Bibliothèque et Archives Canada fait l’acquisition d’un livre ancien

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Par Meaghan Scanlon

Bibliothèque et Archives Canada (BAC) a récemment fait l’acquisition d’un exemplaire du livre Relation de ce qvi s’est passé en la mission des pères de la Compagnie de lésvs aux Hurons, pays de la Nouuelle France, és années 1648. & 1649, grâce au soutien de la Fondation de Bibliothèque et Archives Canada.

Publié à Paris en 1650, ce livre fait partie d’une série de publications connues sous le nom de Relations des jésuites. Il s’agit de rapports écrits par des missionnaires jésuites établis en Nouvelle-France. Publiés annuellement de 1632 à 1673, ces rapports renseignaient les supérieurs des missionnaires, en France, sur les progrès des missions. Les Relations ainsi publiées ont rejoint un vaste lectorat et ont contribué à renforcer l’appui de la population française aux efforts des jésuites en Nouvelle‑France. Même si les Relations doivent être interprétées dans le contexte colonial de l’époque, elles n’en demeurent pas moins des documents importants qui relatent l’histoire de la Nouvelle-France. Elles constituent une source d’information précieuse – bien que partiale et revue en profondeur – sur les peuples autochtones qui vivaient dans la région alors appelée la Nouvelle‑France, ainsi que sur leurs premières interactions avec les missionnaires colonisateurs venus d’Europe.

L’ouvrage acheté par BAC est la première édition de la Relation de ce qui s’est passé en 1648 et 1649. On attribue sa rédaction à Paul Ragueneau, le supérieur de la mission jésuite dans le territoire du peuple huron-wendat. Le rapport traite d’événements historiques notables, notamment le conflit entre les Haudenosaunee (Iroquois) et les Hurons, qui a entraîné la destruction de la mission des jésuites sur le territoire huron (Wendake) par les Haudenosaunee, ainsi que de la mort des jésuites Jean de Brébeuf et Gabriel Lalemant, par la suite canonisés par l’Église catholique.

La collection de livres rares de BAC est principalement constituée d’ouvrages Canadiana publiés avant 1867. (BAC définit Canadiana comme des publications produites au Canada, portant sur le Canada ou créées par des personnes originaires du Canada ou ayant des liens avec le Canada.) La collection de livres rares de BAC comprend une collection exceptionnelle d’environ 65 numéros des Relations des jésuites. Bien que BAC n’ait pas d’exemplaire du premier rapport, publié en 1632, il possède au moins un exemplaire de chaque édition pour presque chacune des années qui ont suivi.

Les Relations des jésuites sont aujourd’hui considérées comme des livres rares « importants ». Toutefois, lors de leur publication, ils relevaient probablement davantage de la littérature de masse. Cette perception historique découle de la façon dont les exemplaires de la collection de BAC sont reliés. La reliure de plusieurs livres est en vélin souple . Contrairement à la reliure à couverture rigide qui est collée sur un carton, la reliure souple ne contient pas de carton. Le livre ancien à reliure souple est en quelque sorte l’ancêtre du livre de poche, à la différence que sa couverture est généralement faite de peau d’animal plutôt que de papier. La plupart des exemplaires des Relations des jésuites que BAC possède ont une couverture faite de peau de vélin, d’où le terme vélin souple.

Tout comme les livres de poche modernes coûtent habituellement moins cher que ceux à couverture rigide, les reliures souples constituaient une option plus modique pour les acheteurs de livres du XVIIe siècle. La plupart des exemplaires des Relations des jésuites de la collection de BAC sont également modestes et dénués de décoration, outre le titre écrit à la main à l’encre sur le dos, un autre détail qui laisse penser qu’ils étaient peu coûteux. De plus, ils étaient généralement très petits, mesurant quelque 20 centimètres de hauteur.

En fait, la nouvelle acquisition est si légère que la personne qui l’a livrée à BAC avait l’impression que la boîte était vide! Sa reliure est elle aussi faite de vélin souple. Fait intéressant à souligner, la couverture en vélin a été fabriquée à partir d’une ancienne partition qui semble dater du XVIe ou du XVIIe siècle. À l’époque, il était courant pour les relieurs d’utiliser des matériaux mis au rebut, comme des pages de vieux manuscrits. Bien sûr, le recyclage permet de réduire les coûts, et une couverture faite de vélin réutilisé est un autre signe que le livre en question était considéré comme un article « bon marché ».

Certains signes laissent toutefois croire que cette reliure ne date pas de l’époque de la publication du livre. En effet, les pages de garde sont faites d’un papier différent et plus récent que celui utilisé pour le cahier (pages du texte). Les marges des pages sont également très étroites, ce qui indique que les pages ont été rognées, vraisemblablement lorsque le livre a été relié de nouveau.

Les modifications précises qui ont été apportées à ce livre au fil du temps sont un mystère que les restaurateurs de livres de BAC tenteront d’élucider. Cependant, si le livre a été relié à neuf à un certain moment au cours des quelque 400 ans qui se sont écoulés depuis sa publication, comme cela semble être le cas, la personne qui a fait le travail s’est efforcée d’utiliser des matériaux et des techniques fidèles à ceux qui étaient en usage lorsque le livre a été initialement publié.

Photographie montrant un petit livre relié avec un morceau de vélin sur lequel sont écrites des notes de musique à l’encre rouge et noire dans un style calligraphique. Le vélin semble dater du XVIe ou du XVIIe siècle.

Couverture du deuxième exemplaire détenu par BAC du livre Relation de ce qvi s’est passé en la mission des pères de la Compagnie de lésvs aux Hurons, pays de la Nouuelle France, és années 1648. & 1649, publié à Paris par l’éditeur Sébastien Cramoisy en 1650 (OCLC 1007175731).

Ressources complémentaires


Meaghan Scanlon est bibliothécaire principale des collections spéciales à la Division des acquisitions publiées de Bibliothèque et Archives Canada.

À la découverte de mon grand-père Robert Roy Greenhorn : sa vie dans les Orphan Homes of Scotland (partie 3)

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Groupe de garçons travaillant dans un champ à la ferme école de la Philanthropic SocietyPar Beth Greenhorn

Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certains pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde – terminologie historique.

Je tiens à remercier Mary Munk (collègue à la retraite du secteur de la généalogie et de l’histoire familiale de Bibliothèque et Archives Canada), ma tante Anna Greenhorn, ma cousine Pat Greenhorn et Steven Schwinghamer (Quai 21) pour l’aide qu’ils m’ont apportée dans la rédaction des parties 3 et 4 de cette série.

Au moment d’écrire ce troisième article sur mon grand-père Robert Roy Greenhorn, je n’avais toujours trouvé aucun document relatif à son émigration au Canada. J’ai contacté Quarriers Records Enquiry, mais selon le site British Home Children in Canada, les rapports conservés par Quarrier Orphan Homes of Scotland sur les progrès des enfants dans leurs foyers canadiens ont été détruits, semble-t-il à la suite d’une erreur de communication lors de la fermeture de l’établissement canadien en 1938. J’espérais également retrouver des documents concernant son placement dans les deux familles d’accueil avec lesquelles il a vécu après son arrivée à la maison de répartition Fairknowe, à Brockville, en Ontario, en 1889, mais je n’ai pas eu cette chance jusqu’à présent.

À ce jour, je n’ai pu mettre la main que sur deux documents se rapportant expressément à mon grand-père.

Le premier est ce portrait de groupe pris en mars 1889, peu après son arrivée à la maison Fairknowe. Robert et son frère John figurent tous deux sur cette photo. Tous les garçons sont nommés sous l’image, dans l’ordre alphabétique de leurs prénoms. Comme je n’ai jamais vu de photo de mon grand-père lorsqu’il était enfant, je suis incapable de le reconnaître. Selon ma tante Anna Greenhorn (la femme de mon oncle John), mon grand-père était très petit pour son âge. Je sais que, d’après la liste de passagers sur laquelle il figure, il était l’un des plus jeunes garçons de son groupe. Je me demande s’il ne fait pas partie des plus petits, au premier rang.

Photo en noir et blanc d’un grand groupe de garçons et de plusieurs hommes et femmes se tenant debout sur le parterre, l’escalier et la galerie d’un bâtiment en stuc blanc.

Le groupe d’arrivants du navire Siberian, 26 mars 1889, maison Fairknowe, Brockville, Ontario. Photo : William Quarrier – Brockville, Ont. 7 200 immigrés – « BRITISH HOME CHILDREN IN CANADA » (weebly.com)

La deuxième référence est une brève déclaration figurant à la page 43 du document Narrative of Facts, le rapport annuel de William Quarrier pour 1894. On peut y lire : [traduction] « […] un garçon de neuf ans, frère des deux enfants amenés au Canada précédemment, qui se portent bien. Celui-ci habitait avec une sœur mariée, mais il devenait incontrôlable et, malgré son jeune âge, il a volé, etc. » [Source : sans titre (iriss.org.uk)] Le garçon de neuf ans est Norval, le plus jeune frère de mon grand-père, et Jeanie, alors mariée, est sa sœur. Norval a quitté l’Écosse le 29 mars 1894. Il est arrivé à Halifax, en Nouvelle-Écosse, le 16 avril 1894, avant de rejoindre la maison Fairknowe à Brockville, en Ontario.

À la fin de la partie 2 de cette série, j’ai interrompu mon récit au moment où mon grand-père et son frère John ont été transférés du City Orphan Home, à Glasgow, à l’Orphan Homes of Scotland, situé à Bridge of Weir, à environ 25 kilomètres. Ils ont déménagé lorsque des lits se sont libérés à la suite de l’émigration annuelle de garçons vers le Canada. C’était le 11 juin 1886. L’Orphan Homes of Scotland allait héberger Robert et John pendant près de trois ans.

Lorsque mon grand-père et son frère arrivent à l’Orphan Homes of Scotland, cet orphelinat, d’abord constitué de deux maisons de campagne pouvant accueillir chacune de 20 à 30 enfants, est devenu une communauté autonome comptant près de 600 enfants (source, p. 37). Appelée « The Village », la communauté se compose de 16 maisons de campagne, d’une blanchisserie, d’ateliers et de fournils, d’un magasin et d’un bureau de poste, d’une écurie et d’une étable, d’un poulailler, d’une serre, de l’église Mount Zion, de salles de classe et d’une maison destinée au surintendant de l’établissement. Le bâtiment central abrite la salle principale, les salles de classe et les logements des enseignants. Il y a aussi le James Arthur, un navire enclavé destiné à l’entraînement des garçons qui allaient travailler dans la marine.

Le 14 mars 1889, une réunion spéciale est tenue au Village pour dire adieu aux garçons qui partent pour le Canada. Robert et John, ainsi que 128 autres garçons, quittent l’Écosse dès le lendemain. Des résidents de Glasgow et de Paisley sont invités à la réception. Selon un article paru dans le Glasgow Herald intitulé « Orphan Homes of Scotland: Departure of Children for Canada » (15 mars 1889, p. 8), plusieurs centaines de véhicules ont convergé vers la gare de Bridge of Weir, transportant des gens venus dire adieu aux petits immigrés. Je ne saurai jamais si la sœur aînée de Robert et John, Jeanie, qui travaillait à Paisley en 1885, faisait partie des invités. Si elle était présente, j’espère qu’elle a eu l’occasion de voir ses jeunes frères une dernière fois et de les serrer tous les deux dans ses bras.

Chaque garçon et fille qui émigrait au Canada recevait un coffre en bois portant l’initiale de son prénom et son nom de famille. Ma cousine Pat Greenhorn a hérité du coffre de notre grand-père, seul souvenir de son enfance. Comme je l’ai mentionné dans la partie 1 de cette série, chaque enfant était appelé à travailler. Les filles étaient généralement employées comme domestiques, et les garçons, comme ouvriers agricoles. Les coffres contenaient donc des vêtements de travail adaptés aux saisons canadiennes, une tenue pour la messe, des articles de toilette, du nécessaire pour recoudre les chaussettes et les vêtements, ainsi qu’une bible. En outre, les enfants recevaient un exemplaire du livre The Pilgrim’s Progress (le voyage du pèlerin) de John Bunyan, une allégorie religieuse racontant l’histoire d’un homme nommé Christian. Honteux et habité par le péché, Christian quitte la Cité de la destruction pour la Cité céleste en quête de la rédemption. Ce livre populaire a sans aucun doute été choisi pour les enseignements religieux et moraux qu’il renferme, afin d’encourager les enfants dans leur parcours et leur nouvelle vie au Canada.

Photo d’un coffre en bois marron. Un nom est inscrit au pochoir en lettres majuscules blanches du côté droit, et un autre nom en petites majuscules noires est visible dans le coin inférieur gauche.

Le coffre de Robert Greenhorn fourni par Quarrier Orphan Homes of Scotland. Photo : gracieuseté de Pat Greenhorn.

Robert et John ont voyagé sur le navire à vapeur S.S. Siberian, exploité par la compagnie de transport maritime Allan Line. Bibliothèque et Archives Canada (BAC) ne possède pas d’images numérisées de ce navire, mais détient une carte postale du S.S. Sardinian, qui a amené de petits immigrés au Canada à partir de 1875. Il est semblable au navire sur lequel mon grand-père a voyagé. Le Sardinian figure également sur le timbre-poste canadien de 2010 commémorant les petits immigrés anglais (voir la partie 1).

Photo en couleur d’un navire aux flancs noirs avec une bande rouge dans la partie inférieure et une cheminée rouge, noir et blanc. Un plus petit bateau blanc avec quatre rames et une cheminée qui fume est ancré à tribord, devant. Le nom du navire est écrit en lettres rouges dans le coin supérieur droit de l’image.

Le S.S. Sardinian, exploité par Allan Line, vers 1875-1917 (a212769k).

BAC possède la liste des passagers, y compris les garçons des orphelinats Quarrier et le reste des passagers de cabine, qui sont partis de Glasgow et de Liverpool pour se diriger vers le Canada sur le Siberian en mars 1889. Mon grand-père, inscrit sous le nom de Rob Greenhorn, figure parmi les garçons âgés de neuf ans.

À l’instar de tous les groupes d’émigrants des orphelinats Quarrier, mon grand-père a voyagé vers le Canada dans l’entrepont. Il s’agissait des places les moins chères sur les longs voyages en bateau à vapeur. Si l’on en croit les descriptions, ces quartiers d’habitation et de couchage étaient misérables. Installés dans la partie la plus basse du navire, l’espace contenant les machines, les passagers de l’entrepont étaient entassés et disposaient de peu d’air frais, ce qui provoquait une puanteur insupportable (Entrepont – Wikipédia). Dans son rapport annuel de 1889, William Quarrier remercie Allan Line pour la commodité et le confort des installations, qui étaient (traduction) « comme d’habitude très généreuses et satisfaisantes » [1889, p. 24, sans titre (iriss.org.uk)]. Les souvenirs qu’a conservés mon grand-père de ce voyage diffèrent de ceux de William Quarrier. L’été dernier, ma tante Anna m’a raconté l’expérience de Robert sur le Siberian. D’après mon grand-père, les garçons étaient entassés comme des sardines. Ils étaient 14 dans une cabine où l’air était lourd et nauséabond (source : Conversation entre Anna Greenhorn et Beth Greenhorn, 22 août 2023).

Mon grand-père est arrivé à Halifax, en Nouvelle-Écosse, le 26 mars 1889, neuf jours après son départ. Une fois débarqués du navire, les garçons étaient pris en charge par des fonctionnaires de l’immigration dans l’entrepôt du quai 2. Cette photo des archives de la Nouvelle-Écosse montre cet entrepôt avant qu’un incendie ne le détruise en 1895.

Photo en noir et blanc d’un long bâtiment en brique d’un étage sur un quai en bois. Plusieurs voiliers se trouvent devant le quai, et un grand bâtiment en brique portant le nom de l’entreprise en lettres blanches se trouve derrière, du côté gauche.

L’entrepôt du Quai 2 avec l’élévateur à grains de l’Intercolonial Railway à l’arrière-plan, port d’Halifax, avant 1895. Photo : fonds Harry et Rachel Morton, numéro d’acquisition 2005-004/004, album Longley, partie 1, numéro 40, Archives de la Nouvelle-Écosse.

Avant 1892, la Direction de l’immigration relevait du ministère de l’Agriculture. Les installations d’Halifax vouées aux immigrants étaient rudimentaires. En janvier 1889, trois mois avant l’arrivée de mon grand-père, le sous-ministre de l’agriculture, John Lowe, a inspecté l’entrepôt du quai 2. Il a conclu que celui-ci n’était pas adéquat. Dans une note datée du 23 avril 1889, il écrit :

[Traduction]
À l’heure actuelle, les immigrants sont reçus dans le hangar à marchandises du Chemin de fer Intercolonial, dans le port en eau profonde. Une petite pièce située à l’angle de ce bâtiment est destinée à abriter les femmes et les enfants, mais sa capacité d’accueil est tout à fait insuffisante compte tenu du nombre d’immigrants qui arrivent. Des désagréments importants surviennent […] dans le hangar à marchandises, et lorsqu’un grand nombre de personnes arrivent et doivent attendre pendant plusieurs heures […] les épreuves que subissent les immigrants sont très dures, et dans certains cas, des enfants fragiles tombent gravement malades. Pour les raisons mentionnées ci-dessus, il est absolument nécessaire et urgent de mettre à la disposition des immigrants arrivant à Halifax des locaux adéquats. Il ne faudrait pas qu’un autre hiver se passe sans que l’on érige de telles structures d’accueil. [RG17, vol. 610, dossier 69092]

Après l’inspection faite par les agents d’immigration, mon grand-père et son groupe sont montés à bord d’un train du Chemin de fer Intercolonial à destination de la maison Fairknowe, située à Brockville, en Ontario. La distance entre Halifax et Brockville est de 1 730 kilomètres (1 074 milles). Cela a dû être un autre voyage épuisant, d’une durée de plusieurs jours.

Dans le quatrième et dernier article de cette série, l’histoire de Robert Roy Greenhorn nous mènera au Canada, plus précisément à la maison Fairknowe à Brockville, en Ontario, et plus tard à Philipsville, en Ontario, où il vivra jusqu’à la fin de sa vie.

Ressources complémentaires


Beth Greenhorn est gestionnaire de l’équipe du contenu en ligne à la Direction générale de la diffusion et de l’engagement de Bibliothèque et Archives Canada.

 

La tarte à la patate douce : une valeur sûre depuis 1909

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Bannière Cuisinez avec Bibliothèque et Archives CanadaPar Dylan Roy

Vous ne me connaissez probablement pas, mais si vous avez lu les blogues d’Ariane Gauthier, vous avez déjà vu mes mains! Je lui ai servi de modèle pour les photos de cette série culinaire, que vous devez absolument lire si ce n’est déjà fait. Aux côtés de cette cuisinière passionnée et beaucoup plus compétente que moi, j’ai découvert l’univers complexe et fascinant de la cuisine… et c’est (presque) en solo que je me suis lancé dans la recette de tarte à la patate douce que je vous présente aujourd’hui.

Suivre une recette peu détaillée m’inquiétait un brin : après tout, c’était mon premier projet de cuisine. Malgré mes craintes, le résultat fut tout à fait satisfaisant. Je vous recommande vivement d’essayer cette tarte vous aussi. Mais avant de mettre la main à la pâte, voyons d’où vient la recette.

L’ouvrage Culinary landmarks or Half-hours with Sault Ste. Marie housewives, publié en 1909, est l’œuvre des auxiliatrices de Saint-Luc, dans la région de Sault Ste. Marie (Ontario). C’est la troisième édition du Handy Cook Book, deux éditions revues et augmentées ayant été publiées après le grand succès de la première mouture.

Pour un novice comme moi, la première question est de savoir par où commencer. J’ai trouvé ma réponse avec cette recette de tarte à la patate douce, trouvée dans un livre déniché sur Aurora, le catalogue de bibliothèque de Bibliothèque et Archives Canada (BAC).

Recette proposée par madame P. T. Rowland.

Recette de tarte à la patate douce tirée du livre Culinary landmarks or Half-hours with Sault Ste. Marie housewives (OCLC 53630417).

Rien de compliqué pour la garniture : une livre de patates douces, trois quarts de livre de beurre, autant de sucre, six œufs, de la muscade, un soupçon de whisky et du zeste de citron.

Avez-vous remarqué que la recette n’explique pas comment faire la croûte? Fort heureusement, un des premiers blogues de la série est venu à ma rescousse; nous reparlerons de cette étape plus loin.

Une livre de beurre, une bouteille de whisky, un sac de farine, un sac de sucre, un citron, un pot de muscade, une boîte d’œufs et une patate douce.

Ingrédients utilisés par l’auteur pour la recette de tarte à la patate douce tirée de Culinary landmarks or Half-hours with Sault Ste. Marie housewives. Photo gracieuseté d’Ariane Gauthier.

Pour la garniture, il faut d’abord faire bouillir les patates douces avec leur pelure. N’en faisant qu’à ma tête, j’ai décidé de les éplucher.

Étape suivante : piler les patates encore chaudes dans une passoire. Ça demande un peu d’huile de bras, mais vous avez votre entraînement du jour!

Mosaïque de trois images : des tranches de patates douces sont déposées dans un chaudron d’eau bouillante; des patates douces sont écrasées à l’aide d’une spatule; et la purée de patates passe à travers les trous d’une passoire.

Faire bouillir et piler les patates douces. Photo gracieuseté d’Ariane Gauthier.

Il faut ensuite battre six œufs dans un bol, puis les réserver. On crème ensuite le beurre et le sucre, et on intègre les patates douces sans arrêter de battre. Enfin, on ajoute les œufs et on mélange jusqu’à ce que le tout soit homogène.

Mosaïque de quatre images. Dans les deux premières, du sucre est versé dans le bol d’un batteur sur socle contenant déjà le beurre. Dans la troisième image, les patates douces pilées sont incorporées dans le bol; dans la quatrième image, on ajoute les œufs.

Battage du mélange de beurre, de sucre, de patates douces et d’œufs. Photo gracieuseté d’Ariane Gauthier.

Le mélange ne m’a pas semblé très ragoûtant, mais s’il y a une chose que j’ai apprise avec cette recette, c’est qu’il faut garder confiance et persévérer jusqu’au bout! J’ai donc réservé mon jugement pour le résultat final.

J’ai ajouté les assaisonnements : muscade, whisky et zeste de citron, des ingrédients essentiels pour rehausser le goût. J’ai commencé par une once de whisky, une pincée de zeste et une pincée de muscade, mais ce n’était pas assez. Tout en continuant à mélanger, j’ai rajouté du zeste et de la muscade, un petit peu à la fois. Après quelques minutes, le résultat était parfait. Voilà pour la garniture!

Pour ce qui est de la croûte, je l’ai fait cuire environ 5 minutes avant d’y verser la garniture. Je vous laisse essayer pour savoir si l’idée est bonne ou mauvaise…

Deux images côte à côte : le whisky est versé dans un bol contenant la garniture; et la garniture est versée dans la croûte.

Ajout d’une once de whisky à la garniture, et versement de la garniture dans la croûte. Photo gracieuseté d’Ariane Gauthier.

Une cuisson d’environ 30 minutes à 400 °F semble adéquate. Cependant, la garniture a beaucoup gonflé : on aurait dit un ballon prêt à exploser. Un peu inquiet, j’ai tout de même poursuivi la cuisson.

Avec les retailles de pâte, j’ai ajouté des décorations sur le dessus de la tarte. J’ai même pu faire un pouding avec le restant de garniture. Ma collègue Ariane a aussi fait sa propre tarte. Et voici le résultat :

Deux tartes aux patates douces décorées avec des retailles de pâte; un pouding aux patates douces; et une paire de mitaines de four rouges.

Deux tartes aux patates douces et un pouding. La tarte de l’auteur est à droite, et celle d’Ariane, à gauche. Photo gracieuseté d’Ariane Gauthier.

Pour une première expérience, je suis assez fier du résultat. Ma tarte était délicieuse, en tout cas selon mes collègues. Et grâce aux leçons apprises en préparant la première tarte, j’ai mieux réussi ma deuxième, malgré quelques faux pas. Je vous recommande vivement d’essayer cette recette et de nous raconter comment s’est passé votre voyage au siècle dernier.

Je termine en vous offrant un cadeau : ce petit poème sur les pâtisseries, tiré du livre de cuisine.

Poème en anglais dont voici une adaptation : « La Reine de Cœur fit des tartes, Par un beau jour d’été; Le Valet de cœur mangea une tarte, Et puis, tout étonné; Se sentit perdre la carte – Son cœur s’était arrêté. »

Poème tiré du livre Culinary landmarks or Half-hours with Sault Ste. Marie housewives (OCLC 53630417).

La Reine de Cœur fit des tartes
Par un beau jour d’été;
Le Valet de cœur mangea une tarte
Et puis, tout étonné
Se sentit perdre la carte –
Son cœur s’était arrêté.
[Traduction]

Si vous essayez cette recette, n’hésitez pas à partager les photos de vos résultats avec nous en utilisant le mot-clic #CuisinezAvecBAC et en étiquetant nos médias sociaux : FacebookInstagramX (Twitter)YouTubeFlickr et LinkedIn.


Dylan Roy est archiviste de référence à la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.

Centenaire de l’Aviation royale canadienne : honneur aux femmes militaires

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Par Rebecca Murray

Remarque : Comme la plupart des photos présentées dans ce blogue proviennent de microfiches numérisées, leur qualité varie. De plus, certaines d’entre elles ne sont pas décrites au niveau de la pièce dans le catalogue.

L’Aviation royale canadienne (ARC) célèbre son centenaire en 2024. Bibliothèque et Archives Canada (BAC) a le privilège de conserver des documents de l’ARC qui vont des débuts de l’organisation jusqu’au 21e siècle. Celle-ci tient une place importante dans l’histoire militaire du pays en raison de son rôle dans le développement de l’aviation canadienne et de ses opérations à l’étranger.

Le présent billet est consacré aux collections photographiques de l’ARC conservées à BAC, et tout particulièrement aux photos de femmes militaires à l’époque de la Deuxième Guerre mondiale. Le découblogue propose également des billets sur des infrastructures de l’ARC, comme l’aéroport à Fort St. John, et sur des événements marquants, comme la saga de l’Avro Canada CF-105 Arrow.

Une femme en uniforme debout devant un mur nu.

HC 11684-A-2, Long manteau avec chapeau et gants, 4 juillet 1941 (MIKAN 4532368).

Une de mes collègues a déjà raconté l’histoire de la Division féminine de l’Aviation royale du Canada. Je me contenterai donc de rappeler que cette division a vu le jour le 2 juillet 1941, sous le nom de Corps auxiliaire féminin de l’Aviation canadienne, qu’elle a été rebaptisée au début de 1942 et que plus de 17 000 femmes ont joint ses rangs.

Deux femmes vêtues de combinaisons assises de part et d’autre d’une hélice.

PBG-3143, Division féminine – Mécaniciennes de moteurs d’avion, 23 octobre 1942 (MIKAN 5271611).

Le fonds du ministère de la Défense nationale (RG24/R112) contient des photographies sur la Division féminine qui nous renseignent sur le service militaire des femmes à l’époque de la Deuxième Guerre mondiale. Cette collection de plus de 500 000 images est une mine d’or pour quiconque s’intéresse à cette période, car on y trouve des photos prises au Canada et à l’étranger. Depuis six ans, je tente activement de repérer les femmes sur ces photos. Si certaines femmes sont explicitement identifiées et mises en évidence, d’autres, figurant en bordure sur les photos de groupe, sont très difficiles à distinguer de leurs homologues masculins, surtout au premier coup d’œil.

Un homme en uniforme (au centre de la photo), assis et portant des lunettes, regarde une femme en uniforme debout (en bordure droite de la photo).

RE-1941-1, Service des comptes de paie, revue Crosswinds, 25 septembre 1944 (MIKAN 4740938).

Le centenaire est l’occasion idéale de faire connaître les résultats du travail effectué sur la sous-série de photographies de l’ARC, et de mettre en évidence le rôle joué par les femmes qui ont joint ses rangs pendant la période visée. Les 53 sous-sous-séries se distinguent généralement les unes des autres par le lieu. Les photos sont très variées : on y trouve par exemple des vues aériennes du Canada; des portraits officiels; ou des photos de la vie sur des bases établies en Europe après la guerre, comme à North Luffenham ou à Grostenquin. Toutefois, plusieurs s’intéresseront surtout aux images de cette sous-série qui documentent les activités courantes et la vie quotidienne des militaires pendant la Deuxième Guerre mondiale, tant au pays qu’à l’étranger.

Quatre femmes en uniforme, debout ou agenouillées près d’un sapin de Noël posé sur une table. Des cadeaux emballés se trouvent sur le plancher et au pied de l’arbre.

NA-A162, Sapin et danse de Noël à la Division féminine, 25 décembre 1943 (MIKAN 4532479).

Avec plus de 160 000 images, cette sous-série est un véritable trésor! Environ 1 900 d’entre elles (1 %) montrent des membres de la Division féminine ou des infirmières militaires de l’ARC. Les femmes sont surtout représentées sur les photos prises à Ottawa, à Rockcliffe ou au quartier général, ainsi que sur des bases régionales comme celles à Terre-Neuve, à l’Île-du-Prince-Édouard et en Colombie-Britannique.

La collection nous montre les membres de la Division féminine en train de travailler ou de s’amuser. On les voit célébrer des fêtes en groupe ou partager des moments de plaisir, oubliant pendant quelques instants les horreurs de la guerre en cours. Il y a des images où l’ambiance semble décontractée (voir les photos NA-A162 ci-dessus et SS-230B ci-après), et d’autres qui témoignent des importants travaux accomplis (image PBG-3143, plus haut). Les photos de groupe officielles sont monnaie courante, comme en témoigne l’image ci-dessous (G-1448) montrant des infirmières militaires. Pour de nombreuses bases en milieu éloigné ou rural, surtout pendant les premières années de la guerre, les seules femmes présentes sur les photos sont des infirmières militaires.

Photo officielle d’un groupe de 41 militaires comprenant 12 femmes, dont cinq portent le voile blanc distinctif des infirmières militaires. Le groupe est divisé en trois rangées; les personnes à l’avant sont assises.

G-1448, Personnel hospitalier à l’École d’artillerie aéronavale no 1, Royal Navy, Yarmouth (Nouvelle-Écosse), 5 janvier 1945 (a052262).

Groupe de 15 femmes, la plupart habillées en civil, profitant d’un moment de loisir dans ce qui ressemble à un salon. Bon nombre d’entre elles semblent faire de la broderie.

SS-230B, Cercle de couture de la Division féminine, officières du renseignement, 4 avril 1943 (MIKAN 5285070).

Vous avez une tante ou une grand-mère qui a servi dans la Division féminine de l’ARC et vous cherchez de l’information sur son service militaire? Pour en savoir plus, consultez les nombreuses ressources de BAC sur la Deuxième Guerre mondiale. Vous y apprendrez entre autres comment avoir accès à des dossiers de service militaire. Les dossiers de service des victimes de guerre, 1939 à 1947 – Deuxième Guerre mondiale peuvent être consultés à l’aide de notre base de données en ligne.

BAC met bien d’autres collections photographiques à votre disposition, par exemple la sous-sous-série PL prefix – Public Liaison Office (Bureau des relations publiques). Cette fabuleuse ressource regorge de photos de l’ARC et se trouve, du point de vue du classement archivistique, juste à côté de l’acquisition 1967-052, qui fait l’objet de notre projet de recherche. Toute personne souhaitant trouver un proche ayant servi dans l’ARC devrait inclure ces photos dans sa recherche.

Vous trouverez aussi de l’information sur le centenaire de l’Aviation royale canadienne sur le site officiel de l’ARC.


Rebecca Murray est conseillère en programmes littéraires au sein de la Direction des programmes à Bibliothèque et Archives Canada.

Pain au fromage et aux noix de 1924

English version

Bannière Cuisinez avec Bibliothèque et Archives CanadaPar Ariane Gauthier

Le livret Mangeons du fromage canadien : Recettes et menus a été publié par le ministère de l’Agriculture en 1924. Il met en valeur les aspects sains, nutritifs et économiques du fromage, en particulier le fromage québécois. Bien sûr, les connaissances sur la valeur nutritionnelle de cet aliment ont beaucoup évolué depuis. À l’époque, le livret affirmait : « Il n’y a point de repas où le fromage n’aît [sic] sa place avec profit, et celui qui va à son travail fortifié par cet aliment nutritif accomplira avec le même entrain la même somme d’ouvrage que s’il avait pris un copieux repas à base de viande. »

J’ai trouvé cet ouvrage dans notre outil en ligne Recherche dans la collection plutôt que dans notre catalogue Aurora. J’espérais ainsi dénicher quelque chose d’un peu plus personnalisé; par exemple, une recette de famille glissée dans une lettre archivée! C’est alors que j’ai découvert un dossier du ministère de l’Agriculture portant sur l’exportation du fromage canadien. Surprise : il dissimulait le livret Mangeons du fromage : Recettes et menus, en français et en anglais.

Page couverture d’un livret avec l’inscription "Mangeons du fromage : Recettes et menus".

Page couverture du livret Mangeons du fromage : Recettes et menus, publié en 1924 (OCLC 937533172). Image courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

(Finalement, on peut aussi trouver ce livret dans Aurora, OCLC 937533172. C’est la voie d’accès la plus simple.)

Ce tout petit ouvrage était coincé au milieu d’une pile d’entretiens, de comptes rendus économiques et d’enveloppes de photos portant sur le fromage canadien entre 1920 et 1924. Il a tout de suite piqué ma curiosité.

Mais cela ne m’a pas empêchée de lire tout le dossier. Ainsi, j’ai appris qu’à l’époque, l’industrie des produits laitiers était assez instable au Canada. L’exportation en Grande-Bretagne demeurait bonne (surtout pour le fromage) grâce à une prime particulièrement généreuse, mais la consommation de fromage déclinait. Les Britanniques – nos plus grands acheteurs – ne favorisaient plus autant cet aliment, et les Canadiens non plus.

Au ministère de l’Agriculture et parmi les producteurs, l’inquiétude régnait : le Canada perdrait-il sa place à l’international? C’est dans ce contexte que Mangeons du fromage canadien a été conçu.

J’ai feuilleté le livret en quête d’une recette. Mon seul critère : trouver quelque chose d’inédit. J’ai donc jeté mon dévolu sur une recette de pain au fromage et aux noix.

Texte présentant les ingrédients et les étapes de la recette de pain au fromage et aux noix.

Photo de la recette du pain au fromage et aux noix (OCLC 937533172). Image courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

J’ai commencé par rassembler les ingrédients, prenant bien soin de choisir un fromage canadien. Mon choix s’est porté sur un cheddar local, fabriqué près d’Ottawa.

Ingrédients utilisés pour la recette de pain au fromage et aux noix : pâte de tomates, sauce piquante, fromage cheddar, chapelure, huile d’olive, citron, poivre, sel et noix. (L’oignon ne figure pas sur la photo.)

Les ingrédients de la recette. Image courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

La recette demandait une tasse de mie de pain. Ça m’a semblé bizarre; j’ai regardé le livret en anglais pour comparer. À ma grande surprise, Cheese Recipes for Every Day présentait des recettes complètement différentes. Aucune trace de recette de pain au fromage et aux noix! Pour ne pas gaspiller un bon pain, j’ai choisi d’y substituer de la chapelure.

Première constatation : l’absence d’instructions. On présente les ingrédients, puis on dit simplement de mettre le tout dans un moule bien graissé et de « rôtir au four doux ».

Ingrédients côte à côte dans un bol : du fromage cheddar, des noix, de la pâte de tomates, des oignons, de la sauce piquante et de la chapelure.

Les ingrédients dans un bol. La recette ne dit pas de les mélanger, mais on devine que c’était l’intention. Image courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

Bref, on semble faire appel au gros bon sens du lecteur. J’ai donc bien mélangé le tout. Le résultat était assez sec, sans doute en raison de la chapelure. J’ai rajouté un peu d’eau, mais ça n’a guère aidé. Je m’en suis toutefois tenue à cela, n’osant pas trop modifier la recette.

Trois plans rapprochés, côte à côte, montrant le mélange des ingrédients et le transfert dans un plat de cuisson.

Assemblage et mélange des ingrédients. Le résultat est plus ou moins homogène. Image courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

J’ai ensuite versé le mélange dans un moule bien graissé, dont j’avais recouvert le fond de papier parchemin pour faciliter le démoulage. Aucune température de cuisson n’étant précisée, j’ai décidé d’enfourner le tout à 400 oF tout en gardant un œil sur le pain. Au bout d’une quinzaine de minutes, il avait pris une belle coloration et dégageait une odeur de grillé; je l’ai retiré du four. Voici le résultat :

Pain au fromage et aux noix sur une planche de bois.

Le pain au fromage et aux noix de 1924, qui tient de justesse en un morceau. Image courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

Le pain tenait de justesse; il était visiblement très sec. Il n’a d’ailleurs pas survécu au trajet entre mon domicile et le 395, rue Wellington, se transformant en une espèce de pâté. Malgré tout, je crois que mes collègues ont apprécié son petit goût surprenant, que je comparerais à celui de boulettes à spaghetti sans viande.

Qu’en pensez-vous?

Si c’était à refaire, je sacrifierais un bon pain pour en retirer la mie : elle absorberait sûrement mieux le mélange que la chapelure. Je prendrais aussi un fromage local avec un taux d’humidité plus élevé.

Si vous essayez cette recette, n’hésitez pas à partager les photos de vos résultats avec nous en utilisant le mot-clic #CuisinezAvecBAC et en étiquetant nos médias sociaux : FacebookInstagramX (Twitter)YouTubeFlickr et LinkedIn.

Autres ressources :


Ariane Gauthier est archiviste de référence à la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.

L’expérience d’une étudiante travaillant dans les archives pendant l’été

Par Valentina Donato

Les artéfacts qui ont une histoire à raconter m’ont toujours fascinée. Pendant mes études de premier cycle à l’Université d’Ottawa, j’ai travaillé dans plusieurs musées pour m’immerger dans l’histoire. En tant qu’étudiante, j’ai eu le plaisir d’être engagée à Bibliothèque et Archives Canada (BAC), ce qui m’a permis d’apprendre énormément sur les archives et sur la préservation des collections.

C’est grâce au Programme fédéral d’expérience de travail étudiant que j’ai entendu parler du poste d’adjointe archivistique. J’ai pensé que ce serait agréable comme emploi d’été. Le programme pour étudiants de BAC offre de nombreuses possibilités à qui veut obtenir de l’expérience ou découvrir l’institution et d’autres services d’archives à Ottawa.

Quand j’ai obtenu le poste, je voulais notamment déterminer si une carrière dans les archives pouvait m’intéresser. J’ai mis l’accent sur le réseautage et appris tout ce que je pouvais sur les archives municipales et fédérales. En outre, j’ai eu la chance de visiter les édifices de BAC et d’autres archives, comme celles de la Ville d’Ottawa et du Musée canadien de la guerre. Ces visites aussi passionnantes qu’instructives m’ont fait découvrir tout un pan de l’histoire dont j’ignorais l’existence.

Je travaille actuellement au sein de l’équipe de la Réévaluation, à la Division des initiatives sur les documents gouvernementaux. J’y ai pris conscience de l’importance cruciale de la réévaluation pour remplir le mandat de BAC, car cette fonction facilite le repérage de nos collections et l’accès aux documents gouvernementaux.

Notre équipe s’emploie notamment à traiter l’arriéré afin de repérer et d’éliminer les documents qui n’ont aucun intérêt archivistique, comme les doublons. Pour ce faire, nous traitons les archives et les classons au bon endroit dans la collection. Un autre de nos objectifs consiste à améliorer la qualité des documents existants grâce à des descriptions et à des références précises, pour que les chercheurs trouvent ce qui répond à leurs besoins. Ces deux priorités aident toute personne intéressée à l’histoire canadienne à consulter les archives gouvernementales conservées à BAC.

En tant qu’étudiante en histoire, j’ai trouvé ce processus passionnant, car j’estime essentiel que le public ait facilement accès à l’histoire du Canada pour comprendre le passé. J’ai été agréablement surprise de constater à quel point mon travail serait concret. Au cours des premiers mois de mon emploi d’été, j’ai mis l’accent sur le catalogage, le classement et la rédaction de descriptions pour les archives. C’est extrêmement gratifiant de pouvoir organiser ou créer des instruments de recherche qui facilitent considérablement l’accès aux archives du gouvernement fédéral.

Avec l’archiviste principale Geneviève Morin et l’archiviste Emily Soldera, j’ai aussi pu participer à un projet pilote visant à repérer des supports spécialisés non recensés dans la collection. J’étais appelée à fouiller dans des boîtes de documents textuels du ministère de l’Agriculture. J’ai ainsi pu mettre en pratique les connaissances acquises quand j’évaluais des documents en ligne. Je voyais maintenant de mes yeux les types de dossiers que je cataloguais.

Mon travail consistait à trouver des supports spécialisés (comme des photos, des affiches ou des objets) passés inaperçus dans des boîtes censées contenir uniquement des documents textuels. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les boîtes en question ont donné lieu à des découvertes intéressantes! Pour que le public puisse en profiter, nous avons gardé des traces de nos trouvailles. Nous avons aussi discuté avec la gestionnaire des collections de documents gouvernementaux, Elise Rowsome, de la meilleure manière de préserver et d’entreposer nos nouveaux trésors.

Deux images côte à côte avec du texte en anglais. Sur la première, une large affiche rectangulaire vert et jaune dit : "Choisissez les oignons de l’Ontario… avec de la viande… dans la soupe… cuits au four… ou pour donner de la saveur". Des dessins de quatre repas illustrent le texte. La seconde image est celle d’un sac de carottes de la marque Wonder Pak. Il y a un dessin de ménagère et le texte anglais dit : "Carottes du Canada de catégorie 1".

Dossiers de la Division des fruits et légumes, MIKAN 134109 : RG 17, volume 4718, dossier 4718 2-Onions, partie 1 [affiche sur les oignons] et RG 17, volume 4717, dossier 4717 2-carrot, partie 1, 840.3C1 [emballage de carottes]. Ces dossiers seront temporairement inaccessibles, car le travail de préservation et de changement de contenants se poursuit. L’image est une gracieuseté de l’auteure, Valentina Donato.

La photo ci-dessus montre deux de mes trouvailles favorites dans les dossiers de la Division des fruits et légumes. Des affiches, des prototypes d’emballages alimentaires, des publicités, des étiquettes et bien d’autres choses encore étaient rangés avec les documents textuels. Ces articles de la vie quotidienne m’ont fait voyager dans la société canadienne du passé.

Parmi mes publicités favorites, je noterais celles d’Alcan Aluminium, produites vers 1959. Il y a des produits finis, mais aussi des maquettes. Chaque publicité, comme les exemples ci-dessous, montre des aliments et des produits qui peuvent être stockés ou cuits dans du papier d’aluminium. Mon regard a été attiré par les parcelles d’aluminium réfléchissantes insérées dans ces affiches (que mes photos ne permettent malheureusement pas de distinguer). Nous devons maintenant déterminer dans quels contenants nous allons placer ces articles, et comment nous allons les décrire et en faire le suivi dans notre système de catalogage, afin que les chercheurs y aient accès.

Deux publicités côte à côte d’Alcan montrant des produits qui peuvent être préservés dans du papier d’aluminium. Elles comprennent des parcelles d’aluminium qui reflètent la lumière. Le texte anglais dit : "Les produits les mieux préservés sur les tablettes sont emballés dans du papier d’aluminium Alcan" et "Ils attirent tous les projecteurs".

Division des fruits et légumes, MIKAN 134109, RG 17, volume 4734 30-1, partie 2 [Publicités d’Alcan Aluminium]. Ces dossiers seront temporairement inaccessibles, car le travail de préservation et de changement de contenants se poursuit. L’image est une gracieuseté de l’auteure, Valentina Donato.

J’ai fait une autre trouvaille dans les dossiers du Centre de recherche de la pomme de terre à Fredericton. En plus d’une boîte remplie de négatifs et d’épreuves photographiques, j’ai trouvé un carrousel de diapositives (une série de petites photos couleur à projeter dans un ordre précis) et une cassette sonore qui les accompagne.

Dans le cadre du projet, j’ai appris que divers types de matériel sont nécessaires pour consulter certains supports spécialisés. Le carrousel est un bon exemple : pour regarder les diapositives en toute sécurité, nous aurons besoin d’une table lumineuse qui ne dégage pas de chaleur et d’un appareil capable de lire la cassette. Des spécialistes en préservation nous aideront à le manipuler adéquatement, nous renseigneront sur le contexte de sa création et nous expliqueront pourquoi il a de la valeur dans les archives de BAC.

En plus d’avoir mis au jour de fascinants supports spécialisés, le projet montre pourquoi il est important que l’équipe de réévaluation se penche sur les collections existantes de BAC. C’est un travail sans fin, car nous analysons rétroactivement des documents déjà acquis pour améliorer les collections et aider les usagers à l’exploiter. J’ai bien hâte de poursuivre ce travail et d’en mesurer les progrès.

Un carrousel rempli de diapositives avec une cassette sonore à côté, le tout photographié en plongée.

Dossiers du Centre de recherche de la pomme de terre à Fredericton, MIKAN 206115, boîte 50, diaporama : Station de recherches de Fredericton. Ces dossiers seront temporairement inaccessibles, car le travail de préservation et de changement de contenants se poursuit. L’image est une gracieuseté de l’auteure, Valentina Donato.

Mon expérience de travail étudiant à BAC s’est avérée extrêmement enrichissante. Je suis donc ravie de pouvoir rester en poste à temps partiel pendant que je termine mes études. Je poursuivrai le travail de réévaluation, de classement et de description, et j’aurai l’occasion de voir la suite du projet visant à repérer les supports spécialisés non recensés.

Comme j’en suis à la quatrième année de mon baccalauréat, l’expérience acquise à BAC m’a donné une idée des nombreuses carrières qui s’offrent à moi dans les domaines du patrimoine et des archives. J’ai vraiment hâte de voir où me mènera cette expérience. Qui sait, peut-être que d’autres trésors sur le thème des légumes-racines sont enterrés dans les archives?

Autres ressources


Valentina Donato est adjointe en archivistique à la Direction générale des documents gouvernementaux de Bibliothèque et Archives Canada.

La grande Gabrielle et la petite Annik

English version

Par Ariane Brun del Re et Stéphane Lang

Saviez-vous que la célèbre romancière Gabrielle Roy, connue pour Bonheur d’occasion (1945), La petite poule d’eau (1950) et Rue Deschambault (1955), a aussi publié des livres pour enfants?

Photographie sépia montrant une femme blanche aux cheveux foncés. Elle est assise devant une étagère remplie de livres, ses bras sont croisés et un sourire traverse son visage.

L’écrivaine Gabrielle Roy en 1946 (e010957756).

En 1976, Gabrielle Roy fait paraître Ma vache Bossie, un album illustré par Louise Pomminville. Celui-ci raconte l’histoire d’une fillette qui reçoit un drôle de cadeau pour son anniversaire : son père lui offre une vache surnommée Bossie afin qu’elle puisse se nourrir d’un lait plus gras que celui du laitier. Mais le cadeau, très dispendieux et encombrant, ne plaît pas à sa mère. En plus de déranger les voisins, Bossie produit tellement de lait que la famille ne sait plus quoi en faire!

Dans la biographie intitulée Gabrielle Roy, une vie (1996), François Ricard explique que Gabrielle Roy a écrit Ma vache Bossie vers 1954, à la même époque que Rue Deschambault. Le texte paraît une première fois sous le titre « Ma vache » dans la revue Terre et Foyer à l’été 1963. Gabrielle Roy le retravaille ensuite vers 1974 pour l’inclure dans Fragiles Lumières de la terre, un ouvrage qui regroupe des textes déjà publiés ailleurs, mais devenus difficiles d’accès. En fin de compte, Ma vache Bossie est retranchée du manuscrit; l’histoire paraît plutôt sous forme d’album illustré aux Éditions Leméac. Elle est aussi reprise dans Contes pour enfants (1998), qui rassemble quatre histoires d’animaux écrites par Gabrielle Roy. Entretemps, l’album est traduit en anglais par Alan Brown et paraît sous le titre My Cow Bossie (1988), avec les mêmes illustrations que dans l’édition française.

Couverture de l’album illustré intitulé Ma vache Bossie, sur laquelle figure une vache brune et blanche devant un pâturage.

Couverture de l’album Ma vache Bossie (1976) de Gabrielle Roy, illustré par Louise Pomminville (OCLC 299347564).

Pendant longtemps, nous avons cru que la première version de Ma vache Bossie, écrite dans les années 1950, avait été perdue. Jusqu’au jour où nous avons reçu un courriel d’Annik Charbonneau, professeure de mathématiques à la retraite, qui avait 9 ans lorsque Gabrielle Roy a écrit Ma vache Bossie. À cette époque, elle passait ses étés dans la région de Charlevoix, où Gabrielle Roy séjournait également. La grande écrivaine et la jeune fille se sont côtoyées à l’hôtel Belle Plage, où dînaient parfois Gabrielle Roy et son mari. Les propriétaires étaient des amis de Fernand Charbonneau et de Francine Grignon-Charbonneau, les parents d’Annik.

C’est à la suite de ces rencontres que Gabrielle Roy offre le tapuscrit de Ma vache Bossie à la jeune Annik. Dans la lettre écrite à la main qui l’accompagne, datée du 10 décembre 1954, l’écrivaine explique qu’elle lui remet cette histoire « tel que promis », « à la place des contes [qu’elle aurait] aimé [lui] raconter l’été dernier ». La lettre se conclut par une précieuse recommandation : « Reste surtout affectueuse, d’un cœur prêt à aimer si tu me permets un conseil; c’est là le plus beau chemin pour apprendre à vivre bien et richement. » Soixante-huit ans plus tard, Annik Charbonneau nous contactait pour que ces documents soient préservés à Bibliothèque et Archives Canada, où se trouve le fonds Gabrielle Roy.

Lettre manuscrite d’une page adressée à Annik Charbonneau et signée par Gabrielle Roy. Elle a été rédigée à l’encre bleue avec une écriture cursive.

Lettre manuscrite de Gabrielle Roy adressée à Annie (en réalité Annik) Charbonneau. Elle accompagnait le tapuscrit de Ma vache Bossie (e011414002).

Après avoir reçu les documents d’Annik Charbonneau, nous les avons comparés aux deux tapuscrits de Ma vache Bossie qui se trouvent dans le fonds Gabrielle Roy, acquis par Bibliothèque et Archives Canada en 1982. L’archiviste responsable du fonds à l’époque avait établi que les deux documents avaient vraisemblablement été écrits vers 1970. Nous avons cependant découvert que le premier des deux tapuscrits était identique à celui d’Annik Charbonneau : il s’agissait d’une copie carbone de celui qu’elle nous offrait (ou vice-versa)!

La première page de deux tapuscrits de Ma vache Bossie, qui sont des copies carbone l’une de l’autre. Celui de droite, que Gabrielle Roy a conservé, contient une correction faite à la main.

Deux tapuscrits de Ma vache Bossie. Celui de gauche a été offert à Annik Charbonneau tandis que l’écrivaine a conservé celui de droite. Le premier fait partie de la collection d’Annik Charbonneau sur Gabrielle Roy, et le second, du fonds Gabrielle Roy (e011414003 and e011414004).

Grâce à la lettre de Gabrielle Roy qui l’accompagnait, nous pouvions enfin dater correctement le tapuscrit en notre possession. Le don d’Annik Charbonneau nous a aussi permis d’apprendre que Gabrielle Roy dactylographiait parfois deux exemplaires d’un même texte en insérant une feuille de carbone entre deux feuilles de papier. Ce qui distingue les deux tapuscrits, ce sont les annotations écrites à la main par Gabrielle Roy, plus nombreuses dans la copie qu’elle a conservée que dans celle offerte à Annik Charbonneau, où elle se contente de corriger des coquilles ou d’ajouter un mot manquant. La dernière page du tapuscrit d’Annik Charbonneau porte la signature de Gabrielle Roy, ce qui montre son souci de l’authentifier avant de s’en départir. Ainsi, les nouvelles acquisitions nous offrent parfois des éléments contextuels pour mieux comprendre les documents qui se trouvent déjà dans notre collection!

Aujourd’hui, les deux tapuscrits sont enfin réunis à Bibliothèque et Archives Canada, mais pas dans le même fonds. Celui que nous avons acquis récemment fait partie de la collection d’Annik Charbonneau sur Gabrielle Roy. En plus du tapuscrit et de la lettre, cette collection comprend deux livres de Gabrielle Roy dédicacés à Francine G. Charbonneau, ainsi qu’une note manuscrite et des coupures de presse provenant de journaux et de revues comme Châtelaine et Madame, qui étaient autrefois rassemblées dans un album réalisé par Annik Charbonneau et sa mère. L’ensemble témoigne de l’impression que Gabrielle Roy a laissée sur les gens qu’elle côtoyait dans Charlevoix, comme la petite Annik à qui elle souhaitait raconter des histoires.

Autres ressources

  • Gabrielle Roy, une vie : biographie, François Ricard (OCLC 35940894)
  • Fonds Gabrielle Roy, Bibliothèque et Archives Canada (MIKAN 3672665)

Ariane Brun del Re et Stéphane Lang sont tous les deux archivistes de littérature de langue française au sein de la Division des archives culturelles à Bibliothèque et Archives Canada.

Accès aux dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale : une nouvelle base de données à Bibliothèque et Archives Canada

English version

Par Richard Yeomans

Quand la Grande-Bretagne déclare la guerre à l’Allemagne le 4 août 1914, le Canada, en tant que dominion britannique, est projeté automatiquement dans le conflit européen. Le gouvernement du Dominion peut cependant déterminer l’ampleur de sa participation. Dans un discours prononcé à la Chambre des communes le 19 août 1914, le premier ministre Robert Borden déclare que « dans cette querelle, nos cœurs battent à l’unisson avec ceux de l’Angleterre et des autres colonies anglaises. Nous ne saurions manquer de remplir notre devoir comme l’exige l’honneur du Canada, non pour l’amour des combats, […] mais pour défendre la cause de l’honneur ». Plus d’un demi-million de volontaires et de conscrits s’enrôlent dans le Corps expéditionnaire canadien (CEC) entre 1914 et 1918, et des milliers d’autres participent à l’effort de guerre sur le front intérieur.

Bibliothèque et Archives Canada (BAC) conserve environ 622 000 dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale. On y trouve des renseignements sur l’enrôlement (ou attestation), les transferts entre unités, l’historique médical, la paie, la libération ou le décès. Les dossiers comportent généralement de 25 à 75 pages. Ils constituent d’excellentes ressources pour la recherche historique ou généalogique.

Page d’accueil de l’ancienne base de données sur les dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale, sur le site de Bibliothèque et Archives Canada.

L’ancienne base de données des dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale (Bibliothèque et Archives Canada).

Depuis près de deux décennies, une base de données autonome en ligne donne gratuitement accès aux dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale. Elle comprend les dossiers des membres du CEC qui ont reçu des primes de l’Empire (Imperial Gratuities), de la milice active non permanente, des volontaires refusés, du Royal Newfoundland Regiment et du Corps forestier de Terre-Neuve. Ses usagers peuvent interroger les archives par prénom, nom de famille, numéro matricule ou numéro de boîte, ou encore par ville ou province de naissance ou d’enrôlement. Par défaut, les résultats s’affichent par ordre alphabétique du nom, mais ils peuvent être réorganisés par date de naissance, rang ou numéro matricule.

En cliquant sur un des résultats, l’usager obtient une description générique et une copie numérisée du dossier de service en format PDF. Celle-ci peut être ouverte et consultée en ligne, ou téléchargée et sauvegardée. Chaque dossier de service a une adresse URL unique que les historiens et les généalogistes peuvent sauvegarder afin d’y accéder plus tard.

Un résultat affiché dans l’ancienne base de données, sur le site de Bibliothèque et Archives Canada.

Affichage d’un dossier dans l’ancienne base de données des dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale (Bibliothèque et Archives Canada).

Pendant 10 ans, cette base de données et les documents auxquels elle donnait accès ont donc renseigné les Canadiens au pays et partout dans le monde sur une partie importante de leur histoire familiale, aidant aussi à établir une histoire nationale commune. Bien décidé à maintenir ou même à élargir ce niveau d’accès, BAC continue de développer et d’améliorer ses bases de données d’archives numériques, comme Recherche dans la collection, Recherche dans les recensements et la nouvelle base de données des dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale.

Cette dernière a été lancée en novembre 2023. Son élaboration s’est inscrite dans les efforts pour réunir toutes les bases de données autonomes de BAC dans un seul outil : Recherche dans la collection. Ce travail était nécessaire, car il n’était plus rentable de maintenir l’application Web vieillissante qui hébergeait l’ancienne base de données du CEC. Les dossiers maintenant transférés vers Recherche dans la collection demeureront accessibles pendant plusieurs années. En outre, un nouvel outil a été créé pour faciliter l’accès aux dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale. Il ajoute aux anciennes fonctionnalités de nouveaux moyens de chercher, de filtrer et d’extraire les dossiers et les données.

Capture d’écran de la nouvelle base de données sur le site Web de Bibliothèque et Archives Canada.

La nouvelle base de données sur les dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale (Bibliothèque et Archives Canada).

Les chercheurs peuvent interroger la nouvelle base de données par prénom, nom de famille, numéro matricule, ou province ou état d’enrôlement. Il est également possible d’entrer des termes spécifiques pour chercher une unité ou une date d’enrôlement.

Parmi les nouvelles fonctionnalités, mentionnons la possibilité de chercher une période de plusieurs années, de sauvegarder des dossiers dans Ma recherche avec l’application Mon compte de BAC, et d’employer des filtres de recherche pour classer et limiter le nombre de résultats. Soulignons que les deux bases de données, l’ancienne et la nouvelle, donnent les mêmes résultats avec des critères de recherche semblables. Par exemple, le nom de famille McCrae donne 33 résultats dans les deux cas. Cependant, la nouvelle mouture permet de diminuer ce nombre à l’aide des filtres « Limiter à » proposés sur la page des résultats. On peut filtrer par grade, par période ou pays de naissance ou par lieu de recrutement ou d’enrôlement.

Capture d’écran de résultats de recherche sur le site de Bibliothèque et Archives Canada.

Résultats de recherche avec le nom de famille McCrae (Bibliothèque et Archives Canada).

Les filtres permettent de réduire le nombre de résultats en fonction de certains paramètres. On peut ainsi faire des recherches extrêmement précises ou très générales.

Trouver le lieutenant-colonel John McCrae

L’accès gratuit aux documents d’attestation et aux dossiers du personnel en ligne fait partie intégrante du catalogue d’archives numérisées de BAC. À titre d’exemple, les chercheurs peuvent consulter les archives numérisées dans le dossier du lieutenant-colonel John McCrae, le médecin canadien mieux connu comme l’auteur du célèbre poème militaire Au champ d’honneur (In Flanders Fields).

Il y a plusieurs moyens de trouver le dossier du lieutenant-colonel McCrae. Vous pouvez chercher son prénom et son nom de famille, son unité, la ville où il s’est enrôlé ou son numéro matricule. Même un nom seul est un bon point de départ. Une recherche avec le nom de famille McCrae donne 33 résultats, peu importe la base de données. Ce nombre passe à quatre si on ajoute le prénom.

Affichage de résultats de recherche sur le site Web de Bibliothèque et Archives Canada.

La recherche « John McCrae » dans les deux bases de données (Bibliothèque et Archives Canada).

À partir de la liste des résultats, affichée ci-dessus dans l’ancienne et la nouvelle base de données du CEC, vous pouvez consulter un sommaire du dossier pouvant contenir plusieurs renseignements, comme le numéro matricule, la date de naissance et des références archivistiques. Dans l’ancienne base de données, ces renseignements pouvaient servir à réorganiser l’affichage des résultats. La nouvelle base de données permet elle aussi l’affichage par date de naissance ou ordre alphabétique de nom, mais contrairement à l’ancienne, elle peut aussi restreindre le nombre de résultats à l’aide de filtres. Comme nous savons que l’auteur d’Au champ d’honneur est né à Guelph, en Ontario, nous pouvons choisir cette option dans le champ « Ville de naissance » de la liste des résultats. Une nouvelle liste comprenant un seul résultat s’affiche alors.

Visionneuse montrant le dossier du personnel de John McCrae sur le site de Bibliothèque et Archives Canada. Trois flèches pointent vers des boutons.

Le dossier du personnel de John McCrae (Bibliothèque et Archives Canada).

Le dossier ne s’affiche pas de la même manière dans la nouvelle base de données, mais les fonctionnalités sont les mêmes. Par défaut, c’est la première page du document d’attestation qui apparaît, comme dans l’image ci-dessus.

Flèche verte : Avec le carrousel d’images, vous pouvez parcourir les pages du document d’attestation. Cliquez sur l’icône PDF à la fin du carrousel pour afficher gratuitement l’ensemble du dossier numérisé, dont le document d’attestation, comme dans l’ancienne base de données.

Flèche noire : Si vous utilisez Mon compte de BAC, vous pouvez sauvegarder les dossiers qui vous intéressent dans une liste de recherche. Après avoir ouvert une session, cliquez sur le bouton « Ajouter à Ma recherche » pour afficher vos données sauvegardées. Vous pouvez sélectionner le répertoire dans lequel vous voulez sauvegarder le dossier du personnel, ou en créer un nouveau dans ce but. Avant, les chercheurs devaient sauvegarder des hyperliens pour accéder rapidement aux dossiers déjà consultés. Avec Mon compte et sa fonctionnalité Ma recherche, vous pouvez maintenant compiler des listes de recherches comprenant des dossiers conservés à BAC, comme dans une bibliographie.

Flèche jaune : Pour télécharger un dossier complet, cliquez sur le bouton de téléchargement, cochez la case pour confirmer que vous acceptez nos conditions sur le droit d’auteur, puis cliquez sur « Télécharger ». Le dossier sera téléchargé sur votre appareil en format PDF.

Dans les coulisses des Services d’accès aux ressources numériques

Ce n’est pas toujours facile de maintenir un accès constant et durable aux ressources en ligne sur l’histoire de la participation canadienne à la Première Guerre mondiale. La base de données doit répondre aux besoins de chercheurs chevronnés comme les historiens et les généalogistes, mais aussi de personnes qui n’ont pas l’habitude de fouiller dans les archives. Pour atteindre cet équilibre, il faut d’abord demander aux chercheurs de nous décrire leur expérience sur le site de BAC et de nous dire quels outils nous pourrions créer ou modifier pour leur faciliter la vie.

Nos produits numériques, comme la nouvelle base de données sur les dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale, sont constamment améliorés grâce à la rétroaction des usagers. Pour suggérer des améliorations à la base de données ou à d’autres produits numériques offerts par BAC, prenez rendez-vous avec nos concepteurs d’expérience utilisateur ou écrivez un courriel à l’équipe de l’Accès numérique.

Cette équipe se fait un devoir de préserver l’accès aux dossiers du personnel militaire numérisés, en raison de leur importance pour les chercheurs au Canada et ailleurs dans le monde. Elle comprend des concepteurs d’expérience utilisateur, des spécialistes des données, des programmeurs Web et des gestionnaires de produits. Ses membres ont aussi de l’expérience en généalogie, en histoire, en recherche historique et en archivistique. L’équipe met l’accent sur l’usager et s’intéresse à la préservation et à la promotion de l’histoire et du patrimoine du Canada.

Ce n’est pas une mince tâche de donner gratuitement accès à quelque 622 000 dossiers de service de la Première Guerre mondiale et à des millions de déclarations de recensement, de documents sur l’immigration et la citoyenneté, de publications gouvernementales comme la Gazette du Canada, de fichiers audio, d’images et bien plus encore. C’est un travail qui demande du temps, de la patience et une grande cohésion. L’équipe de l’Accès numérique poursuit néanmoins son chemin, et c’est avec enthousiasme qu’elle se prépare à améliorer les outils de recherche et à en créer de nouveaux en 2024.

Foire aux questions sur les dossiers du CEC et les bases de données à BAC

Pourquoi retirer l’ancienne base de données des dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale?

L’ancienne base de données a près de 10 ans. La plateforme qui l’héberge, Microsoft SharePoint, a été lancée en 2001 et est maintenant désuète. La maintenance sera donc de plus en plus difficile pour nos concepteurs et programmeurs Web. L’accès aux dossiers du personnel militaire risque carrément d’être perdu. L’équipe de l’Accès numérique à BAC a préféré agir de manière proactive en commençant le transfert des dossiers vers Recherche dans la collection dès 2019. Ainsi, le public aura gratuitement accès à ces dossiers (et à bien d’autres documents) pendant des années.

Qui est responsable de la nouvelle base de données?

L’équipe de l’Accès numérique est responsable de la maintenance des bases de données en ligne de BAC, dont Recherche dans la collection et Recherche dans les recensements. Elle ne modifie pas les documents d’archives et ne les révise pas non plus. Son travail consiste plutôt à donner accès aux documents numérisés.

La base de données des dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale est-elle distincte de Recherche dans la collection?

Oui et non. La nouvelle base de données contient des dossiers transférés dans Recherche dans la collection, le logiciel de recherche pour l’ensemble du catalogue d’archives de BAC. L’équipe de l’Accès numérique continue de transférer des documents d’autres bases de données autonomes vers Recherche dans la collection, sans oublier toutefois que de nombreux usagers ont besoin de faire des recherches plus précises. Grâce aux filtres pour les bases de données et aux formulaires de recherche comme celui de la nouvelle base de données des dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale, nous pouvons simplifier l’accès à des groupes de documents, comme si les bases de données autonomes existaient encore au sein du logiciel Recherche dans la collection.

Les adresses URL qui menaient à l’ancienne base de données cesseront-elles de fonctionner?

Non. Des URL redirigeront les usagers vers les dossiers concernés dans Recherche dans la collection. Par conséquent, les liens vers des dossiers de service sauvegardés dans l’ancienne application continueront de fonctionner.

Puis-je encore sauvegarder et télécharger des dossiers de service?

Oui, vous pouvez télécharger des versions PDF des dossiers du personnel et des documents d’attestation. Si vous utilisez l’application Mon compte de BAC, vous pouvez aussi sauvegarder les dossiers de service dans Ma recherche et créer des listes de dossiers à conserver, sans avoir recours à des adresses URL.


Richard Yeomans est responsable de l’assurance de la qualité au sein de l’équipe de l’Accès numérique, à la Direction générale de l’accès et des services de Bibliothèque et Archives Canada.

Le jour de plus qui change tout

English version

Par Forrest Pass

Quand on connaît la rigueur des hivers canadiens, il peut sembler cruel de prolonger le mois de février. Pourquoi ne pas ajouter la journée bissextile aux vacances d’été, plutôt? Deux propositions ont déjà été formulées en ce sens et, comme le montrent les documents conservés à Bibliothèque et Archives Canada, le gouvernement fédéral était ouvert à l’idée.

La journée bissextile en février est la dernière trace d’une tradition ancienne : les jours intercalaires. Il s’agit de dates ajoutées au calendrier pour le faire correspondre aux observations astronomiques. Les premiers calendriers, basés sur le cycle lunaire de 28 jours, finissaient par devancer les solstices d’été et d’hiver et les équinoxes de printemps et d’automne. Les jours intercalaires venaient corriger ces écarts. Dans la Rome antique, les politiciens utilisaient cet outil à leur avantage. Après tout, qui n’appuierait pas un candidat qui promet de prolonger les vacances ou de donner quelques jours de plus pour rembourser une dette?

Jules César (100-44 avant J.-C.) décide d’améliorer le calendrier dans le but de mettre fin à de telles manigances. Le calendrier julien est fondé sur le modèle égyptien. Il suit les mouvements du soleil plutôt que le cycle lunaire, en alternant les mois de 30 et 31 jours. Son mois de février – le dernier mois de l’année romaine traditionnelle – a 28 jours et prévoit l’ajout d’un jour intercalaire, tous les trois ans d’abord, puis tous les quatre ans après une correction.

Plus de deux mille ans plus tard, nous utilisons encore ce calendrier, avec une petite modification : le calendrier grégorien, introduit par le pape Grégoire XIII en 1582 et adopté depuis dans une bonne partie du monde, élimine trois journées bissextiles tous les 400 ans pour corriger une erreur du calendrier julien, qui surestime de six minutes la durée de l’année solaire. Cependant, le nombre et la durée des mois demeurent inchangés, ce qui suscite les critiques de la part de réformateurs modernes du calendrier.

L’un d’entre eux est le comptable et pyramidologue britanno-canadien Moses Bruine Cotsworth (1859-1943). Il fait partie d’une communauté d’archéologues amateurs persuadés que les dimensions et l’orientation des pyramides égyptiennes révèlent des vérités scientifiques oubliées. À partir de ses recherches, il propose un nouveau calendrier qu’il décrit pour la première fois dans un livre publié en 1905, The Rational Almanac. Deux ans plus tard, il devient chef de la Commission de la fonction publique de la Colombie-Britannique. En 1910, il quitte l’Angleterre pour s’établir dans la région métropolitaine de Vancouver. Sa résidence à New Westminster devient le siège social de l’International Almanak Reform League (Ligue internationale pour la réforme de l’almanach).

Livre avec une page couverture bleue. Le titre est imprimé en lettrage doré, tout comme le prix de cinq shillings et le nombre d’illustrations, soit 180. Des symboles égyptiens ornent la couverture : deux pyramides, un sphinx, un cadran solaire et un pharaon sous un soleil.

Le livre de Moses Cotsworth intitulé The Rational Almanac: Tracing the Evolution of Modern Almanacs from Ancient Ideas of Time and Suggesting Improvements (OCLC 1006983102). Image courtoisie de l’auteur, Forrest Pass.

Le calendrier proposé par Cotsworth, baptisé Yearal, comprend 13 mois de 28 jours. Le 13e, appelé sol, vient s’insérer entre juin et juillet. Les dates tombent toujours le même jour de la semaine. Par exemple, le premier du mois est toujours un dimanche. Comme les 13 mois ne comptent au total que 364 jours, Cotsworth propose d’ajouter un jour à la fin de l’année, ainsi qu’une journée bissextile en été tous les quatre ans. Ces deux jours intercalaires sont des jours fériés (hors de la semaine de sept jours) qui maintiennent la régularité du Yearal.

Cotsworth trouve des appuis influents. Aux États-Unis, par exemple, le président de la société de photographie Eastman Kodak approuve sans réserve le Yearal, au point où Kodak utilise un calendrier de 13 mois pour sa comptabilité jusqu’en 1989. Au pays, le Canadien sir Sandford Fleming, inventeur des fuseaux horaires, accepte le poste de président honoraire de l’International Almanak Reform League. En 1925, un comité consultatif fédéral recommande l’adoption du calendrier de 13 mois. Quant au gouvernement, il demande discrètement à ses délégués d’appuyer le Yearal à la 4e conférence internationale de la Société des Nations sur les communications et le transport, réunie à Genève, en Suisse, en 1931. Cotsworth se joint à la délégation canadienne en tant que conseiller technique.

Page titre d’un livret en anglais proposant une année fixe grâce à l’ajout d’un jour intercalaire, hors de la semaine de sept jours, et d’un mois appelé sol. "Le pharaon et sa reine exigent que le nouveau mois soit créé en 1917 et inséré entre juin et juillet. Journées de la semaine à date fixe. Pâques et fêtes à date fixe. Le 31 décembre et la journée bissextile sont des jours fériés qui n’ont ni jour de la semaine ni date." Le mot "sol" apparaît dans un soleil au sommet d’une pyramide, entre un personnage de l’Égypte antique et un scarabée. Plus bas, un pharaon montre du doigt un calendrier appelé "mois modèle". De part et d’autre de ce mois se trouvent des personnages représentant les continents de l’Europe, de l’Afrique, de l’Amérique et de l’Asie. Deux obélisques, un de chaque côté, sont ornés de hiéroglyphes de l’Égypte antique.

Images antiques pour vendre l’idée d’un calendrier moderne. Dessins de Graham Hyde dans The Fixed ‘Yearal’ Proposed to Replace Changing Almanaks and Calendars, par Moses B. Cotsworth (New Westminster, Colombie-Britannique, International Almanak Reform League, 1914; e011783160).

Les illustrations dans les livrets de Cotsworth établissent un lien entre le projet Yearal et les enseignements de la grande pyramide et du sphinx. Les opposants réagissent avec des publications tout aussi soignées sur le plan visuel. En plus des documents de Cotsworth, le dossier du ministère de la Justice concernant le calendrier de 13 mois comprend un livret illustré en couleurs intitulé The Story of a Lost Day (L’histoire du jour perdu), rédigé par l’adventiste du septième jour Francis D. Nichol.

Une page couverture aux couleurs vives. Un homme portant des lunettes arrache la page "28 décembre" d’un calendrier et découvre une nouvelle page disant "Blank Day", c’est-à-dire "Jour vide". Une lampe avec un abat-jour à fleurs, typique de l’entre-deux-guerres, éclaire la pièce.

Réaction religieuse à la réforme du calendrier. Couverture du livre The Story of a Lost Day, par Francis D. Nichol (Mountain View, Californie, Pacific Press Publishing Association, 1930; e011783161).

La principale préoccupation de Nichol est de nature religieuse. L’insertion d’une journée entre le samedi 28 décembre et le dimanche 1er janvier fait en sorte que huit jours plutôt que sept s’écoulent entre le dernier sabbat d’une année et le premier de l’année suivante. Cette objection des adventistes du septième jour et d’autres groupes chrétiens et juifs orthodoxes engendre des réticences envers l’idée de Cotsworth sur la scène internationale.

Le Yearal a aussi un concurrent : le calendrier mondial, proposé pour la première fois en 1930 par Elisabeth Achelis, héritière d’un magnat du caoutchouc. Cette proposition conserve les 12 mois du calendrier grégorien, mais donne une longueur de 91 jours à chaque saison, ou trimestre, pour un total de 364 jours. Une fête internationale appelée « Journée mondiale » (Worldsday) est ajoutée entre décembre et janvier pour pallier le jour manquant. Dans le calendrier mondial, les dates tombent toujours le même jour de la semaine. Il préserve donc plusieurs caractéristiques du Yearal de Cotsworth, dont la journée bissextile estivale tous les quatre ans, mais il omet l’ajout controversé d’un 13e mois.

Au Canada, ce calendrier trouve un appui en la personne d’Arthur J. Hills (1879-1971), cadre aux Chemins de fer nationaux, spécialiste des relations de travail et président de la section canadienne de l’Association internationale pour le calendrier mondial. Profitant de son réseau professionnel, Hills obtient l’adhésion de nombreux hommes d’affaires et dirigeants syndicaux à cette proposition.

Quatorze pages de calendrier disposées en cercle autour d’un texte anglais disant : « Un cycle solaire dure 28 ans. L’image montre dans quel désordre surviennent les 14 calendriers grégoriens entre 1928 et 1955. Le calendrier grégorien comprend 14 calendriers possibles. Déséquilibré, irrégulier et instable. Des trimestres et des semestres de durées différentes. Des fêtes qui changent de jour. Vingt-huit types de mois possibles. » Sous ce texte se trouve un calendrier de 12 mois surmonté d’un globe terrestre avec les mots : « Équilibré, régulier, perpétuel. Le calendrier mondial. Douze mois. Des trimestres égaux. » Sous le calendrier, le texte précise : « Chaque année est identique. Les trimestres durent exactement 91 jours, 13 semaines ou 3 mois. Les quatre trimestres sont identiques. Chaque mois compte 25 jours de semaine, plus les dimanches. Chaque année commence le dimanche 1er janvier. Le premier jour ouvrable est toujours le lundi 2 janvier. Tous les trimestres commencent un dimanche et se terminent un samedi. Le calendrier mondial. » Des signatures encadrent l’image : « Conçu par A. J. Hills » et « Dessiné par H. J. Dodds ».

L’« ingénieux diagramme » d’Arthur J. Hills illustrant le calendrier grégorien qualifié de déséquilibré, irrégulier, instable et inégal. Il fait la promotion du calendrier mondial, un système perpétuel dans lequel chaque année est identique. (e011783162_s1)

Le gouvernement canadien se montre aussi ouvert à ce projet, du moins au début. En 1937, le statisticien du Dominion R. H. Coats recommande que le Canada retire son appui au Yearal de Cotsworth et défende plutôt l’adoption du calendrier mondial sur la scène internationale. En 1955, l’ONU demande aux États membres de prendre position au sujet du calendrier mondial. Un comité fédéral étudie donc la proposition de ses défenseurs, ainsi que les critiques de ses détracteurs.

De nouvelles objections sont formulées : une société patriotique féminine, la Ligue des filles canadiennes, s’inquiète de voir Noël tomber le lundi chaque année, car cela complique le magasinage et les déplacements avant la fête. Pour les groupes chrétiens et juifs, le calcul du sabbat demeure la principale préoccupation, car à l’instar du calendrier de Cotsworth, le calendrier mondial interrompt le cycle de sept jours. Le comité finit par défendre le principe de la réforme du calendrier, sans toutefois appuyer le calendrier mondial. Les autres gouvernements sont d’accord, et l’ONU abandonne discrètement son projet de réforme mondiale.

Près de 70 ans plus tard, le principal défi des personnes désireuses de réformer le calendrier consiste à corriger le manque de constance sans nuire aux calculs traditionnels pour les observances religieuses. Comme Moses Cotsworth et Arthur Hills l’ont constaté, c’est plus compliqué qu’il n’y paraît. Une question à méditer en dégustant un bon chocolat chaud par une longue journée bissextile de l’hiver canadien!


Forrest Pass est conservateur dans l’équipe des expositions de Bibliothèque et Archives Canada.

La liberté d’expression

Par Mary-Francis Turk

À Bibliothèque et Archives Canada (BAC), nous ne jugeons jamais un livre d’après sa couverture… ni son contenu! Nous tenons à ce que les lecteurs et les chercheurs aient accès à toutes les publications canadiennes. D’ailleurs, notre mandat établi dans le préambule de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada met l’accent sur la préservation et la mise en accessibilité du patrimoine documentaire.

Les bibliothèques canadiennes sont chargées d’élaborer des politiques pour défendre la liberté de lire et de penser. En tant que bibliothèque nationale, BAC maintient une collection permanente de livres publiés, d’éditions anciennes et rares, et d’autres documents imprimés fort variés. Toute publication canadienne a sa place dans la collection nationale.

Grâce à son programme de dépôt légal, BAC se fait discrètement le champion de la lutte contre la censure. Ce programme vise à recueillir « tous les documents créés au Canada qui sont destinés à la vente ou à la distribution publique ». C’est un outil essentiel à notre disposition pour constituer une collection nationale inclusive, exhaustive et accessible. En collaborant avec les éditeurs, nous pouvons préserver les documents et les rendre accessibles aux générations futures.

Documents acceptés dans le cadre du dépôt légal

Les éditeurs et producteurs canadiens soumettent les documents suivants :

  • Livres (monographies)
  • Publications en série (revues, journaux, bulletins d’information, etc.)
  • Enregistrements de musique et vidéos
  • Livres audio
  • Partitions
  • Cartes
Affiche pour la Semaine de la liberté d’expression du 19 au 26 octobre 1986. Trois livres sont fermés par des étaux.

Affiche faisant la promotion de la lecture, produite par le Book and Periodical Development Council pour la Semaine de la liberté d’expression, en 1986. Bibliothèque et Archives Canada/Fonds Robert Stacey/e010758305. Crédit : Michael Hale / Susan Reynolds.

On pourrait penser que la censure est chose du passé. Pourtant, de nombreuses publications (site en anglais), dont certaines se trouvent dans la collection de BAC, ont été contestées au cours des dernières années :

  • En 2018, le livre Betty : The Helen Betty Osborne Story de David Alexander Robertson n’était pas recommandé pour les salles de classe en Alberta.
  • En 2016, le livre Pride : Celebrating Diversity and Community de Robin Stevenson a soulevé l’opposition lorsque l’auteure a visité des écoles au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique.
  • En 2011, une commission scolaire de l’Ontario a inclus le livre de Timothy Findley intitulé The Wars dans les cours d’anglais de 12e année. Cette décision a été remise en cause par des parents, mais la commission scolaire a finalement décidé de maintenir le livre dans le programme d’études secondaires.

Comme le démontre la liste d’ouvrages contestés (site en anglais) compilée par le Book and Periodical Council du Canada, la censure existe depuis toujours au pays. La Semaine de la liberté d’expression rappelle que l’accès aux publications ne doit pas être tenu pour acquis.

Il est essentiel de rendre les publications canadiennes accessibles au public et aux générations futures pour protéger leur liberté de pensée. C’est exactement ce que l’équipe du dépôt légal de BAC tâche de faire.

En cette période de réflexion sur la liberté d’expression et de pensée, il apparaît de plus en plus important de donner accès à toutes les publications canadiennes, partout au pays.

Pour en savoir plus sur la liberté d’expression et la censure au Canada, consultez les listes d’ouvrages en français et en anglais colligées par le Book and Periodical Council.

Autres ressources


Mary-Francis Turk est superviseure du dépôt légal à la Direction générale des archives privées et du patrimoine publié à Bibliothèque et Archives Canada.