Explorer l’histoire des peuples autochtones dans un livrel multilingue – Partie 2

À gauche, Tatânga Mânî [chef Walking Buffalo] [George McLean] monte à cheval et porte son costume traditionnel des Premières Nations. Au centre, Iggi et une fille échangent un « kunik », un baiser traditionnel dans la culture inuit. À droite, le guide métis Maxime Marion tient un fusil. À l’arrière-plan, il y a une carte du Haut et du Bas-Canada, ainsi qu’un texte de la collection Red River Settlement [colonie de la rivière Rouge].

Bibliothèque et Archives Canada (BAC) a lancé De Nations à Nations : voix autochtones à Bibliothèque et Archives Canada pour coïncider avec la première Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, le 30 septembre 2021. Les essais contenus dans la première édition de ce livre électronique interactif et multilingue présentent une large sélection de documents d’archives et de publications, comme des revues, des cartes, des journaux, des œuvres d’art, des photographies, des enregistrements sonores et cinématographiques, ainsi que des publications. Les biographies des auteurs sont également incluses. Bon nombre de ces derniers ont enregistré des salutations audio personnalisées sur la page de leur biographie, dont certaines dans leur langue ancestrale. Les essais sont variés et, dans certains cas, très personnels. Les histoires que racontent les auteurs remettent en question le récit dominant. Nous avons inclus, outre les biographies, des notices biographiques des traducteurs en reconnaissance de leur expertise et de leurs contributions.

Le livrel De Nations à Nations a été créé dans le cadre de deux initiatives autochtones à BAC : Nous sommes là : Voici nos histoires et Écoutez pour entendre nos voix. Les essais ont été rédigés par Heather Campbell (Inuk), Anna Heffernan (Nishnaabe), Karyne Holmes (Anishinaabekwe), Elizabeth Kawenaa Montour (Kanien’kehá:ka), William Benoit (Nation Métisse) et Jennelle Doyle (Inuk) du bureau de BAC de la région de la capitale nationale. Ryan Courchene (Métis-Anichinabe), du bureau régional de BAC à Winnipeg, ainsi que Delia Chartrand (Nation Métisse), Angela Code (Dénée) et Samara mîkiwin Harp (nêhiyawak), archivistes de l’initiative Écoutez pour entendre nos voix, se sont joints à eux.

Cette édition comprend les langues ou dialectes autochtones suivants : anishinaabemowin, anishinabemowin, denesųłiné, kanien’kéha, mi’kmaq, nêhiyawêwin et nishnaabemowin. Les essais relatifs au patrimoine inuit sont présentés en inuttut et en inuktitut. En outre, le contenu du patrimoine inuit est présenté en inuktut qaliujaaqpait (orthographe romaine) et en inuktut qaniujaaqpait (syllabique inuktitut). Le livrel présente des enregistrements audio en mitchif patrimonial d’images sélectionnées dans des essais relatifs à la Nation Métisse.

Préparer un tel type de publication est une entreprise complexe en raison de défis techniques et linguistiques qui font appel à la créativité et à la flexibilité. Les avantages d’un contenu dirigé par des Autochtones l’emportent cependant sur toutes les complications. Avec l’espace et le temps dont ils ont bénéficié, les auteurs ont récupéré des documents pertinents pour leurs histoires et offert de nouvelles perspectives grâce à leurs interprétations. Les traducteurs ont donné un sens nouveau aux documents, en décrivant la plupart d’entre eux, sinon tous, pour la première fois dans les langues des Premières Nations, l’inuktut et le mitchif.

L’archiviste Anna Heffernan décrit ainsi l’expérience vécue lors de la recherche et de la rédaction de son essai concernant la tradition manoominikewin (récolte du riz sauvage) des Michi Saagiig Nishnaabeg (Ojibwas de Mississauga) : « J’espère que les gens de Hiawatha, de Curve Lake et des autres collectivités Michi Saagiig seront heureux et fiers de voir leurs ancêtres sur ces photos, et de les voir représentés en tant que Michi Saagiig, pas seulement en tant qu’ »Indiens ». »

Une page du livre électronique contenant trois images noir et blanc de personnes et montrant les différentes étapes de la récolte du riz sauvage.

Page tirée de l’essai d’Anna Heffernan, « Manoominikewin : la récolte du riz sauvage, tradition des Nishnaabeg », traduit en nishnaabemowin par Maanii Taylor. Image de gauche : homme des Michi Saagiig Nishnaabeg piétinant le manoomin, Pimadashkodeyong (lac Rice), Ontario, 1921 (e011303090). En haut à droite : femme des Michi Saagiig Nishnaabeg vannant du manoomin, Pimadashkodeyong (lac Rice), Ontario, 1921 (e011303089). En bas à droite : extraits de films muets montrant des hommes et des femmes ojibwas d’une collectivité non identifiée récoltant du manoomin, Manitoba, 1920-1929 (MIKAN 192664).

En réfléchissant à son expérience, l’archiviste Heather Campbell décrit ainsi l’incidence positive du processus :

« Lorsque l’on écrit sur nos collectivités, c’est rarement du point de vue d’une personne qui en fait partie. C’est un honneur d’avoir été invitée à écrire sur la culture inuit pour le livre électronique. J’ai pu choisir le thème de mon article, et on m’a fait confiance pour effectuer les recherches appropriées. En tant que personne originaire du Nunatsiavut, il était très important pour moi d’avoir la possibilité d’écrire sur ma propre région, en sachant que d’autres Nunatsiavummiut y trouveraient leur écho. »

Une page du livre électronique qui montre les pages d’un livre d’images, avec du texte écrit en inuktut qaliujaaqpait et en français.

Page tirée de l’essai de Heather Campbell, « Publications en inuktut », traduit en inuktut qaliujaaqpait par Eileen Kilabuk-Weber. On y voit des pages sélectionnées du livre Angutiup ânguanga / Anguti’s Amulet, 2010, écrit par le Central Coast of Labrador Archaeology Partnership, illustré par Cynthia Colosimo et traduit par Sophie Tuglavina (OCLC 651119106).

William Benoit, conseiller autochtone interne à BAC, a rédigé un certain nombre d’essais plus courts sur la langue et le patrimoine de la Nation Métisse. Chacun de ses textes peut être lu séparément; toutefois, collectivement, ils donnent un aperçu de divers aspects de la culture métisse. Il affirme ce qui suit : « Bien que la Nation Métisse soit le plus grand groupe autochtone au Canada, nous sommes incompris ou mal représentés dans le récit national général. Je suis reconnaissant d’avoir la possibilité de raconter quelques histoires sur mon héritage. »

Une page du livre électronique avec, à gauche, un texte en français, et à droite, une lithographie d’un paysage enneigé avec un homme assis dans une carriole (traîneau) tirée par trois chiens portant des manteaux colorés. À gauche, un homme vêtu d’une couverture et chaussé de raquettes marche devant les chiens. Un homme tenant un fouet et portant des vêtements typiques de la culture métisse (long manteau bleu, jambières rouges et chapeau décoré) marche à la droite du traîneau.

Page tirée de l’essai de William Benoit, « Carrioles et tuppies métis », avec un enregistrement audio en mitchif par Verna De Montigny, aînée métisse. Image représentant le gouverneur de la Compagnie de la Baie d’Hudson voyageant en carriole à chiens, avec un guide des Premières Nations et un meneur de chiens de la Nation Métisse, Rivière Rouge, 1825 (c001940k).

La création du livrel De Nations à Nations a été une entreprise importante et une expérience d’apprentissage positive. Ayant nécessité deux ans et demi d’élaboration, le livrel est véritablement le fruit d’un travail collectif qui a fait appel à l’expertise et à la collaboration d’auteurs des Premières Nations, des Inuit et de la Nation Métisse, des traducteurs en langues autochtones et des conseillers autochtones.

Je suis reconnaissante d’avoir eu l’occasion de collaborer avec tant de personnes formidables et dévouées. Un grand merci aux membres du Cercle consultatif autochtone, qui ont offert leurs connaissances et leurs conseils tout au long de la préparation de cette publication.

Dans le cadre du travail continu visant à soutenir les initiatives autochtones à BAC, nous présenterons les essais du livrel De Nations à Nations sous forme de billets de blogue. Nous sommes heureux d’amorcer cette série avec l’essai de Ryan Courchene, « Histoires cachées ».

De Nations à Nations : voix autochtones à Bibliothèque et Archives Canada est gratuit et peut être téléchargé sur Apple Books (format iBooks) ou sur le site Web de BAC (format EPUB). On peut aussi consulter une version en ligne au moyen d’un ordinateur, d’une tablette ou d’un navigateur Web mobile; aucun module d’extension n’est requis.


Beth Greenhorn est gestionnaire principale de projet à la Division des expositions et du contenu en ligne, à Bibliothèque et Archives Canada.

Tom Thompson est spécialiste en production multimédia à la Division des expositions et du contenu en ligne, à Bibliothèque et Archives Canada.

L’art des jeux de mains dénés / Jeu de bâtonnets / ᐅᐨᘛ / oodzi

Par Angela Code

Les Dénés, aussi appelés Athabascans ou Athapascans, forment un groupe autochtone appartenant à la famille de langues na-déné. C’est l’un des plus importants groupes autochtones en Amérique du Nord. Son territoire couvre plus de quatre millions de kilomètres carrés, s’étendant du nord du Canada jusqu’au sud-ouest des États-Unis.
Les Dénés se divisent en trois groupes distincts : le groupe du Nord, le groupe de la côte Pacifique et le groupe du Sud et de l’apache. Quant à la famille de langues na-déné, elle compte une cinquantaine de langues différentes, ainsi que divers dialectes.
Depuis longtemps, les Dénés du Nord jouent à des jeux de mains, une activité aussi connue sous le nom de jeu de bâtonnets. En dialecte Sayisi Dënesųłiné, les jeux de mains dénés sont appelés ᐅᐨᘛ (oodzi). (La langue dënesųłiné yatiyé, aussi appelée chipewyan déné, est l’une des plus parlées dans la famille de langues na-déné.)
Selon la région du Nord où l’on se trouve, les règles du jeu et les signes de la main diffèrent; cependant, le but du jeu et son déroulement sont essentiellement les mêmes. Les jeux de mains dénés sont en fait des jeux complexes de devinettes : un passe-temps amusant où l’on doit être doué à la fois pour la dissimulation et pour « lire les gens ». Le plaisir est rehaussé d’un cran lorsque les participants font preuve de dynamisme, d’humour et d’esprit sportif – et d’habileté, bien entendu!

Comment jouer

Les jeux de mains dénés se jouent entre équipes, chacune comptant le même nombre de joueurs. (Ce nombre est précisé à chaque tournoi, et varie d’une région à l’autre : 4, 6, 8, 10 ou 12, le plus souvent.) Chaque joueur apporte un objet qui se cache bien dans la main : une petite pierre, une pièce de monnaie, un bouton, une cartouche de calibre .22, etc.
Deux équipes à la fois s’affrontent. Les joueurs qui attendent leur tour frappent des tambours en peau de caribou sur une cadence rapide et rythmée, en utilisant des baguettes de bois faites à la main; des spectateurs peuvent les accompagner. Le son des tambours, les cris, les acclamations et les chants dynamisent le jeu. Souvent, les joueurs de tambours se placent derrière l’équipe qu’ils soutiennent. Ils jouent de leur instrument quand celle-ci cache ses objets, à la fois pour l’encourager et pour empêcher les autres de deviner leurs gestes.

Photo noir et blanc d’une vingtaine d’hommes et de garçons, certains debout, d’autres agenouillés au sol. Au centre, un homme frappe un tambour en peau de caribou avec une baguette de bois. Il porte une chemise blanche et un pantalon sombre, et tient une pipe en bois à la bouche. À l’arrière-plan, on voit une tente rectangulaire en toile blanche, et de la viande qui sèche sur un poteau de bois.

Hommes et garçons gwichya gwich’in jouant à des jeux de mains dénés, accompagnés par un homme au tambour, Tsiigehtchic (Tsiigehtshik, anciennement la rivière Arctic Red), Territoires du Nord-Ouest. (a102486)

Chaque équipe a son capitaine ; ce sont eux qui ouvrent le jeu. Ils cachent d’abord un objet dans une de leurs mains. Puis, en même temps, ils pointent la main où, selon eux, leur adversaire a caché son objet.

Photo couleur de huit hommes et d’un bambin. Les hommes jouent à des jeux de mains dénés. Trois d’entre eux frappent des tambours en peau de caribou avec des baguettes de bois. Deux autres font des signes propres aux jeux de mains dénés.

Hommes jouant à des jeux de mains dénés. Photo prise lors de la visite de la Commission royale sur les peuples autochtones à Tadoule Lake (Manitoba), dans la collectivité des Dénés sayisi (Dénésulines), 1992-1993. Au fond (de gauche à droite) : Brandon Cheekie, Peter Cheekie, Jimmy Clipping, Fred Duck, Ernie Bussidor et Tony Duck. Devant (de gauche à droite) : Personne inconnue, Evan Yassie, Thomas Cutlip et Ray Ellis. (e011300424)

Dès que l’un des capitaines a bien deviné, les autres joueurs se joignent à la partie. L’équipe du capitaine gagnant est la première à pouvoir marquer des points.

Les membres de l’équipe se mettent en ligne côte à côte, à genoux au sol, face à l’équipe adverse. Comme les jeux de mains peuvent durer longtemps, ils s’agenouillent sur une surface molle (un tapis ou un lit de branches d’épinette, par exemple).

Souvent, un ou deux marqueurs ou arbitres gardent un œil sur les joueurs et veillent à ce que les points soient bien comptés, à ce que personne ne triche et à ce que toute contestation soit réglée de manière équitable; mais ce n’est pas obligatoire. Ils s’assoient alors sur les côtés, entre les deux équipes, pour bien voir les joueurs et pouvoir distribuer les bâtonnets aux gagnants.

Ces bâtonnets servent à compter les points. On les place entre les équipes. Leur nombre varie en fonction du nombre de joueurs : ainsi, il faut 12 bâtonnets si on joue avec des équipes de 4 personnes; 14 bâtonnets avec des équipes de 6; 21 avec des équipes de 8; 24 ou 25 avec des équipes de 10; et 28 ou 29 avec des équipes de 12.

Photo couleur d’un homme âgé vu de dos, regardant une partie de jeux de mains dénés. Il porte une veste avec l’inscription « Sayisi Dene Traditional Handgame Club » (Club de jeux de mains traditionnels des Dénés sayisi).

L’aîné Charlie Learjaw regarde une partie de jeux de mains dénés, Tadoule Lake (Manitoba), 1992-1993. (e011300421)

L’équipe qui commence cache ses objets sous un tissu quelconque (comme une couverture ou des manteaux). Chaque joueur passe alors son objet d’une main à l’autre, jusqu’à ce qu’il décide dans quelle main le cacher. Ensuite, les joueurs sortent leurs poings de la couverture et les montrent à leurs adversaires. Souvent, ils gardent les bras droits devant eux ou les croisent sur leur poitrine, mais ils sont libres de positionner leurs mains à leur guise. Ils font aussi des mimiques, des gestes et des sons pour tenter d’induire en erreur le capitaine de l’équipe adverse, qui devra deviner où sont cachés les objets.

Photo couleur de six hommes et d’un bambin. Les hommes jouent aux jeux de mains dénés. Trois d’entre eux chantent en frappant des tambours en peau de caribou avec des baguettes de bois.

Hommes jouant du tambour pendant des jeux de mains dénés, Tadoule Lake (Manitoba), 1992-1993. De gauche à droite : Brandon Cheekie, Peter Cheekie, Fred Duck, Jimmy Clipping, Ernie Bussidor, Tony Duck et Ray Ellis. (e011300426)

Quand le capitaine pense avoir deviné où sont cachés les objets, il fait d’abord un grand bruit (par exemple, en tapant fort dans ses mains ou sur le sol) pour avertir tout le monde qu’il est prêt. Puis il fait un signe particulier de la main pour désigner son choix. Plusieurs signes existent, mais les Jeux d’hiver de l’Arctique en emploient quatre (source en anglais).

Les joueurs adverses doivent alors ouvrir la main désignée par le capitaine, pour que tout le monde puisse voir si l’objet est là. Si le capitaine s’est trompé, les joueurs de l’équipe adverse doivent alors montrer l’autre main qui contient l’objet.

Chaque fois que le capitaine se trompe, on donne un bâtonnet à l’équipe adverse. Supposons par exemple que le capitaine fait face à quatre joueurs. S’il devine une fois et se trompe trois fois, l’équipe adverse reçoit trois bâtonnets; le joueur dont le capitaine a deviné la main est éliminé, et le jeu se poursuit avec les autres joueurs, jusqu’à ce que le capitaine ait réussi à trouver tous les objets restants, ou jusqu’à ce que l’équipe adverse remporte tous les bâtonnets. Si le capitaine trouve tous les objets restants, on inverse les rôles : c’est au tour de son équipe de cacher ses objets, et à l’autre capitaine d’essayer de deviner. L’équipe qui remporte tous les bâtonnets gagne la partie.

Photo composite noir et blanc montrant une quinzaine de garçons jouant aux jeux de mains dénés, debout ou agenouillés au sol. Un jeune homme debout frappe un tambour en peau de caribou avec une baguette de bois.

Hommes et garçons gwichya gwich’in jouant aux jeux de mains dénés, Tsiigehtchic (Tsiigehtshik, anciennement la rivière Arctic Red), Territoires du Nord-Ouest, vers 1930. (a102488)

Tournois de jeux de mains

Dans le Nord, on organise souvent de petits tournois de jeux de mains dénés. Ma collectivité d’origine, Tadoule Lake, au Manitoba, essaie d’en faire tous les vendredis soir. De très grands tournois se tiennent aussi quelques fois par an dans différentes régions. On peut parfois y remporter des prix valant des milliers de dollars!

On raconte que dans le passé, certains joueurs pariaient différents objets comme des armes à feu, des balles, des haches, etc. J’ai même entendu parler d’hommes qui perdaient leur femme à un jeu et devaient la regagner à un autre!

Controverse entourant le genre

Les enfants – filles et garçons – apprennent à jouer aux jeux de mains dénés, tant à la maison que pendant des tournois. Dans certaines régions, ces jeux sont enseignés à l’école, durant les cours d’éducation physique.

Photo couleur d’un homme, d’un adolescent et d’un bambin regardant une partie de jeux de mains dénés. L’homme frappe un tambour en peau de caribou avec une baguette de bois. Le bambin tient son propre petit tambour.

Peter Cheekie frappe un tambour en peau de caribou avec une baguette de bois pendant qu’un adolescent (Christopher Yassie) et un bambin (Brandon Cheekie) regardent une partie de jeux de mains dénés, Tadoule Lake (Manitoba), 1992-1993. (e011300429)

Cependant, chez les adultes, ce jeu est surtout pratiqué par les hommes, certaines régions (notamment dans les Territoires du Nord-Ouest) ne permettant pas aux femmes de jouer. Néanmoins, au Yukon et dans certaines régions du nord des Prairies, les femmes ne sont pas seulement autorisées à jouer : elles y sont encouragées et largement soutenues. Leur participation accroît l’envergure des jeux et les rend plus amusants, tant pour les participants que pour les spectateurs.

Ce sont les organisateurs des tournois qui précisent si les équipes mixtes sont permises ou non. À ma connaissance, il n’y a eu qu’un seul tournoi entièrement féminin, qui s’est tenu à Whitehorse, au Yukon, en 2016.

La participation des femmes aux jeux de mains est un sujet délicat dans le Nord. Certains disent qu’il n’est pas dans la tradition de permettre aux femmes de jouer, et qu’elles gagneraient tout le temps parce qu’elles sont « trop puissantes ». Dans certaines collectivités, on n’autorise même pas les femmes à jouer du tambour.

D’autres soutiennent plutôt que les femmes jouaient aux jeux de mains dénés autrefois, mais que cela a changé depuis l’imposition du christianisme. Des missionnaires chrétiens ont déjà complètement interdit le tambour et les jeux de mains dénés; dans certaines collectivités, ils ont même brûlé des tambours, considérés comme païens (donc inacceptables). Or, cet instrument occupe une place très importante dans la culture et la spiritualité dénées.

Si certains Dénés ont toujours continué à jouer en secret, dans d’autres collectivités, les jeux de mains refont surface depuis quelques années seulement. Dans une collectivité en particulier, j’ai entendu dire que les jeux de mains avaient disparu depuis longtemps, mais que les femmes les faisaient renaître et encourageaient les hommes et les autres à y jouer de nouveau.

Je crois qu’à notre époque, exclure les femmes des jeux de mains dénés est injuste, tout comme les empêcher de jouer du tambour, d’ailleurs. La dynamique entre les sexes évolue dans toutes les cultures. Inclure davantage les femmes dans ce passe-temps amusant n’apporte que du positif pour tout le monde.

Pour ma part, j’adore regarder les jeux de mains dénés, mais je préfère de loin y participer, et j’aimerais voir plus de femmes le faire et en tirer du plaisir.

Visitez l’album Flickr sur les images des Dénés.


Angela Code est archiviste dans le cadre du projet Écoutez pour entendre nos voix de Bibliothèque et Archives Canada.