Le hockey et la Première Guerre mondiale

Par Ellen Bond

Au début des années 1900, le hockey forge des soldats. Les qualités du bon hockeyeur – force, endurance, patience et robustesse – sont recherchées par l’armée. Ce sport rude et intense est donc perçu comme une préparation au combat. De nombreux hockeyeurs se portent volontaires pour aller au front pendant la Grande Guerre et deviennent souvent des soldats d’exception.

Allan McLean « Scotty » Davidson est de ceux-là. Né le 6 mars 1891 à Kingston, en Ontario, il entreprend son parcours de hockeyeur avec l’équipe junior des Frontenacs, dans sa ville natale. Il remporte le championnat junior de l’Association de hockey de l’Ontario en 1910 et 1911 à titre de capitaine. Il déménage ensuite à Calgary pour rallier l’équipe senior Athletic Club. Celle-ci gagne la Coupe de l’Alberta en 1911-1912 et accède au Championnat canadien de hockey senior, mais ne parvient pas à ravir la Coupe Allan aux Victorias de Winnipeg.

En 1912, Davidson fait ses débuts professionnels avec les Blueshirts de Toronto (qui deviendront les Maple Leafs) dans l’Association nationale de hockey. L’année suivante, il est capitaine et premier marqueur de son équipe. Puis, en 1914, il mène ses troupes à leur premier sacre de la Coupe Stanley. En deux saisons avec les Blueshirts, Davidson inscrit 46 buts en 44 rencontres. Aux dires d’Edward Allan, chroniqueur de hockey pour le journal torontois The Mail and Empire, il patine plus vite à reculons que la plupart des joueurs vers l’avant.

Photographie en noir et blanc des Blueshirts de Toronto en 1914.

Les Blueshirts de Toronto, champions de la Coupe Stanley en 1914. Scotty Davidson est assis au centre de la première rangée. Source : Musée McCord

En tant que joueur étoile, Davidson a toutes les qualités que l’armée recherche. En septembre 1914, il devient possiblement le premier hockeyeur professionnel à s’enrôler dans le Corps expéditionnaire canadien. Il se porte volontaire comme « lanceur de bombes » (le soldat chargé d’envoyer les grenades sur l’ennemi). Des journaux racontent son séjour dans l’armée et font état de sa bravoure devant le danger.

Scotty Davidson tombe au combat le 16 juin 1915. Son dossier de service indique qu’il a été tué instantanément par un obus qui a atterri dans sa tranchée et l’a pratiquement réduit en charpie. Un journal qui rapporte sa mort affirme que Davidson se serait vu décerner la Médaille de conduite distinguée ou la Croix de Victoria s’il avait survécu à la bataille. Le capitaine George Richardson, son frère d’armes habitant lui aussi à Kingston, le présente comme l’un des hommes les plus braves de sa compagnie. C’est un soldat courageux et dévoué, toujours prêt à secourir ses camarades. Le nom de Davidson est gravé à jamais sur le Mémorial national du Canada à Vimy, en France.

Une page du dossier de service de Scotty Davidson décrivant sa mort au combat.

Une page du dossier de service numérisé de Scotty Davidson décrivant sa mort au combat (Bibliothèque et Archives Canada, CEC 280738).

Scotty Davidson est un patineur fluide, un excellent marqueur et un grand meneur d’hommes; le type d’athlète que j’aurais beaucoup aimé voir jouer. En 1925, la revue Maclean’s le choisit comme premier ailier droit de son équipe de rêve. Ernie Hamilton, l’entraîneur d’une équipe adverse, affirme que Davidson possède le tir le plus puissant qu’il a jamais vu. Si nous jouissons aujourd’hui de la liberté, c’est grâce à des héros comme lui, un athlète illustre dont la vie a été fauchée beaucoup trop tôt.

Scotty Davidson est intronisé au Temple de la renommée du hockey en 1950. Le Mémorial virtuel de guerre du Canada honore son sacrifice.


Ellen Bond est adjointe de projet au sein de l’équipe du contenu en ligne de Bibliothèque et Archives Canada.

Pourquoi une équipe refuserait-elle la coupe Stanley?

Par J. Andrew Ross

L’an dernier, la Ligue nationale de hockey (LNH) a célébré le 125e anniversaire de la coupe Stanley. Il ne fait aucun doute que cette année de célébration a été retenue parce que l’année 2017 marquait aussi le centenaire de la LNH, car bien qu’on ait, 125 ans plut tôt (soit le 18 mars 1892), annoncé que le gouverneur général Frederick Arthur Stanley, 1er baron Stanley souhaitait faire don d’une coupe pour le championnat de hockey du Dominion du Canada, celle‑ci n’est arrivée au Canada que l’année suivante. D’autant, l’équipe qui devait recevoir la coupe Stanley l’a refusée; elle n’a été persuadée d’en prendre possession qu’en 1894.

Mis à part les anniversaires, l’histoire de la coupe Stanley, qui allait devenir l’emblème sportif le plus sacré au Canada, est racontée par la collection de Bibliothèques et Archives Canada.

Lorsque sa coupe est finalement arrivée au Canada, Stanley était déjà retourné en Angleterre. Il y était retourné avant la fin de son mandat en tant que gouverneur général, étant devenu le 16e comte de Derby après la mort de son frère. Stanley a nommé l’éditeur du Evening Journal d’Ottawa, Philip Dansken (« P.D. ») Ross, un des fiduciaires du trophée, le laissant dicter les règles de la compétition.

Sur la page du dimanche 23 avril 1893 du journal de Ross, il est noté qu’il s’est assis ce jour‑là pour rédiger les nouvelles règles, lesquelles ont été imprimées dans l’édition du 1er mai 1893 du Evening Journal.

Coupure de journal granuleuse d’un article portant le titre « “The Stanley Cup.” His Excellency’s gift to the hockey associations. »

Extrait de « The Stanley Cup », Evening Journal (Ottawa), le 1er mai 1893, page 5. (AMICUS 7655475)

Bien qu’il ait déjà été gravé « Dominion Hockey Challenge Cup » sur la coupe, Ross a immédiatement fait valoir qu’elle devrait s’appeler « coupe Stanley » en l’honneur de son donateur. Il a confirmé qu’elle serait pour la première fois remise aux vainqueurs en titre de la ligue de hockey élite de l’époque, la Amateur Hockey Association of Canada (AHAC), avec l’intention qu’ils tentent de la disputer contre les vainqueurs de l’Ontario Hockey Association. Ross a fait en sorte que la coupe Stanley soit présentée à l’équipe de l’Association des athlètes amateurs de Montréal (MAAA) en tant que vainqueur en titre de la AHAC, jusqu’au championnat de la AHAC devant avoir lieu l’année suivante (c.‑à‑d. en 1894), lorsque la coupe serait remise à l’équipe gagnante.

Le 15 mai 1893, le shérif John Sweetland d’Ottawa, l’autre fiduciaire de la coupe Stanley, s’est rendu à Montréal pour remettre le trophée à l’occasion de l’assemblée annuelle de la MAAA. Lorsqu’il est arrivé avec la coupe Stanley – qui n’était alors qu’un simple bol sur un socle en bois – il a appris que les hauts dirigeants de l’équipe de hockey avaient refusé d’assister à la cérémonie. Dans le procès‑verbal de la réunion, que l’on trouve dans le fonds MAAA (et qui est disponible en ligne), on note ce qui suit : « Le shérif Sweetland a alors procédé à la remise de la coupe, qui a été acceptée par M. Taylor [président de la MAAA] en raison de l’absence inévitable de M. Stewart, le président du Montreal Hockey Club, au nom de l’association et du club susmentionnés [TRADUCTION]. »

Note manuscrite expliquant qui a remis la Hockey Challenge Cup (qui allait devenir la coupe Stanley) et qui l’a acceptée et pourquoi.

Extrait du cahier de compte rendu de la MAAA de l’assemblée annuelle du 15 mai 1893, page 315, MG28 I 351, Bibliothèques et Archives Canada.

On ne peut clairement établir si Sweetland s’est rendu compte que la coupe et lui‑même avaient été rejetés, mais l’absence des membres du club de hockey n’était pas « inévitable ». Ces derniers ont délibérément boycotté l’événement lorsqu’ils ont appris que la coupe allait être décernée à la direction de la MAAA, et non à l’équipe – et que la mention « Montreal AAA/1893 » avait été gravée sur un anneau autour du socle en bois du bol. Le conflit aurait découlé du ressentiment que nourrissaient les membres du club de hockey à l’idée d’être connus sous le nom « MAAA », plutôt que Montreal Hockey Club (Montreal HC). C’était un point d’honneur plutôt mesquin puisque les joueurs du club de hockey portaient l’emblème de la MAAA – la roue ailée – sur leurs uniformes. Toutefois, c’était clairement un point d’honneur de grande importance pour ces fiers joueurs de hockey.

Photographie en noir et blanc montrant un groupe d’hommes debout, assis ou allongés. La plupart portent un uniforme d’équipe et des patins de hockey.

MAAA 1890 (Montreal Hockey Club) (Temple de la renommée du hockey/Bibliothèques et Archives Canada/PA 050689). Crédit : Temple de la renommée du hockey.

Ce n’est qu’après près d’un an de négociations litigieuses – la MAAA a éventuellement menacé de retourner la coupe aux fiduciaires! – que le Montreal HC a, en mars 1894, finalement accepté de prendre possession de la coupe Stanley. Quelques semaines plus tard, le club a remporté le championnat de la AHAC, ce qui a fait d’eux les premiers vainqueurs (par opposition à de simples détenteurs) de la coupe. Cette fois, l’équipe s’est chargée elle-même de faire graver la coupe, prenant soin d’y faire inscrire « Montreal 1894 ». Comme il n’y avait aucune référence à la MAAA, leur honneur était préservé.

La saison suivante, le Montreal HC est devenu la première équipe à défendre le trophée avec succès lors de la première série de la coupe Stanley. On pourrait arguer que son acharnement à y faire graver son nom en valait la peine, même si son refus prolongé d’accepter le trophée a bien failli estomper toute son importance. Mais la coupe Stanley a enfin été décernée, et le reste appartient à l’histoire.


Andrew Ross est archiviste à la Division des archives gouvernementales et auteur de Joining the Clubs: The Business of the National Hockey League to 1945.