L’art ancien du tir à l’arc

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Par Dylan Roy

Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique qui pourraient être considérés comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde – terminologie historique.

L’archerie (l’art du tir à l’arc), comme la plupart des sports et autres activités physiques, enseigne la discipline, la persévérance, la patience, la concentration et bien d’autres choses.

Ma passion pour le tir à l’arc s’est développée très récemment. Malgré mes lacunes évidentes dans la pratique de ce sport, j’éprouve beaucoup de plaisir à l’étudier sous toutes ses coutures. Mon nouveau passe-temps m’a amené à fouiller dans les collections d’archives et de documents publiés à Bibliothèque et Archives Canada (BAC) pour trouver tout ce que je pouvais sur l’arc et les flèches.

À ma grande surprise, de nombreux livres et documents d’archives sont disponibles. Suivant les traces de Robin des Bois, je vais partager quelques-unes des précieuses ressources que j’ai dénichées à BAC.

Si vous ne savez pas par où commencer, sachez qu’il y a beaucoup de manuels du débutant et de publications approuvées par des clubs de tir à l’arc. Le livre Archery is fun! est un de mes favoris à cause du caractère charmant et spontané de ses dessins. Même s’il s’adresse principalement aux enfants, il peut enseigner les bases du tir à l’arc à des adultes. Lisez-le attentivement et en un rien de temps vous manierez l’arc comme Katniss Everdeen!

Comme l’indique le titre de ce blogue, l’archerie est un art très ancien. Pour étudier son histoire, pourquoi ne pas consulter un livre plus que centenaire? Le livre Archery, rédigé par C. J. Longman et Henry Walrond, a été publié en 1894. Cet ouvrage remarquable nous renseigne sur les origines du tir à l’arc. Il nous aide aussi à connaître la manière de penser et de s’exprimer d’auteurs d’un autre siècle.

Le dos d’un livre ancien. Son titre, Archery, est imprimé au centre.

Le dos du livre Archery, par C. J. Longman et Henry Walrond. (no OCLC 342853)

Selon les auteurs, seule la chasse peut prétendre à une origine plus ancienne que l’archerie. Ce côté archaïque a contribué à m’attirer vers ce sport. J’ai plaisir à penser que nos lointains ancêtres pratiquaient probablement le tir à l’arc de la même manière que nous. Cette fascinante discipline nous ramène en quelque sorte dans le passé.

Dans leur livre, Longman et Walrond donnent une citation d’un poète hindou qui mérite d’être reproduite :

« Puisse l’arc nous procurer un butin et des bœufs, et remporter la victoire sur le champ de bataille; l’arc terrorise l’ennemi, puisse-t-il nous permettre de vaincre le monde. » [Traduction]

Ce poème montre l’importance du tir à l’arc dans l’histoire humaine. Son auteur inconnu va jusqu’à dire que l’arc peut vaincre la terre elle-même, ce qui donne une idée de son énorme puissance.

Le livre comprend aussi de magnifiques images de pointes de flèches préhistoriques :

Croquis de cinq pointes de flèches avec une description sous chacun d’eux.

Cinq pointes de flèches préhistoriques, à la page 19 du livre Archery. (no OCLC 342853)

De nombreuses sociétés ont tenu l’archerie en haute estime. Pour preuve, plusieurs dieux sont associés au tir à l’arc, surtout en lien avec la chasse. La déesse grecque Artémis en est un exemple.

Après ce volet historique, passons à des ressources pour nous préparer à tirer. Vous aurez bientôt des muscles dignes de Clint Barton!

Floyd W. Johnson a écrit Fitness for Archery, un ouvrage incontournable si vous cherchez des exercices à faire pour mieux tirer. Il explique qu’un archer en forme possède quatre aptitudes principales : la capacité aérobique (endurance), la souplesse, la force et la détente.

Selon l’auteur, la capacité aérobique est la quantité maximale d’oxygène que le sang peut assimiler et transmettre au muscle. La souplesse est l’amplitude du mouvement d’une ou plusieurs articulations (la colonne vertébrale). La force est la capacité du muscle à s’opposer à une résistance. Quant à la détente, elle est essentielle à l’archer, car ce sport exige une pleine concentration mentale et physique en tout temps. L’archer en herbe doit donc s’appliquer à acquérir ces quatre aptitudes.

Floyd W. Johnson propose plusieurs exercices de mise en forme dans les images ci-dessous :

Page intitulée « Archerie : Parcours de renforcement et d’endurance ». Des croquis montrent comment réaliser sept exercices.

Sept exercices pour développer force et endurance : redressements assis avec les genoux fléchis; pompes; tirage à la poulie avec le bras fléchi; élévations latérales avec le buste penché; sauts en étoile; redressements assis obliques; tirage à la barre avec buste penché. (no OCLC 15918112)

Page intitulée « Le bras de l’archer (isométrie) » expliquant comment réaliser trois exercices, avec des croquis à l’appui.

Trois exercices isométriques pour les bras : verrouillage des épaules, extension des bras vers l’avant et rotation des bras. (no OCLC 15918112)

Page intitulée « Le bras de l’archer (suite) » expliquant comment réaliser trois exercices, avec des croquis à l’appui.

Trois autres exercices isométriques pour les bras : rotation des coudes, étirement des doigts et pression des doigts. (no OCLC 15918112)

Grâce à ces exercices, vous pourrez descendre un escalier en surfant sur un bouclier tout en décochant des flèches avec précision, comme Legolas!

Notre collection de documents publiés regorge d’information sur le tir à l’arc, mais nos archives ne sont pas en reste.

La collection de la Fédération des archers canadiens est un bon point de départ. Elle comprend une foule de documents sur la Fédération. Les chercheurs trouveront de précieux renseignements dans la section « Notice descriptive – Détails ». Par exemple, dans le champ « Portée et contenu », nous lisons :

Le fonds comprend des publications, des bulletins, des comptes rendus et de la correspondance; des documents sur des compétitions, les finances, les membres et l’histoire de la Fédération; des programmes pédagogiques; des règlements; des albums de coupures; des dossiers d’athlètes et des dossiers de la présidence.

Les photos documentent plusieurs activités et championnats canadiens de tir à l’arc organisés par la Fédération des archers canadiens entre 1949 et 1972. Les objets métalliques comprennent six médailles remises à l’issue de compétitions (de 1966 à 1971) et un pendentif de la Fédération datant de 1969. Les cartes comprennent des plans des lieux de compétition à Montréal et à Joliette pendant les Jeux olympiques d’été de 1976. [Traduction]

Le champ « Biographie/Histoire administrative » de la même section nous apprend un détail intéressant : la première compétition internationale de tir à l’arc à laquelle le Canada participe est le Championnat du monde de 1963 à Helsinki.

En plus de cette collection, j’ai trouvé de nombreuses photos d’archives accessibles en ligne. Vous n’aurez pas besoin de vous rendre sur place pour les voir!

Certaines d’entre elles montrent à quel point le tir à l’arc peut être agréable :

Une femme tient un arc et une flèche pendant qu’une autre portant des flèches dans un carquois lui montre comment s’y prendre.

Deux femmes souriantes font du tir à l’arc. (e000762820)

D’autres photos témoignent de la diversité des participants. Par exemple, le tir à l’arc en fauteuil roulant est une épreuve importante des Jeux paralympiques :

Trois hommes et une femme en fauteuil roulant en position de tir.

Quatre archers paralympiques canadiens dans un champ. De gauche à droite : Pierre Brousseau, Roch Poirier, Jean Rochon et Thérèse Tourangeau. (e011176636)

Il y a aussi des photos qui montrent des techniques de tir peu orthodoxes, comme celle où l’archer charge son arc avec ses orteils. Même Robin des Bois ne pourrait pas faire ça!

Un homme s’apprête à décocher une flèche. Il tire la corde de l’arc à deux mains et pousse l’arc avec ses pieds.

L’archer John Jamieson fils charge son arc avec les pieds, en position couchée. (e011310538-037_s3)

J’ai remarqué qu’il y a plusieurs photos de femmes militaires pratiquant le tir à l’arc. Sur la photo ci-dessous, une membre du Service féminin de l’Armée canadienne est debout devant une cible. Sous-estimez la force de ce service à vos risques et périls!

Une femme en uniforme militaire tient un arc dans les mains et retire une flèche d’une cible.

Une archère du Service féminin de l’Armée canadienne devant une cible. (e010778805)

Mes recherches m’ont aussi fait découvrir du langage offensant. C’est important de le mentionner, car il s’agit d’une facette plus sombre des archives conservées à BAC. La légende originale de la photo ci-dessous est un exemple :

Photo d’un homme à genoux dans la neige, prêt à décocher sa flèche. Une femme est debout à côté de lui.

Un Inuk utilise un arc en corne de bœuf musqué pendant que son épouse le regarde. (a211284)

Les descriptions d’archives comme celle-ci contiennent une terminologie à caractère historique pouvant être considérée comme offensante, par exemple pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels.

Les éléments qui composent les collections, leurs contenus et leurs descriptions sont le reflet des époques au cours desquelles ils ont été créés et des points de vue de leurs créateurs. Les descriptions originales sont conservées pour éviter que ces attitudes et perspectives soient supprimées du registre historique. BAC fournit toutefois des renseignements descriptifs supplémentaires pour expliquer le contexte, le tout dans le cadre d’un processus évolutif.

Si vous estimez que BAC devrait examiner des documents dont la terminologie ou le contenu vous semble inapproprié, veuillez communiquer avec nous à reference@bac-lac.gc.ca.

Le tir à l’arc exige de nombreuses aptitudes. Ce sport est parfois frustrant, mais rien ne bat la satisfaction de voir la flèche s’enfoncer au milieu de la cible, en produisant un son si caractéristique.

J’espère que vous avez apprécié ce petit voyage dans les collections de BAC sur le tir à l’arc. Avez-vous envie d’essayer cet art ancien?


Dylan Roy est archiviste de référence à la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.

Des secrets bien gardés : les Jeux olympiques de Montréal en 1976

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Par Brittany Long

Les années 1960 et 1970 ont connu des turbulences à l’échelle mondiale, alors que des attaques terroristes, des détournements d’avions et des enlèvements faisaient régulièrement les manchettes. Dans ce climat d’incertitude, la planification de la sécurité des Jeux olympiques d’été de 1976, à Montréal, a constitué un défi de taille pour les organismes canadiens chargés de la sécurité. La Gendarmerie royale du Canada (GRC), les Forces armées canadiennes et les autorités locales ont uni leurs forces pour protéger les athlètes et le public venus des quatre coins du monde.

Photographie en noir et blanc d’un groupe de personnes dansant au Stade olympique de Montréal lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’été de 1976.

Cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Montréal, 17 juillet 1976. Photo : Paul Taillefer. (e004923376)

En plus de la reine Elizabeth II grandement attendue pour l’ouverture officielle des Jeux, Montréal devait accueillir 6 084 athlètes olympiques de 92 pays. Personne ne souhaitait voir se répéter la tragédie des Jeux olympiques de Munich en 1972, où 11 athlètes avaient été tués lors d’un attentat terroriste.

Comme les Jeux de 1976 se déroulaient en pleine guerre froide, les organismes de sécurité ont dû redoubler d’efforts pour évaluer les menaces possibles, cibler les vulnérabilités et assurer la sécurité de tous les sites. Les mesures de sécurité ont dû être planifiées dans les moindres détails et gardées confidentielles avant et pendant l’événement afin de protéger la population canadienne, les visiteurs internationaux et les athlètes. Absolument tout, jusqu’au déplacement de la Reine de son lieu d’hébergement au stade, devait être rigoureusement planifié.

Les préparatifs ont commencé des mois avant les Jeux, alors que le niveau d’alerte était à son maximum, surtout pour le ministère des Affaires étrangères, la GRC et la Défense nationale. Les organismes et ministères fédéraux impliqués ont créé des montagnes de documents qui reflètent les efforts déployés pour assurer la sécurité dans le cadre de cet événement d’envergure.

Par la suite, certains de ces documents ont été transférés à Bibliothèque et Archives Canada. Plusieurs fonds d’archives contiennent des documents sur les Jeux olympiques de 1976. Le fonds du ministère des Affaires étrangères, par exemple, contient au moins neuf boîtes de documents à ce sujet et les archives de la GRC en contiennent environ 170.

Photo en noir et blanc montrant une foule de personnes descendant une rampe au Stade olympique de Montréal.

Foule descendant la rampe d’accès au stade lors des Jeux olympiques de Montréal en 1976. Photo : Paul Taillefer. (e004923378)

Comme les documents touchent à la sécurité, la plupart d’entre eux ont été classés confidentiels, secrets et parfois très secrets à leur création et cette classification a été maintenue lors de leur transfert à BAC. Bon nombre de ces documents sont encore classifiés près de 50 ans après la cérémonie de clôture des Jeux olympiques de 1976, ce qui empêche leur consultation depuis tout ce temps. Pire encore : il n’y a aucun moyen de savoir exactement quels documents sont classifiés. Pourquoi?

À cette époque, les protocoles de conservation et de transfert de documents étaient très différents. Les listes des documents transférés à BAC ne comportaient souvent aucune indication quant à leur classification de sécurité. Ainsi, pour déterminer s’il y a lieu de maintenir la classification des documents sur les Jeux olympiques de Montréal, nous devons d’abord les repérer dans nos collections. Une fois que c’est fait, nous devons les examiner pour vérifier leur classification. C’est un processus fastidieux.

À l’été et au début de l’automne 2023, nous avons analysé le contenu de neuf boîtes de documents concernant les Jeux olympiques de Montréal dans le fonds du ministère des Affaires étrangères, une sélection de documents relativement petite par rapport à d’autres séries qui font partie des collections dont BAC a la garde. Il a fallu des jours pour passer au peigne fin le contenu de ces boîtes et ainsi déterminer la portion qui demeurait classifiée. Ce processus a révélé qu’environ un tiers des documents de cette série sont encore classifiés.

Photo en noir et blanc d’un groupe de femmes dansant en robe blanche lors de la cérémonie de clôture des Jeux olympiques d’été de Montréal. Un homme nu traverse le terrain.

Cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Montréal. Quelque 500 jeunes femmes dansent alors qu’un homme nu court parmi elles, 1er août 1976. Photo : Paul Taillefer. (e004923381)

Après examen des boîtes et des renseignements contenus dans les documents, un rapport d’analyse a été rédigé. Selon le principe fondamental de la déclassification, l’auteur ou l’autrice d’un document est la seule personne à pouvoir modifier la classification. Nous avons donc soumis les résultats de notre analyse aux ministères concernés, à qui la décision revient.

Les documents classifiés concernant les mesures de sécurité lors des Jeux olympiques de Montréal en 1976 ne sont pas les seuls à conserver leur classification des décennies après leur création. L’équipe de déclassification de la Direction générale de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels de BAC collabore étroitement avec d’autres ministères pour faciliter l’accès de toute la population canadienne aux documents historiques. Nous souhaitons ainsi mettre en lumière notre passé collectif et transmettre au public de précieux renseignements historiques.

Ressources complémentaires


Brittany Long est une archiviste qui s’occupe de la déclassification au sein de la Direction générale de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels de Bibliothèque et Archives Canada.

L’expérience d’une étudiante travaillant dans les archives pendant l’été

Par Valentina Donato

Les artéfacts qui ont une histoire à raconter m’ont toujours fascinée. Pendant mes études de premier cycle à l’Université d’Ottawa, j’ai travaillé dans plusieurs musées pour m’immerger dans l’histoire. En tant qu’étudiante, j’ai eu le plaisir d’être engagée à Bibliothèque et Archives Canada (BAC), ce qui m’a permis d’apprendre énormément sur les archives et sur la préservation des collections.

C’est grâce au Programme fédéral d’expérience de travail étudiant que j’ai entendu parler du poste d’adjointe archivistique. J’ai pensé que ce serait agréable comme emploi d’été. Le programme pour étudiants de BAC offre de nombreuses possibilités à qui veut obtenir de l’expérience ou découvrir l’institution et d’autres services d’archives à Ottawa.

Quand j’ai obtenu le poste, je voulais notamment déterminer si une carrière dans les archives pouvait m’intéresser. J’ai mis l’accent sur le réseautage et appris tout ce que je pouvais sur les archives municipales et fédérales. En outre, j’ai eu la chance de visiter les édifices de BAC et d’autres archives, comme celles de la Ville d’Ottawa et du Musée canadien de la guerre. Ces visites aussi passionnantes qu’instructives m’ont fait découvrir tout un pan de l’histoire dont j’ignorais l’existence.

Je travaille actuellement au sein de l’équipe de la Réévaluation, à la Division des initiatives sur les documents gouvernementaux. J’y ai pris conscience de l’importance cruciale de la réévaluation pour remplir le mandat de BAC, car cette fonction facilite le repérage de nos collections et l’accès aux documents gouvernementaux.

Notre équipe s’emploie notamment à traiter l’arriéré afin de repérer et d’éliminer les documents qui n’ont aucun intérêt archivistique, comme les doublons. Pour ce faire, nous traitons les archives et les classons au bon endroit dans la collection. Un autre de nos objectifs consiste à améliorer la qualité des documents existants grâce à des descriptions et à des références précises, pour que les chercheurs trouvent ce qui répond à leurs besoins. Ces deux priorités aident toute personne intéressée à l’histoire canadienne à consulter les archives gouvernementales conservées à BAC.

En tant qu’étudiante en histoire, j’ai trouvé ce processus passionnant, car j’estime essentiel que le public ait facilement accès à l’histoire du Canada pour comprendre le passé. J’ai été agréablement surprise de constater à quel point mon travail serait concret. Au cours des premiers mois de mon emploi d’été, j’ai mis l’accent sur le catalogage, le classement et la rédaction de descriptions pour les archives. C’est extrêmement gratifiant de pouvoir organiser ou créer des instruments de recherche qui facilitent considérablement l’accès aux archives du gouvernement fédéral.

Avec l’archiviste principale Geneviève Morin et l’archiviste Emily Soldera, j’ai aussi pu participer à un projet pilote visant à repérer des supports spécialisés non recensés dans la collection. J’étais appelée à fouiller dans des boîtes de documents textuels du ministère de l’Agriculture. J’ai ainsi pu mettre en pratique les connaissances acquises quand j’évaluais des documents en ligne. Je voyais maintenant de mes yeux les types de dossiers que je cataloguais.

Mon travail consistait à trouver des supports spécialisés (comme des photos, des affiches ou des objets) passés inaperçus dans des boîtes censées contenir uniquement des documents textuels. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les boîtes en question ont donné lieu à des découvertes intéressantes! Pour que le public puisse en profiter, nous avons gardé des traces de nos trouvailles. Nous avons aussi discuté avec la gestionnaire des collections de documents gouvernementaux, Elise Rowsome, de la meilleure manière de préserver et d’entreposer nos nouveaux trésors.

Deux images côte à côte avec du texte en anglais. Sur la première, une large affiche rectangulaire vert et jaune dit : "Choisissez les oignons de l’Ontario… avec de la viande… dans la soupe… cuits au four… ou pour donner de la saveur". Des dessins de quatre repas illustrent le texte. La seconde image est celle d’un sac de carottes de la marque Wonder Pak. Il y a un dessin de ménagère et le texte anglais dit : "Carottes du Canada de catégorie 1".

Dossiers de la Division des fruits et légumes, MIKAN 134109 : RG 17, volume 4718, dossier 4718 2-Onions, partie 1 [affiche sur les oignons] et RG 17, volume 4717, dossier 4717 2-carrot, partie 1, 840.3C1 [emballage de carottes]. Ces dossiers seront temporairement inaccessibles, car le travail de préservation et de changement de contenants se poursuit. L’image est une gracieuseté de l’auteure, Valentina Donato.

La photo ci-dessus montre deux de mes trouvailles favorites dans les dossiers de la Division des fruits et légumes. Des affiches, des prototypes d’emballages alimentaires, des publicités, des étiquettes et bien d’autres choses encore étaient rangés avec les documents textuels. Ces articles de la vie quotidienne m’ont fait voyager dans la société canadienne du passé.

Parmi mes publicités favorites, je noterais celles d’Alcan Aluminium, produites vers 1959. Il y a des produits finis, mais aussi des maquettes. Chaque publicité, comme les exemples ci-dessous, montre des aliments et des produits qui peuvent être stockés ou cuits dans du papier d’aluminium. Mon regard a été attiré par les parcelles d’aluminium réfléchissantes insérées dans ces affiches (que mes photos ne permettent malheureusement pas de distinguer). Nous devons maintenant déterminer dans quels contenants nous allons placer ces articles, et comment nous allons les décrire et en faire le suivi dans notre système de catalogage, afin que les chercheurs y aient accès.

Deux publicités côte à côte d’Alcan montrant des produits qui peuvent être préservés dans du papier d’aluminium. Elles comprennent des parcelles d’aluminium qui reflètent la lumière. Le texte anglais dit : "Les produits les mieux préservés sur les tablettes sont emballés dans du papier d’aluminium Alcan" et "Ils attirent tous les projecteurs".

Division des fruits et légumes, MIKAN 134109, RG 17, volume 4734 30-1, partie 2 [Publicités d’Alcan Aluminium]. Ces dossiers seront temporairement inaccessibles, car le travail de préservation et de changement de contenants se poursuit. L’image est une gracieuseté de l’auteure, Valentina Donato.

J’ai fait une autre trouvaille dans les dossiers du Centre de recherche de la pomme de terre à Fredericton. En plus d’une boîte remplie de négatifs et d’épreuves photographiques, j’ai trouvé un carrousel de diapositives (une série de petites photos couleur à projeter dans un ordre précis) et une cassette sonore qui les accompagne.

Dans le cadre du projet, j’ai appris que divers types de matériel sont nécessaires pour consulter certains supports spécialisés. Le carrousel est un bon exemple : pour regarder les diapositives en toute sécurité, nous aurons besoin d’une table lumineuse qui ne dégage pas de chaleur et d’un appareil capable de lire la cassette. Des spécialistes en préservation nous aideront à le manipuler adéquatement, nous renseigneront sur le contexte de sa création et nous expliqueront pourquoi il a de la valeur dans les archives de BAC.

En plus d’avoir mis au jour de fascinants supports spécialisés, le projet montre pourquoi il est important que l’équipe de réévaluation se penche sur les collections existantes de BAC. C’est un travail sans fin, car nous analysons rétroactivement des documents déjà acquis pour améliorer les collections et aider les usagers à l’exploiter. J’ai bien hâte de poursuivre ce travail et d’en mesurer les progrès.

Un carrousel rempli de diapositives avec une cassette sonore à côté, le tout photographié en plongée.

Dossiers du Centre de recherche de la pomme de terre à Fredericton, MIKAN 206115, boîte 50, diaporama : Station de recherches de Fredericton. Ces dossiers seront temporairement inaccessibles, car le travail de préservation et de changement de contenants se poursuit. L’image est une gracieuseté de l’auteure, Valentina Donato.

Mon expérience de travail étudiant à BAC s’est avérée extrêmement enrichissante. Je suis donc ravie de pouvoir rester en poste à temps partiel pendant que je termine mes études. Je poursuivrai le travail de réévaluation, de classement et de description, et j’aurai l’occasion de voir la suite du projet visant à repérer les supports spécialisés non recensés.

Comme j’en suis à la quatrième année de mon baccalauréat, l’expérience acquise à BAC m’a donné une idée des nombreuses carrières qui s’offrent à moi dans les domaines du patrimoine et des archives. J’ai vraiment hâte de voir où me mènera cette expérience. Qui sait, peut-être que d’autres trésors sur le thème des légumes-racines sont enterrés dans les archives?

Autres ressources


Valentina Donato est adjointe en archivistique à la Direction générale des documents gouvernementaux de Bibliothèque et Archives Canada.

Visite au mémorial de Vimy : mythe ou réalité? (la suite)

Par Rebecca Murray

Capture d’écran d’une conversation par messagerie instantanée entre une fille et son père.

L’auteure annonce à son père qu’elle n’a pas trouvé d’information sur son arrière-grand-père, M. Phillips, et sur le navire Skeena à Vimy. Son père, confus de l’erreur, annonce que le navire était plutôt le Saguenay. Image courtoisie de l’auteure, Rebecca Murray.

Est-ce que ça vous est déjà arrivé? Vous vous donnez à fond dans une recherche, sans résultats. Puis, vous découvrez que vos renseignements de base étaient inexacts. C’est extrêmement frustrant, car vous avez l’impression d’avoir perdu du temps et de l’énergie. Les mésaventures de ce type arrivent plus souvent qu’on pense, y compris aux chercheurs chevronnés.

Heureusement, nous avons toujours droit à une deuxième chance, car les preuves historiques ne disparaissent pas comme ça. Accompagnez-nous pour savoir ce que nous avons trouvé cette fois!

Dans mon blogue précédent, je cherchais des traces de la présence de mon arrière-grand-père à la cérémonie de dévoilement du Mémorial national de Vimy, en juillet 1936.

Nous savions que Thomas Caleb Phillips s’était rendu en France en compagnie d’un ensemble musical à bord d’un navire canadien. Nous pensions que c’était le NCSM Skeena, alors qu’il s’agissait plutôt du NCSM Saguenay.

Cette nouvelle information change toute la donne!

Pour confirmer, à l’aide d’archives, que le NCSM Saguenay se trouvait bien dans les environs d’Arras (France) en été 1936, j’ai consulté le journal de bord du Saguenay de juillet 1935 à septembre 1937 : volume RG24, dossier 7812, « Ship’s log – SAGUENAY – Old », 1935/07 – 1937/09.

La première image ci-dessous m’a appris qu’au mois de juillet 1936, un groupe de l’équipage de ce navire a visité le mémorial, la veille de son dévoilement.

Journal de bord manuscrit du NCSM Saguenay, 25 juillet 1936.

Journal de bord du NCSM Saguenay, 25 juillet 1936 (MIKAN 1084556). L’extrait écrit en anglais dit « Garde royale constituée pour Vimy » et « Bordée de bâbord partie en excursion vers Vimy ». Image courtoisie de l’auteure, Rebecca Murray.

L’information du lendemain est encore plus intéressante, car elle donne des détails sur les déplacements de l’équipage à destination du Mémorial.

Journal de bord manuscrit du NCSM Saguenay, 26 juillet 1936.

Journal de bord du NCSM Saguenay pour le 26 juillet 1936 (MIKAN 1084556). Le texte anglais dit : « Bordée de tribord partie en excursion vers Vimy – En congé ». Image courtoisie de l’auteure, Rebecca Murray.

J’étais très excitée de trouver cette information. Ce sont des moments comme celui-là où vous avez envie de sauter et de crier votre joie, même si vous êtes dans une salle silencieuse, entouré de chercheurs et de membres du personnel qui font un travail important. Puis, j’ai tourné la page, car on ne sait jamais ce qui nous attend de l’autre côté. Et qu’est-ce que j’ai trouvé? Rien de moins qu’une mention totalement inattendue de mon arrière-grand-père! En plein l’homme que je cherchais!

Journal de bord manuscrit du NCSM Saguenay, 29 juillet 1936.

Journal de bord du NCSM Saguenay, 29 juillet 1936 (MIKAN 1084556). Le texte anglais dit : « Le commandant du génie T. C. Phillips est descendu à terre. » Image courtoisie de l’auteure, Rebecca Murray.

Nous sommes maintenant le 29 juillet. Le navire se trouve à Douvres, en Angleterre. Regardez qui est allé faire une petite visite à terre!

Voilà le lien que je cherchais! *Vigoureux poing de la victoire*

Permettez-moi ici une petite digression. J’ai déjà mentionné que la recherche dans les archives, surtout gouvernementales, pouvait exiger beaucoup de temps et de patience. Dans le cas présent, je ne m’attendais pas à ce que T. C. Phillips soit nommé dans le journal de bord du navire. Je voulais seulement m’assurer que le NCSM Saguenay était près de la crête de Vimy (dans la mesure où un navire peut se rapprocher d’une région rurale du nord de la France). Cette « trouvaille » m’a presque convaincue d’arrêter mes recherches. Je dis bien presque.

Raconter ma recherche dans le blogue précédent m’a aussi rappelé une heureuse leçon : faire connaître son problème est un bon moyen de diviser le fardeau. Lorsque vous avez la chance de travailler avec des collègues d’une nature curieuse, vous recevez des suggestions qui vous mettent sur la bonne voie. Par exemple, un collègue m’a suggéré de consulter des listes de passagers liées au pèlerinage de Vimy.

En faisant part de ma recherche à ma famille élargie, j’ai non seulement reçu une information corrigée (sans commentaires!), mais aussi un article que je conserverai dans mes propres archives : une carte postale plutôt abîmée, datée du 27 juillet 1936, que T. C. Phillips a envoyée à son épouse, c’est-à-dire mon arrière-grand-mère, à Ottawa. Le message ne nous apprend rien sur la présence de son auteur au dévoilement du Mémorial, mais la carte elle-même comprend une foule de renseignements qui pourraient mener un chercheur sur de nombreuses pistes. Surtout si la chercheure en question est l’arrière-petite-fille de l’expéditeur! Par exemple, le timbre apposé sur la carte postale semble représenter une sculpture, Les défenseurs : Le brisement du sabre, qui apparaît aussi sur la carte postale elle-même.

Recto d’une carte postale montrant dans des tons sépia des sculptures en pierre du Mémorial de Vimy.

Carte postale expédiée de France à Ottawa par T. C. Phillips, le 27 juillet 1936. Image courtoisie de l’auteure, Rebecca Murray.

Timbre vert représentant une sculpture en pierre du Mémorial de Vimy, avec une partie du cachet postal à la gauche.

La partie de la carte postale comprenant le timbre oblitéré. Image courtoisie de l’auteure, Rebecca Murray.

Je peux aussi tenter de retracer le parcours qu’a suivi T. C. Phillips pour se rendre en France. Une petite recherche dans un album de famille m’apprend qu’il s’est rendu en France à bord de l’Alaunia, un navire à vapeur qui a surtout assuré le service au Canada pour la compagnie maritime britannique Cunard. Des listes de passagers confirment que le navire a quitté Montréal le 20 juillet 1936 à destination de Londres, en Angleterre. Toutefois, le nom de T. C. Phillips ne se trouve pas parmi les personnes qui ont débarqué.

Mais nous avons parcouru assez de chemin pour aujourd’hui. C’est une autre leçon précieuse que nous pouvons tirer de cette recherche : il y a toujours une autre piste à suivre, une publication ou des archives pertinentes à consulter. Comme je le disais dans le billet précédent, il n’y a aucun plaisir à avoir terminé! Je vais donc garder ce petit mystère pour ma prochaine excursion sur les traces de cette aventure.

Ce n’est pas toujours facile d’établir des liens entre le folklore familial, hautement subjectif, et les sources primaires. Il faut procéder avec méthode, que vous travailliez avec les archives de votre propre famille ou celles d’une autre (comme c’est souvent le cas aux Services de référence). Je n’insisterai jamais assez sur l’importance d’effectuer une bonne recherche dans les sources secondaires pour mieux préparer une visite dans un centre d’archives, à la recherche de sources primaires.


Rebecca Murray est archiviste de référence principale à la Division des services de référence de Bibliothèque et Archives Canada.

Des montagnes de mouches noires

Par Martha Sellens

Toutes les facettes de mon travail d’archiviste me passionnent, mais la plus palpitante est la résolution de mystères, surtout quand le résultat est tout à fait imprévu. Un récent mystère que j’ai résolu combine œuvre d’art et mouches noires – et je ne parle pas ici de visiteurs inattendus (ou indésirables!) dans une chambre forte de Bibliothèque et Archives Canada (BAC).

Le point de départ : deux estampes de la Commission géologique du Canada (pièces 5067117 et 5067118). Je travaillais à améliorer leur description dans notre base de données pour qu’on puisse les trouver plus facilement au moment d’effectuer une recherche dans la collection. Les estampes datent de 1883, et leur acquisition remonte à si loin – avant 1925! – qu’il n’y avait presque aucun renseignement à leur sujet dans nos dossiers.

Je me suis donc mise à prospecter. Il s’agissait d’images panoramiques aussi hautes qu’un livre format standard et presque aussi larges que l’envergure de mes bras. Toutes deux étaient des copies d’un même dessin montrant les monts Notre Dame ou Shickshock [aujourd’hui, les monts Chic-Chocs] dans la péninsule de la Gaspésie, au Québec. Mon enquête était simplifiée du fait que le titre, le nom de l’artiste et le nom de l’imprimeur figuraient sur les estampes. J’ai donc aussitôt pu faire le lien avec le rapport préparé par A. P Low au terme de son expédition pour la Commission géologique du Canada (CGC), en 1883.

Estampe noir et blanc d’un dessin montrant une série de monts arrondis. On peut voir des arbres et de l’herbe à l’avant-plan. L’estampe porte un titre, et les points cardinaux sont indiqués en petits caractères le long du bord supérieur.

Photolithographie panoramique des monts Notre Dame ou Shickshock [Chic-Chocs], péninsule de la Gaspésie, Québec. Dessin de L. Lambe réalisé à partir d’une esquisse d’A. P. Low tirée du rapport qu’il a préparé en 1883 pour la Commission géologique du Canada. Les exemplaires conservés par BAC (R214-2887-9) n’ont pas encore été numérisés. Image reproduite avec l’aimable autorisation de Ressources naturelles Canada (GEOSCAN).

À l’été 1883, A. P. Low dirige une petite équipe d’arpenteurs dans la péninsule de la Gaspésie pour étudier la géologie de la région, ainsi que pour améliorer les cartes du coin et en créer de nouvelles. À l’époque, la CGC est souvent la première à envoyer des équipes d’arpentage dans une région, et elle réalise très vite que la documentation des caractéristiques géographiques passe nécessairement par la création de cartes. Dans son rapport, A. P. Low décrit certaines des tâches quotidiennes et des découvertes scientifiques de son équipe. Le rapport a été publié dans un ouvrage de 800 pages réunissant tous les rapports des activités de la CGC de 1882 à 1884. On peut télécharger une version numérique de l’ouvrage sur le site Web de Ressources naturelles Canada ou consulter l’exemplaire papier détenu par BAC.

BAC détient aussi de nombreux carnets de terrain dans lesquels les arpenteurs notaient quotidiennement leurs trouvailles et les résultats de leurs recherches. Ma curiosité étant piquée, j’ai fait venir les carnets d’A. P. Low pour y jeter un œil. N’étant pas géologue, je n’étais pas certaine de pouvoir comprendre ses notes, mais ça fait partie du plaisir! La plupart des carnets étaient remplis de chiffres et d’esquisses, mais vers la fin de l’un d’eux, j’ai décroché le gros lot.

Les gens s’imaginent souvent que les documents gouvernementaux sont synonymes de bureaucratie et d’ennui – et nos archives attestent que c’est souvent le cas. Il arrive toutefois qu’on découvre un élément passionnant qui prouve que le travail des fonctionnaires du 19e siècle pouvait être drôle et intéressant!

Vers la fin d’un des carnets d’A. P. Low, j’ai trouvé l’esquisse qu’il avait dessinée des monts Shickshock. Il s’agissait précisément de celle ayant servi à créer l’illustration qui accompagnait son rapport et dont les estampes étaient à l’origine de mon enquête. C’est un croquis plutôt simple, réparti sur deux pages lignées, mais dont les lignes et les ombres commencent à s’estomper à peu près au milieu des pages.

Pourquoi le dessin n’est-il pas terminé? Comble de chance, A. P. Low nous fournit la réponse dans son carnet de terrain [traduction] : « Incapable de terminer à cause des mouches noires »! Son commentaire s’accompagne d’une tache suspecte et d’un griffonnage représentant trois petites mouches noires à côté de la description de l’esquisse.

Photographie d’un carnet de notes en cuir rouge, ouvert à la page 98. Les pages sont lignées, et l’on voit un dessin au crayon représentant des montagnes et trois petites mouches. Il y a une note au bas de la page qui dit [traduction] : « Croquis de certains des monts qu’on peut voir en regardant vers le nord depuis le mont Albert ». À droite, une autre note indique [traduction] : « Incapable de terminer à cause des mouches noires ».

Croquis des monts Shickshock à la page 98 du carnet de terrain no 2276 d’A. P. Low, péninsule de la Gaspésie, Québec. Commission géologique du Canada (RG45, vol. 142). Photo : Martha Sellens

Je m’imagine les arpenteurs cuisant sous les rayons brûlants du soleil de juin au sommet d’un mont de la Gaspésie et maudissant le minuscule prédateur le plus agaçant du Canada! On peut facilement oublier que derrière chaque document, même le plus bureaucratique et ennuyeux, il y a des gens qui ont travaillé ensemble à sa création. Ce carnet de terrain, comme les estampes officielles qui m’ont menée à sa découverte, ramène en mémoire les personnes – et les mouches noires – qui ont laissé leur trace dans l’histoire.

Ressources connexes de BAC :

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Martha Sellens est archiviste pour le portefeuille sur les ressources naturelles de la Division des archives gouvernementales, à Bibliothèque et Archives Canada.

Noël dans les archives

English version

Par Jennifer Anderson

En ce mois de décembre, bon nombre de nos clients, donateurs et lecteurs se préparent pour Noël. Le temps des Fêtes est riche en traditions, souvent liées au sentiment d’anticipation : préparer des surprises pour nos êtres chers, rêver de projets à accomplir après le Nouvel An, et offrir des moments de réconfort à notre famille, nos amis et, pourquoi pas, des étrangers.

Photo noir et blanc montrant des clients devant de grandes vitrines décorées pour Noël et se dirigeant vers l’entrée principale d’un magasin Simpson’s. Des enseignes au-dessus des portes indiquent « Simpson’s » et « The Christmas Tree Store » (Boutique d’arbres de Noël).

Simpson’s, la boutique d’arbres de Noël, vers 1955 (e011172111)

Ce sentiment d’anticipation est courant chez les archivistes. L’ambiance est toujours un peu festive dans les archives : on ouvre des boîtes, on fait des découvertes et on prévoit l’intérêt du public pour les articles de la collection. Le travail d’un archiviste de référence ressemble au service à la clientèle puisque nous aidons les chercheurs avec un grand plaisir. Le traitement archivistique inspire également un sentiment de gratitude auprès de nos collègues, qui collaborent avec nous pour faire de belles choses.

Photo noir et blanc montrant des enfants et trois femmes autour d’un père Noël. Tout le monde sourit, même si certains enfants semblent nerveux.

« Secrets du père Noël », 1952 (e011172113)

À titre d’exemple, les journées où mes collègues et moi avons travaillé sur le fonds de Sears Canada nous ont procuré beaucoup de joie. La collection inclut des documents sur les magasins Sears de l’ensemble du pays ainsi que sur les sociétés mères de Sears Canada, toutes très connues dans notre pays : Simpson’s, Simpsons-Sears et Sears-Roebuck. Le fonds comprend des documents textuels, des photos, des albums de coupures, des documents audiovisuels, des dessins et des plans architecturaux. On y trouve aussi 200 boîtes de catalogues publiés qui s’ajouteront à la riche et populaire collection de catalogues que Bibliothèque et Archives Canada possède déjà.

Photo noir et blanc montrant des clients, surtout des femmes, avec des manteaux d’hiver et des chapeaux. Elles consultent des catalogues pendant que des employés se tiennent derrière le comptoir. Une inscription sur le mur, entourée de décorations de Noël, dit : « Catalogue Shopping Centre » (Centre de ventes par catalogue).

Achats par catalogue dans le temps des Fêtes, vers 1955 (e011172120)

Une surprise très intéressante se trouve dans ce fonds : plusieurs milliers de photos d’archives d’une qualité et d’un intérêt incroyables. Les photos, qui documentent le plaisir du magasinage ainsi que les éléments pratiques de l’économie de détail et du travail des employés, intéresseront certainement le public. En plus, elles sont amusantes! Elles donnent aussi un aperçu des activités sociales et culturelles organisées par l’entreprise, dont des parties de curling et de quilles, des soirées de danse et des concerts.

Photo noir et blanc montrant un grand magasin bondé et décoré pour Noël. Des clientes et des employées se trouvent au comptoir des bas, des collants et des accessoires.

Achats de Noël, Regina (Saskatchewan), vers 1950 (e011172152)

Merci à nos collègues de Bibliothèque et Archives Canada et aux autres organismes qui ont participé à l’acquisition, au classement, à la description et à la numérisation de ce fonds. C’est grâce à eux qu’il est maintenant possible d’effectuer des recherches dans le fonds de Sears Canada.

Photo noir et blanc montrant un grand groupe d’hommes, de femmes et d’enfants regardant un train électrique dans un magasin.

Une foule regarde un train électrique, Regina, vers 1950 (e011172147)

Au cours des prochaines années, nous pourrons utiliser ces documents pour produire de nouveaux résultats de recherche. N’hésitez pas à communiquer avec nous si vous avez besoin d’aide pour lancer votre propre recherche.

Photo noir et blanc montrant un garçon parlant avec le père Noël alors que d’autres enfants et de nombreux parents, vêtus pour affronter l’hiver, font la file à proximité. En arrière-plan, deux affiches disent « Trains » et « Meccano ».

Visite du père Noël, vers 1955 (e011172112)


Jennifer Anderson était archiviste à la Direction générale des services au public. Avant cela, elle a œuvré à la Section des sciences, de l’environnement et de l’économie de la Direction générale des archives à Bibliothèque et Archives Canada.

Kahkewaquonaby, le Grand conseil et les droits des Premières Nations

Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certains pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde — terminologie historique.

Par Kelly Ferguson

Le fonds Sir John A. Macdonald comprend une série de lettres échangées entre le premier ministre canadien et le docteur Peter Edmund Jones (Kahkewaquonaby). Cette correspondance ouvre une fenêtre sur les efforts de Jones et de certains organismes – dont le Grand conseil des Indiens de l’Ontario et du Québec – pour défendre les droits des Premières Nations pendant les années 1870 et 1880.

Fils du révérend Peter Jones (Kahkewaquonaby) et d’Elizabeth Field, Peter Edmund Jones naît en 1843 en Ontario. En 1866, il obtient son diplôme en médecine du Queen’s College de Kingston, devenant ainsi l’un des premiers médecins anishinaabe et autochtone de l’Amérique du Nord britannique. Il pratique d’abord à Brantford et à Niagara, puis à New York, avant de revenir dans sa province natale et d’ouvrir une clinique à Hagersville, tout près de la réserve de New Credit. Il est élu chef des Mississaugas de New Credit (maintenant la Première Nation des Mississaugas de Credit) de 1870 à 1874 et de 1880 à 1886.

Photo sépia d’un homme assis, tenant une pipe de cérémonie et un collier de perles wampum. L’homme est vêtu d’une veste en peau de cerf; sur sa cuisse, on aperçoit un sac (également en peau de cerf) orné de motifs traditionnels.

Kahkewaquonaby (le révérend Peter Jones), père du docteur Peter Edmund Jones. Photo prise le 4 août 1845 par David Octavius Hill (photographe) et Robert Adamson (chimiste). (a215156k)

En outre, dès 1874, Jones se joint au Grand conseil des Indiens de l’Ontario et du Québec, fondé quatre ans auparavant. L’une des tâches principales du Conseil est de passer en revue la Loi sur les Indiens et d’autres mesures législatives touchant les droits des Premières Nations.

De 1884 à 1886, le Grand conseil concentre ses travaux sur l’Acte de l’avancement des Sauvages. Celui-ci impose des modifications importantes aux systèmes de réglementation et de gouvernance des Premières Nations de l’Est du Canada. Il limite entre autres la taille et les fonctions des conseils autochtones, en plus de restreindre la nomination d’agents des Indiens provenant des communautés locales pour les présider. Le Grand conseil soulève de nombreuses objections concernant ces dispositions, et concernant l’Acte de façon plus générale.

En 1887, Peter Edmund Jones, alors délégué du Grand conseil, envoie une lettre au premier ministre canadien John A. Macdonald dans laquelle il formule des suggestions et des commentaires sur la Loi sur les Indiens et sur l’Acte de l’avancement des Sauvages. Jones recommande entre autres d’accorder aux conseils locaux le pouvoir de prendre des décisions en l’absence de l’agent des Indiens, d’offrir des pouvoirs équivalents aux chefs et d’accroître le nombre de conseillers.

Microfilm noir et blanc d’une lettre manuscrite.

Lettre du docteur Peter Edmund Jones à sir John A. Macdonald, datée du 5 janvier 1887. Jones y formule des suggestions et des commentaires sur la Loi sur les Indiens et l’Acte de l’avancement des Sauvages(e007956445).

Jones soumet également à Macdonald des recommandations concernant l’Acte du cens électoral. Bien que les hommes des Premières Nations aient le droit de voter depuis 1867, ce droit leur est accordé uniquement s’ils renoncent à leur statut d’Indien inscrit en vertu de la Loi sur les Indiens, ainsi qu’aux droits ancestraux qui leur sont conférés par traités (un processus appelé « émancipation »). Jones appuie l’émancipation, mais trouve le prix à payer trop élevé. Il souhaite que l’Acte du cens électoral maintienne le droit de vote des hommes autochtones tout en leur permettant de conserver leur statut d’Indien inscrit et leurs droits issus de traités.

Version numérisée d’une lettre manuscrite, couleur sépia.

Lettre de sir John A. Macdonald au docteur et chef Peter Edmund Jones, datée du 31 août 1886 et traitant de l’Acte du cens électoral. (e011198071-001-v8) (e011198071-002-v8)

Microfilm noir et blanc montrant deux pages manuscrites, rédigées sur du papier à en-tête du ministère des Affaires indiennes.

Lettre de L. Vankoughnet, surintendant adjoint au ministère des Affaires indiennes, à sir John A. Macdonald, datée du 28 mars 1887. La lettre porte sur d’éventuelles modifications à la Loi sur les Indiens et comprend des suggestions du docteur Peter Edmund Jones. (e007956441) (e007956442)

Au bout du compte, le gouvernement conservateur de John A. Macdonald rejette les recommandations de Jones en ce qui concerne l’Acte de l’avancement des Sauvages. En outre, le gouvernement libéral de Wilfrid Laurier abrogera plus tard l’Acte du cens électoral. Tout au long du 19e siècle, la Loi sur les Indiens subira d’autres modifications visant à accroître le contrôle sur la vie des Autochtones. En fait, il faudra attendre jusqu’en 1960 pour que le droit de vote soit accordé à tous les Autochtones sans restrictions.

Bref, dans les années 1880 comme aujourd’hui, les peuples autochtones souhaitent obtenir le droit à l’autodétermination et protéger leurs droits (y compris leurs droits issus de traités). La correspondance du docteur Peter Edmund Jones avec John A. Macdonald en offre un excellent exemple.


Kelly Ferguson est archiviste aux affaires politiques à la Division des archives privées sur les sciences et la gouvernance de Bibliothèque et Archives Canada.

Brodie Macpherson, précurseur de la photographie couleur

par Samantha Shields

Biographie

Archibald Brodie Macpherson, alias « Handlebars » (vraisemblablement en référence à sa moustache en forme de guidon) est une figure connue du milieu canadien de la photographie en raison de son rôle durant l’essor de l’impression couleur.

Autoportrait couleur de Brodie Macpherson en uniforme militaire arborant une moustache en guidon. Le sujet est représenté jusqu’à la poitrine devant un arrière-plan vierge.

Autoportrait, vers 1945 (e010767976)

Né à Toronto (Ontario) le 26 novembre 1909, Brodie est l’aîné des trois enfants du professeur d’université Walter Ernest Macpherson et de son épouse Elsie Margaret, et le premier d’entre eux à fréquenter l’Université de Toronto. Il entre à la faculté de sciences appliquées et de génie en 1927 et obtient son diplôme en 1931. Durant la Seconde Guerre mondiale, il sert dans l’Aviation royale canadienne, avant de revenir chez lui pour fonder son studio de photographie au début de 1946. Sa formation en génie, combinée à ses années d’expérience ultérieures dans le monde de la lithographie, lui sera très utile dans le domaine de l’impression couleur.

L’essor de la photographie couleur

Au milieu des années 1930, la photographie couleur commence à prendre de l’ampleur grâce au perfectionnement des diapositives en couleurs. L’impression couleur existe déjà à l’époque, mais elle est beaucoup moins populaire que l’impression noir et blanc parmi les photographes. Le procédé consistant à fabriquer et à imprimer des négatifs de sélection est trop cher et trop complexe pour la plupart des amateurs, et le résultat en vaut rarement la chandelle pour les professionnels. Les photographes portraitistes et paysagistes n’ont aucun intérêt à dépenser une petite fortune pour produire des lithographies que les critiques qualifient régulièrement de criardes, vulgaires et artificielles.

Deux photographies couleur identiques d’un présentoir à étages contenant des produits Colgate et Palmolive, comme de la crème à raser, du shampooing, du dentifrice et de la poudre dentifrice. Le présentoir a été photographié en studio sur un fond bleu.

Un présentoir commercial de produits de toilette Colgate Palmolive (e011312591)

Malgré ses nombreux inconvénients, la photo couleur brille réellement dans le domaine publicitaire. Bien que les couleurs vives et contrastantes puissent parfois agresser l’œil, elles permettent aussi d’attirer l’attention. À cette époque, de plus en plus de photographies colorées ornent les pages des magazines, les affiches et le matériel promotionnel.

Le domaine publicitaire est parfaitement adapté à la photo couleur puisqu’on y fait souvent de grosses commandes. La production de nombreux exemplaires permet de répartir les coûts d’impression élevés de la photographie initiale et d’en rentabiliser la grande complexité.

Brodie Macpherson l’entrepreneur

En février 1946, plutôt que de reprendre son emploi d’avant-guerre chez Harris Lithography, Macpherson commence à prendre et à vendre des photographies couleur à l’aide de deux procédés d’Eastman Kodak légèrement remaniés : la reproduction par contact pour le relief et le transfert hydrotypique de colorants. L’expérience de Macpherson dans le domaine de la photo lithographique lui est fort utile en raison des similitudes entre ces techniques.

La stratégie commerciale de Macpherson est simple : fournir le meilleur produit possible au plus bas prix possible. Voici comment il procède :

  • Il ne vend que des photographies couleur. Il n’a donc pas besoin d’équipement et de matériel pour développer des photos noir et blanc, et il se spécialise dans la couleur.
  • Il ne vend que des photos en grandes quantités. Il optimise ainsi la durée de vie des produits chimiques et réduit ses dépenses. Puisque les produits se détériorent rapidement lorsqu’on les verse dans les bacs, il n’est pas très rentable de faire plusieurs petites commandes espacées dans le temps.
  • Il expérimente en créant ses propres produits chimiques. Brodie Macpherson réussit ainsi à simplifier son processus d’impression, à maintenir un niveau de qualité uniforme et à éviter les coûts élevés associés à l’achat de produits préparés. Ces économies sont transmises au consommateur.
  • Il fabrique et personnalise ses outils, de l’équipement de production (appareils photo et lampes) au matériel d’impression (ampoules et balance-cuvettes). Macpherson s’emploie constamment à concevoir de nouveaux outils, à expérimenter avec eux et à perfectionner ses processus.
  • Il communique et collabore avec des fournisseurs, des fabricants (dont Kodak), d’autres photographes et des laboratoires d’impression, offrant continuellement les fruits de ses recherches, de l’information et des ressources pour améliorer la photographie couleur.
Photographie noir et blanc de l’appareil photo de Brodie Macpherson.

Brodie Macpherson a fabriqué son propre appareil photo trichrome à prise unique, qui lui permet d’exposer simultanément trois plaques photographiques derrière plusieurs filtres couleur. Sans cet appareil, la même photo aurait dû être prise successivement avec chaque filtre. (e011312590)

Dès les débuts de Macpherson, les clients apprécient la qualité de ses tirages couleur et trouvent ses prix raisonnables, même s’ils sont tout de même plus élevés que ceux des photos noir et blanc ou colorées à la main. Ses tarifs sont systématiquement plus bas que ceux des autres imprimeurs couleur de la région, et ils n’augmenteront jamais. Pendant 18 ans, Macpherson honorera les commandes de clients partout au Canada et aux États-Unis.

Deux portraits studio identiques d’une femme blonde inconnue portant du rouge à lèvres et un tricot rouge. Les tarifs et les coordonnées de Brodie Macpherson sont superposés dans le coin inférieur gauche et sont aussi inscrits sous l’image.

Publicité pour les photographies couleur de Brodie Macpherson comprenant ses tarifs (e011312588)

Le studio de photographie couleur, situé dans le sous-sol de sa maison familiale au 172, rue Walmer Road à Toronto, sera officiellement ouvert jusqu’à la retraite de Macpherson, en 1964.

Le groupe d’impression couleur du Toronto Camera Club (TCC)

Selon le président du Toronto Camera Club, Frank E. Hessin, Macpherson est sans l’ombre d’un doute le membre du Club qui fait le plus progresser l’impression couleur. En 1946, Macpherson propose la création du groupe d’impression couleur du Club, dont il deviendra le président. Dans les années qui suivent, c’est dans les installations du Club qu’il enseigne le processus de séparation des couleurs à tous ceux qui s’y intéressent.

Photographie noir et blanc de Brodie Macpherson faisant semblant de prendre en photo Miss 1948, Lialla Raymes, alors qu’elle est allongée.

Brodie Macpherson et Miss 1948, Lialla Raymes, illustrant l’évolution des tendances en photographie dans le cadre du 60e anniversaire du Toronto Camera Club. (e011310464)

Everett Roseborough, un autre membre du Club, dresse un portrait du personnage qui correspond à ce que l’on peut lire dans les lettres et les articles du fonds Brodie Macpherson (R791). En voici une traduction :

« Pendant les rencontres de sociétés de photographie, il est assis à la dernière rangée et caresse sa moustache. Ses opinions sont tranchées; il trouve toujours le moyen de s’opposer à quelque chose. Après un grognement collectif dans l’auditoire, on se rend souvent compte qu’il a raison. » (Photographic Historical Society of Canada, 1994)

Le digne fils d’un bibliothécaire qui enseigne à l’université

D’une intelligence remarquable, Brodie Macpherson transmet volontiers ses connaissances, ses points de vue et ses conseils. Il représente une ressource inestimable pour les photographes de l’époque, qui le considèrent comme le meilleur photographe et imprimeur couleur de la ville.

Au fil du temps, alors que la technologie de photographie couleur gagne en vitesse et en précision, on continue de faire appel au talent de Macpherson et à sa connaissance des particularités de l’impression couleur. Il fait régulièrement part des résultats de ses recherches et appelle au dialogue dans plusieurs publications et lettres privées, au sein de clubs de photo, ainsi que lors de conférences publiques et de soirées dans son studio (rehaussées de musique et d’excellent scotch!).

Photo d’un gâteau rond coupé sur une assiette noire, placé sur une boîte portant la matrice d’impression et le numéro de créateur C363.

Une des premières photos couleur de Brodie Macpherson, qui présente la superposition de jaune, magenta et cyan nécessaire pour réaliser un tirage en couleurs. (e011312589)

Retraite

En 1964, alors qu’il passe déjà la majeure partie de l’hiver à la Barbade, Macpherson prend sa semi-retraite du monde de l’impression, à l’âge de 55 ans. Même s’il n’accepte plus de nouveaux clients, il réimprime encore des négatifs existants d’anciens clients lorsqu’il est à Toronto.

Photo publicitaire montrant huit variétés de biscuits et de petits gâteaux Purity dans des sacs transparents sur fond blanc.

Série de photos publicitaires commandées par Purity Factories Ltd, de Saint John’s, à Terre-Neuve-et-Labrador. L’entreprise fait souvent affaire avec Brodie Macpherson et continue de lui demander des réimpressions jusqu’en 1970. (e011312592)

À la fin des années 1960, les procédés photographiques utilisés par Brodie Macpherson sont en grande partie remplacés par la nouvelle gamme Ektacolor de Kodak, beaucoup plus simple d’utilisation. Il devient donc de plus en plus difficile de se procurer le matériel nécessaire au Canada, et Macpherson abandonne complètement la réimpression.

Photo noir et blanc de Brodie Macpherson avec son appareil photo à prise unique de marque Devin.

Portrait de Brodie Macpherson à l’œuvre (e011310471)

De nature plutôt solitaire, Macpherson ferme discrètement son studio et vend sa maison dans les années 1970. Selon certaines sources, il aurait déménagé en Floride sans laisser de traces (Roseborough, 1994). Les recherches pour le retrouver à Toronto, en Floride et aux Bermudes après les années 1970 restent vaines.

La grande carrière de Brodie Macpherson dans le monde de la photographie couleur, qui se déroule de surcroît à une époque de développement technologique accéléré, témoigne de son excellent esprit d’entrepreneuriat, de son dévouement et de la grande maîtrise de son art.


Samantha Shields travaille comme archiviste en photographie au sein de la Division de la vie sociale et de la culture à Bibliothèque et Archives Canada.

Les archives, une ressource précieuse pour la revitalisation des langues des Premières Nations

À la gauche de l’image, Tatânga Mânî (le chef Walking Buffalo, aussi appelé George McLean) est à cheval dans une tenue cérémonielle traditionnelle. Au centre, Iggi et une fillette font un kunik, une salutation traditionnelle dans la culture inuite. À droite, le guide métis Maxime Marion se tient debout, un fusil à la main. À l’arrière-plan, on aperçoit une carte du Haut et du Bas-Canada et du texte provenant de la collection de la colonie de la Rivière-rouge.Par Karyne Holmes

La préservation des langues des Premières Nations est essentielle à la survie de l’identité propre à chacune des communautés. La capacité de parler notre langue renforce le lien qui nous unit à notre patrimoine ancestral, à notre communauté, à la terre et à la nature. En effet, la connaissance de la langue inspire un fort sentiment de fierté et de confiance en notre identité, et elle est intimement associée au bien-être psychique et émotionnel.

Depuis les premiers contacts coloniaux, des politiques gouvernementales ont fait en sorte que nos gens ont été déplacés, séparés de leur famille et de leur communauté, et dépossédés de leurs terres et de leur langue. Des tentatives d’assimilation comme l’établissement de pensionnats, et la rafle du millénaire qui se poursuit, ont éloigné plusieurs générations d’Autochtones de leur langue et de leur culture. Comme les seules langues officielles du Canada sont le français et l’anglais, les communautés des Premières Nations ont pris l’initiative d’assurer la préservation de leurs langues. En réaction au déclin de la transmission naturelle de la langue en milieu familial, elles ont mis sur pied des projets de revitalisation et de préservation des langues.

Les locuteurs d’une langue sont les ressources les plus précieuses pour sa survie. Les projets de revitalisation dirigés par des Autochtones continuent d’innover pour aider les aînés à transmettre des enseignements et des histoires aux jeunes générations. L’immersion, par exemple dans le cadre de camps linguistiques, est particulièrement efficace, car les vocabulaires des Premières Nations sont étroitement associés à des activités précises. Les étudiants doivent donc participer à celles-ci pour comprendre les mots.

La langue et la culture sont inextricablement reliées, et les langues des Premières Nations touchent particulièrement la vie culturelle, elle-même façonnée par les ressources de la terre. Les programmes d’enseignement oral au moyen d’expériences concrètes, plutôt que dans une salle de classe, sont davantage en harmonie avec les modes de transmission des savoirs traditionnels; ils sont efficaces parce que les apprenants utilisent la langue dans des contextes culturellement pertinents. Au lieu d’apprendre une langue à l’aide de traductions, le sens des mots est transmis grâce au contexte et aux activités.

En plus d’aider leurs membres à retrouver leur langue maternelle, les collectivités se prennent en main en rétablissant collectivement les noms d’origine des lieux situés sur les territoires qu’elles occupent. Ces noms riches en enseignements témoignent de l’histoire de la région. Ils sont très descriptifs, reflètent les caractéristiques physiques des plans d’eau et du terrain, ou rappellent des événements marquants, des histoires ou des activités associés aux lieux. Certains noms révèlent des connaissances écologiques ou communiquent des informations sur les voyages ou la navigation.

Ces savoirs ont progressivement disparu en raison de l’imposition des cartes dessinées par les colons, qui ont créé et officialisé leurs propres toponymes. Dans le cadre du mouvement visant à décoloniser les espaces, les cartes sont redessinées, et les toponymes autochtones des territoires traditionnels et des organismes qui s’y trouvent sont rétablis.

Carte dessinée à la main montrant une rivière et des plans d’eau, avec des noms de lieux et des points cardinaux. Une règle à mesurer blanche, servant à illustrer l’échelle, est située à la droite de la page.

Un dessin, daté de 1896, montre une voie canotable entre les lacs Waswanipi et Mistassini ainsi que des noms de lieux cris (n0117726)

Les archives peuvent appuyer les processus de revitalisation et de préservation des langues autochtones. La recherche dans les archives contribue grandement à la réalisation de projets, car les chercheurs y trouvent de nombreux types de renseignements sur ces langues.

Les journaux, les cartes et les dictionnaires présentent un intérêt particulier, bien qu’ils aient été créés par des explorateurs, des missionnaires ou des anthropologues non autochtones, car ils révèlent souvent ce que leurs créateurs ont appris au contact des Premières Nations. Les enregistrements de chants et d’histoires sont particulièrement utiles, tout comme les documents historiques qui permettent de retrouver des noms de lieux traditionnels et d’anciens mots de vocabulaire, avec des indications sur les origines et les savoirs associés à ces noms.

Une page dactylographiée montrant une colonne de mots en anglais et une autre de mots en nakoda.

Transcription d’une page d’un dictionnaire anglais-nakoda rédigé entre 1883 et 1886 (e011055392)

Document manuscrit montrant deux colonnes listant respectivement des mots en anglais et des mots en innu-aimun.

Page d’un carnet où sont notés des mots en innu-aimun appris dans le cadre d’échanges commerciaux, vers 1805 (e011211380)

Les archives aident à découvrir le passé, mais elles peuvent aussi contribuer au maintien et à la protection des langues. Elles peuvent servir à préserver et rendre accessibles aux générations futures de nouvelles ressources qui témoignent de la connaissance actuelle d’une langue par les personnes qui la parlent couramment.

Les archives sont des centres de ressources physiques ou numériques pour ceux et celles qui apprennent une langue; elles donnent accès à de nombreux documents de nature linguistique. La collaboration entre les responsables des projets de revitalisation, les gardiens de la langue et les archivistes garantit que nos petits-enfants seront fiers de leur identité et s’épanouiront grâce à elle, non seulement en parlant leur langue traditionnelle, mais aussi en écoutant leurs ancêtres la parler.

Ne manquez pas les prochains blogues sur les ressources accessibles à Bibliothèque et Archives Canada concernant les langues des Premières Nations, des Inuits et de la Nation métisse.

Ce blogue fait partie d’une série portant sur les Initiatives du patrimoine documentaire autochtone. Apprenez-en plus sur la façon dont Bibliothèque et Archives Canada (BAC) améliore l’accès aux collections en lien avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Voyez aussi comment BAC appuie les communautés en matière de préservation d’enregistrements de langue autochtone.


Karyne Holmes est archiviste pour le projet Nous sommes là : Voici nos histoires, visant à numériser les documents relatifs aux Autochtones conservés à Bibliothèque et Archives Canada.

Ça, c’est personnel : coup d’œil sur les archives personnelles à Bibliothèque et Archives Canada

Par Stephen Danilovich

Imaginez que vos archives aient été données à Bibliothèque et Archives Canada (BAC). Pensez à ce qui pourrait faire partie de votre collection : un journal intime de l’époque du secondaire, des reçus d’épicerie du mois courant ou votre plus récent message sur les médias sociaux, par exemple.

Maintenant, mettez-vous à la place d’un archiviste qui traiterait vos archives. Comment classeriez-vous tous ces documents par catégorie? À quels documents restreindriez-vous l’accès, et pourquoi? Choisiriez-vous de décrire fidèlement les documents ou de les mettre en ordre?

Voilà quelques-unes des questions à se poser avant de traiter des archives personnelles (des archives produites par des particuliers plutôt que par des organismes ou des entreprises). Évidemment, les archives personnelles, ça peut devenir très… personnel. Plus que dans les autres types d’archives, la protection de la vie privée, le respect du classement original des documents, les relations avec les donateurs et d’autres considérations archivistiques y sont intimement associées à la vie quotidienne.

Ces archives ont la particularité d’agir comme un miroir. L’archiviste qui les traite réfléchit aux traces qu’il a soi-même laissées et à la manière dont d’autres archivistes essaieraient de reconstituer sa vie. Il repense aussi à tout ce qui n’a pas été consigné.

Comme tout archiviste vous le dira, une grande partie du travail s’effectue dans les zones d’ombre. Il faut établir des liens entre les documents afin de créer un classement cohérent qui guidera les futurs chercheurs. Alors, que se passe-t-il quand l’archiviste essaie de reconstituer logiquement la vie d’une personne à partir des documents et des traces qu’elle a laissés?

Deux images noir et blanc, côte à côte, d’une femme aux cheveux foncés, de profil. L’image de gauche est le négatif, et celle de droite, la photo finale.

Deux façons de voir : le négatif et le positif. Photo de Mlle Ethel Hand prise le 10 novembre 1934 par Yousuf Karsh. (e010680101)

Pour répondre à ces questions, j’ai discuté avec des archivistes de la Division des archives privées sur la vie sociale et la culture, qui conserve notamment des collections de romanciers célèbres comme Carol Shields, Michael Ondaatje, Daphne Marlatt et bien d’autres. Ces questions sont encore plus importantes pour les auteurs qui sont encore vivants.

« Cela met votre propre vie en perspective, m’a confié l’archiviste Christine Waltham, qui a traité le fonds Thomas King. C’est comme si quelqu’un nous donnait sa vie. »

« Vous avez vraiment l’impression de connaître ces personnes, ajoute Christine Barrass, une archiviste qui a découvert les archives personnelles en traitant le fonds Doris Anderson. Ça ressemble à une simple transaction, mais quand on commence à aller au fonds des choses, ça devient un véritable honneur et un grand privilège. »

Photographie noir et blanc d’une femme de profil aux cheveux gris portant un collier foncé.

Photo de Doris Anderson prise le 10 octobre 1989 par Barbara Woodley. (e010973512)

Parmi les difficultés que présente le traitement d’archives personnelles, la plus inattendue est sans doute l’attachement émotif que l’archiviste peut commencer à éprouver pour les archives et leur créateur.

« Les émotions qu’elles provoquent, et que vous ne ressentez pas avec les archives institutionnelles, peuvent être difficiles à gérer, selon Christine Waltham. Comment décrire les archives de manière respectueuse? »

« Ça peut devenir un poids si ce n’est pas une chose que vous voulez dans votre vie quotidienne », explique Christine Barrass, qui croit que les aspects positifs et négatifs des archives personnelles représentent les deux côtés d’une même médaille : la grande intimité qui se développe.

L’archiviste est souvent la première personne, après l’auteur, à voir les documents. Une relation de confiance implicite est donc essentielle. Ce regard privilégié sur la vie d’une personne s’accompagne d’un profond sentiment de responsabilité, entraînant ce que l’archiviste littéraire Catherine Hobbs appelle une « paranoïa archivistique ».

« On a l’impression de ne jamais pouvoir en faire assez, dit Hobbs, ce qui est le propre de tout archiviste consciencieux. »

Traiter les archives d’une personne, c’est marcher constamment sur une corde raide entre la vie privée et la vie publique du créateur. N’importe quel document peut révéler une liaison clandestine, une querelle tenue secrète ou une facette inconnue de la personne. Pour ajouter à la difficulté, il est impossible de prévoir ce qui sera utile aux futurs chercheurs.

Il faut donc établir un savant équilibre entre la vie privée du donateur et l’accès accordé aux futurs chercheurs, tout en respectant le mandat de BAC.

« Nous devons trouver un compromis entre nos rôles de gardien et d’aide à la recherche », dit Hobbs.

C’est ce mélange d’intimité et de détachement qui rend si spécial le traitement des archives personnelles.

Photographie noir et blanc d’une femme aux longs cheveux noirs vêtue d’une robe blanche flottante. La femme est assise devant un miroir ovale et regarde en direction de l’appareil photo.

Entre miroir et lentille : « The Mob », Festival national d’art dramatique, 24 avril 1934, photo prise par Yousuf Karsh. (e010679016)

Pour ma toute première expérience de travail en archivistique, dans le cadre d’un emploi d’été étudiant, j’espérais apprendre les meilleures méthodes pour traiter les archives personnelles. Mais j’ai vite découvert que ces archives sont aussi diversifiées et nuancées que leurs créateurs.

Selon Waltham, « Les archives personnelles témoignent du désordre de la vie. C’est ce qui les rend si spéciales. »

Et ce désordre requiert une approche particulière. Puisque chaque collection est unique, tant du point de vue de son organisation que de son contenu, les procédures et le dogmatisme ne constituent pas la meilleure manière de créer un classement cohérent. En effet, ce caractère unique risque de disparaître si l’archiviste adopte une approche trop mécanique.

« L’apparence des documents ou les conditions dans lesquelles ils ont été conservés en disent déjà beaucoup sur la personne », ajoute Waltham. Une méthode de traitement exagérément prescriptive risquerait d’éliminer certaines particularités. On peut même dire que les archives personnelles dépassent le domaine des sciences sociales pour atteindre quelque chose qui s’apparente à l’art — et même à une sorte d’osmose entre archiviste et créateur.

Hobbs soutient que l’archivistique va au-delà de la science : elle engage la responsabilité de l’archiviste, qui doit surtout faire preuve d’empathie et d’honnêteté dans sa démarche et comprendre le rare degré d’intimité qui est atteint quand une personne donne ainsi accès à une partie de sa vie privée.

En définitive, ce que les archives personnelles exigent, c’est peut-être une petite prise de conscience de la part des archivistes – une compréhension de leur rôle dans cette communion entre la vie quotidienne, la gestion des documents et la recherche. Mettre de l’ordre dans les documents d’un tiers est un travail intrinsèquement personnel. Les archivistes qui traitent des archives personnelles doivent être particulièrement sensibles au fait que nous contribuons tous à ce que Hobbs appelle « l’aventure humaine ». Essayer de donner un sens à la vie d’un être humain dépasse largement le catalogage : c’est un processus de cocréation.

Confrontés aux défis et aux émotions qui accompagnent les archives personnelles, les archivistes de BAC font de leur mieux. L’objectif ultime, comme l’exprime Catherine Hobbs, c’est de laisser les archives en meilleur état que nous les avons trouvées.


Stephen Danilovich est archiviste étudiant à la Division des archives privées sur la vie sociale et la culture de Bibliothèque et Archives Canada.