Kimutset Labradorimi

À gauche, Tatânga Mânî [chef Walking Buffalo] [George McLean] monte à cheval et porte son costume traditionnel des Premières Nations. Au centre, Iggi et une fille échangent un « kunik », un baiser traditionnel dans la culture inuit. À droite, le guide métis Maxime Marion tient un fusil. À l’arrière-plan, il y a une carte du Haut et du Bas-Canada, ainsi qu’un texte de la collection Red River Settlement [colonie de la rivière Rouge].Ce blogue fait partie de notre programme De Nations à Nations : voix autochtones à Bibliothèque et Archives Canada. Pour lire ce billet de blogue en Inuttut, visitez le livrel.

De Nations à Nations : voix autochtones à Bibliothèque et Archives Canada est gratuit et peut être téléchargé sur Apple Books (format iBooks) ou sur le site Web de BAC (format EPUB). On peut aussi consulter une version en ligne au moyen d’un ordinateur, d’une tablette ou d’un navigateur Web mobile; aucun module d’extension n’est requis.

par Jennelle Doyle

Depuis des temps immémoriaux, les traîneaux à chiens jouent un rôle central dans les communautés inuit. Le talent historique qu’ont les Inuit pour se déplacer sur la nuna (terre) leur vient en partie de l’utilisation des traîneaux et des attelages de chiens. Les Inuit ont appris à lire le paysage au fil du temps, se servant de leurs Kimutset (attelages de chiens) pour voyager sur de longues distances, chasser, ramasser du bois de chauffage et mener de nombreuses autres tâches essentielles à la vie quotidienne au Labrador. Les Kimutset étaient nos ambulances, nos moyens de transporter marchandises et nourriture, et nos véhicules. Sans eux, en hiver, on n’avait plus que nos pieds.

Un Kimutsik (attelage de chiens) peut comporter de deux à douze Kimmet (huskies) ou même plus, selon ce qu’il faut tirer. Les Kimmet sont attelés à un Kamutik (traîneau) au moyen d’un anuk (harnais), la plupart du temps fait d’anuksak (habituellement de la peau de phoque transformée en harnais). De nos jours, on tend à remplacer l’anuksak par des cordes.

Photo noir et blanc d’un groupe de chiens de traîneau assis sur un amas de neige entassée contre une bâtisse. Des lattes en bois horizontales obstruent une fenêtre. Dans le coin inférieur droit de la photo, un chien se tient seul, à l’écart du groupe.

Kimmet, Nain, Nunatsiavut (Labrador), [1920–1922]. (e011369232-023_s1)

Sur la glace de mer, on utilise l’anuk en forme d’éventail pour que le Kamutik se déplace plus en douceur sur la surface inégale. On attelle parfois les Kimmet à la queue leu leu, habituellement dans les secteurs plus boisés. Comme vous pouvez l’imaginer, par le passé, se débrouiller sans Kimutsik était très difficile et pouvait même être dangereux puisque cela limitait l’accès à la nuna/nunak, et donc, aux fournitures ou à la chasse.

Si de nombreux conducteurs de traîneaux donnent aujourd’hui à leur Kimutsik des commandements en anglais, d’autres utilisent toujours l’inuttut. Les commandements dans cette langue font d’ailleurs un retour dans certaines communautés, alors que les Inuit redécouvrent l’importance de parler leur langue ancestrale au quotidien. On peut entendre des conducteurs crier â! (arrête!), au/auk (à droite), ha’ra (à gauche), hau (viens), huit! (allez!) et kimmik (au pied). Remarquez l’importante distinction entre le K majuscule et le k minuscule dans l’orthographe en alphabet latin des mots en inuttut (dialecte du Labrador) : Kimmik signifie « chien », mais kimmik signifie « un talon » (d’où le commandement « au pied »). Les deux mots ne sont d’ailleurs pas prononcés de la même façon : le son initial du premier mot est plutôt semblable à un « h ».

Les Kimmet vivent généralement à l’extérieur toute l’année. Quand mon arrière-grand-mère était enfant, on voyait souvent des chiens de traîneau dormir sur le toit d’une illuk/illusuak (hutte de terre) en aujak (été). De nos jours, les chiens de traîneau sont dans des enclos ou près de la glace de mer. On les nourrit de KimmiKutitsiak/KimmiKautitsak (nourriture pour chiens), principalement composée de restes d’aliments traditionnels comme du caribou et de l’omble chevalier. L’utsuk (gras de phoque) procure aux Kimmet l’énergie dont ils ont besoin pour rester bien au chaud pendant les froids mois d’ukiuk (hiver) et donne une belle apparence à leur fourrure.

Hier et aujourd’hui

Les pionniers du Labrador ont assuré leur survie grâce aux Inuit, autant les guides en traîneaux à chiens que les résidents locaux. Fondée à la fin du 19e siècle par le Dr Wilfred Grenfell, la mission Grenfell était un organisme philanthropique qui fournissait des services médicaux et sociaux au Labrador. Elle n’aurait jamais pu joindre la majorité des communautés du Labrador et certaines autres du nord de Terre-Neuve sans des guides inuit et leurs Kimutset. Cette dépendance est évidente dans les nombreux journaux de la mission, bien que le Dr Grenfell ait fini par en apprendre suffisamment sur les chiens de traîneau pour se doter de son propre attelage.

Les Inuit continuent de s’adapter à un milieu en constante évolution. L’arrivée de la motoneige a sans conteste entraîné une baisse du nombre d’attelages de chiens, mais on peut toujours apercevoir des Kimutset traverser le Nunaat/Nunangat des Inuit. Le traîneau à chiens est devenu principalement un loisir, de même qu’une activité très prisée des touristes qui visitent le Nord. C’est une bonne nouvelle : le tourisme aide à faire vivre les conducteurs de traîneaux inuit, et donc à soutenir les familles, contribuant ainsi à la préservation des pratiques culturelles des Inuits. Des courses patrimoniales sont également tenues chaque année dans certaines communautés. Les Jeux d’hiver du Labrador ont également lieu tous les trois ans à Happy Valley–Goose Bay; toutes les communautés du Labrador peuvent y participer.

Photo noir et blanc montrant deux hommes se tenant de part et d’autre d’un traîneau chargé (milieu de la photo). Plus loin, on aperçoit un groupe de chiens harnachés tirant le traîneau vers la gauche. Dans le coin inférieur droit de la photo, on voit un garçon qui marche. À l’horizon, on voit une grande colline avec de la neige éparse.

Deux hommes inok/inuuk partant avec un Kimutsik depuis la baie, un garçon Inuk marchant à l’avant-plan, Nain, Nunatsiavut (Labrador), [1920-1922]. (e011369232-027_s2)

Vocabulaire

  • Anuk – harnais
  • Anuksak – harnais fait de peau de phoque
  • Kamutik – traîneau
  • Kimmet – huskies (chiens de traîneau)
  • Kimmik – husky (chien de traîneau)
  • kimmik – au pied (commandement donné aux chiens)
  • KimmiKutitsiak/KimmiKautitsak – nourriture pour chiens
  • Kimutset – attelages de chiens
  • Kimutsik – attelage de chiens
  • Utsuk – gras de phoque

Dictionnaire d’inuttut du Labrador


Jennelle Doyle était archiviste pour l’initiative Écoutez pour entendre nos voix de Bibliothèque et Archives Canada. Elle a grandi à Churchill Falls, au Labrador. Sa famille vient de la côte sud du Labrador et de l’île de Terre-Neuve

Frederick W. Waugh au Nunatsiavut

À la gauche de l’image, Tatânga Mânî (le chef Walking Buffalo, aussi appelé George McLean) est à cheval dans une tenue cérémonielle traditionnelle. Au centre, Iggi et une fillette font un kunik, une salutation traditionnelle dans la culture inuite. À droite, le guide métis Maxime Marion se tient debout, un fusil à la main. À l’arrière-plan, on aperçoit une carte du Haut et du Bas-Canada et du texte provenant de la collection de la colonie de la Rivière-rouge.

Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certains pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde — terminologie historique.

Par Jennelle Doyle

Les fonds d’archives cachent souvent bien des surprises! Il est important de s’informer sur la vie des explorateurs, des chercheurs, des anthropologues et des autres personnes ayant donné leurs archives afin de connaître la portée d’une collection.

Frederick W. Waugh est un ethnologue ayant travaillé à la Division d’anthropologie de la Commission géologique du Canada. Sa visite de 1921-1922 dans la communauté inuit de Nain, au Nunatsiavut (région de l’Inuit Nunangat située dans le nord du Labrador), est illustrée dans un album de photos que son fils, R. F. Waugh, a donné à Bibliothèque et Archives Canada (BAC).

Frederick Waugh se rend au Labrador en 1921. Selon son journal, il souhaite photographier et étudier les Montagnais (maintenant la Nation innue Naskapi–Montagnais). Cependant, il aboutit plutôt à Nain, où il photographie surtout des Inuit. Ses photos, rassemblées dans un album de BAC, offrent un aperçu de la vie quotidienne des Nainimiut : traîneaux à chiens, cueillette de bois de grève, enlèvement de la peau de phoque, pêche blanche, etc.

Photo noir et blanc de trois hommes autour d’une meute de chiens de traîneau qui mangent. Il y a un bâtiment blanc en arrière-plan.

Trois hommes inuit nourrissent des chiens de traîneau (e011369232-025)

L’album retrace une époque intéressante pour la communauté. Au Nunatsiavut, les relations avec les Moraves (lien en anglais) sont solides, si bien que de nombreux Nunatsiavummiut (les Inuit du Nunatsiavut) suivent toujours les pratiques moraves.

Les missionnaires moraves germanophones de l’Europe commencent à s’installer au Labrador à la fin des années 1700. Ils établissent huit missions le long de la côte, dont une à Nain en 1771. En 1921, l’église morave de Nain est réduite en cendres.

Les photos de Waugh illustrent les premiers travaux de rénovation de l’église effectués avec les débris de la structure originale (voir la photo ci-dessous). Les Archives de l’Université Memorial (lien en anglais) possèdent des images de l’église morave avant l’incendie ainsi que d’autres photos de Nain prises à cette époque.

Photo noir et blanc des ruines d’un bâtiment avec des articles couverts de neige éparpillés un peu partout.

Ruines de la mission morave à Nain, qui a brûlé à l’automne 1921, Nunatsiavut. Photo : Frederick W. Waugh (e011369232-018)

Le Musée canadien de l’histoire conserve des copies de photos semblables ainsi que des journaux de Waugh intitulés Labrador Eskimo Notes (Notes sur les Esquimaux du Labrador). Ceux-ci décrivent en détail des médicaments, des pratiques de chasse, la gastronomie et des coutumes. Waugh précise dans ces journaux qu’une de ses principales sources est Amos Voisey.

Photo noir et blanc de quatre garçons vêtus de parkas regardant vers l’appareil photo. Il y a deux bâtiments en arrière-plan.

Quatre garçons vêtus de parkas et de kamek à semelles noires (bottes en peau de phoque) (e011369232-009)

J’espère qu’en mettant en valeur cet album photo, il aidera à relier certains points pour d’autres personnes intéressées par le contenu concernant Nain ou Fredrik W. Waugh lui-même, car d’aussi magnifiques photos méritent d’être vues. Les archives sont parfois quelque peu désordonnées et difficiles à explorer. Si vous remarquez que certaines notices sont incomplètes ou inexactes, nous vous encourageons à communiquer avec nous pour nous transmettre des renseignements qui pourraient les améliorer.

Si Nain, le Nunatsiavut et les Nunatsiavummiut vous intéressent, vous pouvez aussi lire le billet de Heather Campbell sur Judith-Pauline White.

Ce blogue fait partie d’une série portant sur les Initiatives du patrimoine documentaire autochtone. Apprenez-en plus sur la façon dont Bibliothèque et Archives Canada (BAC) améliore l’accès aux collections en lien avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Voyez aussi comment BAC appuie les communautés en matière de préservation d’enregistrements de langue autochtone.


Jennelle Doyle est archiviste pour l’initiative Écoutez pour entendre nos voix de Bibliothèque et Archives Canada. Elle a grandi à Churchill Falls, au Labrador. Sa famille vient de la côte sud du Labrador et de l’île de Terre-Neuve. Elle habite à Ottawa depuis 2019 et travaille actuellement sur sa maîtrise à l’Université d’Ottawa, tout en continuant ses travaux dans le cadre de l’initiative.