Par Dylan Roy
« Enfourche ton vélo et vas-y! »
Ces mots, ma mère me les répétait souvent dans ma jeunesse lorsque je lui demandais de me conduire quelque part. Avec le recul, même si je lui en voulais parfois de m’obliger à rester actif (enfant un peu paresseux que j’étais), je suis reconnaissant d’avoir sillonné toutes ces rues à vélo pendant mon adolescence. En plus de m’offrir une bonne dose d’exercice, le vélo m’apportait une certaine autonomie et me permettait de tisser des liens sociaux dont j’avais grandement besoin.
À bien y penser, le vélo est un phénomène humain quasi universel. J’ai été surpris d’apprendre que même l’Armée canadienne y avait recours. Je n’avais jamais réfléchi aux raisons qui pouvaient en justifier l’usage. Le vélo me semblait être une activité trop éloignée de la réalité militaire, une activité réservée aux civils. Pourtant, l’Armée canadienne a intégré l’usage du vélo dans ses rangs pendant une grande partie de son histoire.
Les bicyclettes ont en effet joué un rôle central dans l’accomplissement des missions de certaines unités militaires. Cette série mettra en lumière les fonctions de ces unités cyclistes. Le premier volet portera spécifiquement sur les divisions ayant servi pendant la Première Guerre mondiale. Alors enfilez votre casque et pédalez vers les paragraphes qui suivent pour découvrir l’histoire des courageux cyclistes qui ont servi notre armée pendant la Grande Guerre.

Photographie panoramique du 2e Bataillon de cyclistes du Corps canadien, Force expéditionnaire canadienne. (e010932293)
Commençons par souligner que Bibliothèque et Archives Canada (BAC) propose de nombreuses ressources sur les divisions, compagnies et corps de cyclistes ayant servi durant la Première Guerre mondiale. L’une des plus précieuses est le Guide des sources pour les unités du Corps expéditionnaire canadien : Cyclistes. Ce guide est une mine d’informations pour les chercheurs sur de nombreux aspects de ces unités cyclistes. Il faut toutefois faire preuve de vigilance, car certaines des références archivistiques de ce guide comportent des erreurs de transcription. Malgré cela, ces outils restent d’une grande valeur pour la recherche.
Outre les ressources de BAC, l’Histoire officielle de l’Armée canadienne dans la Grande Guerre 1914-1919, Tome 1, Partie 1 constitue une source précieuse d’informations sur les unités cyclistes.
Cela dit, à quoi ressemblaient les missions des unités cyclistes durant la guerre? L’Encyclopédie canadienne résume leur rôle comme suit : « Pendant la Première Guerre mondiale, on encourage les jeunes hommes adeptes de la bicyclette à devenir membre du Canadian Corps Cyclists’ Battalion. Plus de 1000 hommes le font. Leurs tâches vont de la livraison des messages, de la lecture des cartes aux activités de reconnaissance et au véritable combat. »
Grâce à leur équipement particulier, les unités cyclistes bénéficiaient d’une mobilité supérieure à celle des unités d’infanterie, ce qui les classait parmi les troupes « montées », au même titre que le Canadian Light Horse Regiment (avec l’avantage que les freins étaient plus faciles à vérifier, comme dirait Lambert Jeffries). Vous pouvez d’ailleurs constater leur position hiérarchique dans l’Organigramme du Corps expéditionnaire canadien (CEC) de 1918 ci-dessous :

Deux images représentant un organigramme de la Force expéditionnaire canadienne en 1918. La première capture d’écran montre le schéma complet, alors que la seconde met en évidence la position du Bataillon de cyclistes du Corps canadien. (Organigramme du Corps expéditionnaire canadien de 1918)
Bien que les unités cyclistes aient joué un rôle actif pendant la guerre, elles ont d’abord dû suivre un entraînement rigoureux. BAC propose sur sa chaîne YouTube plusieurs vidéos sur l’Armée canadienne, dont une montrant une journée typique pour les membres des unités cyclistes en 1916. Ce film, un bien patrimonial de BAC, est offert en anglais seulement.
La vidéo montre l’importance de nombreux aspects, allant des tâches plus ordinaires de la vie militaire, comme la lessive, aux éléments cruciaux de la formation, tels que les exercices, la signalisation et la reconnaissance.

Quatre scènes tirées de la vidéo The Divisional Cyclists : A Glimpse of a Day’s Training (1916) illustrant des exercices de signalisation, des entraînements et des initiatives de reconnaissance. (ISN 285582)
Une fois leur formation achevée, les unités cyclistes prenaient directement part aux efforts de guerre. Ces infatigables hommes à vélo avaient l’expérience du combat, participant à certaines des batailles les plus marquantes de la Première Guerre mondiale, telles qu’Ypres et Vimy. L’extrait suivant, tiré du journal de guerre de la 1re Compagnie divisionnaire canadienne de cyclistes, décrit les terribles événements de la bataille d’Ypres et le rôle de la division le 22 avril 1915, près d’Elverdinghe :
À 16 h 30, un bombardement intense a débuté sur le front, immédiatement à l’est de notre position. Toute la ligne semblait enveloppée d’un nuage de fumée verdâtre. À 18 h 30, on a signalé l’arrivée de nombreux soldats des troupes sud-africaines, déroutés, venant des tranchées de première ligne. Tous au bord de l’effondrement, ils se plaignaient d’un nouveau gaz mortel transporté par un léger vent du nord-est depuis les tranchées ennemies. On a donné l’ordre à la D.M.T. de se tenir prête.
À 19 h 15, des instructions en provenance du quartier général de la division ont été reçues, ordonnant un déplacement immédiat au Château des trois tours. Les cyclistes ont été positionnés en attente sur l’avenue menant à la route Elverdinghe – Ypres. La communication étant interrompue avec les différentes unités d’infanterie et d’artillerie, le quartier général de la division a demandé par moments aux cyclistes d’agir comme messagers auprès des quartiers généraux des différentes brigades. À 22 h 10, le lieutenant Chadwick et le 1er peloton ont été envoyés en patrouille profonde sur le front immédiat, au-delà du canal. Le caporal Wingfield et sa section ont été dépêchés pour une patrouille profonde derrière les lignes de tranchées sur notre flanc gauche. [traduction]

Capture d’écran du journal de guerre de la 1re Compagnie divisionnaire canadienne de cyclistes. (e001131804, image 53)
Cet extrait illustre le chaos de la guerre et les épreuves endurées par de nombreux soldats lors de cette journée fatidique d’avril 1915. Il évoque également certains des aspects les plus marquants de la Première Guerre mondiale, notamment l’utilisation de gaz, décrits comme des nuages de fumée verdâtre. En outre, il offre un aperçu des principales missions accomplies par les cyclistes, notamment en matière de communications, de transport de messages et de patrouilles de reconnaissance.
Durant la guerre, les divisions cyclistes ont pris de l’ampleur. Puis, comme mentionné précédemment, un bataillon entier, le Bataillon de cyclistes du Corps expéditionnaire canadien, a été mis sur pied. BAC consacre une sous-série entière à ce bataillon. Des détails supplémentaires expliquant sa formation et sa dissolution sont fournis dans la section Biographie/Histoire administrative. En voici un extrait :
« Le Bataillon de cyclistes du Corps d’armée canadien [Canadian Corps Cyclist Battalion] a été constitué à Abeele en mai 1916 sous le commandement du major A. McMillan et a été formé en fusionnant la 1re, la 2e et la 3e compagnies de cyclistes de la Division canadienne. Le bataillon a été démobilisé à Toronto en avril 1919 et a été démantelé en vertu de l’ordonnance générale 208 du 15 novembre 1920. Au Canada, les compagnies de cyclistes faisaient appel à des recrues « disposant d’une intelligence supérieure à la moyenne et d’un bon niveau d’études » ». (n° MIKAN 190737)
En consultant les descriptions de niveau inférieur de cette sous-série, on découvre des documents relatifs au bataillon. La sous-série couvre une variété de sujets, notamment le programme d’entraînement de la compagnie de réserve des cyclistes et des témoignages de prisonniers de guerre canadiens, entre autres.

Photographie des officiers du Bataillon de cyclistes du Corps expéditionnaire canadien, prise en janvier 1919. (PA-003928)
Les unités cyclistes canadiennes n’étaient pas en reste. Elles ont eu un impact significatif sur l’effort de guerre grâce à leurs missions en matière de reconnaissance, de communications, de signalisation et de combat actif. Il est impressionnant de penser que ces hommes, équipés de bicyclettes rudimentaires, ont parcouru les terrains hostiles de l’Europe pendant la Première Guerre mondiale pour accomplir leurs missions. Cela relativise bien mes propres plaintes lorsque je peine à gravir une colline en chemin vers le boulot, pourtant équipé d’une monture nettement plus moderne et performante. La détermination et le courage dont ont fait preuve les membres des unités cyclistes de l’Armée canadienne durant cette période sont une grande source d’inspiration.
Sources supplémentaires
- Histoire officielle de l’Armée canadienne dans la Grande Guerre 1914-1919
- Encyclopédie canadienne : Bicyclettes
- Organigramme du Corps expéditionnaire canadien (CEC) de 1918
Dylan Roy est archiviste de référence à la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.





























