Frederick W. Waugh au Nunatsiavut

À la gauche de l’image, Tatânga Mânî (le chef Walking Buffalo, aussi appelé George McLean) est à cheval dans une tenue cérémonielle traditionnelle. Au centre, Iggi et une fillette font un kunik, une salutation traditionnelle dans la culture inuite. À droite, le guide métis Maxime Marion se tient debout, un fusil à la main. À l’arrière-plan, on aperçoit une carte du Haut et du Bas-Canada et du texte provenant de la collection de la colonie de la Rivière-rouge.

Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certains pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde — terminologie historique.

Par Jennelle Doyle

Les fonds d’archives cachent souvent bien des surprises! Il est important de s’informer sur la vie des explorateurs, des chercheurs, des anthropologues et des autres personnes ayant donné leurs archives afin de connaître la portée d’une collection.

Frederick W. Waugh est un ethnologue ayant travaillé à la Division d’anthropologie de la Commission géologique du Canada. Sa visite de 1921-1922 dans la communauté inuit de Nain, au Nunatsiavut (région de l’Inuit Nunangat située dans le nord du Labrador), est illustrée dans un album de photos que son fils, R. F. Waugh, a donné à Bibliothèque et Archives Canada (BAC).

Frederick Waugh se rend au Labrador en 1921. Selon son journal, il souhaite photographier et étudier les Montagnais (maintenant la Nation innue Naskapi–Montagnais). Cependant, il aboutit plutôt à Nain, où il photographie surtout des Inuit. Ses photos, rassemblées dans un album de BAC, offrent un aperçu de la vie quotidienne des Nainimiut : traîneaux à chiens, cueillette de bois de grève, enlèvement de la peau de phoque, pêche blanche, etc.

Photo noir et blanc de trois hommes autour d’une meute de chiens de traîneau qui mangent. Il y a un bâtiment blanc en arrière-plan.

Trois hommes inuit nourrissent des chiens de traîneau (e011369232-025)

L’album retrace une époque intéressante pour la communauté. Au Nunatsiavut, les relations avec les Moraves (lien en anglais) sont solides, si bien que de nombreux Nunatsiavummiut (les Inuit du Nunatsiavut) suivent toujours les pratiques moraves.

Les missionnaires moraves germanophones de l’Europe commencent à s’installer au Labrador à la fin des années 1700. Ils établissent huit missions le long de la côte, dont une à Nain en 1771. En 1921, l’église morave de Nain est réduite en cendres.

Les photos de Waugh illustrent les premiers travaux de rénovation de l’église effectués avec les débris de la structure originale (voir la photo ci-dessous). Les Archives de l’Université Memorial (lien en anglais) possèdent des images de l’église morave avant l’incendie ainsi que d’autres photos de Nain prises à cette époque.

Photo noir et blanc des ruines d’un bâtiment avec des articles couverts de neige éparpillés un peu partout.

Ruines de la mission morave à Nain, qui a brûlé à l’automne 1921, Nunatsiavut. Photo : Frederick W. Waugh (e011369232-018)

Le Musée canadien de l’histoire conserve des copies de photos semblables ainsi que des journaux de Waugh intitulés Labrador Eskimo Notes (Notes sur les Esquimaux du Labrador). Ceux-ci décrivent en détail des médicaments, des pratiques de chasse, la gastronomie et des coutumes. Waugh précise dans ces journaux qu’une de ses principales sources est Amos Voisey.

Photo noir et blanc de quatre garçons vêtus de parkas regardant vers l’appareil photo. Il y a deux bâtiments en arrière-plan.

Quatre garçons vêtus de parkas et de kamek à semelles noires (bottes en peau de phoque) (e011369232-009)

J’espère qu’en mettant en valeur cet album photo, il aidera à relier certains points pour d’autres personnes intéressées par le contenu concernant Nain ou Fredrik W. Waugh lui-même, car d’aussi magnifiques photos méritent d’être vues. Les archives sont parfois quelque peu désordonnées et difficiles à explorer. Si vous remarquez que certaines notices sont incomplètes ou inexactes, nous vous encourageons à communiquer avec nous pour nous transmettre des renseignements qui pourraient les améliorer.

Si Nain, le Nunatsiavut et les Nunatsiavummiut vous intéressent, vous pouvez aussi lire le billet de Heather Campbell sur Judith-Pauline White.

Ce blogue fait partie d’une série portant sur les Initiatives du patrimoine documentaire autochtone. Apprenez-en plus sur la façon dont Bibliothèque et Archives Canada (BAC) améliore l’accès aux collections en lien avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Voyez aussi comment BAC appuie les communautés en matière de préservation d’enregistrements de langue autochtone.


Jennelle Doyle est archiviste pour l’initiative Écoutez pour entendre nos voix de Bibliothèque et Archives Canada. Elle a grandi à Churchill Falls, au Labrador. Sa famille vient de la côte sud du Labrador et de l’île de Terre-Neuve. Elle habite à Ottawa depuis 2019 et travaille actuellement sur sa maîtrise à l’Université d’Ottawa, tout en continuant ses travaux dans le cadre de l’initiative.

Manque-t-il de l’information dans les documents historiques portant sur Oronhyatekha?

Par Richie Allen

Quand on effectue des recherches dans des documents archivistiques, on fait parfois des découvertes inattendues.

Dans le cadre de mes fonctions d’archiviste de référence à Bibliothèque et Archives Canada, j’effectue souvent des recherches à la demande de chercheurs. Alors que je vérifiais si une personne donnée avait effectivement suivi une formation militaire officielle en 1865 à la School of Military Instruction de Toronto, j’ai consulté la base de données en ligne de Bibliothèque et Archives Canada, Recherche de fonds d’archives. À partir de mots-clés, j’ai trouvé le premier Register of Candidates énumérant les candidats admis à la School of Military Instruction, dans le Haut-Canada (Toronto), de 1865 à 1867, dans le groupe de documents liés au ministère de la Milice et de la Défense (RG9), no de volume : 7. Quand j’ai consulté le registre de l’école, le nom que je cherchais n’y figurait pas, mais un autre nom a immédiatement attiré mon attention. En lettres cursives d’une autre époque et parmi une énumération de noms présentés dans le format alors en vigueur en Europe (prénom, second prénom et nom de famille), le nom mohawk « Oronhyatekha » tranchait avec le reste.

Photographie en couleur d’un livre ouvert, à gauche, et d’un gros plan du nom apparaissant sur la page du livre, à droite.

Register of Candidates énumérant les candidats admis à la School of Military Instruction, Haut-Canada, de 1865 à 1867. On a encerclé en bleu le nom « Oronhyatekha » pour le mettre en relief. (R180-124-1-E, MIKAN 195106)

Le registre renferme de nombreuses colonnes de renseignements. Tout particulièrement, à la page 9, on peut lire qu’Oronhyatekha avait 23 ans et venait de Shannonvillle, mais qu’il vivait à Toronto. Plus loin, dans d’autres listes, il est écrit qu’il a été admis à l’école de Toronto le 6 mai 1865. Le 29 juillet 1865, on a noté que le candidat a été autorisé à rester à l’école dans le but de se qualifier pour l’obtention d’un certificat de première classe (« candidate permitted to remain in school for purpose of qualifying for 1st class certificate »), un honneur rarement accordé.

Image en couleur du gros plan d’une page tirée d’un livre.

Passage dans le registre indiquant qu’Oronhyatekha a été autorisé à rester à l’école dans le but de se qualifier pour l’obtention d’un certificat de première classe (MIKAN 195106)

On trouve d’autres informations concernant Oronhyatekha, aussi connu sous le nom de Peter Martin, né en 1841, dans le Dictionnaire biographique du Canada, un ouvrage qui répertorie les biographies de certains Canadiens notoires. En lisant l’entrée à son sujet, on remarque qu’il n’y a aucune mention selon laquelle Oronhyatekha aurait fréquenté la School of Military Instruction. En conséquence, il semble que le document historique soit lacunaire et nous nous demandons si ce renseignement devrait être ajouté à sa biographie. N’hésitez pas à communiquer avec nous si vous disposez d’information supplémentaire au sujet de cet homme important.


Richie Allen est un archiviste de référence au sein de la Division des services de référence à Bibliothèque et Archives Canada.

Un livre de comptes autochtone attribué à Michel « L’Aigle » Dokis, v. 1861–1884

Bibliothèque et Archives Canada a, dans sa collection numérique, un exemplaire d’un livre de comptes (dans lequel on peut admirer un système pictographique unique) qui était la propriété du chef ojibwa Michel Dokis.

Comme les documents créés par les Autochtones utilisant des systèmes d’écriture pictographiques sont extrêmement rares, la mise au point et l’utilisation d’un tel système confèrent à Michel Dokis et son journal comptable une importance exceptionnelle. Michel Dokis (appelé l’Aigle) a été l’un des signataires du Traité Robinson-Huron de 1850. Nommé chef à vie en 1850, il est demeuré à la tête de sa communauté jusqu’à sa mort en 1906. Il a été très actif pendant toute la deuxième moitié du 19e siècle, exploitant notamment plusieurs postes de traite dans la région de la rivière French, ce qui serait aujourd’hui la région du Centre et du Nord de l’Ontario. Il semble que Michel Dokis était alphabète et qu’il parlait couramment l’ojibwa et le français.

Le livre de comptes qu’il a tenu pour consigner ses activités commerciales suit les conventions établies pour la tenue d’un grand livre dans un système de comptabilité en partie double, chaque page étant consacrée à l’enregistrement des transactions avec une seule personne ou peut-être une famille. La ligne supérieure indique la nature et la quantité de marchandises destinées au commerce, tandis que la ligne inférieure indique la nature et la quantité de marchandises échangées.

Il est intéressant de noter que le client est identifié dans la marge supérieure par une image représentant son nom (castor, vison, rat musqué, loutre, tortue, canard, oie, faucon, arc et flèche, gland, un homme coiffé d’un chapeau ou d’une casquette ou fumant la pipe); certains noms personnels sont notés en ojibwa, en anglais et en français. Certaines dates sont indiquées en anglais ou en français. Parfois, des commentaires explicatifs sont notés en ojibwa, apparemment pour autoriser un paiement à un tiers ou pour inscrire le règlement définitif du compte.

Là où ça devient vraiment fascinant au sujet de ce grand livre, c’est que les écritures ont été faites au moyen d’un système pictographique unique, élaboré par Michael Dokis, qui n’a pas encore été entièrement déchiffré.

Une reproduction en couleurs d’une page couverte d’une variété de symboles et d’indications. Certains sont des objets de tous les jours parfaitement identifiables : pantalon, une hache, une cafetière.

Une page du livre de comptes où l’on peut voir certains des diagrammes figuratifs utilisés. Remarquez le violon dans le coin supérieur gauche. (MIKAN 3972512)

Les représentations symboliques des marchandises fabriquées proposées dans les échanges sont les plus faciles à déchiffrer -notamment le violon (page 398). Les pièces de vêtement incluent différentes types de chemises, pantalons et robes, des bretelles, chapeaux et bottes (unis, à pois, à rayures ou à carreaux), des châles (avec ou sans franges) et des peignes. Parmi les pièces d’équipement et les outils, on peut voir des ciseaux, des bobines de fil et des boutons; des écheveaux de ficelle ou de corde, des chandelles; des couteaux, des hachettes ou des haches, des clous, des limes, des tarières, des carabines, des pièges, des couvertures et des tentes. Des rayures (///) sur une couverture, un piège ou d’autres articles devaient probablement indiquer le nombre.

Une reproduction en couleurs d’une page couverte d’une variété de symboles et d’indications. Certains sont des objets de tous les jours parfaitement identifiables : un pantalon, une hache, une cafetière.

Une autre page du livre de comptes où l’on peut voir certains des diagrammes figuratifs utilisés. Datée de 1861. (MIKAN 3972512)

Pour déchiffrer les images plus abstraites, il faut des connaissances de la langue ojibwa et du milieu de la traite pour lequel ce système d’écritures a été élaboré. Est-ce que le bout plissé d’un mocassin représente l’article au complet? Les théières munies d’un bec verseur incurvé peuvent-elles être associées au thé, tandis qu’un récipient à côtés droits évoquerait le café? Est-ce qu’une robe de femmes dans un rectangle représente un miroir? Les petits points dans une forme en U pourraient-ils indiquer de la farine, tandis que les petits points dans un double cercle indiqueraient de la poudre noire, ou inversement? Les symboles qui pourraient être définis comme des B, C et K stylisés ou inversés pourraient indiquer des fourrures précises (selon leur nom en ojibwa) et les hachures croisées pourraient indiquer des chiffres.

Une reproduction en couleurs d’une page du grand livre. Écrite à l’aide d’une plume et d’encre, en langue ojibwa. On remarque dans le coin intérieur du bas des dommages causés par l’eau et quelques lignes brunes.

Une page du livre de comptes, écrite en ojibwa (MIKAN 3972512)

Le décodage de ces symboles présente un véritable défi. Peut-être saurez-vous résoudre le mystère!