Par Rebecca Murray
Est-ce que ça vous est déjà arrivé? Vous vous donnez à fond dans une recherche, sans résultats. Puis, vous découvrez que vos renseignements de base étaient inexacts. C’est extrêmement frustrant, car vous avez l’impression d’avoir perdu du temps et de l’énergie. Les mésaventures de ce type arrivent plus souvent qu’on pense, y compris aux chercheurs chevronnés.
Heureusement, nous avons toujours droit à une deuxième chance, car les preuves historiques ne disparaissent pas comme ça. Accompagnez-nous pour savoir ce que nous avons trouvé cette fois!
Dans mon blogue précédent, je cherchais des traces de la présence de mon arrière-grand-père à la cérémonie de dévoilement du Mémorial national de Vimy, en juillet 1936.
Nous savions que Thomas Caleb Phillips s’était rendu en France en compagnie d’un ensemble musical à bord d’un navire canadien. Nous pensions que c’était le NCSM Skeena, alors qu’il s’agissait plutôt du NCSM Saguenay.
Cette nouvelle information change toute la donne!
Pour confirmer, à l’aide d’archives, que le NCSM Saguenay se trouvait bien dans les environs d’Arras (France) en été 1936, j’ai consulté le journal de bord du Saguenay de juillet 1935 à septembre 1937 : volume RG24, dossier 7812, « Ship’s log – SAGUENAY – Old », 1935/07 – 1937/09.
La première image ci-dessous m’a appris qu’au mois de juillet 1936, un groupe de l’équipage de ce navire a visité le mémorial, la veille de son dévoilement.
L’information du lendemain est encore plus intéressante, car elle donne des détails sur les déplacements de l’équipage à destination du Mémorial.
J’étais très excitée de trouver cette information. Ce sont des moments comme celui-là où vous avez envie de sauter et de crier votre joie, même si vous êtes dans une salle silencieuse, entouré de chercheurs et de membres du personnel qui font un travail important. Puis, j’ai tourné la page, car on ne sait jamais ce qui nous attend de l’autre côté. Et qu’est-ce que j’ai trouvé? Rien de moins qu’une mention totalement inattendue de mon arrière-grand-père! En plein l’homme que je cherchais!
Nous sommes maintenant le 29 juillet. Le navire se trouve à Douvres, en Angleterre. Regardez qui est allé faire une petite visite à terre!
Voilà le lien que je cherchais! *Vigoureux poing de la victoire*
Permettez-moi ici une petite digression. J’ai déjà mentionné que la recherche dans les archives, surtout gouvernementales, pouvait exiger beaucoup de temps et de patience. Dans le cas présent, je ne m’attendais pas à ce que T. C. Phillips soit nommé dans le journal de bord du navire. Je voulais seulement m’assurer que le NCSM Saguenay était près de la crête de Vimy (dans la mesure où un navire peut se rapprocher d’une région rurale du nord de la France). Cette « trouvaille » m’a presque convaincue d’arrêter mes recherches. Je dis bien presque.
Raconter ma recherche dans le blogue précédent m’a aussi rappelé une heureuse leçon : faire connaître son problème est un bon moyen de diviser le fardeau. Lorsque vous avez la chance de travailler avec des collègues d’une nature curieuse, vous recevez des suggestions qui vous mettent sur la bonne voie. Par exemple, un collègue m’a suggéré de consulter des listes de passagers liées au pèlerinage de Vimy.
En faisant part de ma recherche à ma famille élargie, j’ai non seulement reçu une information corrigée (sans commentaires!), mais aussi un article que je conserverai dans mes propres archives : une carte postale plutôt abîmée, datée du 27 juillet 1936, que T. C. Phillips a envoyée à son épouse, c’est-à-dire mon arrière-grand-mère, à Ottawa. Le message ne nous apprend rien sur la présence de son auteur au dévoilement du Mémorial, mais la carte elle-même comprend une foule de renseignements qui pourraient mener un chercheur sur de nombreuses pistes. Surtout si la chercheure en question est l’arrière-petite-fille de l’expéditeur! Par exemple, le timbre apposé sur la carte postale semble représenter une sculpture, Les défenseurs : Le brisement du sabre, qui apparaît aussi sur la carte postale elle-même.
Je peux aussi tenter de retracer le parcours qu’a suivi T. C. Phillips pour se rendre en France. Une petite recherche dans un album de famille m’apprend qu’il s’est rendu en France à bord de l’Alaunia, un navire à vapeur qui a surtout assuré le service au Canada pour la compagnie maritime britannique Cunard. Des listes de passagers confirment que le navire a quitté Montréal le 20 juillet 1936 à destination de Londres, en Angleterre. Toutefois, le nom de T. C. Phillips ne se trouve pas parmi les personnes qui ont débarqué.
Mais nous avons parcouru assez de chemin pour aujourd’hui. C’est une autre leçon précieuse que nous pouvons tirer de cette recherche : il y a toujours une autre piste à suivre, une publication ou des archives pertinentes à consulter. Comme je le disais dans le billet précédent, il n’y a aucun plaisir à avoir terminé! Je vais donc garder ce petit mystère pour ma prochaine excursion sur les traces de cette aventure.
Ce n’est pas toujours facile d’établir des liens entre le folklore familial, hautement subjectif, et les sources primaires. Il faut procéder avec méthode, que vous travailliez avec les archives de votre propre famille ou celles d’une autre (comme c’est souvent le cas aux Services de référence). Je n’insisterai jamais assez sur l’importance d’effectuer une bonne recherche dans les sources secondaires pour mieux préparer une visite dans un centre d’archives, à la recherche de sources primaires.
Rebecca Murray est archiviste de référence principale à la Division des services de référence de Bibliothèque et Archives Canada.