent compte des modifications frontalières et des nouvelles réalités géopolitiques.

Capture d’écran d’un document tapuscrit.

Instructions détaillées sur la façon d’inscrire le lieu de naissance des personnes nées à l’extérieur du pays (OCLC 988695501)

Ce ne sont là que quelques-unes des instructions qui ont attiré mon attention. J’aimerais lire vos commentaires pour savoir quels articles vous ont paru intéressants ou utiles!


Sara Chatfield est gestionnaire de projet à la Direction générale de l’accès et des services de Bibliothèque et Archives Canada.

Les drapeaux oubliés

Par Forrest Pass

L’année 2015 marquait le 50e anniversaire du drapeau national du Canada, reconnaissable à son emblématique feuille d’érable rouge. La collection de Bibliothèque et Archives Canada contient des documents liés au débat houleux qui a mené à l’adoption de l’unifolié, en 1965, mais elle jette aussi une lumière sur d’anciens drapeaux canadiens moins connus, où figurait également la feuille d’érable. Si ces drapeaux proposés en 1870 étaient toujours utilisés, on soulignerait cette année leurs 150 ans.

Les peintures de six anciens drapeaux subsistent dans les archives du Conseil privé, où elles sont rattachées à un décret de 1870. Cinq de ces drapeaux, qui sont basés sur celui de l’Union royale (le Union Jack), étaient utilisés à titre personnel par le gouverneur général et les lieutenants-gouverneurs des quatre provinces originales : l’Ontario, le Québec, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. Le sixième, qui réunit sur fond bleu le drapeau britannique et un écusson représentant le Canada, faisait office de pavillon pour les navires du gouvernement fédéral, par exemple les bateaux de pêche.

Peinture d’un drapeau bleu comprenant le Union Jack dans le coin supérieur gauche et des armoiries dans le coin inférieur droit. Des inscriptions manuscrites figurent à la droite et en dessous du drapeau.

Proposition de drapeau bleu, 1870 (e011309109)

Sur le drapeau du gouverneur général est illustrée une couronne de feuilles d’érable; c’est la première fois que cette feuille orne un drapeau officiel du Canada. La couronne accueille en son centre un écusson où figurent les armoiries des quatre provinces originales. Premier emblème héraldique national, cet écusson est l’œuvre du Collège des hérauts, à Londres; il reçoit la proclamation de la reine Victoria en 1868.

Peinture d’un drapeau qui consiste en une représentation du Union Jack au centre duquel sont superposées des armoiries entourées d’une couronne de feuilles d’érable. Des inscriptions manuscrites figurent à la droite et en dessous du drapeau.

Proposition de drapeau pour le gouverneur général, 1870 (e011309110)

Les drapeaux des lieutenants-gouverneurs des provinces portent les armoiries nouvellement redessinées de leur province respective, entourées dans chaque cas d’une guirlande de feuilles d’érable. Les armoiries de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick demeurent inchangées à ce jour, mais le temps a légèrement altéré la couleur du drapeau proposé pour le lieutenant-gouverneur de l’Ontario. L’artiste, anonyme, avait possiblement coloré la partie supérieure des armoiries (appelée le « chef ») avec de la peinture faite d’argent véritable. Celle-ci s’est ternie au fil des ans pour prendre une teinte gris foncé. De nos jours, la plupart des artistes héraldiques utilisent de la peinture blanche pour représenter l’argent afin d’éviter une telle altération.

Peinture d’un drapeau qui consiste en une représentation du Union Jack au centre duquel sont superposées des armoiries cernées d’une couronne de feuilles d’érable. Des inscriptions manuscrites figurent à la droite et en dessous du drapeau.

Proposition de drapeau pour le lieutenant-gouverneur de l’Ontario, 1870 (e011309113)

Peinture d’un drapeau qui consiste en une représentation du Union Jack au centre duquel se trouvent des armoiries entourées d’une couronne de feuilles d’érable. Des inscriptions manuscrites figurent à la droite et en dessous du drapeau.

Proposition de drapeau pour le lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick, 1870 (e011309111)

La fleur de lis, le léopard et les feuilles d’érable sur les armoiries du Québec représentent trois périodes de l’histoire de la province : le Régime français, le Régime britannique et la Confédération. Le gouvernement provincial utilise encore aujourd’hui ces armoiries, mais il y a ajouté une fleur de lis et a modifié légèrement les couleurs en 1939 pour accentuer l’allusion visuelle aux anciennes armoiries royales de France.

Peinture d’un drapeau qui consiste en une représentation du Union Jack au centre duquel se trouvent des armoiries entourées d’une couronne de feuilles d’érable. Des inscriptions manuscrites figurent à la droite et en dessous du drapeau.

Proposition de drapeau pour le lieutenant-gouverneur du Québec, 1870 (e011309114)

Les armoiries sur le drapeau utilisé en 1870 par le lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse diffèrent des armoiries actuelles de la province et rappellent un malentendu. Les armoiries que nous connaissons aujourd’hui résultent de la tentative infructueuse, menée par sir William Alexander dans les années 1620, de fonder une colonie écossaise en Amérique du Nord. En 1868, les hérauts anglais, qui ne connaissaient possiblement pas l’existence des armoiries d’inspiration écossaise, en ont dessiné de toutes nouvelles, où figuraient trois chardons écossais ainsi qu’un saumon symbolisant les pêcheries de la province. Ce sont donc ces nouvelles armoiries qui se sont retrouvées sur le drapeau du lieutenant-gouverneur. En 1929, à la demande des gouvernements provincial et fédéral, le Collège des hérauts a restauré les armoiries originales de la Nouvelle-Écosse.

Peinture d’un drapeau qui consiste en une représentation du Union Jack au centre duquel se trouvent des armoiries entourées d’une couronne de feuilles d’érable. Des inscriptions manuscrites figurent à la droite et en dessous du drapeau.

Proposition de drapeau pour le lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse, 1870 (e011309112)

Comme le suggère le choix des emblèmes, ce n’est pas le Canada mais la Grande-Bretagne qui est à l’origine de ces drapeaux. En 1869, la reine Victoria a autorisé le gouverneur de chaque colonie britannique à utiliser comme drapeau personnel distinctif un Union Jack portant l’emblème de la colonie. Au Canada, un artiste inconnu du ministère de la Marine et des Pêcheries a réalisé les peintures présentées dans ce billet à la demande du Cabinet fédéral.

Les Canadiens n’ont pas vu ces drapeaux très souvent; à l’origine, ceux-ci n’étaient déployés que sur des navires. En 1911, le lieutenant-gouverneur de la Saskatchewan a jugé qu’il n’avait pas besoin d’un drapeau officiel parce que sa province n’avait pas accès à la mer. Au fil du temps, les gouvernements fédéral et provinciaux ont adopté, pour le gouverneur général et les lieutenants-gouverneurs, de nouveaux drapeaux qui évoquent moins le statut de colonies. Ces drapeaux flottent chaque jour sur les résidences officielles des représentants en question, et sur d’autres édifices quand ces personnes s’y trouvent. Les peintures préservées dans nos archives rappellent les origines britanniques de certains de nos emblèmes nationaux et provinciaux.


Forrest Pass travaille comme conservateur au sein de l’équipe des expositions de Bibliothèque et Archives Canada.

Hockey féminin : elle lance… et compte!

Par Ellen Bond

Remporter une compétition internationale et entendre son hymne national dans l’aréna, c’est le rêve de bien des hockeyeurs canadiens. En janvier 2020, le Canada s’est couvert d’or en défaisant la Russie en finale du Championnat mondial junior de la Fédération internationale de hockey sur glace (IIHF). Chaudement disputé, le tournoi masculin a été suivi par des millions de personnes dans le monde entier. Pourtant, à peine quelques jours plus tôt, c’est un auditoire beaucoup plus petit qui a regardé le duel entre le Canada et les États-Unis au Championnat du monde de hockey sur glace féminin des moins de 18 ans.

Contrairement au basketball, où l’on réduit la taille du ballon pour les femmes, et au volleyball, où l’on abaisse le filet, le hockey se pratique de la même façon chez les deux sexes. Certes, les femmes jouent « sans contact », mais on ne change ni le format de la patinoire, ni les dimensions des buts, ni la taille ou le poids de la rondelle. D’ailleurs, si le hockey a vu le jour au début des années 1870, les femmes ont adopté ce sport à peine deux décennies plus tard. Une question s’impose donc : comment se fait-il que le hockey féminin, après des débuts prometteurs, n’ait pas progressé comme le hockey masculin?

: Photographie noir et blanc, prise à l’extérieur, montrant des femmes en jupe longue.

Groupe de femmes réunies pour jouer au hockey, Ottawa (Ontario), 1906. (PA-042256)

Enfant, tout ce que je voulais faire, c’était de jouer au hockey. Je me souviens d’avoir regardé mon frère jouer sur la glace avec plein d’autres garçons. Ils installaient de longs boyaux sur les lignes rouge et bleues pour diviser la patinoire en trois petites surfaces de jeu. Je voulais me joindre à eux, mais on ne laissait pas les filles jouer. Les choses ont toutefois changé dans les années 1970, quand nous avons déménagé à Campbellford, en Ontario. Un jour, au début de l’automne, un homme s’est présenté chez moi et a demandé à mon père s’il voulait être l’entraîneur de l’équipe des filles. Mon père a dit oui, et au début de ma huitième année scolaire, j’ai commencé à jouer dans une ligue.

Photographie sépia d’une équipe de jeunes hockeyeuses portant un chandail où l’on peut lire « Campbellford Minor Hockey ».

Mon équipe la première année où j’ai eu le droit de jouer au hockey. Nous avons remporté le championnat. Je suis la troisième à partir de la gauche dans la rangée du haut; on voit mon père à droite et mon frère accroupi devant lui. (Photo fournie par l’auteure)

Une question m’est donc venue en tête : si les femmes et les hommes ont commencé à pratiquer ce sport à la fin du 19e siècle, pourquoi n’avais-je pas eu le droit de jouer avant mon arrivée à Campbellford, même si j’ai grandi dans une ville relativement grande?

Photographie noir et blanc d’une femme vêtue d’une jupe pour une partie de hockey en plein air.

« La reine de la glace ». Une femme en patins de figure sur une patinoire avec un bâton de hockey dans les mains, 1903. (C-3192610)

Selon l’Association de hockey féminin de l’Ontario, la première partie opposant des femmes a eu lieu en 1891 à Ottawa, en Ontario. À l’époque, l’Université de Toronto, l’Université Queen’s et l’Université McGill avaient des équipes féminines, mais celles-ci étaient tenues de jouer à l’abri des regards masculins. En effet, mis à part les arbitres, aucun homme ne pouvait assister à la partie. En 1914, le premier championnat provincial féminin s’est déroulé à Picton, en Ontario. Il a mis aux prises six équipes, dont certaines représentaient des universités. Ensuite, en 1921, l’Université de Toronto a vaincu l’Université McGill pour remporter le premier championnat universitaire féminin au Canada. Grâce à ces équipes et à d’autres, le sport a continué de croître, bien que de façon irrégulière, pendant les années 1920 et 1930.

Puis, tout s’est arrêté net. Peut-être était-ce parce qu’on jugeait le hockey trop violent pour les filles, comme l’a affirmé Clarence Campbell, président de la Ligue nationale de hockey, en 1946. Ou parce qu’à certains endroits, il était interdit de regarder les femmes jouer. Ou parce qu’on trouvait la chose frivole, ou les joueuses trop passionnées. Ou encore, comme l’avance Wayne Norton dans le livre Women on Ice : The Early Years of Women’s Hockey in Western Canada, parce qu’à l’issue d’un vote en 1923, l’Association canadienne de hockey amateur s’est opposée à la reconnaissance officielle du hockey féminin. Dans le livre Too Many Men on the Ice : Women’s Hockey in North America, Joanna Avery et Julie Stevens soutiennent que la participation du Canada à la Seconde Guerre mondiale a entraîné le déclin du hockey féminin. Quand la majorité des hommes sont partis combattre, beaucoup de femmes se sont mises à travailler dans les usines, ce qui leur laissait peu de temps pour s’amuser. Bref, quelle que fût la raison, notre sport de prédilection a été difficilement accessible aux femmes et aux filles pendant plusieurs décennies, et bon nombre d’entre elles n’ont jamais eu l’occasion de jouer au hockey.

Photographie noir et blanc d’une hockeyeuse professionnelle.

Mademoiselle Eva Ault. Quand la Première Guerre mondiale a conduit les hommes en Europe, les femmes ont eu leur première chance de jouer au hockey dans un contexte professionnel. Eva Ault est devenue une favorite de la foule, mais la fin de la guerre a marqué la fin de la carrière des pionnières du hockey professionnel féminin. (PA-043029)

Photographie noir et blanc d’une équipe de hockey féminin. Les huit joueuses, en uniforme, sont placées côte à côte et tiennent leur bâton la palette vers le haut.

Une équipe de hockey féminin de Gore Bay, sur l’île Manitoulin (Ontario), 1921. Le nom des joueuses figure dans la notice. (PA-074583)

J’ai pu jouer au hockey de la huitième à la treizième année, aussi bien dans un cadre communautaire que scolaire à Peterborough, en Ontario. J’ai aussi eu la chance de faire partie des équipes universitaires à McMaster et à Queen’s. C’est le plus près que je me suis approchée du niveau professionnel. On nous fournissait l’équipement, une patinoire pour les entraînements et les parties, et le transport pour chaque affrontement. À l’Université McMaster, le budget total de mon équipe était inférieur à ce que l’équipe masculine dépensait juste pour les bâtons, mais je me considérais chanceuse de pouvoir représenter mon université et de jouer avec et contre certaines des meilleures hockeyeuses au monde.

Parmi ces athlètes d’exception, il y avait Margot (Verlaan) Page et Andria Hunter. Toutes deux ont représenté le Canada aux championnats du monde. J’ai joué avec Margot pendant trois ans à l’Université McMaster. C’était la capitaine et la meilleure sur la glace. À l’époque, c’était le plus haut niveau qu’il lui était possible d’atteindre. Elle a par la suite défendu les couleurs du Canada aux championnats du monde de l’IIHF de 1987 (événement non sanctionné), 1990, 1992 et 1994. Puis, de 2000 à 2007, elle a dirigé les équipes féminines canadiennes aux championnats de l’IIHF et aux Jeux olympiques. Aujourd’hui, Margot est entraîneuse en chef de l’équipe féminine des Badgers de l’Université Brock. Quant à Andria, je l’ai rencontrée lorsque nous vivions toutes deux à Peterborough. Je travaillais comme monitrice au camp Quin-Mo-Lac alors qu’elle était campeuse. Comme nous vivions dans une petite ville, nous nous croisions souvent. J’ai demandé à Andria comment se sont déroulés ses débuts au hockey. Voici son histoire, traduite en français :

J’ai commencé à jouer au hockey en 1976. C’était plutôt rare, à l’époque, de voir des filles pratiquer ce sport. J’ai eu la chance de me trouver à Peterborough au moment où le hockey féminin commençait à se développer. À ce moment-là, bien des petites villes n’avaient aucune équipe féminine. La première année, j’ai joué avec des garçons dans une ligue locale, mais par la suite, j’ai toujours pu jouer avec des filles.

Toute mon enfance, j’ai rêvé de jouer au niveau universitaire, parce que c’était le plus haut niveau à l’époque. Il n’y avait pas d’équipe nationale, donc il fallait évidemment oublier les championnats du monde et les Jeux olympiques. J’ai toutefois été très chanceuse que le hockey féminin connaisse des changements majeurs au bon moment pour moi.

Je me suis retrouvée dans une équipe universitaire américaine grâce à une bourse d’études;c’était une des premières fois aux États-Unis qu’une femme étrangère recevait une bourse pour jouer au hockey J’ai aussi pu faire partie d’Équipe Canada en 1992 et en 1994! Je me suis toujours dit que si j’étais née à peine cinq ans plus tôt, je n’aurais possiblement pas vécu ces merveilleuses expériences.

De 1990 à 1996, j’ai joué à l’Université de Toronto, où je faisais mes études supérieures. C’était une période de transition tumultueuse pour le programme. À ma première année, nous rangions notre équipement dans un petit casier. Les parties se divisaient en trois périodes de seulement quinze minutes, et la surfaceuse passait une seule fois. Puis, pendant la saison 1993-1994 (j’étais alors partie jouer en Suisse), le programme de hockey féminin a failli être éliminé, mais de nombreuses personnes se sont ralliées pour le sauver. À mon retour à l’Université de Toronto, l’année suivante, le hockey féminin était devenu un sport de haute performance. Nous avions maintenant quatre entraînements de deux heures par semaine, et nous ne rangions plus notre équipement dans des casiers!

J’ai aussi joué dans la Ligue nationale de hockey féminin (LNHF) à ses débuts. Quand je portais le chandail des Ice Bears de Mississauga, notre propriétaire enthousiaste a trouvé le moyen de nous faire jouer au Hershey Centre [aujourd’hui le Paramount Centre], où nous avions même notre propre vestiaire. Malheureusement, nous n’attirions pas assez de spectateurs pour rester dans un aréna aussi cher, ce qui a entraîné notre déménagement à Oakville après deux saisons.

Depuis que j’ai quitté la LNHF, en 2001, le hockey féminin a poursuivi sa croissance. Aujourd’hui, la société voit assurément le sport féminin d’un bien meilleur œil que lorsque j’étais enfant. Le niveau de jeu est rehaussé parce que les filles ont plus d’occasions de se développer. La qualité des entraîneurs, le degré de compétitivité et le temps de glace au niveau amateur y sont certainement aussi pour quelque chose. Il y a également plus d’équipes universitaires au Canada et aux États-Unis, et plus de ressources pour les joueuses. Malheureusement, on a encore de la difficulté à attirer les foules, et les débouchés professionnels sont limités. Heureusement, il y a de plus en plus de place pour les femmes derrière les bancs.

Photographie noir et blanc d’une équipe de hockey féminin. Les joueuses portent des chandails d’équipe et tiennent chacune un bâton.

Photographie de l’équipe de hockey féminin de l’Université Queen’s, 1917. Certains noms figurent dans la notice. (PA-127274)

Comme l’a dit Andria, les filles qui veulent jouer au hockey aujourd’hui ont maintes possibilités. Il y a beaucoup d’équipes partout au Canada. Les jeunes hockeyeuses peuvent viser de nombreuses équipes universitaires, la première division de la National Collegiate Athletic Association (NCAA), aux États-Unis, et des équipes dans plusieurs pays d’Europe. Elles peuvent rêver de représenter leur pays aux Jeux olympiques et aux championnats du monde. Des millions de téléspectateurs ont pu voir l’élite des joueuses canadiennes et américaines s’affronter à 3 contre 3 pendant le week-end des étoiles de la LNH à Saint-Louis, au Missouri. À mesure que le hockey féminin poursuivra sa croissance, les rivalités entre pays se développeront. Et qui sait, la LNH lancera peut-être un jour une division féminine?

Dans tous les cas, l’avenir s’annonce prometteur pour les jeunes filles qui rêvent de jouer au hockey. Margot, Andria et moi avons tiré bien des leçons de vie de ce sport dans notre jeunesse, et nous sommes enchantées pour les filles d’aujourd’hui quand nous voyons toutes les perspectives que leur réserve le merveilleux sport qu’est le hockey.


Ellen Bond est assistante de projet à la Division du contenu en ligne de Bibliothèque et Archives Canada.

Le hockey et la Première Guerre mondiale

Par Ellen Bond

Au début des années 1900, le hockey forge des soldats. Les qualités du bon hockeyeur – force, endurance, patience et robustesse – sont recherchées par l’armée. Ce sport rude et intense est donc perçu comme une préparation au combat. De nombreux hockeyeurs se portent volontaires pour aller au front pendant la Grande Guerre et deviennent souvent des soldats d’exception.

Allan McLean « Scotty » Davidson est de ceux-là. Né le 6 mars 1891 à Kingston, en Ontario, il entreprend son parcours de hockeyeur avec l’équipe junior des Frontenacs, dans sa ville natale. Il remporte le championnat junior de l’Association de hockey de l’Ontario en 1910 et 1911 à titre de capitaine. Il déménage ensuite à Calgary pour rallier l’équipe senior Athletic Club. Celle-ci gagne la Coupe de l’Alberta en 1911-1912 et accède au Championnat canadien de hockey senior, mais ne parvient pas à ravir la Coupe Allan aux Victorias de Winnipeg.

En 1912, Davidson fait ses débuts professionnels avec les Blueshirts de Toronto (qui deviendront les Maple Leafs) dans l’Association nationale de hockey. L’année suivante, il est capitaine et premier marqueur de son équipe. Puis, en 1914, il mène ses troupes à leur premier sacre de la Coupe Stanley. En deux saisons avec les Blueshirts, Davidson inscrit 46 buts en 44 rencontres. Aux dires d’Edward Allan, chroniqueur de hockey pour le journal torontois The Mail and Empire, il patine plus vite à reculons que la plupart des joueurs vers l’avant.

Photographie en noir et blanc des Blueshirts de Toronto en 1914.

Les Blueshirts de Toronto, champions de la Coupe Stanley en 1914. Scotty Davidson est assis au centre de la première rangée. Source : Musée McCord

En tant que joueur étoile, Davidson a toutes les qualités que l’armée recherche. En septembre 1914, il devient possiblement le premier hockeyeur professionnel à s’enrôler dans le Corps expéditionnaire canadien. Il se porte volontaire comme « lanceur de bombes » (le soldat chargé d’envoyer les grenades sur l’ennemi). Des journaux racontent son séjour dans l’armée et font état de sa bravoure devant le danger.

Scotty Davidson tombe au combat le 16 juin 1915. Son dossier de service indique qu’il a été tué instantanément par un obus qui a atterri dans sa tranchée et l’a pratiquement réduit en charpie. Un journal qui rapporte sa mort affirme que Davidson se serait vu décerner la Médaille de conduite distinguée ou la Croix de Victoria s’il avait survécu à la bataille. Le capitaine George Richardson, son frère d’armes habitant lui aussi à Kingston, le présente comme l’un des hommes les plus braves de sa compagnie. C’est un soldat courageux et dévoué, toujours prêt à secourir ses camarades. Le nom de Davidson est gravé à jamais sur le Mémorial national du Canada à Vimy, en France.

Une page du dossier de service de Scotty Davidson décrivant sa mort au combat.

Une page du dossier de service numérisé de Scotty Davidson décrivant sa mort au combat (Bibliothèque et Archives Canada, CEC 280738).

Scotty Davidson est un patineur fluide, un excellent marqueur et un grand meneur d’hommes; le type d’athlète que j’aurais beaucoup aimé voir jouer. En 1925, la revue Maclean’s le choisit comme premier ailier droit de son équipe de rêve. Ernie Hamilton, l’entraîneur d’une équipe adverse, affirme que Davidson possède le tir le plus puissant qu’il a jamais vu. Si nous jouissons aujourd’hui de la liberté, c’est grâce à des héros comme lui, un athlète illustre dont la vie a été fauchée beaucoup trop tôt.

Scotty Davidson est intronisé au Temple de la renommée du hockey en 1950. Le Mémorial virtuel de guerre du Canada honore son sacrifice.


Ellen Bond est adjointe de projet au sein de l’équipe du contenu en ligne de Bibliothèque et Archives Canada.

Portraits sur fer: ferrotypes de Bibliothèque et Archives Canada – une exposition au Musée des beaux-arts du Canada

Par Jennifer Roger

Mise au point en 1855, la ferrotypie est rapidement devenue un procédé photographique incontournable grâce auquel les gens pouvaient vivre l’expérience de la photographie.

Les ferrotypes sont des images positives directes, ce qui signifie qu’il n’y a pas de négatifs. Réalisés sur une mince feuille de métal recouverte d’un vernis ou d’un émail noir, puis enduite d’une émulsion de collodion, les ferrotypes constituent l’un des procédés photographiques les plus durables. Largement répandus dans les musées et les collections personnelles, ils sont des témoins privilégiés de la vie au XIXe siècle.

Beaucoup moins dispendieux que les daguerréotypes, les ferrotypes sont devenus le choix privilégié des personnes qui souhaitaient se voir immortaliser sur un portrait. Les studios de photographie offraient des ferrotypes pour, tout au plus, quelques sous. La facilité de leur traitement augmentait leur portabilité. Ainsi, de nombreux studios mobiles ont vu le jour et ont pu étendre leurs services dans les foires extérieures et les destinations touristiques. Les ferrotypes étaient utilisés pour illustrer des scènes et événements de la vie à l’extérieur. Ce nouveau support offrait au public un moyen accessible de saisir les ressemblances, et il a servi de catalyseur pour faire entrer la photographie dans la culture populaire.

Portrait en noir et blanc, coloré à la main, d’une femme en position assise.

Portrait d’une femme assise, possiblement de la famille Boivin, milieu du XIXe siècle (MIKAN 3262334)

En raison de leur coût abordable et de leur facilité de production, les ferrotypes étaient attrayants pour la classe moyenne et la classe ouvrière. La transition de l’environnement contrôlé des studios vers les paysages extérieurs a donné lieu à une prolifération de photographies de scènes inédites de la vie au XIXe siècle, y compris des gens au travail, des rues, des immeubles et des structures, et même des images illustrant des scènes de bataille.

Une photographie en noir et blanc montrant cinq hommes en train d’assembler des boîtes en bois à l’intérieur d’un moulin.

Des hommes assemblant des boîtes à fromage à l’intérieur d’un moulin à Maberly (Ontario), milieu du XIXe siècle (MIKAN 3316695)

Une nouvelle exposition au Musée des beaux-arts du Canada présente une sélection de ces objets intrigants. Tirés de la collection de Bibliothèque et Archives Canada, les ferrotypes ont été réalisés tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de studios et offrent un aperçu fidèle de la vie au Canada au XIXe siècle.

L’exposition comporte plusieurs portraits réalisés en studio, notamment celui d’une femme non identifiée prenant la pose devant une toile de fond représentant les chutes Niagara. Les toiles de fond et les accessoires étaient largement utilisés au XIXe siècle dans les studios de photographie, bien sûr pour des raisons esthétiques, mais aussi comme moyens d’expression.

Comme les chutes Niagara étaient l’une des destinations touristiques les plus prisées au XIXe siècle, leur emploi comme toile de fond pouvait servir à exprimer le prestige ou un intérêt personnel à l’égard de l’attraction touristique. Si une personne ne pouvait se rendre sur le site convoité, la toile de fond pouvait représenter une solution de rechange acceptable. Par ailleurs, les toiles de fond nous donnent parfois des indices sur l’identité du studio de photographie.

Portrait en noir et blanc, réalisé en studio, d’une femme non identifiée se tenant debout à côté d’une clôture avec les chutes Niagara en toile de fond.

Portrait en studio d’une femme non identifiée se tenant debout à côté d’une clôture avec les chutes Niagara en toile de fond, milieu du XIXe siècle (MIKAN 3210905)

Les gens prenaient souvent la pose avec des objets personnels ayant une valeur sentimentale ou une importance professionnelle, de manière à refléter leur personnalité ou à bien exprimer ce qui était important à leurs yeux. Les modèles choisissaient des éléments qui, selon eux, les représentaient bien : des outils associés à leur métier, des instruments de musique, du matériel photographique, ou d’autre équipement. Connues sous le nom de portraits de métier, ces images sont des témoins révélateurs et intimes des visages d’autrefois.

Portrait en noir et blanc de deux jeunes hommes en position assise. L’un d’eux tient dans ses mains un violon et l’autre, un violoncelle.

Deux jeunes hommes assis, l’un tenant dans ses mains un violon et l’autre, un violoncelle, milieu du XIXe siècle (MIKAN 3262290)

Pour découvrir d’autres ferrotypes intrigants, visitez l’exposition Portraits sur fer: ferrotypes de Bibliothèque et Archives Canada présentée dans les salles d’art canadien et autochtone du Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa, du 12 décembre 2017 au 6 juillet 2018.


Jennifer Roger est conservatrice au sein de la section des expositions et des prêts de Bibliothèque et Archives Canada.

Un endroit vraiment désolant (« A Very Desolate Place ») : lettres de lord Dufferin

Par Kelly Ferguson

« J’ai toujours voulu me plonger dans l’ambiance du Nouveau Monde » [traduction], écrit lord Dufferin, le troisième gouverneur général du Canada, à ses amis proches, M. et Mme Sturgis. C’était en 1872 et lord Dufferin se préparait à déménager au Canada, où il allait passer presque la totalité des six années suivantes.

En général, quand nous pensons aux premiers gouverneurs généraux, nous imaginons qu’ils étaient des nobles austères venant au Canada pour s’acquitter de leur devoir envers la monarchie. Il est même parfois difficile de leur donner un visage humain. Grâce à ces douze lettres, acquises par Bibliothèque et Archives Canada lors d’un encan tenu au cours de l’été de 2016, les Canadiens auront une idée plus claire des motifs à l’origine des expériences vécues par un de ces aristocrates.

Photographie multiple jaune et brune. Cinq personnes — lord et lady Dufferin et trois de leurs enfants — apparaissent ici, chacune figurant sur une photographie distincte. Sur ces portraits, elles sont soit assises soit debout, vêtues de costumes correspondant à l’époque du roi James V d’Écosse.

À Ottawa, lord et lady Dufferin, ainsi que leurs enfants, vêtus suivant le code vestimentaire de la cour du roi James V d’Écosse, en 1876 (MIKAN 3819711)

D’abord enthousiaste à l’idée de vivre l’aventure du « Nouveau Monde », lord Dufferin déchantera vite devant la dure réalité associée à la vie au Canada dans les années 1870. Loin d’être impressionné par les conditions de vie à Ottawa, il se plaindra que la résidence du gouverneur général manque d’espace pour les divertissements, que les routes sont des pistes boueuses et que la ville est inachevée. Il sera affligé par le froid et le manque d’activités. Rapidement, il comprendra que son passage au Canada ne sera pas l’aventure palpitante qu’il avait envisagé de vivre.

Photographie jaune et brune sur papier albuminé d’une scène hivernale à Ottawa, dont plusieurs bâtiments, une route et des arbres.

Vue du sommet de la glissade Dufferin à Rideau Hall. Ottawa, 1878. (MIKAN 3819407)

Même si les conditions de vie n’étaient pas toujours à la hauteur de ses attentes, lord Dufferin a assumé ses fonctions avec beaucoup de sérieux. Dans ses lettres, il explique les efforts qu’il déploie pour redonner au poste de gouverneur général tout son prestige. Il décrit également ses opinions et ses actions en tant qu’observateur neutre d’un scandale politique parmi les plus retentissants à cette époque. Le scandale du Pacifique a entraîné la démission de John A. Macdonald et l’ascension au pouvoir d’Alexander Mackenzie et du parti libéral. Dans ses lettres, lord Dufferin relate le scandale, exprimant de la sympathie pour M. Macdonald, mais aussi l’espoir que l’élection de l’ancien parti de l’opposition soit un atout pour le Canada. En lisant ses lettres, il est évident qu’il aimait et respectait les deux chefs.

Photographie en noir et blanc d’un homme d’âge moyen portant un complet et prenant la pose debout, le temps d’un portrait, sa main droite repose sur une table et il y a une chaise près de lui, de l’autre côté.

Portrait de lord Dufferin, 1878. (MIKAN 3215134)

Les lettres de lord Dufferin permettent de lever quelque peu le voile, d’avoir un regard plus intimiste sur un de nos premiers gouverneurs généraux. Lord Dufferin est venu au Canada pour s’éloigner de la scène londonienne ennuyante et partir à la quête de nouveaux défis. Bien qu’il n’ait pas été parfaitement heureux ici, il travaillera avec acharnement pour conforter l’importance du poste. Il avait aussi le sens de la diplomatie, ayant ses propres opinions relativement au scandale du Pacifique, tout en maintenant néanmoins de bonnes relations de travail avec les deux chefs. Lord Dufferin a assumé la fonction de gouverneur général à un moment déterminant. Le Canada venait tout juste d’être formé en tant que pays, l’expansion vers l’Ouest en était à ses débuts et Ottawa ressemblait à une ville en devenir. En plus d’humaniser l’homme, les lettres de lord Dufferin permettent de mieux saisir le monde dans lequel il vivait; elles campent bien la conjoncture d’alors et lui confèrent, aux yeux des Canadiens d’aujourd’hui, un aspect plus concret.

Photographie jaune et brune sur papier albuminé. Un grand et large encadré de la foule. Lord et lady Dufferin sont assis à gauche, face à la salle.

Un bal costumé donné par lord Dufferin à Rideau Hall, 1876. (MIKAN 3260601)


Kelly Ferguson est étudiante de deuxième cycle à l’Université Carleton et travaille au sein de la Section des archives politiques et de gouvernance à Bibliothèque et Archives Canada.

Miroirs riches en souvenirs : restaurer les daguerréotypes de la collection de Bibliothèque et Archives Canada – Partie II

Par Tania Passafiume et Jennifer Roger

Détérioration du verre

Les matériaux qui composent un daguerréotype (le cuivre, l’argent, le papier, le laiton, le cuir, le velours, la soie et le verre) se détériorent à divers degrés selon leurs conditions de conservation. Les restaurateurs sont le plus souvent confrontés à la détérioration du verre.

Les daguerréotypes affectés par ce problème paraissent souvent ternes et flous, mais la photo n’est pas nécessairement touchée. C’est le cas de plusieurs daguerréotypes de la collection de Bibliothèque et Archives Canada (BAC) qui ont été traités en vue d’une exposition.

La dégradation du verre découle de la variation de la température et du taux d’humidité, et peut se manifester de différentes façons. Ce sont parfois des craquelures qui prennent la forme de minuscules fissures à la surface du verre. Le verre ancien contenant une teneur élevée en oxyde de sodium, il peut aussi subir une décomposition chimique qui le rend flou ou voilé.

Il est toujours préférable de conserver les daguerréotypes sous leur verre d’origine. Si la détérioration n’en est qu’aux premiers stades, le verre semblera flou ou couvert d’un voile blanc; souvent, on peut alors le nettoyer et le réutiliser. Le procédé est relativement simple : il suffit d’enlever le verre, de le laver à l’aide d’eau distillée et d’un savon neutre, puis de le rincer à l’éthanol. On le laisse ensuite sécher à l’air libre avant de le remettre sur la photo. Résultat : celle-ci semble instantanément plus nette et lumineuse. Lire la suite

Miroirs riches en souvenirs : conservation de daguerréotypes dans la collection de Bibliothèque et Archives Canada – Partie I

Par Tania Passafiume et Jennifer Roger

Le daguerréotype, un type de photographie unique en son genre, a été très populaire de 1839 à 1864. Il s’agit du premier procédé photographique accessible au public et son succès découle de la clarté des images qu’il permet d’obtenir.

Les photographies produites sont très susceptibles à la perte d’image, à l’accumulation de corrosion et à d’autres formes de détérioration causées par la manipulation et par l’environnement.

Pour protéger l’image, la plaque photographique était délicatement placée sous du verre dont elle était séparée par un intercalaire protecteur. Elle était ensuite scellée avec du ruban adhésif et recouverte d’une feuille de laiton appelée préservateur. L’ensemble était mis dans un petit boîtier, souvent décoratif, fait de cuir, de bois, de papier mâché ou de plastique moulé, avec un revêtement intérieur en soie ou en velours.

Marques des daguerréotypes

Les marques d’origine ou marques de plaque sont des marques poinçonnées que l’on trouve sur beaucoup de daguerréotypes, sans pour autant en trouver sur tous. Quand elles sont présentes, les marques sont souvent en bordure de la plaque et, par le fait même, invisibles lorsque le daguerréotype est scellé. Il s’agit habituellement d’initiales, de symboles et de chiffres. Le nombre le plus couramment utilisé était « 40 » et celui-ci indiquait la composition physique de la plaque, soit un ratio d’une part d’argent pour 39 parts de cuivre. Les marques de plaque peuvent fournir des indices quant à l’endroit où les plaques de cuivre ont été fabriquées et où le photographe a obtenu son matériel. Elles peuvent parfois aussi aider à dater une image.

Lors de la préparation des daguerréotypes en vue de l’exposition au Musée des beaux-arts du Canada, on a découvert plusieurs marques de plaque. Lire la suite

John Boyd

Les Canadiens aiment découvrir les œuvres historiques ou contemporaines des peintres et des photographes pour mieux connaître leur histoire. Les archives nationales conservent les collections de nombreux artistes, chacune pouvant comprendre des milliers d’images. Le photographe John Boyd est un bon exemple : Bibliothèque et Archives Canada (BAC) possède 28 959 de ses photos noir et blanc.

John Boyd (1865‑1941) est né à Emyvale, en Irlande. Sa famille immigre à Toronto à la fin des années 1860. Il travaille pour une société de chemins de fer, ce qui lui donne bien des occasions de prendre des photos partout en Ontario.

Les photos amateurs ont été prises par Boyd entre 1898 et 1926. Cette volumineuse collection n’est cependant rien à côté des collections des archives de Toronto, ou encore de celle du Globe and Mail, qui contient 140 000 négatifs pris par Boyd à partir de 1922, jusqu’à sa mort en 1941.

Par la date de leur création et les sujets traités, les collections de BAC et des archives de Toronto se complètent.

Les photos du fonds John Boyd documentent bien des aspects de la vie canadienne qui sont dignes d’intérêt : des villages, des villes, des visites royales, la vie militaire, les moyens de transport, l’industrie, l’agriculture, les conditions socioéconomiques, les loisirs et la nature.

Pendant la Première Guerre mondiale, Boyd porte son attention sur le front intérieur; il photographie des campagnes de recrutement, des entraînements et les procédés de fabrication de munitions, d’avions et de navires. Il photographie également des Canadiens ordinaires qui contribuent à l’effort de guerre au pays pendant que les soldats se battent outre-mer. Les images ci‑dessous donnent un aperçu des activités de l’époque.

Photo noir et blanc montrant des hommes, des femmes et des enfants dans de beaux habits qui explorent et observent une tranchée canadienne reconstituée dans le cadre d’une exposition en plein air.

Visiteurs dans une tranchée reconstituée du 35e Bataillon pendant l’Exposition nationale canadienne présentée à Toronto, en Ontario, en 1915 (MIKAN 3395547)

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Miroirs riches en souvenirs : Daguerréotypes de Bibliothèque et Archives Canada, une exposition au Musée des beaux-arts du Canada

En 1839, l’invention du daguerréotype fut une révélation. Étant le premier procédé photographique accessible au public, ce surprenant objet étincelant fit le bonheur des observateurs grâce à sa capacité à saisir l’image des gens, et ce, avec une clarté incroyable. Pour la première fois dans l’histoire, les portraits des êtres chers pouvaient être enregistrés, partagés ou transmis à leurs descendants. Le daguerréotype et la photographie eurent un immense impact sur la vie des gens ordinaires.

Le portrait, colorié à la main, d’une femme assise vêtue d’une robe à pois.

Kate McDougall, vers 1848 (MIKAN : 36296894)

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