Le Conseil canadien des arts esquimaux : Définir l’art inuit

À la gauche de l’image, Tatânga Mânî (le chef Walking Buffalo, aussi appelé George McLean) est à cheval dans une tenue cérémonielle traditionnelle. Au centre, Iggi et une fillette font un kunik, une salutation traditionnelle dans la culture inuite. À droite, le guide métis Maxime Marion se tient debout, un fusil à la main. À l’arrière-plan, on aperçoit une carte du Haut et du Bas-Canada et du texte provenant de la collection de la colonie de la Rivière-rouge.
Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certains pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde — terminologie historique.
Par Heather Campbell

En 1961, le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada finance la création du Conseil canadien des arts esquimaux. L’objectif de cet organisme : remédier à la soi-disant baisse de la qualité de l’art inuit et instaurer un système pour approuver les images destinées à la gravure inuite (alors une nouvelle pratique). Le Conseil doit notamment créer un jury pour choisir les œuvres qui feront partie des collections annuelles de gravures inuites. La sélection se fait surtout à Cape Dorset et à Baker Lake, dans les Territoires du Nord-Ouest (aujourd’hui le Nunavut). Le Conseil monte également l’exposition Chefs-d’œuvre de l’Arctique canadien, qui fait le tour du monde de novembre 1971 à juin 1973 et connaît un franc succès.

Photo noir et blanc de sept hommes en complet, debout en train de regarder des œuvres étalées sur une table.

Les membres du Conseil canadien des arts esquimaux, 1962. (e011177569-v8)

En outre, le Conseil est chargé d’approuver les collections annuelles de gravures du Conseil des arts esquimaux de Cape Dorset, ainsi que les collections d’autres communautés, dont Ulukhaktok (anciennement Holman), dans les Territoires du Nord-Ouest; Pangnirtung, sur le territoire actuel du Nunavut; et Povungnituk et Inukjuak, au Nunavik, dans le Nord-du-Québec. Il crée également le programme de l’étiquette Igloo pour authentifier les sculptures inuites; il s’agit d’apposer sur l’œuvre une étiquette ou un autocollant qui donne de l’information sur l’artiste. Nous vous présentons une image de l’étiquette à la fin de ce billet.

Bref, le Conseil fait connaître l’art inuit sur la scène mondiale et aide à élargir ce marché, contribuant à façonner l’art inuit tel que nous le connaissons aujourd’hui.

La collection du Conseil canadien des arts esquimaux a été confiée à Bibliothèque et Archives Canada en 1991. Elle comprend des archives de diverses natures : documents opérationnels, rapports, demandes de droit d’auteur, correspondance, enregistrements audio de réunions, transcriptions d’entrevues et documents liés à l’exposition Chefs-d’œuvre de l’Arctique canadien (aussi connue sous le titre Sculpture/Inuit). Elle nous permet de mieux comprendre comment le marché de l’art inuit a été développé, des années 1960 jusqu’à la fin des années 1980.

Photo noir et blanc de quatre adultes et d’un enfant souriant à la caméra.

Photo de groupe prise au Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa, avec Ruby Arngn’naaq (à droite) et Osuitok Ipeelee (au centre), 1973. (e011312911)

La collection du Conseil comprend également plusieurs catalogues de gravures et de sculptures inuites, classés selon leur communauté d’origine. On y trouve aussi des enregistrements audio de conférences et d’ateliers sur la sculpture et la gravure, où l’on peut entendre des témoignages d’artistes inuits exprimant directement leurs préoccupations. Ces enregistrements nous aident à mieux comprendre la dynamique de l’époque entre les artistes et le Conseil.

Par exemple, les rapports sur les visites du Conseil nous apprennent que les membres ont rencontré des artistes qui souhaitaient que leurs œuvres soient mises en valeur dans le Sud, œuvres qui étaient jugées comme ayant un potentiel commercial. On peut aussi y lire les critères généraux justifiant l’acceptation ou le rejet de certaines gravures. Une lecture attentive des procès-verbaux et de la correspondance révèle quant à elle les préférences artistiques du Conseil, ce qui permet de comprendre pourquoi celui-ci avait décidé de ne pas promouvoir certaines œuvres.

Page d’un document où figurent trois paragraphes dactylographiés sous le titre "Rejected Prints" (Gravures « rejetées »).

Critères du jury du Conseil canadien des arts esquimaux pour sélectionner les gravures de la collection, 1980, p. 5. (e011270883)

Lorsqu’on considère le Conseil consultatif des arts esquimaux dans son ensemble, on comprend qu’il était représentatif de son époque, et qu’il incarnait les attitudes sociétales qui dominaient à l’égard des peuples autochtones et de leurs œuvres.

À la lecture des entrevues menées auprès d’artistes, il est évident que les membres du Conseil avaient une conception bien différente de ce qui constituait une « bonne » œuvre d’art inuite. De façon générale, les Inuits valorisaient les œuvres figuratives ayant une grande finesse dans l’exécution. Contrairement à maints collectionneurs de l’époque et aux membres du Conseil, ils ne tenaient pas en haute estime les sculptures qui manquaient de finition ou qui étaient perçues par les gens du Sud comme étant « primitives ».

On peut donc affirmer que, par son influence sur l’art inuit, le Conseil consultatif des arts esquimaux a contribué à créer une esthétique « primitive » qui ne correspondait pas tout à fait aux principes esthétiques traditionnels de la culture inuite. Par exemple, des entrevues réalisées avec des artistes du Nunavik montrent que ceux-ci, perplexes, ne comprenaient pas pourquoi les œuvres de certains artistes étaient si populaires auprès de la population du Sud.

Et pourquoi tant d’artistes inuits étaient-ils obligés d’entrer dans ce moule répressif et inauthentique? Il faut dire que bien souvent, l’artiste inuit était vu uniquement comme cela : « un artiste inuit », et non une personne ayant sa propre conception de l’esthétisme, ou ses propres idées dignes d’être couchées sur papier, ciselées dans le roc ou immortalisées dans un matériau de son choix.

Comme le montre l’image ci-dessous, tirée d’un livret sur les prix rédigé par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, les grossistes en art achetaient uniquement des matériaux dits « traditionnels ». Aujourd’hui, on n’oserait jamais imposer de telles restrictions à un artiste non autochtone habitant au centre-ville de Toronto, par exemple. Mais à cette époque, on les imposait couramment aux artistes autochtones.

Heureusement, certains membres du Conseil s’opposaient à cette approche. Il faudra quand même plusieurs décennies pour que les attentes changent envers le milieu de l’art inuit, pour que l’on délaisse enfin la lentille anthropologique, et pour que les gens cessent de considérer les artistes inuits comme des représentants d’une quelconque conscience collective, reconnaissant plutôt leurs façons bien personnelles d’exprimer leur art.

Page d’un document où figurent des listes et du texte dactylographié sous le titre « Avoid Using » (Matériaux à éviter).

« Survey of Price Guide » (Rapport sur le guide des prix), K. C. Crassweller, 1971, p. 30. (e011270066)

Natan Obed, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, a d’ailleurs traité de ce sujet dans son allocution principale prononcée en anglais au Congrès d’études inuites de 2019 :

« Nous nous battons pour le droit à une société diversifiée. […] Il n’est pas nécessaire de passer sans cesse au vote pour décider si un Inuit a le droit ou non de créer quelque chose, et si cette création cadre avec les attentes de la société. Chaque personne a ses propres croyances. Elle peut choisir de rejeter ou d’honorer les traditions et l’histoire des Inuits. Libre à elle de se spécialiser en informatique ou dans la chasse. Si nous encourageons les Inuits à vivre une vie saine à même l’Inuit Nunangat et à pratiquer des activités traditionnelles, nous respectons aussi le fait que certains Inuits ne sentent pas que cette vie leur correspond. Et nous sommes capables d’avoir des discussions sans dévaloriser ces personnes, sans les dénigrer ou les marginaliser, car on a le droit dans notre société, en tant que peuple, de faire ce dont on a envie et de choisir sa voie, quelle qu’elle soit. » [Traduction]

Aucun cadre formel n’était en place dans les premières années du mouvement artistique inuit; cela explique en grande partie que les artistes se soient fait imposer une certaine définition de leur art. Ajoutons à cela que la communication avec les personnes qui commercialisaient leurs œuvres était minime, voire inexistante. Or, comment bien se comprendre si on ne discute jamais du processus de création? Et comment répondre aux besoins des artistes si on ne leur demande jamais ce dont ils ont vraiment besoin?

Rappelons que le Conseil canadien des arts esquimaux n’a compté aucun membre inuit avant 1973; cette année-là, on en nomme deux, Joanasie Salomonie (1938-1977) et Armand Tagoona (1926-1991), qui démissionnent avant même d’avoir assisté à une seule réunion. Il faudra attendre les dernières années d’existence du Conseil pour que d’autres Inuits y siègent.

La situation change avec la création de la Fondation de l’art inuit, en 1988 (ou Inuit Art Foundation, en anglais). Six ans plus tard, le conseil de gouvernance de la Fondation est majoritairement composé d’Inuits. Cette dernière mène des efforts concertés pour offrir aux artistes inuits de la formation sur la commercialisation, la promotion et les droits d’auteur. En 1995, elle crée un programme de formation sur les industries culturelles pour enseigner l’histoire de l’art à des élèves inuits et les initier au processus de conception d’une exposition.

Peu à peu, entre autres grâce à la Fondation et à ses programmes, les Inuits commencent à prendre leur place dans le secteur de l’administration des arts. En 1997, July Papatsie, l’un des premiers conservateurs inuits, codirige l’exposition itinérante internationale Transitions au Centre d’art indien et inuit du ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada (aujourd’hui le Centre d’art autochtone du ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord Canada). En 2015, Heather Igloliorte devient la première Inuite rédactrice en chef d’un numéro de l’Inuit Art Quarterly, le périodique de la Fondation de l’art inuit.

Dessin d’une carte pliée à laquelle est attachée une cordelette. Sur la carte, on voit l’image d’un igloo ainsi que les mentions « Canada » en haut et « esquimau art » (art esquimau) en bas.

Image d’une étiquette Igloo, tirée de la brochure du programme (rédigée en syllabaire inuktitut). Extrait du fichier « Igloo Tag Information » (Renseignements sur l’étiquette Igloo), 1972, p. 81. (e011270680)

En 2017, la Fondation de l’art inuit prend en charge le programme de l’étiquette Igloo, qui authentifie les œuvres inuites. L’année suivante, Carvings Nunavut Inc., une galerie d’art d’Iqaluit appartenant à Lori Idlout, devient la toute première galerie dirigée par une personne inuite à pouvoir authentifier des œuvres avec l’étiquette Igloo. Enfin, les Inuits peuvent décider eux-mêmes ce qu’est une authentique œuvre d’art inuite!

Cette même année, quatre personnes inuites – Kablusiak, Krista Ulujuk Zawadski, Asinnajaq et Heather Igloliorte – sont nommées conservatrices invitées de la première exposition tenue au Musée des beaux-arts de Winnipeg pour le compte de l’ancien Centre d’art inuit (Inuit Art Centre, en anglais), récemment rebaptisé Qaumajuq. Cette exposition devrait être inaugurée en février 2021.

Bref, les Inuits ouvrent, orientent et élargissent le dialogue sur leur propre vision de l’art inuit. J’ai bien hâte de voir ce qui se passera dans ce domaine au cours des 50 prochaines années.

Bibliothèque et Archives Canada possède d’autres collections sur des thèmes connexes :

Ce blogue fait partie d’une série portant sur les Initiatives du patrimoine documentaire autochtone. Apprenez-en plus sur la façon dont Bibliothèque et Archives Canada (BAC) améliore l’accès aux collections en lien avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Voyez aussi comment BAC appuie les communautés en matière de préservation d’enregistrements de langue autochtone.


Heather Campbell est une artiste inuite originaire du Nunatsiavut, à Terre-Neuve-et-Labrador. Elle a été recherchiste dans l’équipe du projet Nous sommes là : Voici nos histoires de Bibliothèque et Archives Canada.

Noël dans les archives

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Par Jennifer Anderson

En ce mois de décembre, bon nombre de nos clients, donateurs et lecteurs se préparent pour Noël. Le temps des Fêtes est riche en traditions, souvent liées au sentiment d’anticipation : préparer des surprises pour nos êtres chers, rêver de projets à accomplir après le Nouvel An, et offrir des moments de réconfort à notre famille, nos amis et, pourquoi pas, des étrangers.

Photo noir et blanc montrant des clients devant de grandes vitrines décorées pour Noël et se dirigeant vers l’entrée principale d’un magasin Simpson’s. Des enseignes au-dessus des portes indiquent « Simpson’s » et « The Christmas Tree Store » (Boutique d’arbres de Noël).

Simpson’s, la boutique d’arbres de Noël, vers 1955 (e011172111)

Ce sentiment d’anticipation est courant chez les archivistes. L’ambiance est toujours un peu festive dans les archives : on ouvre des boîtes, on fait des découvertes et on prévoit l’intérêt du public pour les articles de la collection. Le travail d’un archiviste de référence ressemble au service à la clientèle puisque nous aidons les chercheurs avec un grand plaisir. Le traitement archivistique inspire également un sentiment de gratitude auprès de nos collègues, qui collaborent avec nous pour faire de belles choses.

Photo noir et blanc montrant des enfants et trois femmes autour d’un père Noël. Tout le monde sourit, même si certains enfants semblent nerveux.

« Secrets du père Noël », 1952 (e011172113)

À titre d’exemple, les journées où mes collègues et moi avons travaillé sur le fonds de Sears Canada nous ont procuré beaucoup de joie. La collection inclut des documents sur les magasins Sears de l’ensemble du pays ainsi que sur les sociétés mères de Sears Canada, toutes très connues dans notre pays : Simpson’s, Simpsons-Sears et Sears-Roebuck. Le fonds comprend des documents textuels, des photos, des albums de coupures, des documents audiovisuels, des dessins et des plans architecturaux. On y trouve aussi 200 boîtes de catalogues publiés qui s’ajouteront à la riche et populaire collection de catalogues que Bibliothèque et Archives Canada possède déjà.

Photo noir et blanc montrant des clients, surtout des femmes, avec des manteaux d’hiver et des chapeaux. Elles consultent des catalogues pendant que des employés se tiennent derrière le comptoir. Une inscription sur le mur, entourée de décorations de Noël, dit : « Catalogue Shopping Centre » (Centre de ventes par catalogue).

Achats par catalogue dans le temps des Fêtes, vers 1955 (e011172120)

Une surprise très intéressante se trouve dans ce fonds : plusieurs milliers de photos d’archives d’une qualité et d’un intérêt incroyables. Les photos, qui documentent le plaisir du magasinage ainsi que les éléments pratiques de l’économie de détail et du travail des employés, intéresseront certainement le public. En plus, elles sont amusantes! Elles donnent aussi un aperçu des activités sociales et culturelles organisées par l’entreprise, dont des parties de curling et de quilles, des soirées de danse et des concerts.

Photo noir et blanc montrant un grand magasin bondé et décoré pour Noël. Des clientes et des employées se trouvent au comptoir des bas, des collants et des accessoires.

Achats de Noël, Regina (Saskatchewan), vers 1950 (e011172152)

Merci à nos collègues de Bibliothèque et Archives Canada et aux autres organismes qui ont participé à l’acquisition, au classement, à la description et à la numérisation de ce fonds. C’est grâce à eux qu’il est maintenant possible d’effectuer des recherches dans le fonds de Sears Canada.

Photo noir et blanc montrant un grand groupe d’hommes, de femmes et d’enfants regardant un train électrique dans un magasin.

Une foule regarde un train électrique, Regina, vers 1950 (e011172147)

Au cours des prochaines années, nous pourrons utiliser ces documents pour produire de nouveaux résultats de recherche. N’hésitez pas à communiquer avec nous si vous avez besoin d’aide pour lancer votre propre recherche.

Photo noir et blanc montrant un garçon parlant avec le père Noël alors que d’autres enfants et de nombreux parents, vêtus pour affronter l’hiver, font la file à proximité. En arrière-plan, deux affiches disent « Trains » et « Meccano ».

Visite du père Noël, vers 1955 (e011172112)


Jennifer Anderson était archiviste à la Direction générale des services au public. Avant cela, elle a œuvré à la Section des sciences, de l’environnement et de l’économie de la Direction générale des archives à Bibliothèque et Archives Canada.

Coup d’œil dans les archives de l’ancienne gouverneure générale Adrienne Clarkson

Par Thora Gustafsson et Rebecca Sykes

La très honorable Adrienne Clarkson est surtout connue pour avoir été gouverneure générale du Canada de 1999 à 2005, mais sa vie entière est jalonnée de grandes réalisations. Arrivée au pays en tant que réfugiée, elle devient une personnalité de la Canadian Broadcasting Corporation (CBC) et la première déléguée générale de l’Ontario en France, influençant la vie des Canadiens bien avant son entrée à Rideau Hall.

Adrienne Clarkson (née Poy) voit le jour à Hong Kong en 1939. Après la capitulation de la ville devant les forces japonaises, le jour de Noël 1941, la famille Poy connaît des temps difficiles; les denrées se font rares sous l’occupation. Le père d’Adrienne, William Poy (Ng Ying Choi), est un ancien courrier de la milice volontaire pour la Grande-Bretagne. Pour tenter de faire évacuer sa famille, il joue de ses contacts et envoie une lettre aux délégués commerciaux du Canada. L’entreprise porte ses fruits : William, sa femme Ethel Lam (Lam May Ngo), Adrienne et son grand frère Neville se retrouvent sur une liste de la Croix-Rouge, aux côtés de citoyens canadiens à rapatrier.

La famille Poy a seulement dix heures de préavis avant de s’embarquer pour l’Amérique du Nord; chaque personne ne peut emporter qu’une valise. On peut voir dans le fonds Adrienne L. Clarkson une photographie publicitaire d’Adrienne, âgée de quelques années à peine, en train de manger un cornet de crème glacée à son arrivée en sol canadien, à Montréal. Dans son autobiographie Le Cœur au poing, publiée en 2009, Mme Clarkson raconte qu’elle n’oubliera jamais le moment où sa famille a appris qu’elle allait être évacuée, un épisode marquant de sa vie.

Jeune fille sur un canapé en train de lire un livre.

Adrienne Poy en train de lire. (R12308, vol. 189, fichier 1)

Enfant, Adrienne Clarkson est déjà une lectrice insatiable. Elle a souvent dit en entrevue qu’être privée de lecture serait pour elle l’équivalent de l’enfer, et qu’elle pouvait lire plus de sept livres par semaine. « Je lis comme d’autres se rongent les ongles, voracement et compulsivement. » (R12308, vol. 159, dossier 13)

À neuf ans, elle reçoit en cadeau un exemplaire d’Anne, la maison aux pignons verts de Lucy Maud Montgomery, qui devient l’un de ses livres préférés. Comme beaucoup d’immigrants, elle s’y réfère pour comprendre le Canada et son peuple. Plus tard, elle fait sa maîtrise en littérature anglaise à l’Université de Toronto, où elle enseigne par la suite au département d’anglais.

La littérature lui ouvre les portes de la télévision : embauchée par la CBC en 1965 comme critique littéraire à l’émission Take 30, Adrienne Clarkson est rapidement promue coanimatrice. À l’écran, elle discute avec Paul Soles d’une panoplie de sujets, des livres à la maternité en passant par la cuisine et les enjeux sociaux du moment, comme l’avortement et la consommation de drogues. Elle aborde également des thèmes qui lui tiennent encore à cœur aujourd’hui, comme les premières écoles d’immersion française et l’expérience des immigrants au Canada.

En parcourant les archives d’Adrienne Clarkson, on constate le lien profond qui l’unissait à son public. Dans un article du Winnipeg Free Press paru en 1966, elle écrit qu’elle voit souvent le fameux téléspectateur moyen comme « un troisième interlocuteur, une personne qu’on rencontrerait dans une soirée et qui serait avenante et intéressée ». Et le courant passe des deux côtés, comme en témoigne la collection de lettres envoyées par les téléspectateurs. Une dame qui écrit en son nom et en celui de son mari affirme que regarder Take 30, c’est comme « recevoir une amie dans sa demeure ». Par ailleurs, plusieurs épisodes traitant de la maternité sont enregistrés à l’époque où la coanimatrice attend elle-même un enfant. Les adeptes de l’émission comptant de nombreuses mères, beaucoup des lettres adressées à Mme Clarkson contiennent des conseils et des suggestions de lecture à ce sujet.

En 1982, l’animatrice met un terme à une carrière télévisuelle de 17 ans à la CBC pour devenir déléguée générale de l’Ontario en France. Adrienne Clarkson étant une francophile de longue date, son fonds contient des photographies de sa famille en compagnie de voisins francophones, ainsi que des photographies de ses voyages en France, à l’époque de sa jeunesse. Elle a aussi étudié le français, qu’elle a appris à parler couramment durant ses études supérieures à la Sorbonne, à Paris, en 1962.

En tant que déléguée générale, Mme Clarkson est chargée de défendre les intérêts économiques et culturels de l’Ontario en France et dans d’autres pays européens. L’une de ses plus grandes fiertés est la sélection du Canadien Carlos Ott pour la construction de la nouvelle salle de l’Opéra de Paris. Cet architecte émergent, établi à Toronto et originaire de l’Uruguay, est choisi au terme d’un concours international mené en 1983. Mme Clarkson avait réussi à obtenir le budget nécessaire pour recevoir les juges du concours à Toronto, afin de changer leur perception du Canada anglo-saxon et de leur montrer la ville dans toute sa splendeur et sa diversité.

Groupe de personnes en train d’observer la maquette d’un bâtiment.

Adrienne Clarkson (au centre) derrière une maquette de l’opéra Bastille, Paris. (R12308, vol. 190, dossier 5)

En 1999, Adrienne Clarkson devient la 26e gouverneure générale du Canada. Elle est la deuxième femme, mais aussi la première immigrante et la première personne de couleur à occuper cette fonction. Reconnue pour avoir modernisé le poste, elle continue dans ses fonctions de tisser des liens avec les Canadiens, voyageant d’un bout à l’autre du pays pour discuter avec eux, aussi bien en français qu’en anglais.

Les archives du fonds Adrienne L. Clarkson couvrent sa jeunesse, sa carrière télévisuelle, son travail en tant que déléguée générale de l’Ontario en France ainsi que ses années à titre de gouverneure générale. Elles font foi de la constance dont Mme Clarkson a fait preuve toute sa vie dans les domaines qui lui tenaient à cœur.

Comme immigrante, animatrice, déléguée générale de l’Ontario, gouverneure générale et cofondatrice de l’Institut pour la citoyenneté canadienne (le legs de son mandat de gouverneure générale), elle a mûrement réfléchi aux questions d’identité et d’appartenance au pays. Les recherches qu’elle a effectuées pour l’émission Take 30 ont clairement influencé son travail et les causes qu’elle allait défendre plus tard dans sa vie. Quant à son amour indéfectible pour la langue française, il lui a permis de se rapprocher des Canadiens pendant sa carrière dans la fonction publique.

Les archives d’Adrienne Clarkson conservées à Bibliothèque et Archives Canada sont une riche source d’information qui font la chronique d’une vie remplie de passion et d’aventure.


Thora Gustafsson et Rebecca Sykes sont archivistes à la Section de la gouvernance, des affaires militaires et des affaires politiques de la Direction générale des archives à Bibliothèque et Archives Canada.

 

Le magasinage par catalogue chez Sears: l’art de livrer la marchandise

English version

Par Jennifer Anderson

Avez-vous magasiné en ligne dernièrement? C’est tellement pratique de pouvoir tout faire à distance. On trouve sur le Web des produits de qualité facilement accessibles à tous, y compris aux personnes à mobilité réduite, aux personnes éloignées des centres urbains et à celles qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent se rendre en magasin. Sans parler du temps économisé!

Mais le magasinage à distance ne date pas d’hier.

Avant Internet, les consommateurs recevaient régulièrement des catalogues par la poste, dans lesquels ils pouvaient commander divers produits. Ils ramassaient ensuite leur commande à de petits « comptoirs catalogues », parfois situés dans d’autres commerces (par exemple, chez un fleuriste ou dans une boutique de cadeaux).

Photo noir et blanc de la façade d’un magasin de vente par catalogue. Au haut de la façade, on voit l’enseigne « Simpson’s Order Office »; des affiches publicitaires sont placées en vitrine.
Bureau des commandes par catalogue de Simpson’s, Sarnia (Ontario), 1952. (e011172139)

Dans un blogue précédent, j’ai mentionné que Bibliothèque et Archives Canada (BAC) avait acquis les archives de Sears Canada en 2017. Ce fonds documentaire compte plus de 40 000 photos, dont beaucoup illustrent les activités des employés de la bannière (qui s’appelait à l’origine Simpson’s). On peut notamment y voir des employés s’affairant à livrer aux clients des articles commandés en catalogue. À l’origine, ces photos étaient destinées aux relations publiques, mais aujourd’hui, elles ouvrent aux chercheurs une fenêtre sur le quotidien du personnel de ce grand magasin.

 Après son arrivée au Canada en 1952, Sears a acheté Simpson’s, pour ensuite faire affaire sous la bannière Simpsons-Sears. Grâce à son catalogue, véritable pilier de l’entreprise, elle finit par surclasser Eaton, Dupuis Frères, la Compagnie de la Baie d’Hudson et tous les autres grands magasins offrant la vente par correspondance. À la fin des années 1970, l’entreprise devient simplement « Sears ». En 1992, elle se dote d’une ligne téléphonique sans frais qui deviendra, une décennie plus tard, la ligne recevant le plus d’appels au pays. Puis, en 1996, Sears lance son site Web, qui reçoit des millions de visites par année. Le catalogue n’en gagne pas moins en popularité pendant cette période.

Dans les tout premiers catalogues de l’entreprise, on ne trouvait pas de photos, mais plutôt des illustrations faites à la main. Le but : inciter le consommateur à acheter des articles ou des ensembles attrayants. À l’époque, les dessinateurs (qui sont souvent des dessinatrices) peinaient souvent à se tailler une place dans les agences de publicité.

Photo noir et blanc de deux femmes, visage souriant, devant deux catalogues de mode, l’un de la fin du 19e siècle, l’autre du milieu du 20e siècle.
Le magasinage par catalogue : toujours en vogue, 1953. (e011172110)

Dans la même veine, les rédactrices de mode dans les catalogues et magazines étaient aussi journalistes, et leur influence a contribué à l’évolution de la société. Comme Valerie Korinek l’a démontré dans sa monographie Roughing It in the Suburbs: Reading Chatelaine Magazine in the Fifties and Sixties (2000), le magazine Châtelaine était un puissant pôle d’influence auprès des lectrices canadiennes en cette ère d’avant Internet. La photo suivante, qui montre Vivian Wilcox, rédactrice de mode de Châtelaine, suggère qu’elle a aidé à faire la promotion des catalogues de Sears.

Photo noir et blanc montrant une femme qui parle au micro, devant un grand dessin de mode posé sur chevalet.
Vivian Wilcox, rédactrice de mode de Châtelaine, devant un dessin de mode, vers 1955. (e011172116)

Avec les photos du fonds Sears Canada, les chercheurs et les historiens en marketing disposent maintenant de vastes ressources pour analyser la publicité dans les catalogues ainsi que l’évolution des techniques utilisées pour séduire la clientèle. Observez par exemple cette annonce de tente-roulotte des années 1950 : n’a-t-on pas l’impression qu’il n’y a rien de plus facile, pour cette campeuse solitaire, de préparer un repas en plein air?

Photo noir et blanc montrant une tente-roulotte et une campeuse en train de sortir de la vaisselle sur une table. En bas, on voit des vignettes montrant différentes vues de la tente-roulotte.
Annonce de tente-roulotte, vers 1950. (e011172156)

Précisons toutefois que les photos conservées par BAC sont surtout associées à la nostalgie ou aux relations publiques. Elles nous offrent un véritable reflet de l’évolution de l’économie et de la société canadiennes. Quant à l’ensemble du fonds, il témoigne des efforts déployés par Sears pour s’adapter et rester compétitif dans un marché en mutation. En particulier, les archives sur le catalogue Sears sont bien plus qu’un simple témoignage sur le marketing d’un produit ou d’une entreprise en particulier. Elles révèlent comment les détaillants canadiens, ancrés dans un réseau national, ont tenté de rester à la page aux 20e et 21e siècles.

Prenons pour exemple cette série de photos. Prises entre 1921 et 1972, elles montrent des employées de Simpson’s (puis de Simpsons-Sears et enfin de Sears) prenant des commandes de catalogue au téléphone. Elles illustrent bien les changements dans le matériel de communication, les bureaux et la tenue vestimentaire, sans oublier les coiffures. On y voit également le passage des photos en noir et blanc aux photos couleur Kodachrome. En revanche, la nature du travail et la composition entièrement féminine du personnel restent inchangées.

  • Quatre photos noir et blanc et deux photos couleur, prises au fil des décennies, montrant des employées assises à des standards téléphoniques, avec un casque d’écoute, en train de prendre les commandes des clients.
  • Quatre photos noir et blanc et deux photos couleur, prises au fil des décennies, montrant des employées assises à des standards téléphoniques, avec un casque d’écoute, en train de prendre les commandes des clients.
  • Quatre photos noir et blanc et deux photos couleur, prises au fil des décennies, montrant des employées assises à des standards téléphoniques, avec un casque d’écoute, en train de prendre les commandes des clients.
  • Quatre photos noir et blanc et deux photos couleur, prises au fil des décennies, montrant des employées assises à des standards téléphoniques, avec un casque d’écoute, en train de prendre les commandes des clients.
  • Quatre photos noir et blanc et deux photos couleur, prises au fil des décennies, montrant des employées assises à des standards téléphoniques, avec un casque d’écoute, en train de prendre les commandes des clients.
  • Quatre photos noir et blanc et deux photos couleur, prises au fil des décennies, montrant des employées assises à des standards téléphoniques, avec un casque d’écoute, en train de prendre les commandes des clients.

Ces photos montrent tout un monde caché : celui des employés chargés de l’emballage, du tri et de l’étiquetage des produits commandés. Elles évoquent aussi une époque bien révolue. Pourtant, le travail qui s’y fait n’est pas si différent de ce qu’on trouve chez les grands détaillants d’aujourd’hui.

Photo noir et blanc montrant deux rangées de postes debout, où des femmes en tablier emballent des paquets sur un long comptoir. Derrière elles, on voit des étagères remplies de paquets. À l’avant-plan, on voit un grand rouleau de papier à emballer.
Emballage des commandes, vers 1950. (e011213330)

De la même manière, cette série de photos montrant des livreurs et leurs camions nous interpelle : au petit air ancien se mêle une certaine impression de familiarité. Aujourd’hui, il y a autant de livreuses que de livreurs… et des livreurs portant le nœud papillon, il n’y en a plus beaucoup! Mais l’uniforme est encore de mise dans les entreprises contemporaines : en plus d’inspirer la confiance, il demeure un symbole de fierté qui manifeste l’importance accordée au service à la clientèle.

  • Trois photos noir et blanc montrant, au fil des décennies, des livreurs en uniforme devant leurs camions.
  • Trois photos noir et blanc montrant, au fil des décennies, des livreurs en uniforme devant leurs camions.
  • Trois photos noir et blanc montrant, au fil des décennies, des livreurs en uniforme devant leurs camions.

En cette ère de magasinage en ligne, l’importance économique des grands centres de distribution – en tant qu’employeurs et carrefours d’expédition – demeure d’actualité.

Photo noir et blanc montrant deux employés en train de vérifier des documents dans un grand centre de distribution éclairé au néon. À l’avant-plan, on voit un train de chariots chargés de produits.
Centre de distribution de Kenmore, Toronto, 1960. (e011172129)

Cette photo montre le personnel du service de réparation et d’entretien de Kenmore, une marque d’électroménagers vendus par Sears. Ce service sous garantie était à l’époque un incontournable offert par les grands magasins.

Photo noir et blanc montrant trois employés réparant des appareils dans un atelier; un quatrième employé déplace un gros appareil.
Service de réparation de Kenmore, Toronto, 1960. (e011172130)
Photo noir et blanc montrant deux repasseuses et trois couturières.
Employées dans un atelier de couture, vers 1955. De gauche à droite : Louise Karst, Elizabeth Moehring, Anne Dawson, Madeleine Huzina et Helen Marg. (e011172115)

Les pages des catalogues Sears suscitent toujours un vif intérêt chez les usagers de BAC, que ce soit pour y suivre l’histoire de la mode, de la publicité ou du marketing, ou l’évolution des prix. Nous sommes donc convaincus que le fonds Sears Canada sera accueilli avec enthousiasme par les chercheurs et les membres du public canadien qui s’intéressent à l’histoire fascinante de Sears Canada, ou qui gardent de précieux souvenirs des grands magasins.

Vous prévoyez démarrer un projet de recherche sur Sears Canada ou sur un sujet connexe, ou vous avez déjà commencé? Nos spécialistes des services de référence seront heureux de vous aider. Vous n’avez qu’à remplir le formulaire Posez-nous une question ou à communiquer avec nous. Au plaisir de vous servir!

Autres ressources de BAC :


Jennifer Anderson était archiviste à la Direction générale des services au public. Avant cela, elle a travaillé à la Section des sciences, de l’environnement et de l’économie de la Direction générale des archives à Bibliothèque et Archives Canada.

Kwaata-nihtaawakihk : la naissance difficile du Manitoba

À la gauche de l’image, Tatânga Mânî (le chef Walking Buffalo, aussi appelé George McLean) est à cheval dans une tenue cérémonielle traditionnelle. Au centre, Iggi et une fillette font un kunik, une salutation traditionnelle dans la culture inuite. À droite, le guide métis Maxime Marion se tient debout, un fusil à la main. À l’arrière-plan, on aperçoit une carte du Haut et du Bas-Canada et du texte provenant de la collection de la colonie de la Rivière-rouge.Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certains pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde — terminologie historique.

Par William Benoit

Le Canada célèbre des anniversaires importants en 2020. En effet, 150 ans se sont écoulés depuis l’annexion de la Terre de Rupert et des Territoires du Nord-Ouest au Canada en 1870. C’est également en 1870 que le Manitoba entre dans la Confédération, ce qui ne se fait pas sans heurts. En effet, le gouvernement du Canada se demande si le Manitoba doit demeurer un vaste territoire ou devenir officiellement une province. Les Métis poussent finalement le Canada à opter pour la province.

Tableau montrant une personne qui tient une cravache au-dessus de sa tête, debout sur un traîneau tiré dans la neige par un cheval brun qui se cabre.

Se frayer un chemin au Manitoba (e011072986)

Le Manitoba est le premier à se joindre aux quatre provinces fondatrices du Canada : l’Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. Il n’y a donc pas de modèle à suivre. Mais alors qu’on s’attendrait à une réflexion approfondie et inclusive sur l’avenir de la province, les Métis vivent une tout autre expérience, marquée par la déportation, les traumatismes et plus tard la résilience. Leur situation se détériore une fois le Manitoba intégré à la Confédération. Les nouveaux pionniers provenant de l’Ontario se montrent hostiles. Pendant plusieurs générations, des aînés décriront cette période comme un règne de terreur contre les Métis.

L’aînée de la Nation métisse Verna DeMontigny a récemment comparé le processus de création de la province du Manitoba à une naissance difficile, ou Kwaata-nihtaawakihk dans la langue michif. Le terme est très approprié.

La Cour suprême du Canada, dans son jugement rendu en 2013 dans l’affaire Manitoba Metis Federation Inc. c. Canada, présente un récit détaillé sur le peuple métis, la colonie de la rivière Rouge et le conflit à l’origine de la Loi sur le Manitoba et de l’union du Manitoba avec le Canada :

L’histoire commence avec les peuples autochtones qui occupaient ce qui est devenu la province du Manitoba — les Cris et d’autres nations moins populeuses. Vers la fin du dix‑septième siècle, des aventuriers et explorateurs européens ont traversé le territoire sans s’y arrêter. L’Angleterre a revendiqué symboliquement les terres pour ensuite donner à la Compagnie de la Baie d’Hudson […] le contrôle d’un vaste territoire appelé Terre de Rupert, y compris ce qui est aujourd’hui le Manitoba. Les Autochtones ont continué d’occuper ce territoire. Outre les Premières Nations, le territoire a vu naître un nouveau groupe autochtone, les Métis — issus des premières unions entre les explorateurs et négociants européens et les femmes autochtones. À l’origine, les descendants de parents anglophones étaient appelés les Sang‑mêlé, alors que ceux ayant des racines françaises étaient appelés les Métis.

Le 19 novembre 1869, la Compagnie de la Baie d’Hudson cède à la Couronne britannique la Terre de Rupert et les Territoires du Nord-Ouest. Le 15 juillet 1870, par un décret signé quelques semaines plus tôt (le 23 juin), le gouvernement britannique admet ces territoires au sein du Canada, en vertu de l’article 146 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867 (aujourd’hui la Loi constitutionnelle de 1867).

Il faudra attendre près de huit mois après la cession de ces territoires pour que le transfert entre pleinement en vigueur.

Le gouvernement du Canada, alors dirigé par le premier ministre John A. Macdonald, a l’intention d’absorber les territoires et de les ouvrir à la colonisation. Toutefois, il doit d’abord régler la question des peuples autochtones qui les habitent. Selon la Proclamation royale de 1763, le Canada a le devoir de traiter avec les nations autochtones souveraines pour obtenir leur consentement avant que la Couronne impériale puisse exercer sa souveraineté sur elles. Rédigée plus de cent ans auparavant, la Proclamation a pour objectif d’organiser et de gérer les territoires nouvellement élargis de l’Amérique du Nord britannique au terme de la guerre de Sept Ans. Elle comporte des règles qui doivent stabiliser les relations avec les peuples autochtones en encadrant le commerce, l’établissement des pionniers et l’achat de terres dans les régions à coloniser.

Dessin montrant des personnes assises autour d’un orateur debout. À l’arrière-plan se trouve un bâtiment avec des personnes assises ou debout sur le balcon.

Le traité avec les Indiens du Manitoba – un chef indien prononce un discours à Stone Fort (l’homme métis assis sur une chaise dans le cercle est peut-être un interprète) (e010967476)

Ainsi, pour les Premières Nations, le processus devrait consister à conclure des traités par lesquels elles accepteraient que leurs terres soient colonisées, en échange d’autres terres qui leur seraient réservées et de certaines promesses. La politique du gouvernement à l’égard des Métis n’est cependant pas aussi bien définie.

Photographie en sépia d’une petite ville où des bâtiments se dressent de chaque côté d’une large rue de terre marquée de traces de charrettes.

La rue principale vue vers le sud, Winnipeg, 1879. La rue est large pour que les charrettes de la rivière Rouge puissent circuler. (e011156541)

L’afflux massif de pionniers blancs dans la région de la rivière Rouge commence avant l’entrée du Manitoba dans la Confédération canadienne. Le contrôle social et politique des Métis s’effrite, ce qui entraîne de la résistance et de l’hostilité. Pour régler le conflit et assurer l’annexion du territoire, le gouvernement du Canada entreprend des négociations avec des représentants du gouvernement provisoire dirigé par les Métis. Ces négociations mènent à l’adoption, en 1870, de la Loi sur le Manitoba, par laquelle le Manitoba devient une province canadienne.

La Loi est un document constitutionnel, mais elle est dotée de nombreuses caractéristiques des traités. Elle officialise les promesses et obligations du Canada envers le peuple métis. Ces promesses représentent les conditions selon lesquelles les Métis acceptent d’intégrer le Canada et d’abandonner leur territoire et leur revendication à l’autodétermination. Ces obligations sont encore en vigueur aujourd’hui.

La Nation métisse est un peuple autochtone reconnu partout dans le monde. Au Canada, ses droits ancestraux et issus de traités sont enchâssés dans la Constitution, au même titre que ceux des Premières Nations (« Indiens ») et des Inuit (« Esquimaux »). La patrie de la Nation métisse couvre un vaste territoire dans le centre-ouest de l’Amérique du Nord. Les Métis ont fondé le Manitoba en 1870 et ont été des partenaires de négociation du Canada au sein de la Confédération. Ils continuent de jouer un rôle de premier plan dans le développement du Canada contemporain.

En michif : Li Michif Naasyoon nishtowinikaatew oobor lii piyii pi li moond nishtowiinikasowak li moond autochtone. Daan li Canada si te payyek enn band di moond avek lii dray tretii daan li constitution, aloon bor li Promii Naasyoon pi li Ziskimoo. Li Michif Naasyoon Nataal li piyii mitoni kihchi-mishow, li taryaen daan li sawntrel west Nor America. Lii Michif, koum li fondateur di Manitoba daan li 1870 pi Canada’s naasaasyi-iwow di maashkihtonikaywin daan li Confederation, kiiyapit il li enportaan daan li Canada’s oosishchikeywiin.


William Benoit est conseiller en engagement autochtone interne au bureau du bibliothécaire et archiviste du Canada adjoint à Bibliothèque et Archives Canada.

Kahkewaquonaby, le Grand conseil et les droits des Premières Nations

Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certains pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde — terminologie historique.

Par Kelly Ferguson

Le fonds Sir John A. Macdonald comprend une série de lettres échangées entre le premier ministre canadien et le docteur Peter Edmund Jones (Kahkewaquonaby). Cette correspondance ouvre une fenêtre sur les efforts de Jones et de certains organismes – dont le Grand conseil des Indiens de l’Ontario et du Québec – pour défendre les droits des Premières Nations pendant les années 1870 et 1880.

Fils du révérend Peter Jones (Kahkewaquonaby) et d’Elizabeth Field, Peter Edmund Jones naît en 1843 en Ontario. En 1866, il obtient son diplôme en médecine du Queen’s College de Kingston, devenant ainsi l’un des premiers médecins anishinaabe et autochtone de l’Amérique du Nord britannique. Il pratique d’abord à Brantford et à Niagara, puis à New York, avant de revenir dans sa province natale et d’ouvrir une clinique à Hagersville, tout près de la réserve de New Credit. Il est élu chef des Mississaugas de New Credit (maintenant la Première Nation des Mississaugas de Credit) de 1870 à 1874 et de 1880 à 1886.

Photo sépia d’un homme assis, tenant une pipe de cérémonie et un collier de perles wampum. L’homme est vêtu d’une veste en peau de cerf; sur sa cuisse, on aperçoit un sac (également en peau de cerf) orné de motifs traditionnels.

Kahkewaquonaby (le révérend Peter Jones), père du docteur Peter Edmund Jones. Photo prise le 4 août 1845 par David Octavius Hill (photographe) et Robert Adamson (chimiste). (a215156k)

En outre, dès 1874, Jones se joint au Grand conseil des Indiens de l’Ontario et du Québec, fondé quatre ans auparavant. L’une des tâches principales du Conseil est de passer en revue la Loi sur les Indiens et d’autres mesures législatives touchant les droits des Premières Nations.

De 1884 à 1886, le Grand conseil concentre ses travaux sur l’Acte de l’avancement des Sauvages. Celui-ci impose des modifications importantes aux systèmes de réglementation et de gouvernance des Premières Nations de l’Est du Canada. Il limite entre autres la taille et les fonctions des conseils autochtones, en plus de restreindre la nomination d’agents des Indiens provenant des communautés locales pour les présider. Le Grand conseil soulève de nombreuses objections concernant ces dispositions, et concernant l’Acte de façon plus générale.

En 1887, Peter Edmund Jones, alors délégué du Grand conseil, envoie une lettre au premier ministre canadien John A. Macdonald dans laquelle il formule des suggestions et des commentaires sur la Loi sur les Indiens et sur l’Acte de l’avancement des Sauvages. Jones recommande entre autres d’accorder aux conseils locaux le pouvoir de prendre des décisions en l’absence de l’agent des Indiens, d’offrir des pouvoirs équivalents aux chefs et d’accroître le nombre de conseillers.

Microfilm noir et blanc d’une lettre manuscrite.

Lettre du docteur Peter Edmund Jones à sir John A. Macdonald, datée du 5 janvier 1887. Jones y formule des suggestions et des commentaires sur la Loi sur les Indiens et l’Acte de l’avancement des Sauvages(e007956445).

Jones soumet également à Macdonald des recommandations concernant l’Acte du cens électoral. Bien que les hommes des Premières Nations aient le droit de voter depuis 1867, ce droit leur est accordé uniquement s’ils renoncent à leur statut d’Indien inscrit en vertu de la Loi sur les Indiens, ainsi qu’aux droits ancestraux qui leur sont conférés par traités (un processus appelé « émancipation »). Jones appuie l’émancipation, mais trouve le prix à payer trop élevé. Il souhaite que l’Acte du cens électoral maintienne le droit de vote des hommes autochtones tout en leur permettant de conserver leur statut d’Indien inscrit et leurs droits issus de traités.

Version numérisée d’une lettre manuscrite, couleur sépia.

Lettre de sir John A. Macdonald au docteur et chef Peter Edmund Jones, datée du 31 août 1886 et traitant de l’Acte du cens électoral. (e011198071-001-v8) (e011198071-002-v8)

Microfilm noir et blanc montrant deux pages manuscrites, rédigées sur du papier à en-tête du ministère des Affaires indiennes.

Lettre de L. Vankoughnet, surintendant adjoint au ministère des Affaires indiennes, à sir John A. Macdonald, datée du 28 mars 1887. La lettre porte sur d’éventuelles modifications à la Loi sur les Indiens et comprend des suggestions du docteur Peter Edmund Jones. (e007956441) (e007956442)

Au bout du compte, le gouvernement conservateur de John A. Macdonald rejette les recommandations de Jones en ce qui concerne l’Acte de l’avancement des Sauvages. En outre, le gouvernement libéral de Wilfrid Laurier abrogera plus tard l’Acte du cens électoral. Tout au long du 19e siècle, la Loi sur les Indiens subira d’autres modifications visant à accroître le contrôle sur la vie des Autochtones. En fait, il faudra attendre jusqu’en 1960 pour que le droit de vote soit accordé à tous les Autochtones sans restrictions.

Bref, dans les années 1880 comme aujourd’hui, les peuples autochtones souhaitent obtenir le droit à l’autodétermination et protéger leurs droits (y compris leurs droits issus de traités). La correspondance du docteur Peter Edmund Jones avec John A. Macdonald en offre un excellent exemple.


Kelly Ferguson est archiviste aux affaires politiques à la Division des archives privées sur les sciences et la gouvernance de Bibliothèque et Archives Canada.

« On ressentait une immense fierté de le voir là » : comment le Mémorial de Vimy a survécu à la Seconde Guerre mondiale

Andrew Horrall

Le film d’actualités de l’Armée canadienne no 42 devait être captivant pour ses premiers spectateurs, en septembre 1944. À cette époque sans télévision, le public suivait les actualités de la Seconde Guerre mondiale en regardant de courts métrages au cinéma.

Dans ce film, les scènes de villes libérées indiquent que la guerre en Europe tire à sa fin. Dans un plan particulièrement émouvant, on voit le lieutenant-général Harry Crerar, commandant de l’Armée canadienne, en visite au Monument commémoratif du Canada à Vimy, érigé en mémoire de la bataille de la crête de Vimy livrée durant la Première Guerre mondiale.

Photographie noir et blanc montrant un petit avion volant près d’un mémorial de guerre en maçonnerie caractérisé par deux hautes colonnes.

L’avion du lieutenant-général Harry Crerar approchant le Mémorial de Vimy, le 11 septembre 1944 (e011166203)

Le Mémorial de Vimy, inauguré en 1936 devant des milliers d’anciens combattants canadiens et leurs familles, domine le champ de bataille; c’est le plus émouvant monument érigé en mémoire des sacrifices de guerre du Canada. Des photos d’Adolf Hitler le visitant peu après sa capture par les Allemands en 1940 étaient les dernières images que les Canadiens avaient vues du monument, et nombreux sont ceux qui le pensaient détruit. Le 1er septembre 1944, pendant sa visite du Mémorial récemment libéré, le correspondant de guerre canadien Ross Munro est émerveillé : « On a presque l’impression qu’il a été nettoyé et poli pour l’occasion, alors qu’il a traversé quatre années de guerre dans cet état. On ressent une immense fierté de le voir là, symbole de la bravoure et du sacrifice des nôtres durant le dernier conflit, et qui pourrait fort bien le devenir pour la présente guerre. »

Photographie en couleurs d’un militaire en uniforme debout devant un monument commémoratif de guerre en maçonnerie. Juste à gauche, un homme portant un veston en tweed et un béret est partiellement visible.

Le lieutenant-général Harry Crerar avec Paul Piroson (à gauche) à la crête de Vimy, le 11 septembre 1944 (e010786293)

Dans le film d’actualités, les images de membres de l’entourage du général Crerar marchant sur le terrain impeccable du Mémorial, baigné par le soleil de fin d’été, appuient les propos de Munro. Le groupe d’officiers est suivi d’un homme en veston de tweed coiffé d’un béret, qu’on voit par la suite discuter avec le général Crerar. Le narrateur précise que « même pendant l’occupation, le jardinier a eu soin de bien entretenir le terrain du Mémorial de Vimy ».

L’homme au veston de tweed se nomme Paul Piroson. Les photos de la visite montrent également le général en conversation avec George Stubbs, étrangement vieux pour son uniforme de simple soldat. Les deux hommes expliquent au général Crerar comment, avec l’aide de leurs épouses, ils ont entretenu le Mémorial pendant l’occupation.

Un groupe d’hommes en uniforme militaire discutent, sous les yeux d’un civil se tenant au loin. À l’arrière-plan se dressent les deux hautes colonnes d’un mémorial de guerre en maçonnerie.

: Le lieutenant-général Harry Crerar discute avec George Stubbs, Paul Piroson étant visible au loin. Crête de Vimy, le 11 septembre 1944 (e011166202)

George Stubbs, un Anglais boucher de son état, s’enrôle dans le Corps expéditionnaire canadien à Winnipeg en 1914. Il combat sur la crête de Vimy, puis, en 1919, il épouse une certaine Blanche et s’installe en Angleterre.

À l’instar de nombreux anciens combattants, Stubbs est bouleversé par son expérience à la guerre. Au début des années 1920, il retourne à Vimy pour rendre hommage à ses frères d’armes et aide l’État canadien à préserver le champ de bataille. Piroson, un homme de la région, est embauché à la même époque.

Stubbs devient alors connu à Vimy, travaillant à la construction du Mémorial et expliquant la valeur et le sacrifice des Canadiens à des milliers de visiteurs chaque année. À l’inauguration du monument, il devient officiellement responsable de son entretien.

George et Blanche Stubbs demeurent toujours à Vimy avec leurs quatre enfants lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate en 1939. Au printemps suivant, la France n’est pas encore occupée, et George envoie 25 $ à la Légion canadienne, voulant aider « des camarades moins chanceux que moi ». Ces mots semblent chargés d’ironie quand on connaît la suite : les Allemands envahiront la France en quelques semaines seulement. La famille Stubbs s’enfuit au port de Bordeaux dans l’espoir de s’échapper, mais il est trop tard et ils doivent vivre dans la clandestinité, avant d’être arrêtés en octobre 1940.

George Stubbs passera le reste de l’occupation dans un camp d’internement près de Paris, tandis que Blanche et les enfants retournent à la maison familiale de Vimy, où ils retrouvent Paul Piroson et sa femme Alice.

Les trois adultes veillent à ce que le Mémorial soit traité avec respect, même aux mains de l’ennemi, expliquant sa signification aux militaires allemands et le protégeant des vandales. S’ils sont courtois et respectueux aux yeux de tous, dans le plus grand secret, Paul cache des armes pour la Résistance dans les tunnels du champ de bataille.

Lorsque George Stubbs est libéré en août 1944, l’Armée canadienne lui fournit l’uniforme qu’il portera lors de sa rencontre avec le général Crerar, bien qu’il soit un civil. Ce sont probablement ses premiers vêtements neufs depuis des années. George rejoint alors Blanche et la famille Piroson à Vimy, où ils accueillent les soldats alliés, livrent leur témoignage aux journalistes et engagent des travailleurs locaux pour le nettoyage et les réparations à faire sur le site.

Photographie en couleur d’une jeune femme portant une blouse blanche et une jupe foncée, assise devant une grande statue représentant une femme en deuil.

Simone Stubbs, fille de George et Blanche Stubbs, assise sur le parapet du Mémorial de Vimy, vers 1944-1948 (e010786286-v8)

George et Blanche Stubbs resteront à Vimy jusqu’à leur retour au Canada en 1948. Après avoir traversé deux guerres mondiales, George, on peut le comprendre, annonce qu’il ne retournera plus jamais en Europe.

Paul Piroson succède à George Stubbs comme gardien et guide du Mémorial de Vimy. Les Piroson sont dévoués au Canada, même s’ils n’ont encore jamais visité le pays. Ils nomment leur maison « La feuille d’érable », symbole qu’ils portent toujours sur leur veston. Seul Paul est rémunéré, mais les deux membres du couple guident les visiteurs et font respecter un code strict à l’ancienne, par respect pour le Mémorial : interdiction pour les femmes de porter la culotte courte, digne conduite des enfants et interdiction de consommer de la nourriture. Chaque année au jour du Souvenir, Paul dépose une couronne de fleurs au nom du gouvernement canadien.

Quand Paul prend sa retraite en 1965, les anciens combattants convainquent le premier ministre canadien, Lester B. Pearson, d’accueillir les Piroson au Canada en tant qu’invités officiels à l’occasion du 50e anniversaire de la bataille de la crête de Vimy. Alors que le travail des femmes est souvent passé sous silence à l’époque, le premier ministre remercie les deux époux pour leur collaboration étroite et personnelle avec un si grand nombre de militaires canadiens pendant les deux grandes guerres, soulignant leur grande bonté, leur hospitalité et l’aide qu’ils ont prodiguée aux Canadiens qui sont retournés sur la crête de Vimy.

C’est ainsi que les Piroson participent aux cérémonies commémoratives de la bataille de la crête de Vimy au Canada, en 1967. À un reporter voulant recueillir leurs impressions sur le pays qu’ils représentent depuis si longtemps, Alice répond : « Nous tenons tous deux les Canadiens en très haute estime. » Ces simples paroles expriment la profonde gratitude pour les sacrifices des Canadiens en temps de guerre, sacrifices qui amènent les familles Stubbs et Piroson à se dévouer corps et âme pour le Mémorial de Vimy.

Visitez l’album Flickr sur les images de Mémorial national du Canada à Vimy.


Andrew Horrall est archiviste à Bibliothèque et Archives Canada.

Vêtir les troupes : tricoter en temps de guerre

English version

Par Cara Downey

Les tricoteuses canadiennes ont joué un rôle important pour vêtir les militaires lors de divers conflits, dont les deux guerres mondiales et la guerre de Corée. Ces as du tricot (en grande majorité des femmes) fabriquaient chaussettes, chandails et autres articles pour les soldats, les pilotes, les matelots, la marine marchande, les malades et les blessés, ainsi que pour les prisonniers de guerre et les réfugiés.

Plusieurs groupes de bénévoles ont appelé la population à tricoter, comme la Société canadienne de la Croix-Rouge, l’Ordre impérial des filles de l’Empire, des corps des forces armées et leurs auxiliaires – par exemple, la ligue navale – et ainsi de suite. On imprimait des patrons spéciaux pour les bénévoles et on leur fournissait tout le matériel. L’ouvrage anglais de Shirley A. Scott, Canada Knits: Craft and Comfort in a Northern Land, vous donnera plus de détails aux pages 32 à 39.

Les patrons comprenaient des directives strictes. Ainsi, les tricoteuses devaient généralement s’en tenir au tricot de base, avec des mailles à l’endroit, puisque l’ajout de motifs non nécessaires les ralentissait et gaspillait de la laine. (À ce sujet, voyez l’ouvrage de Shirley A. Scott cité ci-dessus, à la page 39.)

La série Knitting Instructions for War Work (qu’on pourrait traduire librement par : Comment tricoter pour les militaires), publiée par la Société de la Croix-Rouge en 1940, donnait des instructions détaillées, comme celles-ci :

  • Les tricots doivent être d’une couleur précise :
    • Les chaussettes pour la Marine sont bleu marine ou grises; celles pour l’Armée sont kaki, grises ou chinées; celles des Forces aériennes sont noires ou grises; et celles pour les hôpitaux sont blanches ou grises.
    • Les tuques sont bleu marine pour la Marine et kaki pour l’Armée; pas besoin d’en tricoter pour les Forces aériennes.
  • Pour passer d’une pelote à l’autre, ne faites pas de nœud : utilisez la technique du feutrage.
  • Tricotez lâchement tous les points des bords-côtes.
  • Attachez les chaussettes par paires, avec de la laine de couleur pâle passée à travers deux épaisseurs. Faites une boucle serrée, mais pas de nœud. Attachez à l’extérieur de chaque paire une étiquette indiquant la grandeur; s’il s’agit d’un demi-point, choisissez la plus petite taille. (Knitting Instructions for War Work de la Croix-Rouge, pages 3, 13 et 15.)

Photo noir et blanc de soldats en uniforme, assis dehors en train de tricoter.

Une pause occupée. (e010963520)

Règle générale, le tricot incombait aux femmes, sur le front intérieur (peu importe leur classe sociale), aux enfants (en particulier les filles), ainsi qu’aux malades et aux blessés. La photo Une pause occupée, prise vers 1918-1925, montre des soldats convalescents en train de tricoter, une activité à la fois thérapeutique et relaxante.

On encourageait les gens à tricoter de diverses façons. Par exemple, des affiches incitaient les femmes à « tricoter pour nos hommes ». Pendant la Première Guerre mondiale, la Croix-Rouge américaine a réalisé une affiche qui disait : « Nos hommes ont besoin de chaussettes. Tricotez-en. » Et en 1942, le Comité national des finances de guerre du Canada a créé une affiche montrant une tricoteuse, où l’on pouvait lire : « Qui que vous soyez… quel que soit votre emploi… le Canada a besoin de VOUS… travaillez, épargnez, prêtez à la Victoire ».

Affiche sur laquelle on lit « Qui que vous soyez… quel que soit votre emploi… le Canada a besoin de VOUS… travaillez, épargnez, prêtez à la Victoire ». On y voit les portraits de deux hommes et de deux femmes.

Qui que vous soyez… quel que soit votre emploi… le Canada a besoin de VOUS… travaillez, épargnez, prêtez à la Victoire. (e010695660)

À l’époque, le tricot était tellement en vogue qu’il s’est faufilé jusque dans la culture populaire : songeons à des chansons comme « Knitting socks for Daddy’s men », parue en 1915, et « The pretty little mitt that Kitty knit », parue en 1940. Les livres ne font pas exception : les personnages du roman Rilla d’Ingleside (1921), de Lucy Maud Montgomery, participaient à des cercles de tricot et contribuaient à l’effort de guerre en tricotant à la maison. Quant à Katherine Hale, elle a dédié aux « tricoteuses » son livre Grey Knitting and Other Poems, publié à Toronto en 1914.

Ne passons pas sous silence l’apport de ces tricoteuses. Même si on ne connaît pas avec certitude leur nombre et leur contribution totale, la Société canadienne de la Croix-Rouge estime que pour la Deuxième Guerre mondiale seulement, 750 000 bénévoles ont tricoté 50 millions d’articles! La page Web The Monument Design: The Design for The Volunteers/Les bénévoles de la Halifax Women’s History Society (en anglais) vous donnera plus d’information à ce sujet. La section néo-écossaise de l’Ordre impérial des filles de l’Empire, quant à elle, a fabriqué pendant la même période 350 paires de chaussettes, 525 chandails, 125 couvre-chefs, 50 paires de mitaines, 12 paires de gants et 65 foulards. (Voyez à ce sujet l’ouvrage de Sharon M. H. MacDonald, Hidden Costs, Hidden Labours: Women in Nova Scotia During Two World Wars, page 141.)

Visitez l’album Flickr sur les images de tricot.


Cara Downey est analyste principale à la Division de la gouvernance, de la liaison et des partenariats.

Les Canadiens et l’occupation militaire de l’Islande (1940-1941) : entre bourrasques et « mort noire »

Par Marcelle Cinq-Mars

Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, la participation des militaires canadiens à l’occupation de l’Islande, alors pays neutre, est un épisode méconnu de l’histoire militaire du Canada.

Dès le début du conflit, les Alliés tentent de freiner l’expansion des troupes allemandes qui commencent à envahir les pays voisins de l’Allemagne. Après avoir envahi le Danemark, les Allemands s’apprêtent à s’emparer de la Norvège, en avril 1940. L’Islande, île voisine de la Norvège, sera-t-elle la prochaine à subir le même sort? Afin d’empêcher les Allemands d’envahir l’Islande, les Alliés décident d’y prendre position en premier et envoient des troupes pour l’occuper, malgré l’opposition du gouvernement local.

Si l’Histoire nous dit que les Allemands n’ont jamais envahi l’Islande et qu’ils n’en ont jamais eu l’intention, les Alliés n’en savent rien en 1940. Ce qui est certain, c’est que cette île représente alors un point des plus stratégiques pour les Alliés. En effet, l’Islande offre un avantage majeur pour la défense des convois maritimes transportant les troupes et le matériel de l’Amérique vers la Grande-Bretagne. Dès qu’un aéroport y sera construit, des avions pourront décoller, patrouiller le secteur et ainsi détecter les fameux U-Boots allemands. De plus, les pilotes du Ferry Command – chargés de mener vers la Grande-Bretagne les avions militaires construits en Amérique du Nord – pourront y atterrir et ravitailler les appareils en route vers leur destination finale. C’est donc dire toute la valeur stratégique de l’Islande pour les Forces alliées.

Photographie couleur d’un grand navire devant une île.

Le NCSM Assiniboine patrouillant les eaux au large de l’Islande, mai 1942. (e010777260)

L’avant-garde britannique arrive en Islande le 8 mai 1940. Une semaine plus tard, une brigade entière débarque et s’y installe; l’opération reçoit le nom de code Alabaster. Le pays est rude, les routes couvertes de gravier et il n’y a pas d’aéroport. Le port de Reykjavik doit être adapté pour permettre le débarquement des soldats et du matériel militaire.

Les Britanniques réalisent rapidement qu’il leur faut plus de soldats pour occuper et défendre l’île en cas de tentative d’invasion par les Allemands. Le 18 mai, on demande donc au gouvernement du Canada, qui accepte, d’envoyer du renfort en Islande. Le brigadier L. F. Page reçoit le commandement des troupes canadiennes composées de trois bataillons : le Royal Regiment of Canada, les Fusiliers Mont-Royal et les Cameron Highlanders of Ottawa (Machine Gun). Les troupes canadiennes et les unités de service sont désignées par le nom de code Force « Z ».

La Force « Z » canadienne se joint ainsi à l’opération Alabaster. Le journal de guerre des troupes canadiennes est une mine d’information et de détails sur cette opération; un rapport historique rédigé après les faits en présente aussi un très bon résumé.

Page couverture d’un journal de guerre. On peut y lire, à l’encre noire sur fond blanc, les mots « Secret » et « War Diary ».

Page couverture du journal de guerre du quartier-général de la Force « Z », septembre 1940. On peut le consulter en ligne sur Canadiana Héritage (en anglais). (RG24, vol. 13813)

Dès leur arrivée en Islande, les Canadiens éprouvent une série de contretemps qui nuisent à leur installation. Le principal problème provient de l’exigüité du port de Reykjavik, qui ne peut accommoder qu’un navire à la fois. Or, les Britanniques insistent que leurs cargaisons ont priorité sur celles des Canadiens. Quand les navires canadiens peuvent enfin accéder au quai, il n’y a pas de grue de déchargement; tout le matériel doit être transporté par des équipes d’hommes. Le gouvernement du Canada avait expédié tout le nécessaire à la construction des cabanes de style Yukon. Or, le matériel n’a pas été embarqué sous forme de trousses : les soldats doivent donc attendre que toutes les cargaisons arrivent à bon port avant de pouvoir assembler une première cabane! Et comme si cela n’était pas assez, aucun plan n’accompagne le matériel pour en assurer la construction.

À la mi-septembre alors qu’il commence à geler la nuit, seulement la moitié des membres de la Force « Z » ont un toit; les autres dorment encore sous la tente depuis juin. Et ce ne sont pas des cabanes Yukon qui hébergent les Canadiens, mais plutôt des cabanes Nissen obtenues des Britanniques! Les forts vents, la pluie abondante et les bourrasques qui font constamment rage en Islande à l’approche de l’automne balaient même les tentes et les ballots de vêtements des unités cantonnées près des côtes. Il s’agit là d’un souci constant pour le brigadier L. F. Page qui a à cœur le bien-être des troupes sous son commandement.

Les soldats, quant à eux, s’acclimatent tant bien que mal aux conditions de vie en Islande. Entre les corvées de travail et les exercices de tir, ils profitent de leurs moments libres pour aller en ville. Dans le rapport mensuel qu’il présente aux autorités militaires, le brigadier Page rapporte que ces sorties en ville sont source d’indiscipline liée à l’ivresse. Dépourvus d’alcool canadien sur leurs campements, les soldats prennent rapidement goût à un alcool local surnommé la « mort noire » par les Islandais : il s’agit très probablement de l’aquavit, une eau-de-vie aromatisée à forte teneur en alcool. Afin de remédier à cette situation, la Force « Z » passe sa commande de produits (en anglais) dont les soldats ont besoin chaque semaine :

  • 100 000 cigarettes en paquets de 10
  • 12 000 tablettes de chocolat de marque populaire et de qualité standard
  • 120 bouteilles de whisky, 60 bouteilles de brandy et 18 000 bouteilles de bonne bière, soit 12 000 John Labatt (India Pale) et 6 000 Molson
  • 75 livres de café de marque populaire et de bonne qualité

Grâce aux interventions répétées du brigadier Page, les conditions de vie des soldats canadiens s’améliorent en Islande. Pendant ce temps, le premier ministre britannique, sir Winston Churchill, visite les troupes canadiennes restées en entraînement en Grande-Bretagne. C’est alors qu’il apprend qu’une partie des Canadiens a été envoyée en Islande pour servir de troupes d’occupation et de défense. Le 7 juillet 1940, il écrit au secrétaire d’État à la Guerre :

« Vous avez partagé mon étonnement quand le général McNaughton a déclaré que l’ensemble de la 2e Division canadienne devait aller en Islande. Ce serait certainement une grande erreur de permettre l’utilisation de ces excellentes troupes dans un théâtre (d’opérations) aussi éloigné. Il semble que les trois premiers bataillons y soient déjà. Personne n’en a été informé. Nous requérons que deux divisions canadiennes travaillent ensemble en un seul corps, le plus rapidement possible. » [Traduction]

Le premier ministre britannique a une si haute opinion des soldats canadiens, qu’il ne peut comprendre qu’on les sous-utilise dans la défense de l’Islande, un rôle qu’il préfère voir remplir par les territoriaux britanniques. Après des discussions à ce sujet avec le gouvernement du Canada, la décision est prise : les troupes canadiennes iront rejoindre le reste du corps canadien en Grande-Bretagne. Le brigadier L. F. Page quitte donc l’Islande en octobre 1940 avec la majorité des troupes de la Force « Z »; les derniers éléments canadiens quitteront l’île en avril 1941. Le mois suivant, les Américains acceptent la demande des autorités islandaises et britanniques de prendre la relève pour la défense de l’Islande. Ils y sont présents, à divers degrés, depuis cette époque.

Page dactylographiée d’un rapport historique. On peut y lire, à l’encre noire sur fond blanc, les mots « Cancelled » et « Declassified » dans le coin supérieur droit.

Première page du rapport historique no 33 sur les opérations de la Force « Z » en Islande, décembre 1949. (RG24, vol. 6924)

Le journal de guerre et le rapport historique sont des sources incontournables pour documenter ce chapitre peu connu de l’histoire militaire canadienne.


Marcelle Cinq-Mars est archiviste principale des affaires militaires, Archives gouvernementales, Bibliothèque et Archives Canada.

La statue de sir Arthur Doughty, archiviste du dominion

English version

Par David Rajotte

Il y a deux statues dédiées aux fonctionnaires à Ottawa. L’une est celle de sir Galahad, érigé sur la Colline du Parlement. Le monument rend hommage au jeune Henry Albert Harper – un ami du premier ministre William Lyon Mackenzie King – qui perdit la vie en tentant de sauver une jeune fille de la noyade. L’autre est celle de sir Arthur George Doughty, archiviste du dominion (1904-1935). Doughty dirigeait l’institution qui est devenue Bibliothèque et Archives Canada (BAC) de nombreuses décennies plus tard. Il était aussi un historien renommé à qui l’on doit plusieurs livres, dont une histoire du Canada en 23 volumes. Sa statue se trouve derrière l’édifice de BAC au 395, rue Wellington.

Photo couleur montrant une statue d’un homme assis.

Statue de sir Arthur Doughty, c. 1967. (e011309258)

Le premier ministre Mackenzie King est également à l’origine de cette statue. Lui et sir Arthur Doughty ont été des amis proches, comme l’a montré Ian Wilson, ancien bibliothécaire et archiviste du Canada, dans le recueil d’essais Mackenzie King: citizenship and community (en anglais). L’idée d’une statue est venu à l’esprit premier ministre le 2 décembre 1936, le lendemain du décès de Doughty. Dans son journal (en anglais), Mackenzie King a raconté avoir alors convaincu son cabinet d’investir dans un monument pour rendre hommage à l’archiviste du Canada. Il a expliqué que « J’ai pensé qu’il s’agissait d’une façon bien trouvée d’honorer à la fois la fonction publique et un fonctionnaire d’exception qui a consacré sa vie au travail pour son pays » [Traduction ]. En 1937, le budget fédéral a alloué 15 000 $ pour la statue, soit l’équivalent de 270 000 $ en 2020.

Mackenzie King a participé activement aux différentes étapes dans la conception de la statue, y compris le choix du sculpteur. Le projet a d’abord été confié à Robert Tait McKenzie, un artiste de renommée internationale natif de l’Ontario, mais vivant à Philadelphie, aux États-Unis. Il n’a cependant eu le temps que de compléter un modèle réduit de la statue avant de décéder subitement. Selon sa veuve, il y travaillait d’ailleurs encore une dizaine de minutes avant sa mort.

Photo noir et blanc montrant le visage d’un homme en gros plan. Il porte la moustache et de petites lunettes rondes.

Portrait de Robert Tait McKenzie, vers 1935. (a103150)

Après le décès de Tait McKenzie, le projet de conception de la statue a été confié à Emanuel Otto Hahn, professeur à l’Ontario College of Art. Il était notamment connu pour le design du navire Bluenose et du caribou qui figurent respectivement sur les pièces canadiennes de 10 et de 25 cents. Hahn a pris plusieurs mois pour compléter le travail. La Thompson Monument Company de Toronto s’est occupé de graver la base de granite, alors que la Fonderie d’art Vandevoorde de Montréal a eu pour tâche de couler la statue en bronze. Le monument a été érigé les 20 et 21 décembre 1940 devant l’édifice des Archives nationales, alors sises au 330, rue Sussex.

Photo noir et blanc montrant un homme portant un tablier, debout à côté d’un modèle d’une statue. Il porte des lunettes et tient un poing sur sa hanche.

Emanuel Otto Hahn debout devant un modèle de la statue de sir Arthur Doughty, vers 1940. (e010979771)

La statue montre Sir Doughty assis. Mackenzie King voulait un monument ressemblant à celui de John Harvard érigé à Cambridge, au Massachussetts. Doughty est représenté avec une plume à la main parce qu’il préférait la plume au crayon. Au fil des années, cette plume a souvent été brisée par des vandales. Arthur Doughty porte une toge de l’Université Laval, les concepteurs souhaitant rappeler le doctorat honoris causa qu’il avait reçu de cette université en 1901. La statue est déposée sur un piédestal arborant plusieurs inscriptions. L’avant montre le blason et la devise de la famille Doughty, Palma non sine pulvere (aucun succès sans effort). L’arrière rappelle les diplômes et la carrière de l’éminent archiviste. Les deux côtés comportent une citation tirée de l’ouvrage de sir Arthur Doughty, Les archives canadiennes et leur champ d’action :

« Dans l’actif d’un peuple, les archives constituent la valeur la plus précieuse : elles sont le don d’une génération à l’autre et le degré des soins que nous en prenons mesure le degré de notre civilisation. »

Croquis d’un plan. On peut y lire certaines inscriptions en anglais : « Sussex St » [rue Sussex] en bas, « Roadway » [chemin d’accès] à droite, « Grass » [gazon] au centre, et « Entrance » [entrée] en haut. Un carré marque l’emplacement désiré d’une statue à l’extrémité d’un chemin d’accès menant à l’entrée d’un édifice.

Premier croquis montrant l’emplacement désiré de la statue de sir Arthur Doughty devant l’édifice du 330, rue Sussex, vers 1938. (e011442899)

Dans les années 1960, les Archives nationales ont quitté l’édifice de la rue Sussex pour déménager au 395, rue Wellington, avec la Bibliothèque nationale. La statue de sir Arthur Doughty est alors installée à l’arrière du bâtiment. Wilfred Smith, archiviste du dominion de 1968 à 1984, a raconté que l’espace manquait pour placer le monument à l’avant. D’après lui, le poids de la statue rendait impossible son déplacement dans les rues d’Ottawa. On a donc dû placer le monument sur une barge et le transporter par la rivière. Encore aujourd’hui, on peut admirer la statue de sir Arthur Doughty surplombant la rivière des Outaouais à l’arrière de l’édifice de BAC au 395, rue Wellington, à Ottawa.


David Rajotte est archiviste à la Direction générale des archives, Bibliothèque et Archives Canada.