Lumière sur la photographie de portrait

Par François Deslauriers

J’ai toujours été captivé par les portraits photographiques et ce qui se passe derrière l’objectif. Plus jeune, j’étais fasciné par les photos d’artiste, les pochettes de disque de mes groupes préférés et les portraits d’auteur sur les jaquettes de livre. Cette passion m’habite toujours.

Je ressens les mêmes émotions lorsque je regarde des portraits de personnages historiques dans la collection de Bibliothèque et Archives Canada. En observant ces images, je me pose plusieurs questions : Comment le photographe a-t-il obtenu ce résultat? Qu’est-ce qui donne de la profondeur à ce portrait? Ce n’est pas un coup de chance. Tout est dans l’éclairage!

Bien sûr, d’autres aspects sont importants pour la prise d’une photo : la composition, la prise de vue, le choix de la lentille, etc. Les techniques d’éclairage de la photographie de portrait et de la cinématographie (y compris du cinéma moderne) ont une base très solide qui date du 17e siècle : les œuvres du peintre Rembrandt. Une des techniques d’éclairage les plus fréquemment utilisées dans la photographie moderne a d’ailleurs été nommée en l’honneur de ce grand maître.

Examinons cette technique et ses origines.

L’éclairage Rembrandt a reçu le nom du maître peintre qui utilisait souvent cette technique pour ses propres portraits. Ses scènes et ses portraits étaient souvent illuminés par des sources de lumière, comme des fenêtres ou des bougies.

Photo noir et blanc d’une jeune femme en robe de dentelle blanche, face à l’objectif.

Éva Gauthier, 1906. Photo : William James Topley (a193008)

À la base, l’éclairage Rembrandt place une seule source de lumière à environ 45 degrés du sujet, légèrement au-dessus du niveau des yeux. On crée ainsi, du côté ombragé, un triangle de lumière inversé sur la joue du sujet. Cette technique est très avantageuse, car elle apporte une luminosité qu’on peut contrôler pour « modeler » le visage du sujet. Comme nos yeux sont généralement attirés par les zones claires que créent les hautes lumières, cette technique permet au photographe de mettre en valeur un des profils du sujet, notamment au moyen de zones particulièrement éclairées, et de laisser l’autre dans l’ombre. (Voir aussi : clair-obscur)

Cette technique permet de mettre l’accent sur certains traits, dans les zones bien éclairées, et d’en dissimuler d’autres dans l’ombre. Le contraste produit entre les côtés lumineux et sombre donne également une dimension, une atmosphère et un effet dramatique à la photo, ce qui lui confère un plus grand impact visuel.

Photo noir et blanc d’un homme vêtu d’un complet foncé, face à l’objectif.

M. Norman Watt, 1905. Studio Topley (e011169853)

Photo couleur d’une femme avec des lunettes, face à l’objectif. On aperçoit des récipients et des bouteilles remplis de liquide à l’avant-plan.

Portrait de Deborah Zamble, 2002. Susan King (e006610232); droit d’auteur : Susan King

Photo noir et blanc d’une femme tenant une cigarette.

L’actrice Joan Crawford. Photo : Yousuf Karsh (a212246)

Il est important d’attirer l’attention vers les yeux du sujet. La création d’un reflet dans les deux yeux est donc essentielle. Qu’entend-on par reflet? Il s’agit des petits points blancs qui apparaissent dans les yeux lorsqu’une source de lumière pointe directement dans les globes oculaires. Dans un portrait, l’emplacement de l’éclairage est crucial. La source d’éclairage est normalement placée dans un endroit suffisamment élevé pour créer un triangle de lumière, mais assez bas pour produire un reflet dans les yeux. Cela permet d’attirer l’attention vers le regard, qui semble alors briller.

Photo noir et blanc d’un homme, les mains jointes devant lui.

Albert Einstein, 1948. Photo : Yousuf Karsh (A212510)

Photo noir et blanc d’un garçon vêtu d’un complet.

Sir Charles Hibbert Tupper, 1870. Photo : William James Topley (a025346)

Grâce à la technologie moderne, nous avons maintenant des sources de lumière puissantes, comme des flashs et des panneaux d’éclairage à DEL, qui sont transportables et imitent la lumière du jour. Ces sources de lumière sont certainement plus pratiques que les bougies!

L’éclairage Rembrandt est simple, efficace et souvent flatteur pour le profil du sujet. Si vous y prêtez attention, vous observerez fréquemment cette technique dans les portraits de notre collection, ainsi que dans vos films et séries télévisées préférés.


François Deslauriers est technicien en imagerie numérique à la Division des opérations numériques et de la préservation de Bibliothèque et Archives Canada.

Étiquette, savoir-vivre, bonnes manières et compagnie : publications rétrospectives de Bibliothèque et Archives Canada

Par Euphrasie Mujawamungu

Photo noir et blanc de personnes en costume d’apparat assises autour d’une longue table ovale. La table comporte des couverts et des centres de table décoratifs.

Un groupe de personnes montrant leurs bonnes manières (a029856)

Qui cherche dans la collection de BAC ne peut partir les mains vides. Avide de savoir, je me suis intéressée à la collection de BAC sur l’étiquette. Ma fébrilité était si grande que je m’y suis préparée comme pour un grand voyage vers la destination que j’avais définie : les monographies sur l’étiquette publiées au Canada avant 1953.

Nous avons les gênes de nos ancêtres, et nous bénéficions des chemins qu’ils nous ont tracés en éloignant les obstacles qui rendaient leur quotidien intenable. Qui plus est, ils nous ont transmis le savoir-faire et le savoir-vivre.

En effet, le but de l’étiquette semble être de construire une société ordonnée, bienveillante et bien soignée. Grâce aux codes de l’étiquette, les gens se réunissant pour un événement, joyeux ou triste, vivent des moments sans heurts, car elles observent en quelque sorte des règles communes. Par ailleurs, la fréquentation et la cohabitation des peuples de différentes cultures ont eu de l’influence sur l’étiquette des uns et des autres. Ainsi, les manuels sur l’étiquette et les écoles spécialisées dans le domaine ont élargi leur champ d’expertise au fur et à mesure que différentes civilisations se sont côtoyées.

La collection sur l’étiquette est riche et très diversifiée. Loin d’être désuète, elle pourrait en intéresser plusieurs. En effet, des écrivains ou des cinéastes peuvent trouver de l’inspiration dans ces ouvrages, pour des scénarios qui se passent à l’époque susmentionnée. Certains humoristes s’intéressent aux publications rétrospectives pour produire des numéros mettant en évidence les contrastes entre les mœurs contemporaines et celles de l’époque. Cette documentation leur est donc indispensable! Même des étudiants qui effectuent des travaux de recherche sur les styles de vie de l’époque seront comblés.

De quoi il s’agit

En général, les termes étiquette et bonnes manières se distinguent en ce que l’étiquette est définie comme un ensemble de codes permettant d’avoir de bonnes manières. L’étiquette est très exhaustive et touche tous les aspects de la vie humaine. Elle s’applique aux comportements, aux gestes et aux expressions dites et non dites.

Il s’est publié beaucoup de monographies sur l’étiquette, et ce mot n’apparaît pas nécessairement sur les pages titres. Néanmoins, les termes ou mots-clés suivants font allusion aux usages exemplaires attendus en société : le savoir-vivre; l’art de vivre; l’art de se vêtir; les bonnes manières; l’art de la présentation; l’art de la correspondance; l’économie domestique; la politesse à table, dans les transports, dans les loisirs, en voyage…

L’étendue

Ce ne sont pas seulement les publications qui traitent des bonnes manières. Les écoles spécialisées, autrefois plus nombreuses, étaient souvent destinées aux jeunes femmes de l’élite bien nantie. Les Finishing Schools, ou écoles de bonnes manières, dispensent une formation intégrale sur l’étiquette.

En outre, certaines carrières exigent que les employés soient diplômés de certaines écoles, comme celles du protocole ou des majordomes.

La collection de BAC

Les publications d’époque sur l’étiquette nous donnent immensément d’informations. Elles nous renseignent entre autres sur des transformations dont notre société a été témoin. Ainsi, un manuel sur la bonne conduite des adolescents nous enseigne ce que les parents, les enseignants et toute la société attendaient des jeunes gens de cette génération. Dans certaines monographies, il est question du code vestimentaire. Par exemple, à une certaine époque, les femmes ne devaient pas sortir sans chapeau, surtout à l’église. Par contre, les hommes devaient se découvrir à l’église.

Évolution de l’étiquette

Au fil du temps, certaines pratiques ou règles de la société ont été modifiées ou abandonnées pour répondre aux nouveaux besoins ou s’adapter à une nouvelle réalité. L’étiquette s’est aussi adaptée aux changements dans le monde du travail, comme l’industrialisation et l’arrivée de la main-d’œuvre féminine. Lorsque les outils de communication ou de correspondance ont évolué, des codes sur la correspondance dactylographiée, l’art de parler au téléphone, et plus encore, ont été proposés.

Un sociologue qui s’intéresse à l’évolution de la société, des mœurs, des relations entre hommes et femmes ou de la place des jeunes gens et des enfants dans la famille, aura de la matière pour satisfaire ses recherches. Par ailleurs, quand un historien décrit un grand personnage de l’histoire, il met en relief ses habitudes, son style vestimentaire, ses conquêtes ainsi que son rapport à l’étiquette de son temps. Certains personnages menaient une vie libertine, tandis que d’autres étaient plus vertueux. Dans certains cas, ce qui était considéré comme libertin autrefois ne l’est plus de nos jours.

Photo noir et blanc d’une femme mettant la table dans une cuisine

Une femme qui met la table, 1945 (e010862357)

Quelques trouvailles dans la collection

Mille questions d’étiquette discutées, résolues et classées, par madame M. Sauvalle. Montréal : Éditions Beauchemin, 1907. OCLC 300069021

Ce livre de style encyclopédique traite différents sujets avant de fournir une liste de questions et réponses sur les bonnes manières dans une situation donnée.

Par exemple, au sujet de la maladie :

« Question — Quelle conduite doit-on tenir à l’égard d’amis intimes malades, d’une affection légère mais contagieuse et auxquels on veut prouver ses sympathies?

Réponse — Beaucoup de personnes en cas de maladie légère mais contagieuse ferment leur porte à leurs meilleurs amis. [Ainsi,] les amis ne sont pas exposés à contracter le mal : ces derniers doivent avoir dans ce cas la bonne pensée de glisser leur carte, sous la porte ou dans la boite […] »

D’autres manuels sont du style moraliste :

Traits caractéristiques d’une mauvaise éducation, ou actions et discours contraires à la politesse, et désignés comme tels par les moralistes tant anciens que modernes. L. Gaultier. Québec : Librairie de W. Cowan et fils, 1839. OCLC 49023922

Ce recueil donne 555 exemples de traits contraires à la politesse et aux bonnes manières, expliquant ce qu’une jeune personne sensée ne devrait pas faire (en ce qui concerne la tenue, la propreté, les conversations et les relations avec autrui).

Enfin, on dit que certains styles et modes de vie sont indémodables. Je dirais pour ma part que les bonnes idées sont intemporelles. Dans la publication suivante, il est question de savoir recevoir.

Manuel de l’étiquette courante parmi la bonne société canadienne-française. Evelyn Bolduc. [Ottawa] : [1937?]. OCLC 1015541211

« L’hôtesse qui doit recevoir à dîner […]

Passons maintenant au menu que l’hôtesse aura composé en tenant compte des ressources locales et de la saison. Ainsi, au mois de novembre, on se procure plus facilement du gibier qu’en avril ; le raisin est alors plus beau et meilleur que les fraises, les huîtres sont abondantes.

À cette époque, on pourrait servir les plats suivants : des huîtres, un consommé, un poisson (pas un crustacé, puisqu’il y a déjà des huîtres), une entrée, un rôti ; de grâce, que ce rôti ne soit pas invariablement du poulet ou de la dinde ; une salade, un dessert, glace ou gelée, des fruits. Le café se sert d’ordinaire au salon. »

Consommer des produits locaux et de saison : un style de vie que les nutritionnistes recommandent encore de nos jours! De plus, cela correspond à nos principes de consommation responsable.

Voici une autre publication sur l’étiquette, antérieure à 1953, qui est conservée à BAC :

Précis de bienséances à l’usage des jeunes gens et des jeunes filles d’aujourd’hui. Trois-Rivières [Québec] : Société trifluvienne de bienséances, [190-?]. OCLC 1007490729

Toute publication est unique, et l’information fournie dans ces textes est précieuse. Certains stylistes et dessinateurs de mode, rétro et contemporains, disent avoir trouvé leur créneau grâce à l’inspiration trouvée dans des bouquins d’époque ou dans les styles et les manières de leurs grands-parents. Il en est de même pour plusieurs autres métiers.

Quoi qu’il en soit, les publications dont il est question dans cet article ont quelque chose d’accrocheur. Difficile de s’arrêter quand on a commencé!


Euphrasie Mujawamungu est bibliothécaire d’acquisitions rétrospectives au sein de l’équipe des acquisitions à la Direction générale du patrimoine publié de Bibliothèque et Archives Canada.

Une « épidémie » de fausses nouvelles… il y a 100 ans

Par Forrest Pass

La vaccination, ça marche. Pourtant, malgré les très nombreuses preuves, des opposants mettent en doute depuis longtemps son efficacité. Dans la collection de Bibliothèque et Archives Canada (BAC), on trouve une brochure centenaire illustrant l’utilisation de sources douteuses, de désinformation et de théories conspirationnistes visant à nourrir la méfiance envers les vaccins. Cette propagande ancienne, vue d’un œil critique, peut servir à nous « immuniser » contre la désinformation aujourd’hui.

En 1920 – comme en 2021 –, les maladies épidémiques faisaient la une au Canada. Alors que les autorités et la population s’efforçaient de freiner la dernière vague de la terrible grippe espagnole, ils devaient en même temps affronter la résurgence inquiétante de maladies notoires. En 1919, la variole frappe l’Ontario, possiblement introduite par des soldats rapatriés et des voyageurs étrangers. Dès août, elle se propage vers l’ouest, notamment parmi les fermiers itinérants travaillant dans les champs de houblon de la vallée du Fraser, à l’est de Vancouver. Pour stopper la propagation, le médecin-chef de la Colombie-Britannique, Henry Esson Young, demande l’aide des conseils scolaires pour vacciner tous les écoliers, sauf objection de conscience.

Young faisait face à l’opposition d’un groupe qu’il qualifiait de « minorité très active et revendicatrice ». En avril 1920, les opposants à la vaccination forment la People’s Anti-Vaccination and Medical Freedom League of British-Columbia, une ligue populaire contre la vaccination qui revendique la liberté médicale. Ada Muir, secrétaire et trésorière de la ligue, dénonçait la vaccination obligatoire, même en situation d’urgence, comme une atteinte à la liberté individuelle. Ses objections ayant été balayées par le gouvernement provincial, la ligue s’est plainte au ministère britannique des Colonies et a publié la correspondance de Muir dans une petite brochure. Les autorités britanniques ont transmis la plainte à Ottawa, la santé publique relevant du gouvernement canadien. Comme les communications entre les gouvernements canadien et britannique se faisaient souvent par l’entremise du bureau du gouverneur général du Canada, un exemplaire rare de la brochure a atterri, après un long voyage, dans le fonds du gouverneur général du Canada à BAC.

Page couverture d’une brochure publiée en 1920 dont le titre se traduit ainsi : « Correspondance relative à un appel aux autorités impériales par la ligue populaire de la Colombie-Britannique contre la vaccination et pour la liberté médicale; appel déposé pour faire reconnaître le droit que possède, en vertu de la loi constitutionnelle, chaque homme libre de contrôler son propre corps et de s’occuper raisonnablement de son bien-être ».

Page couverture de la brochure Correspondence relating to An Appeal to the Imperial Authorities, écrite par la ligue populaire de la Colombie-Britannique contre la vaccination et pour la liberté médicale, 1920

Laissant présager les arguments d’aujourd’hui contre la vaccination, le document de Muir remet en question la pureté du vaccin contre la variole et met en garde contre de graves effets secondaires. Elle cite des articles de journaux rapportant que des gens sont tombés malades après avoir reçu un vaccin ou un traitement similaire. Toutefois, les sources citées ne s’accordent pas avec les interprétations de Muir. Par exemple, elle affirme qu’une faute médicale est à l’origine des récents décès d’un chauffeur de tramway de Vancouver et de son fils, mais l’article dans le Vancouver Daily World ne porte aucune accusation de cette nature : les deux décès sont attribués à la diphtérie, une maladie autrefois courante et maintenant sous contrôle, grâce à la vaccination.

Extrait du journal Vancouver Daily World, 29 juin 1920. Article anglais ayant pour titre : « Un père et son fils succombent à la diphtérie : Feu Mark W. Freure, chauffeur de tramway très apprécié en Colombie-Britannique ».

Nécrologie pour un homme et son fils, emportés par la diphtérie. Vancouver Daily World, 29 juin 1920, p. 11 (OCLC : 20377751)

En ce qui concerne le prétendu effet secondaire le plus épeurant du vaccin contre la variole, Muir aurait dû se pencher plus sérieusement sur la question, car elle s’est appuyée sur une recherche réfutée d’un médecin britannique du 19e siècle, Charles Creighton. Celui-ci croyait que le vaccin contre la variole causait la syphilis, évoquant une augmentation des décès causés par cette maladie après la vaccination obligatoire de 1853 au Royaume-Uni. Pourtant, il n’y a pas de lien entre les deux maladies. Trente ans avant la rédaction de la brochure de Muir, des experts avaient déjà conclu que les nouvelles politiques de signalement, et non la vaccination, étaient à l’origine de la supposée augmentation des cas de syphilis. En effet, les autorités de la santé publique consignaient désormais la syphilis comme cause d’un décès, là où précédemment ils auraient indiqué « cause inconnue ». Ce changement de politique s’est fait en parallèle à la vaccination obligatoire; c’est donc une simple coïncidence.

La méfiance de Muir envers les experts en médecine l’a menée à imaginer un complot qui serait digne des théories conspirationnistes les plus farfelues de l’ère de la COVID-19. Selon Muir, une guilde secrète de docteurs malveillants contrôlait la Colombie-Britannique aux dépens de la démocratie et infectait intentionnellement les enfants avec de terribles maladies pour satisfaire la curiosité perverse de ses membres. « La race humaine n’est plus qu’un troupeau au service du monopole des médecins autorisés », affirmait Muir dans la brochure. Selon elle, les docteurs étaient des « corps étrangers » qui accordaient plus d’importance à la loyauté envers leur profession qu’à la santé de la population.

On ne s’étonnera pas que les sources appuyant la théorie du complot de Muir fussent rares. Son argument le plus solide était une citation d’un certain Dr Lockhart, de l’Hôpital de la rue Dorchester à Montréal, qui aurait avoué, en 1902, que les médecins prêtaient serment de ne jamais témoigner contre leurs collègues en cour. Un Dr F. A. L. Lockhart a en effet travaillé à l’hôpital Montreal Maternity sur la rue Dorchester, en 1902, mais je n’ai trouvé aucune source fiable qui appuie cette citation. En fait, la citation apparaît dans deux lettres écrites à des journaux : la première publiée à Winnipeg, en 1907, et la seconde parue à Vancouver, environ sept ans après la publication de la brochure. Mais dans les deux cas, l’auteur était Alan Muir, le mari d’Ada Muir, également opposé à la vaccination.

La fin de l’éclosion de variole de 1920 contredit directement la conclusion d’Ada Muir selon laquelle la vaccination ne protégeait aucunement contre la maladie. Le Dr Young a rapporté que la campagne de désinformation des opposants à la vaccination n’a eu qu’un effet négligeable : en six mois, plus de 80 % des écoliers de la Colombie-Britannique avaient été vaccinés. Comparativement aux 576 cas de variole en 1920, le gouvernement provincial ne rapporte que 137 cas en 1921, une baisse de plus de 75 %. Muir est plutôt d’avis que la baisse des cas à Vancouver prouve que l’éclosion n’était qu’un « épouvantail » et que la vaccination était inutile; mais les faits appuient plutôt la conclusion inverse : une campagne de vaccination rapide aura permis d’aplanir la courbe.

Le succès de cette initiative locale laissait présager une campagne de vaccination contre la variole coordonnée à l’échelle planétaire après la Seconde Guerre mondiale. En 1977, l’Organisation mondiale de la Santé a déclaré que la variole avait disparu : c’était la première maladie éradiquée de l’histoire de l’humanité.

Muir a continué de militer contre la vaccination jusque dans les années 1930, mais dans une moindre mesure, car elle s’adonnait à une nouvelle passion : l’astrologie. En 1930, elle écrit une lettre, publiée dans le Vancouver Sun, où elle soutient qu’un horoscope est aussi utile en médecine qu’un sérum ou un vaccin. Elle nie, comme Creighton l’avait fait, que les virus et les bactéries causent des maladies et croit plutôt que la saleté elle-même est en cause. Il n’est pas évident de déterminer les biais. Est-ce que les opinions insolites de Muir sur la santé et la maladie l’ont amenée à remettre en question les experts en médecine? Ou a-t-elle adopté d’étranges théories nouvelles parce qu’elle se méfiait déjà de la médecine?

Extrait d’une lettre écrite à l’éditeur du journal Vancouver Sun, 27 novembre 1930, dont le titre anglais peut se traduire par : « L’astrologie à la rescousse des médecins et des chirurgiens ».

Muir recommande l’astrologie médicale. Vancouver Sun, 27 novembre 1930, p. 6 (OCLC : 1081083578)

Les erreurs, le sensationnalisme et les théories réfutées qui sont au cœur de la propagande d’Ada Muir et de la ligue populaire contre la vaccination sont faciles à écarter. Pourtant, aujourd’hui, des messages semblables contre la vaccination sont propagés sur les réseaux sociaux, à l’aide de vidéos virales et de mèmes bien conçus. Vérifier la source, chercher des preuves, sonder l’opinion d’autres personnes, demander aux experts et prendre en compte ses propres biais sont des compétences utiles pour évaluer l’information médicale, hier comme aujourd’hui.


Forrest Pass travaille comme conservateur dans l’équipe des expositions à Bibliothèque et Archives Canada.

Donald Nelson Baird et le comité parlementaire du drapeau de 1945-1946

English version

Par James Bone

Entre la formation de la Confédération et le grand débat sur le drapeau canadien de 1964, la quête d’un drapeau officiel reflétant l’identité canadienne demeure dans l’impasse. Tour à tour, l’Union Jack du Royaume-Uni et le Red Ensign du Canada servent d’emblème officiel pendant cette période. Cependant, les tentatives de création d’un drapeau proprement canadien frappent toujours un écueil.

Le premier ministre Mackenzie King mène un projet en ce sens entre 1924 et 1931. On observe un regain d’intérêt pendant la Seconde Guerre mondiale, mais des querelles partisanes empêchent le Parlement de progresser. Après la guerre, Mackenzie King revient à la charge : en novembre 1945, son gouvernement forme un comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat ayant pour mission de produire une étude et un rapport sur le choix d’un drapeau canadien distinctif. Ce comité annonce qu’il étudiera les dessins proposés par les membres du public.

Dessins étudiés

Le comité du drapeau croule bientôt sous les suggestions, et c’est peu dire! À la date limite, on compte officiellement 2 695 dessins, et les suggestions continuent d’arriver à pleine vapeur. Les documents du comité, qui comprennent un échantillon d’une correspondance dans laquelle on remercie les citoyens de leurs contributions, nous apprennent que des personnalités comme l’artiste David Milne et l’archiviste du Dominion Gustave Lanctôt comptent parmi les contributeurs. Arrivent aussi des dessins d’enfants, de vétérans et d’autres Canadiens de tous les horizons. Durant son mandat, le comité reçoit et conserve également des lettres du public.

Afin de faciliter les débats, le vote et la sélection, le comité crée un processus pour dénombrer et classer les suggestions. Les éléments dominants sont la feuille d’érable, le castor, l’Union Jack et la fleur de lys.

Si certains Canadiens apprécient l’idée de nous doter d’un drapeau véritablement national, d’autres estiment que ce changement déshonorerait la mémoire des victimes de la toute récente Seconde Guerre mondiale. De la même manière, d’aucuns jugent inadmissible l’inclusion de tout élément d’identité française, tandis que d’autres prennent position pour un drapeau reflétant les héritages français et britannique du Canada.

Le dessin de Donald Nelson Baird

Une proposition arrive au comité par l’entremise de Dorothy Baird, de Truro, en Nouvelle-Écosse, qui soumet le dessin de son frère cadet, Donald Nelson Baird (1920-2001). Originaire de Glace Bay, en Nouvelle-Écosse, Donald souffre des séquelles de la poliomyélite depuis son enfance; il n’a qu’un usage limité de ses bras, de ses mains et de ses jambes. Malgré ce handicap, il apprend le dessin et l’aquarelle, et se retrouve bientôt au centre d’un débat national sur le futur drapeau canadien.

Photo noir et blanc d’un homme regardant l’objectif, près d’un dessin de son drapeau, visible en arrière-plan.

Donald Nelson Baird, Abbass Studio Limited, 1946. (MIKAN 5082349)

Le dessin de Baird n’est pas particulièrement élaboré. Comme le comité le décrit dans son procès-verbal, il s’agit simplement d’un Red Ensign où une feuille d’érable d’un doré automnal remplace les armoiries du Canada. Ce dessin est proposé sous la forme d’une petite aquarelle sur papier. Comme toutes les suggestions, il reçoit un numéro de la part du comité.

Dessin de drapeau arborant l’Union Jack en haut à gauche et une feuille d’érable dorée à droite, le tout sur arrière-plan rouge.

Dessin du drapeau proposé par Donald Nelson Baird, 1946, aquarelle sur papier. (e011213692)

Ce dessin fait de nombreux adeptes au sein du comité, qui a déjà reçu des dessins analogues. Toutefois, en raison de la place d’honneur occupée par l’Union Jack, du rouge dominant et de l’absence de tout symbole français, il est loin de faire l’unanimité.

Délibérations du comité

Au premier trimestre de 1946, le comité délibère pour opérer une sélection finale parmi les nombreux dessins reçus. Des votes éliminatoires sont tenus périodiquement. Le 17 mai 1946, il ne reste plus que cinq dessins. Peu de temps après, les finalistes se trouvent au nombre de deux : le dessin de Baird et celui – sans Union Jack – de la Ligue du drapeau national.

Au sein du comité, le plus chaud partisan du dessin de Baird s’appelle R. W. Gladstone, député de Wellington-Sud (en Ontario). Convaincu que le comité va choisir ce dessin, il écrit à Dorothy Baird pour lui demander une photo de son frère Donald à des fins publicitaires. La lettre nous apprend aussi que le comité a reçu de nombreux dessins similaires, mais qu’aux yeux de Gladstone, celui de Donald est le meilleur et le plus représentatif de ce que recherche la majorité du comité.

Comme on le verra plus loin, le dessin définitif soumis au Parlement est une version légèrement modifiée du dessin de Donald. Officiellement, c’est la création du comité lui-même, qui ne fait aucune mention de M. Baird dans ses rapports et ses procès-verbaux. La lettre de M. Gladstone à Dorothy Baird est donc la meilleure preuve restante que c’est bel et bien le dessin de Baird qui reçoit la faveur ultime du comité.

Page dactylographiée portant l’en-tête de la Chambre des communes.

Lettre à Dorothy Baird de R. W. Gladstone, député de Wellington-Sud, Ontario. (MIKAN 5082237)

Page dactylographiée se terminant par la signature de M. Gladstone.

Lettre à Dorothy Baird de R. W. Gladstone, député de Wellington-Sud, Ontario. (MIKAN 5082237)

Avec seulement deux dessins toujours en lice, M. Gladstone propose la version de Baird comme nouveau drapeau du Canada. Mais les débats s’enlisent, et un sous-comité est créé pour savoir si un autre symbole que l’Union Jack pourrait satisfaire la majorité du comité.

La presse s’empare de la question; la majorité des journaux anglophones appuient la proposition de Baird, tandis que leurs homologues francophones, notamment La Presse, se rangent derrière le dessin de la Ligue du drapeau national. Dans un éditorial du Chronicle Herald d’Halifax, le caricaturiste Bob Chambers représente Baird élevé en triomphe vers les livres d’histoire par Betsy Ross, la créatrice apocryphe d’une des premières versions du drapeau américain. Le nom de Baird paraît même dans le supplément du numéro de novembre 1946 du dictionnaire biographique Who’s Who.

Le 10 juillet 1946, le sous-comité rapporte n’avoir trouvé aucun autre symbole que l’Union Jack. Deux membres du comité restent opposés au dessin de Baird parce qu’il arbore l’Union Jack et est exempt de tout élément du patrimoine canadien-français.

Quand le comité se réunit de nouveau le soir suivant, le sous-comité a négocié un compromis : la feuille d’érable dorée sera encadrée d’un liséré blanc. Selon le procès-verbal, ce liséré représente la présence française au Canada. Cette modification mineure est essentiellement la seule apportée au dessin original de Baird.

La version modifiée du futur drapeau national reçoit l’aval du comité à vingt-deux voix contre une. Puis, le comité produit un rapport final pour les deux chambres du Parlement et recommande l’octroi de crédits pour que le secrétaire d’État puisse produire des prototypes du nouveau drapeau. L’artiste Frances Gage en peint des versions miniatures, dont une se trouve toujours au Musée canadien de l’histoire. Un nombre inconnu de prototypes grandeur nature sont produits et utilisés dans des photos publicitaires.

Photographie couleur de deux femmes tenant un drapeau sur le toit d’un édifice.

Photographie du drapeau prototype, prise par Louis Jacques pour le Weekend Magazine, 1946. (MIKAN 5082300)

D’hier à aujourd’hui

Malgré tous les efforts du comité pour sélectionner un dessin, le rapport final ne sera jamais présenté au Parlement. Des calculs politiques et la recherche de l’unité nationale incitent le premier ministre Mackenzie King, que l’on dit en faveur du dessin retenu, à laisser cet épisode sombrer tout doucement dans l’oubli sous prétexte que le vote définitif du comité n’a pas été unanime.

Le nom de Baird n’étant mentionné nulle part dans les procès-verbaux du comité, et le tout dernier dessin étant techniquement la création de celui-ci, M. Baird reste à peu près inconnu comme source de ce prototype, en dehors de son cercle social. Comme pour la plupart des contributeurs dont le comité possède l’adresse, l’ouvrage de Baird est retourné à sa sœur Dorothy et reste dans la famille.

Pendant les deux décennies suivantes, Dorothy écrit fréquemment à des députés provinciaux et fédéraux chaque fois que la question du drapeau national refait surface, les pressant de réexaminer le dessin de son frère. Son ultime tentative remonte à avril 1964, quand un bienveillant député nommé Robert Muir l’informe que le dessin de Baird sera fort probablement rejeté par le gouvernement, le premier ministre Lester B. Pearson ayant promis un nouveau drapeau national du Canada sans Union Jack.

L’auteur de ces lignes est d’avis que, si le dessin de Baird avait été adopté comme drapeau national en 1946, il n’aurait probablement pas survécu au regain d’intérêt pour l’établissement d’une identité nationale proprement canadienne auquel on assiste dans les années 1960, et qui donne naissance à notre drapeau national actuel. Quoi qu’il en soit, le dessin de Baird et le travail accompli par le comité du drapeau national en 1945-1946 brossent un intéressant portrait du sentiment d’identité canadienne de l’époque. Aujourd’hui, on peut trouver des répliques du drapeau de Baird dans des boutiques spécialisées, mais rares sont les personnes qui connaissent bien son histoire.

Bibliothèque et Archives Canada a récemment fait l’acquisition du fonds Donald Nelson Baird, qui contient le dessin original à l’aquarelle, de la correspondance du comité et de membres du public, des coupures de journaux au sujet de Baird ainsi que des photos de famille.

À l’extérieur, un homme en jeans et en chemise à carreaux rouge fait face à l’objectif, debout près d’un drapeau qu’il tient par le coin.

L’auteur James Bone à côté du drapeau de Baird, sur le terrain de la Dominion City Brewing, à Ottawa, en juin 2019. © James Bone


James Bone est archiviste en philatélie et en art au sein de la Section des supports spécialisés privés, à Bibliothèque et Archives Canada.

Des montagnes de mouches noires

Par Martha Sellens

Toutes les facettes de mon travail d’archiviste me passionnent, mais la plus palpitante est la résolution de mystères, surtout quand le résultat est tout à fait imprévu. Un récent mystère que j’ai résolu combine œuvre d’art et mouches noires – et je ne parle pas ici de visiteurs inattendus (ou indésirables!) dans une chambre forte de Bibliothèque et Archives Canada (BAC).

Le point de départ : deux estampes de la Commission géologique du Canada (pièces 5067117 et 5067118). Je travaillais à améliorer leur description dans notre base de données pour qu’on puisse les trouver plus facilement au moment d’effectuer une recherche dans la collection. Les estampes datent de 1883, et leur acquisition remonte à si loin – avant 1925! – qu’il n’y avait presque aucun renseignement à leur sujet dans nos dossiers.

Je me suis donc mise à prospecter. Il s’agissait d’images panoramiques aussi hautes qu’un livre format standard et presque aussi larges que l’envergure de mes bras. Toutes deux étaient des copies d’un même dessin montrant les monts Notre Dame ou Shickshock [aujourd’hui, les monts Chic-Chocs] dans la péninsule de la Gaspésie, au Québec. Mon enquête était simplifiée du fait que le titre, le nom de l’artiste et le nom de l’imprimeur figuraient sur les estampes. J’ai donc aussitôt pu faire le lien avec le rapport préparé par A. P Low au terme de son expédition pour la Commission géologique du Canada (CGC), en 1883.

Estampe noir et blanc d’un dessin montrant une série de monts arrondis. On peut voir des arbres et de l’herbe à l’avant-plan. L’estampe porte un titre, et les points cardinaux sont indiqués en petits caractères le long du bord supérieur.

Photolithographie panoramique des monts Notre Dame ou Shickshock [Chic-Chocs], péninsule de la Gaspésie, Québec. Dessin de L. Lambe réalisé à partir d’une esquisse d’A. P. Low tirée du rapport qu’il a préparé en 1883 pour la Commission géologique du Canada. Les exemplaires conservés par BAC (R214-2887-9) n’ont pas encore été numérisés. Image reproduite avec l’aimable autorisation de Ressources naturelles Canada (GEOSCAN).

À l’été 1883, A. P. Low dirige une petite équipe d’arpenteurs dans la péninsule de la Gaspésie pour étudier la géologie de la région, ainsi que pour améliorer les cartes du coin et en créer de nouvelles. À l’époque, la CGC est souvent la première à envoyer des équipes d’arpentage dans une région, et elle réalise très vite que la documentation des caractéristiques géographiques passe nécessairement par la création de cartes. Dans son rapport, A. P. Low décrit certaines des tâches quotidiennes et des découvertes scientifiques de son équipe. Le rapport a été publié dans un ouvrage de 800 pages réunissant tous les rapports des activités de la CGC de 1882 à 1884. On peut télécharger une version numérique de l’ouvrage sur le site Web de Ressources naturelles Canada ou consulter l’exemplaire papier détenu par BAC.

BAC détient aussi de nombreux carnets de terrain dans lesquels les arpenteurs notaient quotidiennement leurs trouvailles et les résultats de leurs recherches. Ma curiosité étant piquée, j’ai fait venir les carnets d’A. P. Low pour y jeter un œil. N’étant pas géologue, je n’étais pas certaine de pouvoir comprendre ses notes, mais ça fait partie du plaisir! La plupart des carnets étaient remplis de chiffres et d’esquisses, mais vers la fin de l’un d’eux, j’ai décroché le gros lot.

Les gens s’imaginent souvent que les documents gouvernementaux sont synonymes de bureaucratie et d’ennui – et nos archives attestent que c’est souvent le cas. Il arrive toutefois qu’on découvre un élément passionnant qui prouve que le travail des fonctionnaires du 19e siècle pouvait être drôle et intéressant!

Vers la fin d’un des carnets d’A. P. Low, j’ai trouvé l’esquisse qu’il avait dessinée des monts Shickshock. Il s’agissait précisément de celle ayant servi à créer l’illustration qui accompagnait son rapport et dont les estampes étaient à l’origine de mon enquête. C’est un croquis plutôt simple, réparti sur deux pages lignées, mais dont les lignes et les ombres commencent à s’estomper à peu près au milieu des pages.

Pourquoi le dessin n’est-il pas terminé? Comble de chance, A. P. Low nous fournit la réponse dans son carnet de terrain [traduction] : « Incapable de terminer à cause des mouches noires »! Son commentaire s’accompagne d’une tache suspecte et d’un griffonnage représentant trois petites mouches noires à côté de la description de l’esquisse.

Photographie d’un carnet de notes en cuir rouge, ouvert à la page 98. Les pages sont lignées, et l’on voit un dessin au crayon représentant des montagnes et trois petites mouches. Il y a une note au bas de la page qui dit [traduction] : « Croquis de certains des monts qu’on peut voir en regardant vers le nord depuis le mont Albert ». À droite, une autre note indique [traduction] : « Incapable de terminer à cause des mouches noires ».

Croquis des monts Shickshock à la page 98 du carnet de terrain no 2276 d’A. P. Low, péninsule de la Gaspésie, Québec. Commission géologique du Canada (RG45, vol. 142). Photo : Martha Sellens

Je m’imagine les arpenteurs cuisant sous les rayons brûlants du soleil de juin au sommet d’un mont de la Gaspésie et maudissant le minuscule prédateur le plus agaçant du Canada! On peut facilement oublier que derrière chaque document, même le plus bureaucratique et ennuyeux, il y a des gens qui ont travaillé ensemble à sa création. Ce carnet de terrain, comme les estampes officielles qui m’ont menée à sa découverte, ramène en mémoire les personnes – et les mouches noires – qui ont laissé leur trace dans l’histoire.

Ressources connexes de BAC :

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Martha Sellens est archiviste pour le portefeuille sur les ressources naturelles de la Division des archives gouvernementales, à Bibliothèque et Archives Canada.

L’arrivée des réfugiés ougandais d’origine asiatique au Canada en 1972

English version

Par Sheyfali Saujani

Photo noir et blanc d’une grande salle relativement bondée. Des valises et bagages divers jonchent le sol. Sur le mur, un drapeau canadien est surmonté d’une banderole disant « Bienvenue, Welcome ».

Arrivée de réfugiés ougandais d’origine asiatique à la base des Forces canadiennes de Longue-Pointe, au Québec (e011052358)

En septembre 1972, le Canada accueille les premiers de quelque 7 500 réfugiés ougandais d’origine asiatique. (À l’époque, les personnes qui émigraient depuis le sous-continent indien étaient désignées par le terme « Asiatiques » plutôt que « Sud-Asiatiques ».) C’est la première arrivée massive d’immigrants non européens au Canada depuis qu’une série de changements ont été apportés à la politique sur l’immigration, à partir de 1962, dans le but d’éliminer les barrières d’ordre racial à l’immigration. Ma famille a eu la chance de faire partie du lot.

Mes parents sont tous les deux nés en Afrique. Ma mère, Shanta Saujani, est née à Durban, en Afrique du Sud. Elle y est retournée en 1964 lorsqu’elle est tombée enceinte de moi, son premier enfant, pour être avec sa mère. Mon père, Rai Saujani, est quant à lui né en Ouganda, où son père s’est installé aux alentours de 1914.

À l’instar des Européens qui émigrent dans diverses colonies britanniques (dont le Canada), des Asiatiques de partout dans l’Empire se rendent dans les colonies africaines, et ce pour des raisons assez similaires : perspectives économiques, soif d’aventure et besoin de changement.

Or, tous ne sont pas traités équitablement dans le monde colonial, et les divisions établies sous le régime impérial subsistent – et sont parfois même exacerbées – quand les colonies deviennent indépendantes. En Afrique du Sud, les Asiatiques (du sous-continent indien) sont victimes de ségrégation raciale, au même titre que les Africains noirs assujettis à la fameuse politique d’apartheid. Les personnes désignées comme « blanches » peuvent circuler librement partout, tandis que les personnes « noires », « brunes » ou « de couleur » ne peuvent se déplacer, vivre, étudier et travailler où elles le veulent. Même si ma mère et moi sommes toutes les deux nées là-bas, je n’avais pas droit à la citoyenneté parce que mon père était citoyen ougandais.

En Ouganda, les divisions raciales n’étaient pas enchâssées dans la loi, mais la séparation des écoles et des services sociaux faisait obstacle au mélange des cultures. Sous la domination coloniale, il était difficile pour les Africains noirs d’obtenir des permis d’entreprise ou d’autres avantages qui les auraient mis en concurrence avec les entrepreneurs asiatiques, lesquels contrôlaient d’importants secteurs de l’économie.

Les Asiatiques constituaient donc une classe moyenne relativement privilégiée, situation qui suscitait le ressentiment de certains Africains. Beaucoup d’Asiatiques, comme mon père, ont obtenu leur citoyenneté ougandaise pour servir leur pays, mais de nombreux autres, craignant de perdre leur citoyenneté britannique, ont pris une autre décision.

En 1971, le général Idi Amin renverse le gouvernement ougandais par un coup d’État militaire. L’année suivante, il déclare que les Asiatiques, citoyens ou non, n’ont plus leur place en Ouganda. Il ordonne l’expulsion des quelque 80 000 Asiatiques du pays en août 1972, leur donnant 90 jours pour partir.

Photographie noir et blanc d’un groupe d’enfants en train de manger par terre.

Groupe d’enfants récemment arrivés au Canada (e011052361)

Ce fut une période terrifiante pour nous. Mes frères et moi étions trop jeunes pour saisir l’ampleur des tensions politiques, mais nous avons vite constaté à quel point les choses risquaient de dégénérer lorsque des membres de notre famille se sont retrouvés en prison.

À la suite d’une altercation dans l’une des nombreuses files d’attente pour obtenir les documents du gouvernement, l’armée a arrêté trois de mes oncles. À l’époque, mon père était chef adjoint pour la police ougandaise, et il profité de ses contacts pour faire libérer mes oncles. Je revois encore clairement leurs dos violacés des coups dont on les a roués en prison.

Mes oncles étaient maintenant libres, mais les officiers qui les avaient arrêtés se sont mis à la recherche de mon père. Nous avons donc passé nos dernières semaines en Ouganda à nous cacher, cherchant désespérément un pays qui nous donnerait asile.

En réponse à la crise des réfugiés causée par l’ordre d’expulsion du général Amin, le Canada a offert d’accueillir immédiatement 5 000 personnes ayant besoin d’un nouveau foyer (il en arrivera finalement davantage). Le Canada a aussi envoyé une équipe spéciale de conseillers en immigration en Ouganda pour accélérer la sélection des réfugiés et le traitement de leur dossier.

Photographie noir et blanc d’un homme en uniforme qui regarde un papier, devant un homme tenant des documents et vêtu d’une chemise foncée sous une veste claire, un jeune garçon, et une femme aux cheveux attachés en queue de cheval.

Un fonctionnaire canadien et une famille ougandaise d’origine asiatique tout juste arrivée au Canada (e011052346)

Ces conseillers nous ont dit que nous pourrions peut-être entrer au Canada plus rapidement en tant que réfugiés parrainés. Ma famille a alors contacté une de mes tantes, qui avait quitté la Tanzanie pour le Canada quelques années auparavant et vivait à Hamilton avec son mari et leurs trois filles.

Pour pouvoir parrainer des réfugiés, il fallait donner la preuve d’un certain revenu. La famille de ma tante n’atteignait pas tout à fait ce montant, et craignait de ne pas pouvoir nous aider. Mais un aimable conseiller en immigration a demandé à ma tante si elle recevait les allocations familiales de l’époque. Ces maigres chèques mensuels remis par le gouvernement aidaient ma tante à subvenir aux besoins de mes trois cousines; ils ont permis d’atteindre le seuil requis pour nous parrainer.

Photographie noir et blanc d’un homme en uniforme en train de servir de la nourriture à une femme qui porte un jeune enfant dans ses bras.

De la nourriture est servie aux nouveaux réfugiés ougandais (e011052348)

Photographie noir et blanc d’une femme portant un tablier et un calot de cuisine qui tend un verre en carton à un homme souriant en complet-veston, accompagné d’une femme portant un foulard et tenant un biscuit ainsi qu’un verre de carton.

Nouveaux réfugiés ougandais se faisant servir une boisson (e011052353)

Le jour de notre arrivée au Canada, nous avons ressenti un mélange d’épuisement, de soulagement et d’euphorie; ce fut probablement pareil pour les personnes que l’on voit sur ces photos.

C’est lors de la belle et fraîche journée d’automne du 28 septembre 1972, au casernement militaire près de Montréal, que des officiers ont accueilli les familles réfugiées. Mon frère et moi nous souvenons avoir été surpris par le froid : l’Afrique équatoriale ne nous y avait pas vraiment préparés! Heureusement, les conseillers en immigration s’étaient assurés qu’on puisse obtenir des vêtements d’hiver. Mon frère se rappelle que c’est la première fois qu’il a vu les emblématiques couleurs de la Compagnie de la Baie d’Hudson (vert, rouge, jaune et indigo) sur certains manteaux. Nous nous souvenons aussi tous les deux du magnifique coloris du feuillage automnal.

Le plus beau souvenir reste toutefois celui de ma mère. Elle relate qu’il y avait 11 téléviseurs noir et blanc répartis un peu partout dans la pièce où on traitait nos documents. Tout d’un coup, les fonctionnaires, soldats et employés de cafétéria se sont tous mis à sauter et crier de joie et à se serrer dans leurs bras. Ce que nous ignorions – mais avons bientôt découvert –, c’est que c’était le jour du dernier match de la Série du siècle opposant le Canada à l’URSS, et que Paul Henderson venait de marquer le but gagnant. Ma mère s’est alors dit « mais quelle journée chanceuse pour notre arrivée ici! ». Nous sommes extrêmement reconnaissants d’avoir eu le Canada comme terre d’asile et la chance de devenir citoyens d’un pays pacifique qui se veut inclusif.

Pour voir d’autres images de l’arrivée au Canada des réfugiés ougandais d’origine asiatique en 1972, consultez l’album Flickr de Bibliothèque et Archives Canada.

©  Sheyfali Saujani


Écrivaine et réalisatrice vivant à Toronto, Sheyfali Saujani a réalisé des émissions radiophoniques à CBC Radio pendant 30 ans.

Le 100e anniversaire du légendaire Bluenose

Par Valerie Casbourn

L’année 2021 marque le 100e anniversaire des premiers exploits de course du Bluenose, la légendaire goélette de pêche de Lunenburg, en Nouvelle-Écosse. Mis à l’eau en mars 1921, ce voilier a remporté l’International Fishermen’s Cup Race en octobre suivant, gagnant les cœurs et marquant les esprits des gens de la Nouvelle-Écosse et d’ailleurs. Pas étonnant que cette remarquable goélette soit rapidement devenue un symbole canadien reconnu.

La première édition de l’International Fishermen’s Cup Race a lieu à l’automne 1920; le trophée remis au vainqueur est un don du Halifax Herald. Pour concourir, les embarcations doivent être des goélettes de pêche en activité, ayant à leur actif au moins une saison de pêche dans les Grands Bancs. Les courses éliminatoires pour déterminer le concurrent de chaque pays se déroulent au large d’Halifax, en Nouvelle-Écosse, et de Gloucester, au Massachusetts. Les deux finalistes s’affrontent ensuite dans un deux de trois pour le trophée. Le concurrent américain, l’Esperanto, file avec la victoire.

Un groupe de la Nouvelle-Écosse riposte en construisant une nouvelle goélette, baptisée d’après le surnom de longue date des Néo-Écossais, « Bluenosers ». Un architecte naval de la province, William Roué, conçoit le Bluenose afin d’en faire un voilier à la fois rapide pour la course et pratique pour la pêche. Celui-ci est construit sur le chantier naval Smith and Rhuland, à Lunenburg. Et le 26 mars 1921, devant une foule enthousiaste, il est mis à l’eau.

Photo noir et blanc de la goélette Bluenose à la ligne d’arrivée d’une course.

La goélette Bluenose traversant la ligne d’arrivée, W. R. MacAskill, 1921. (PA-030802)

Le 15 avril 1921, le Bluenose est inscrit au registre d’immatriculation des bâtiments de Lunenburg, où sont consignés le propriétaire, le type, les dimensions et le moyen de propulsion des embarcations. Bibliothèque et Archives Canada conserve des archives de ports d’immatriculation de partout au pays. Bon nombre d’anciens documents sont indexés dans la base de données « Immatriculation des navires (1787-1966); on y trouve le célèbre Bluenose de Lunenburg (1921) ainsi que six autres navires portant le même nom.

Certains registres plus anciens sont accessibles sur bobines de microfilms numérisées, sur le site d’une organisation partenaire, Canadiana Héritage. L’inscription du Bluenose se trouve à la page 34 du registre d’immatriculation des bâtiments de Lunenburg de 1919 à 1926 (RG42, volume 1612 [anciennement volume 399]), dont une copie numérisée figure sur la bobine de microfilm C-2441 (en anglais). Le Bluenose avait pour numéro officiel le 150404, et son propriétaire inscrit était la Bluenose Schooner Company Limited de Lunenburg, en Nouvelle-Écosse.

Deux pages montrant l’inscription du Bluenose dans le registre d’immatriculation des bâtiments de Lunenburg, en Nouvelle-Écosse.

Page d’inscription du Bluenose datant de 1921, dans les archives du registre d’immatriculation des bâtiments de Lunenburg, Nouvelle-Écosse. (Bobine C-2441, image 615; RG42, volume 1612 [anciennement volume 399], page 34, en anglais)

Le Bluenose prend le large pour sa première saison de pêche, dirigé par le capitaine Angus Walters et son équipage. Puis, en octobre 1921, il s’inscrit à la deuxième édition de l’International Fishermen’s Cup Race. (Une description de la course se trouve dans le rapport annuel 1921-1922 de la Direction de la pêche du ministère de la Marine et des Pêcheries.)

Le Bluenose remporte les éliminatoires, devenant ainsi le concurrent canadien. À deux reprises, il se mesure ensuite à la goélette américaine Elsie, gagnant chaque fois. Les courses se déroulent au large d’Halifax, le samedi 22 octobre et le lundi 24 octobre, suscitant un vif intérêt et attirant de nombreux visiteurs (documents parlementaires du Dominion du Canada, 1923, volume 59, numéro 6, document parlementaire numéro 29, page 38, en anglais). Le rapport annuel décrit ainsi la deuxième et dernière course :

Lors de la deuxième course, le lundi 24 octobre, l’Elsie a encore une fois été le premier à franchir la ligne de départ, à 9 h 00 et 32 secondes, suivi du Bluenose, à 9 h 01 et 52 secondes. Pendant près de trois heures, la goélette de Gloucester a été talonnée par celle de Lunenburg, mais le Bluenose a montré de quoi il est capable au retour, franchissant la ligne d’arrivée à 14 h 21 et 41 secondes, soit dix minutes avant l’Elsie.

Les courses ont attiré énormément de spectateurs, et mèneront sans aucun doute à la conception de goélettes bien adaptées à la pêche aux poissons d’eau salée et d’eau douce. [Traduction]

Photo noir et blanc de voiliers au départ d’une course.

Début de la course éliminatoire, W. R. MacAskill, 1921. (PA-030801)

La victoire du Bluenose insuffle une profonde fierté et un grand intérêt en Nouvelle-Écosse, des sentiments qui font rapidement boule de neige au-delà des frontières de la province. L’année suivante, l’International Fishermen’s Cup Race se déroule au large de Gloucester, au Massachusetts. Le Bluenose y participe, accompagné d’une délégation de la Nouvelle-Écosse. Le gouvernement du Canada y envoie également un représentant, George Kyte, député de Cap-Breton-Sud et de Richmond, escorté du NCSM Patriot. Le premier ministre Mackenzie King avait écrit à Kyte le 23 septembre 1922 pour lui annoncer la nouvelle, une décision entérinée par un décret du Conseil privé. (PC 1922-1937)

Page du décret PC 1922-1937 du Conseil privé datée du 21 septembre 1922.

Décret PC 1922-1937 du Conseil privé nommant George Kyte (député de Cap-Breton-Sud et de Richmond) représentant du gouvernement du Canada à l’International Fishermen’s Cup Race de 1922. (Bobine C-2246, image 211; MG26-J1, volume 75, page 64113, en anglais)

 

Le Bluenose remporte de nouveau l’International Fishermen’s Cup Race en 1922. Il concourt dans les trois éditions suivantes, soit en 1923, 1931 et 1938, et sa renommée ne cesse de grandir.

En 1928, le ministère des Postes commence à représenter des éléments canadiens sur les timbres réguliers. Le Bluenose est alors choisi pour représenter la pêche, la construction navale et le matelotage de la Nouvelle-Écosse. Le 6 janvier 1929, moins de dix ans après la mise à l’eau de la goélette, le ministère des Postes émet le timbre de 50 cents du Bluenose, une conception composite inspirée de photos de Wallace R. MacAskill illustrant le Bluenose dans une course au large du port d’Halifax.

Timbre de 50 cents de Postes Canada montrant la goélette Bluenose sous deux angles différents.

Timbre de 50 cents du Bluenose, émis le 6 janvier 1929. Droit d’auteur : Société canadienne des postes (s000218k)

Le Bluenose continue d’être utilisé pour pêcher le long des côtes de l’Atlantique Nord; son équipage rapporte même la plus grosse prise de Lunenburg. Il représente aussi la Nouvelle-Écosse et le Canada sur la scène internationale : en 1933, il navigue vers Chicago pour l’exposition universelle, et en 1935, il se rend en Angleterre pour le jubilé d’argent du roi George V.

Mais les temps changent, et la célèbre goélette est vendue en 1942. Malheureusement, elle coule quatre ans plus tard, en 1946, après avoir heurté un récif au large d’Haïti.

Surnommé « la reine de l’Atlantique Nord », le Bluenose est resté gravé dans les mémoires, et on le célèbre encore de diverses façons. Par exemple, le capitaine Angus Walters et l’architecte naval William J. Roué ont tous deux un timbre commémoratif à leur effigie, émis respectivement en 1988 et en 1998. La goélette apparaît quant à elle sur les pièces de dix cents depuis 1937, et est mentionnée dans une chanson du chanteur folk canadien Stan Rogers. Et le Bluenose II, une réplique du navire original ancrée au port de Lunenburg, vogue toujours comme ambassadeur de la province.

Autres ressources

Exposition virtuelle des Archives de la Nouvelle-Écosse : Le Bluenose, symbole canadien

Musée canadien de l’histoire : Articles de la collection de William James Roué

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Valerie Casbourn est archiviste à la Division des services de référence du bureau d’Halifax de Bibliothèque et Archives Canada.

Inuit sur le billet canadien de 2 $ de 1975

English version

À la gauche de l’image, Tatânga Mânî (le chef Walking Buffalo, aussi appelé George McLean) est à cheval dans une tenue cérémonielle traditionnelle. Au centre, Iggi et une fillette font un kunik, une salutation traditionnelle dans la culture inuite. À droite, le guide métis Maxime Marion se tient debout, un fusil à la main. À l’arrière-plan, on aperçoit une carte du Haut et du Bas-Canada et du texte provenant de la collection de la colonie de la Rivière-rouge.Par Ellen Bond

En octobre 2020, j’ai lu un article (en anglais) dans le Nunatsiaq News portant sur le billet canadien de 2 $ imprimé par la Banque du Canada de 1975 à 1979. Ce billet de banque était le premier au Canada à mettre en valeur des Autochtones. J’ai poussé un peu plus loin mes recherches et trouvé deux autres articles à ce sujet : un également paru dans le Nunatsiaq News (en anglais) en 2018, et un publié dans le blogue du Musée de la Banque du Canada en 2020. Dans l’article de 2018 du Nunatsiaq News intitulé « Taissumani, April 7 », on voit une photo du verso du billet de 2 $, où la défunte Leah Idlout avait inscrit en écriture syllabique les noms des personnes y figurant.

Photo couleur du verso d’un billet de banque canadien de 2 $ de 1975-1979, sur lequel les noms des six personnes qui y figurent sont inscrits en écriture syllabique.

La défunte Leah Idlout a inscrit en écriture syllabique les noms des six hommes figurant au verso du billet de banque canadien de 2 $. (Image reproduite avec l’aimable autorisation de John MacDonald et de la Banque du Canada.)

Le tableau qui suit montre les diverses orthographes des noms de ces hommes inuit en inuktitut. Les noms de la première colonne sont utilisés dans ce billet de blogue.

Le billet de 2 $ a été produit à partir d’une gravure de C. Gordon Yorke, elle-même inspirée d’une photo prise en 1951 par le cinéaste Doug Wilkinson lors du tournage de son film Au pays des jours sans fin. Disponible uniquement pour consultation sur place dans la collection de Bibliothèque et Archives Canada (BAC), le film est toutefois en ligne sur le site de l’Office national du film (ONF). Il a été tourné au camp de Joseph Idlout sur l’île Alukseevee située à environ 60 km de Mittimatalik (aussi connu sous le nom de Pond Inlet), au Nunavut (anciennement les Territoires du Nord-Ouest). La scène montre des chasseurs préparant leurs qajait (kayaks) pour poursuivre, harponner et récupérer les narvals aperçus plus tôt, nageant et se reposant parmi les floes (glaces flottantes).

Photo noir et blanc de six chasseurs inuit chargeant leurs qajaqs de matériel de chasse.

Photo ayant inspiré la gravure figurant au verso du billet canadien de 2 $ mis en circulation de 1975 à 1979. De gauche à droite : Gideonie Qitsualik gonfle un flotteur en peau de phoque; Lazarus Paniluk soulève un harpon; Herodier Kalluk charge un qajaq; Ullattitaq gonfle un flotteur en peau de phoque; Joseph Idlout met un qajaq à l’eau; et Elijah Erkloo soulève une pagaie. La photo a été prise pendant le tournage du film Au pays des jours sans fin, réalisé en 1952 par Doug Wilkinson à Nuvuruluk, au Nunavut. Source : Doug Wilkinson, île de Baffin (Canada), vers 1951, NCC 1993.56.541.

De nombreuses photos de la collection de BAC ont été acquises et cataloguées sans information détaillée ou sans les renseignements provenant des inscriptions et des légendes originales des documents connexes. Ainsi, ces photos reflètent les préjugés et les attitudes de la société non autochtone de l’époque. Mise sur pied par le programme Nunavut Sivuniksavut (en anglais), l’initiative Un visage, un nom avait d’abord pour but d’identifier les Inuit figurant sur les photos archivées. Née d’une collaboration entre le Nunavut Sivuniksavut, le gouvernement du Nunavut et les Archives nationales du Canada (maintenant BAC), l’initiative lancée en 2002 a été élargie et porte maintenant aussi sur les Premières Nations et la Nation métisse, partout au Canada. Un visage, un nom publie des photographies d’archives sur ses réseaux sociaux. L’information de base des photos – p. ex. la date, le lieu, l’activité illustrée ou toute autre donnée d’identification – peut être limitée ou manquante.

Les trois articles portant sur le billet de 2 $ ont éveillé notre intérêt. Nous étions curieux : en appliquant la démarche inverse d’Un visage, un nom, pouvions-nous trouver d’autres photos de ces hommes dans la collection de BAC? Voici les résultats de nos recherches :

Gideonie Qitsualik – Sur le billet de 2 $, Gideonie se trouve à gauche. Penché au-dessus d’un qajaq, il est en train de gonfler un flotteur en peau de phoque. La collection de BAC comprend une autre photo (ci-dessous) de Gideonie prise à peu près à la même époque. Sur cette photo, il est la deuxième personne à partir de la gauche. Gideonie deviendra plus tard un pasteur anglican bien connu à Gjoa Haven, au Nunavut.

Photo noir et blanc montrant quatre adultes et trois enfants qui dépècent des phoques sur une plage rocheuse. À l’arrière-plan, on voit des tentes en toile.

À droite à l’avant-plan, Joseph Idlout est penché. Les autres personnes sont, de gauche à droite : Herodier Kalluk, Gideonie Qitsualik, Daniel Komangaapik, Uirngut, Ullattitaq (Paul Idlout) et Rebecca Qillaq Idlout. Ils dépècent des phoques. (PA-189095)

Lazarus Paniluk – Lazarus est le deuxième homme à partir de la gauche sur le billet de 2 $. Il soulève un harpon. Nous n’avons pas encore trouvé de photos de lui dans la collection de BAC.

Herodier Kalluk – Il est le troisième homme à partir de la gauche sur le billet de 2 $, s’affairant à charger un qajaq. La collection de BAC comprend deux autres photos d’Herodier. Sur celle ci-dessous prise en 1952, Herodier (à gauche) est en compagnie de Joseph Idlout, qui vient tout juste de harponner un phoque. Herodier est le grand-père de la chanteuse Tanya Tagaq (en anglais), lauréate d’un prix Juno.

Herodier Kalluk (à gauche) et Joseph Idlout observent un phoque harponné et étendu sur la glace au large de Button Point, près de Mittimatalik/Tununiq, au Nunavut. (PA-145172)

Ullattitaq – Aussi connu sous le nom de Paul Idlout, Ullattitaq est le quatrième homme à partir de la gauche au verso du billet de 2 $. On le voit en train de gonfler un flotteur en peau de phoque. La collection de BAC comprend deux autres photos de lui. Sur celle ci-dessous prise en septembre 1945 à Mittimatalik/Tununiq, Ullattitaq est alors un jeune garçon. Il deviendra plus tard l’évêque de l’Arctique.

Photo noir et blanc d’un jeune garçon portant un capuchon bordé de fourrure.

Ullattitaq (Paul Idlout) à Mittimatalik/Tununiq, au Nunavut, septembre 1945. (e002344212)

Joseph Idlout – Au verso du billet de 2 $, Joseph est le cinquième homme à partir de la gauche; on le voit en train de mettre un qajaq à l’eau. À l’époque, il était le chef d’une petite communauté de familles qui comprenait le camp de chasse Aulatsivik, où Doug Wilkinson a tourné son film. Joseph est celui que l’on retrouve le plus souvent dans la collection de BAC : il apparaît sur au moins neuf photos! Il est au centre sur la photo ci-dessous.

Photo noir et blanc de trois hommes inuit debout à l’extérieur pendant l’hiver. Ils portent tous des vêtements traditionnels.

De gauche à droite : Daniel N. Salluviniq (Saudlovenick), Joseph Idlout et Zebeddie Amarualik, tenant tous des appareils photo Brownie en attendant l’arrivée du gouverneur général Vincent Massey, Qausuittuq (Resolute Bay), Nunavut, mars 1956. (e002265651)

Photo noir et blanc montrant un homme assis dans un qajaq, sur le point de lancer un harpon. À l’arrière-plan, on aperçoit des montagnes enneigées.

Assis dans son qajaq, Joseph Idlout se prépare à lancer un harpon en ivoire, Mittimatalik/Tununiq, Nunavut, juillet 1951. (RD-002169)

Elijah Erkloo – Elijah est l’homme complètement à droite sur l’image au verso du billet de 2 $; il est en train de préparer une pagaie. Il ne semble y avoir aucune photo d’Elijah dans la collection de BAC, mais nous en avons trouvé une de son grand-père. Selon l’article « Taissumani, April 7 », Elijah était un jeune garçon lors du tournage du film; il deviendra plus tard le député d’Amittuq (anciennement Foxe Basin). Elijah mentionne que Joseph Idlout, son oncle, était le chef du camp, ce qui explique probablement pourquoi BAC possède autant de photos de ce dernier.

Photo noir et blanc d’un homme aux cheveux longs et portant une moustache.

Akomalee de l’île de Baffin, 1924. Akomalee, le grand-père d’Elijah Erkloo, était un Aîné de Mittimatalik, au Nunavut. (PA-102276)

Il est important de bien identifier les gens et d’inscrire leur nom correctement. Le projet Un visage, un nom a permis d’identifier de nombreuses personnes et de redonner aux collectivités de l’ensemble du Canada ce qui leur revient. Si vous, ou quelqu’un que vous connaissez, avez plus d’information sur les hommes figurant sur ce billet de 2 $, communiquez avec nous. L’information peut aussi concerner d’autres photos dans la collection de BAC sur lesquelles ces hommes ne sont pas encore identifiés. Il peut même s’agir de simples détails permettant d’en savoir un peu plus sur eux. Toute nouvelle information sera ensuite ajoutée aux documents d’archives.

Médias sociaux d’Un visage, un nom :


Ellen Bond est adjointe de projet dans l’équipe du contenu en ligne, à Bibliothèque et Archives Canada.

Pour de meilleures notices : l’exemple des boîtes en écorce de bouleau

À la gauche de l’image, Tatânga Mânî (le chef Walking Buffalo, aussi appelé George McLean) est à cheval dans une tenue cérémonielle traditionnelle. Au centre, Iggi et une fillette font un kunik, une salutation traditionnelle dans la culture inuite. À droite, le guide métis Maxime Marion se tient debout, un fusil à la main. À l’arrière-plan, on aperçoit une carte du Haut et du Bas-Canada et du texte provenant de la collection de la colonie de la Rivière-rouge.

Par Vasanthi Pendakur et Elizabeth Kawenaa Montour

Un couvercle de boîte en écorce de bouleau orné d’un homme des Premières Nations. Ce dernier est assis de profil et fume la pipe au milieu d’un cercle placé au centre. Des fleurs rouge, blanc et bleu sont brodées de part et d’autre du cercle, et un motif de losange figure au-dessus et en dessous du cercle.
Un couvercle de boîte en écorce de bouleau orné de broderies représentant des carreaux et un homme des Premières Nations fumant la pipe (e010948522)

Les boîtes en écorce de bouleau sont des artefacts extrêmement rares de la collection de Bibliothèque et Archives Canada. De forme tridimensionnelle, elles sont ornées de broderies réalisées à partir de poils d’orignaux insérés dans des trous percés dans l’écorce. Les Premières Nations utilisaient les poils d’orignaux pour décorer des objets avant l’arrivée des Européens.

Les boîtes de cet ensemble s’apparentent à celles créées dans les couvents des Ursulines de Québec. Elles ont probablement été fabriquées pour être vendues aux touristes qui visitaient Québec au 18e siècle. Les boîtes de ce type étaient des souvenirs prisés, d’abord par l’élite française, puis par l’armée britannique. Ces boîtes en particulier appartenaient à un officier stationné à Niagara durant la guerre de l’Indépendance des États-Unis. Selon la notice, elles datent de 1780 à 1800 et ont été acquises par Henry Powell (décédé en 1815), du 53e Régiment de fantassins.

Un côté d’une boîte en écorce de bouleau (e010948522_s6)

Après avoir observé ces artefacts et lu leur description, nous avons découvert de l’information supplémentaire qui a permis d’en améliorer la description.

Au moment de créer une notice pour décrire des archives, un agent du contrôle de la qualité saisit l’information dans le catalogue et vérifie son exactitude, souvent en collaboration avec l’archiviste responsable. Dans le cas présent, l’archiviste a validé la nature des matériaux utilisés pour fabriquer et décorer la boîte : l’écorce de bouleau et les poils d’orignaux.

Un couvercle de boîte en écorce de bouleau orné de broderies représentant des motifs de piques et un homme des Premières Nations fumant la pipe (e010948521)
Un couvercle de boîte en écorce de bouleau sur lequel figure une femme des Premières Nations. Celle-ci se tient de profil au milieu d’un cercle placé au centre, portant un enfant sur son dos. Des fleurs rouge, blanc et bleu sont brodées de part et d’autre du cercle, et un motif de trèfle figure au-dessus et en dessous du cercle.
Un couvercle de boîte en écorce de bouleau orné de broderies représentant des trèfles et une femme des Premières Nations; cette dernière se tient de profil et porte un enfant sur son dos (e010948523)

Les boîtes de cet ensemble sont toutes de la même taille. Si les broderies se ressemblent à première vue, chaque boîte présente un motif unique basé sur l’une des couleurs du jeu de cartes : cœur, carreau, trèfle ou pique. Chaque couvercle est orné de deux motifs brodés de l’une des quatre couleurs.

De plus, les quatre couvercles montrent un personnage des Premières Nations de profil au milieu du cercle au centre : deux représentent un homme fumant la pipe; le troisième, un homme armé d’un arc et d’une flèche; et le quatrième, une femme portant un enfant dans un tikinagan. De part et d’autre des cercles figurent des motifs brodés de fleurs, de feuilles et de tiges colorées. De longs poils d’orignaux sont fixés aux rebords de la boîte.

Un couvercle de boîte en écorce de bouleau orné de broderies représentant des cœurs et un homme des Premières Nations armé d’un arc et d’une flèche, debout de profil (e010948520)

En faisant des recherches, nous avons découvert dans les collections du Musée McCord un panier en écorce de bouleau orné de broderies en poils d’orignaux. Il porte la description suivante :

« En 1714, […] mère St-Joseph, ursuline de Trois-Rivières, enseigne l’art de la broderie sur l’écorce. Nous possédons également des informations sur mère Sainte-Marie-Madeleine (Anne Du Bos), née à Sillery en 1678, d’un père français et d’une mère huronne-wendate. Selon la nécrologie de cette religieuse ursuline (1734), celle-ci consacra les dernières années de sa vie à l’enseignement de la broderie, notamment la broderie en poil d’orignal. Dès 1720, la broderie en poil d’orignal est reconnue comme une forme de travail d’aiguille très raffinée et élégante. »

Les boîtes figurant dans la collection de BAC semblent être du même style.

Même après la propagation des matériaux européens, les ressources locales ont continué d’être utilisées dans la fabrication de souvenirs. Les Premières Nations et les sœurs ursulines auraient toutes deux pu fabriquer ce type de boîtes pour l’industrie du tourisme : c’est pourquoi une certaine confusion entoure l’origine de l’ensemble de boîtes conservées à BAC.

Dans la notice, l’archiviste a indiqué que la provenance était inconnue. Puisque ce style de boîtes était répandu, on ne peut pas dire avec certitude si ce sont des sœurs, des filles des Premières Nations ou des femmes françaises qui les ont fabriquées. En fin de compte, la description a été revue pour refléter l’incertitude entourant l’identité des artistes. C’est ainsi que j’ai appris qu’on pouvait améliorer les notices et les rendre plus accessibles grâce à de nouvelles recherches.

Cet exemple donne un très bref aperçu de la tâche de révision des descriptions historiques. Des archivistes réexaminent actuellement des descriptions existantes afin de les rendre plus exactes, mais il reste encore beaucoup à faire.

Ce blogue fait partie d’une série portant sur les Initiatives du patrimoine documentaire autochtone. Apprenez-en plus sur la façon dont Bibliothèque et Archives Canada (BAC) améliore l’accès aux collections en lien avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Voyez aussi comment BAC appuie les communautés en matière de préservation d’enregistrements de langue autochtone.


Vasanthi Pendakur est une ancienne gestionnaire de projet de la Division des expositions et du contenu en ligne. Elle était responsable de la recherche et de la publication des albums Flickr de BAC. Elizabeth Kawenaa Montour est une archiviste et recherchiste autochtone qui travaille au sein de la Division des expositions et du contenu en ligne. Elle s’occupe de la recherche et de la rédaction de contenu autochtone pour les billets de blogue et les albums Flickr.

Frederick W. Waugh au Nunatsiavut

À la gauche de l’image, Tatânga Mânî (le chef Walking Buffalo, aussi appelé George McLean) est à cheval dans une tenue cérémonielle traditionnelle. Au centre, Iggi et une fillette font un kunik, une salutation traditionnelle dans la culture inuite. À droite, le guide métis Maxime Marion se tient debout, un fusil à la main. À l’arrière-plan, on aperçoit une carte du Haut et du Bas-Canada et du texte provenant de la collection de la colonie de la Rivière-rouge.

Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certains pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde — terminologie historique.

Par Jennelle Doyle

Les fonds d’archives cachent souvent bien des surprises! Il est important de s’informer sur la vie des explorateurs, des chercheurs, des anthropologues et des autres personnes ayant donné leurs archives afin de connaître la portée d’une collection.

Frederick W. Waugh est un ethnologue ayant travaillé à la Division d’anthropologie de la Commission géologique du Canada. Sa visite de 1921-1922 dans la communauté inuit de Nain, au Nunatsiavut (région de l’Inuit Nunangat située dans le nord du Labrador), est illustrée dans un album de photos que son fils, R. F. Waugh, a donné à Bibliothèque et Archives Canada (BAC).

Frederick Waugh se rend au Labrador en 1921. Selon son journal, il souhaite photographier et étudier les Montagnais (maintenant la Nation innue Naskapi–Montagnais). Cependant, il aboutit plutôt à Nain, où il photographie surtout des Inuit. Ses photos, rassemblées dans un album de BAC, offrent un aperçu de la vie quotidienne des Nainimiut : traîneaux à chiens, cueillette de bois de grève, enlèvement de la peau de phoque, pêche blanche, etc.

Photo noir et blanc de trois hommes autour d’une meute de chiens de traîneau qui mangent. Il y a un bâtiment blanc en arrière-plan.

Trois hommes inuit nourrissent des chiens de traîneau (e011369232-025)

L’album retrace une époque intéressante pour la communauté. Au Nunatsiavut, les relations avec les Moraves (lien en anglais) sont solides, si bien que de nombreux Nunatsiavummiut (les Inuit du Nunatsiavut) suivent toujours les pratiques moraves.

Les missionnaires moraves germanophones de l’Europe commencent à s’installer au Labrador à la fin des années 1700. Ils établissent huit missions le long de la côte, dont une à Nain en 1771. En 1921, l’église morave de Nain est réduite en cendres.

Les photos de Waugh illustrent les premiers travaux de rénovation de l’église effectués avec les débris de la structure originale (voir la photo ci-dessous). Les Archives de l’Université Memorial (lien en anglais) possèdent des images de l’église morave avant l’incendie ainsi que d’autres photos de Nain prises à cette époque.

Photo noir et blanc des ruines d’un bâtiment avec des articles couverts de neige éparpillés un peu partout.

Ruines de la mission morave à Nain, qui a brûlé à l’automne 1921, Nunatsiavut. Photo : Frederick W. Waugh (e011369232-018)

Le Musée canadien de l’histoire conserve des copies de photos semblables ainsi que des journaux de Waugh intitulés Labrador Eskimo Notes (Notes sur les Esquimaux du Labrador). Ceux-ci décrivent en détail des médicaments, des pratiques de chasse, la gastronomie et des coutumes. Waugh précise dans ces journaux qu’une de ses principales sources est Amos Voisey.

Photo noir et blanc de quatre garçons vêtus de parkas regardant vers l’appareil photo. Il y a deux bâtiments en arrière-plan.

Quatre garçons vêtus de parkas et de kamek à semelles noires (bottes en peau de phoque) (e011369232-009)

J’espère qu’en mettant en valeur cet album photo, il aidera à relier certains points pour d’autres personnes intéressées par le contenu concernant Nain ou Fredrik W. Waugh lui-même, car d’aussi magnifiques photos méritent d’être vues. Les archives sont parfois quelque peu désordonnées et difficiles à explorer. Si vous remarquez que certaines notices sont incomplètes ou inexactes, nous vous encourageons à communiquer avec nous pour nous transmettre des renseignements qui pourraient les améliorer.

Si Nain, le Nunatsiavut et les Nunatsiavummiut vous intéressent, vous pouvez aussi lire le billet de Heather Campbell sur Judith-Pauline White.

Ce blogue fait partie d’une série portant sur les Initiatives du patrimoine documentaire autochtone. Apprenez-en plus sur la façon dont Bibliothèque et Archives Canada (BAC) améliore l’accès aux collections en lien avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Voyez aussi comment BAC appuie les communautés en matière de préservation d’enregistrements de langue autochtone.


Jennelle Doyle est archiviste pour l’initiative Écoutez pour entendre nos voix de Bibliothèque et Archives Canada. Elle a grandi à Churchill Falls, au Labrador. Sa famille vient de la côte sud du Labrador et de l’île de Terre-Neuve. Elle habite à Ottawa depuis 2019 et travaille actuellement sur sa maîtrise à l’Université d’Ottawa, tout en continuant ses travaux dans le cadre de l’initiative.