Les dinosaures de l’île St. George à Calgary

Par Richard Howe

Par une belle journée des années 1930, un groupe profite du soleil au parc de l’île St. George, au centre de Calgary. Hélas, son tranquille pique-nique est troublé par un homme ivre. Un agent du parc approche et l’homme, qui sent le danger, s’enfuit en chancelant. Poursuivi par l’agent, l’homme en état d’ébriété arrive à peine à traverser les chemins du parc. Puis, soudainement, il s’arrête. Il est sous le choc, obnubilé par le dinosaure vert qui se tient juste devant lui. Après une courte pause, l’homme se redresse et fait demi-tour pour se diriger vers la sortie du parc. En sortant, ses pas sont droits. L’agent abandonne sa poursuite, estimant que le choc a suffisamment dégrisé le fauteur de trouble.

Si vous doutez de l’authenticité de cette histoire, je vous comprends. Cependant, le journal The Calgary Daily Herald rapporte cet incident peu après le moment où il se serait déroulé. Les dinosaures de l’île St. George, eux, existent bel et bien. En effet, dans les années 1930, le parc héberge près de 20 créatures préhistoriques. Ce nombre s’élève à plus de 40 au cours des années 1970. Ces sculptures de béton grandeur nature font partie du parc d’histoire naturelle du zoo de Calgary. Aujourd’hui, il n’en reste qu’une. Quand j’ai finalement eu l’âge de visiter le zoo de l’île St. George, je ne savais même pas qu’il y en avait eu d’autres.

Le récit de cet homme ivre se trouve à la une du journal du 28 août 1937, dans un article concernant l’aménagement des nouveaux jardins de dinosaures. Sur la photo qui accompagne l’article, trois figures humaines entourent les pattes d’une énorme sculpture de brontosaure, n’atteignant même pas son genou. Ce dinosaure de 120 tonnes qui mesure 10 mètres de haut et 32 mètres de long est rapidement nommé « Dinny ». C’est la seule sculpture de l’île St. George qui a survécu aux 80 dernières années.

Deux enfants courent vers une énorme sculpture de brontosaure située devant quelques grands arbres.Deux enfants courent vers une énorme sculpture de brontosaure située devant quelques grands arbres.

« Dinny » est le seul dinosaure toujours debout sur l’île St. George (e010973614)

Comme j’ai grandi à Calgary à la fin des années 1980 et au début des années 1990, je me souviens que Dinny avait une place spéciale dans le cœur de plusieurs Calgariens. Ceux-ci parlaient souvent avec tendresse de leurs visites au zoo alors qu’ils étaient encore des enfants, et du rite de passage qui consistait à grimper sur Dinny. Le paysage urbain changeait rapidement à Calgary. Les préparations pour les Olympiques de 1988 avaient récemment transformé une grande partie du centre-ville. Dinny était spécial parce qu’il était un dinosaure, bien sûr, mais aussi parce qu’il rappelait un passé lointain de la ville.

L’idée de construire un parc de dinosaures vient de Lars Willumsen, membre de la Société zoologique de Calgary (dont il sera le président de 1959 à 1965). Il avait visité un parc semblable au zoo Tierpark Hagenbeck, à Hambourg, en Allemagne, en 1934. Le premier parc de dinosaures au monde avait été créé en 1854, au parc Crystal Palace de Londres, en Angleterre. Au cours des décennies suivantes, d’autres parcs, comme celui en Allemagne, voient le jour. Un des objectifs est de faire connaître au public, de manière divertissante, les nouvelles découvertes dans la discipline émergente qu’est la paléontologie.

Les travaux au parc d’histoire naturelle de Calgary commencent en 1935, même si l’Alberta est particulièrement touchée par la crise économique des années 1930. Malgré un maigre budget, un groupe de personnes déterminées réussissent à construire quelque chose dont la ville sera fière pendant de nombreuses années.

Le sculpteur Charles A. Beil, un artiste bien connu de la ville de Banff, est recruté pour concevoir les premiers dinosaures, avec l’aide de l’ingénieur Aarne Koskeleinen et du sculpteur John Kanerva. Celui-ci trouve une méthode de construction adéquate et finit par faire la majorité du travail physique. Le gouvernement fédéral fait appel à Charles Mortram Sternberg, un paléontologue travaillant pour le Musée national du Canada (un précurseur du Musée canadien de la nature), afin qu’il donne des conseils, oriente le projet et s’assure que les représentations sont exactes. Omer H. Patrick, fondateur et président de la Société zoologique de Calgary depuis 1929, dirige le projet.

Lorsque M. Patrick présente le parc à la Ville, l’ancien premier ministre R. B. Bennett est invité à prononcer le discours d’inauguration. « C’est grâce à son initiative, à sa vision et à ses dépenses que le projet a vu le jour, mentionne M. Bennett en parlant de M. Patrick. Il a pris les choses en main. » [Traduction]

Une femme, un enfant et un homme sous l’imposante sculpture d’un dinosaure entourée d’arbres. Le groupe regarde un autre dinosaure.

Touristes admirant des sculptures de dinosaures à l’île St. George, Calgary (Alberta), 1961 (e010976082)

Le parc remporte un grand succès et devient une populaire attraction touristique. En 1952, l’un des premiers bulletins de nouvelles diffusés présente un reportage sur le parc d’histoire naturelle. Quand le paléontologue écossais William Elgin Swinton visite le parc en 1957, il raconte l’histoire de militaires écossais qui ont rapporté des cartes postales du parc de dinosaures, après avoir servi au Canada pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Une légende locale veut que Dinny fût l’objet le plus photographié à Calgary. Dinny devient donc le symbole officiel du zoo en 1959, apparaissant même sur la page couverture d’un numéro de la revue Maclean’s l’année suivante. Il est probablement l’attraction la plus connue de la ville jusqu’en 1967, année de la construction de la Husky Tower (renommée Calgary Tower quatre ans plus tard).

Aujourd’hui, près de Dinny, une plaque en bronze commémore le parc d’histoire naturelle et ses créateurs : MM. Patrick, Willumsen, Sternberg, Beil, Koskeleinen et Kanerva. La plaque est dévoilée en 1974, lors d’une petite cérémonie organisée près de l’entrée du parc. M. Patrick est décédé en 1947, mais les cinq autres hommes, pour la plupart octogénaires, sont présents.

Un homme dans un garage ou un atelier, près de trois sculptures de reptiles préhistoriques. Il tient dans ses mains une canne de peinture et un pinceau.

John Kanerva avec quelques-unes de ses créations. Photo prise par Jack De Lorme et publiée dans The Albertan le 14 novembre 1956. « John Kanerva, créateur de dinosaures, Calgary, Alberta », 1956-11 (CU1139955). Gracieuseté de la collection numérique des bibliothèques et des ressources culturelles de l’Université de Calgary.posing with some of his models of flesh-eating reptiles and dinosaurs.

C’est le nom de John Kanerva qui est le plus souvent mentionné. Après la construction du parc et des dinosaures, Kanerva poursuit son travail au zoo, créant de nouveaux dinosaures tout en préservant les originaux. Ils sont l’œuvre de sa vie. « C’est vrai, John a fait la majeure partie du travail », déclare M. Sternberg lors de la cérémonie. La longue association de Kanerva avec les dinosaures tant appréciés de Calgary, et surtout le rôle qu’il a joué dans la sculpture de Dinny, font de lui une sorte de célébrité locale. Assis dans son fauteuil roulant lors du dévoilement de la plaque, l’homme de 91 ans fume un cigare fin, entouré de sa famille, de ses amis et de ses anciens collègues qui applaudissent sous la musique des cornemuses. Nombreux sont ceux qui, pendant plusieurs années, ont incité la ville à honorer Kanerva et ses collègues en inaugurant un lieu d’intérêt permanent. Alderman Tom Priddle, qui dévoile la plaque, s’excuse d’ailleurs du retard.

En 1975, le zoo de Calgary annonce un plan décennal de grande envergure. Le zoo et sa réputation grandissent au même rythme que la ville. Dans le but d’améliorer les conditions de vie des animaux du zoo, on décide de faire de la place sur l’île St. George pour leur donner de plus grands habitats.

C’est la fin du parc d’histoire naturelle. Toutefois, en raison de sa popularité et de son histoire, un nouveau parc préhistorique est prévu juste au nord de l’île St. George, de l’autre côté de la rivière Bow. Le plan initial prévoit le déplacement de bon nombre des dinosaures d’origine vers le nouveau parc, ainsi que la création de quelques nouvelles sculptures. Or, plusieurs des dinosaures, y compris Dinny, commencent à prendre de l’âge et dépérissent.

Le nouveau parc ouvre en 1983. Bien que la majorité des plans aient été réalisés, les dinosaures ne sont pas déplacés et finissent par être détruits. De nouvelles sculptures en fibre de verre, plus faciles à entretenir, sont toutefois ajoutées au nouvel emplacement. Leur représentation plus moderne correspond mieux à l’image que le public se fait des dinosaures. De plus, il aurait été très coûteux de déplacer et de réparer les statues d’origine. Le climat économique difficile de l’époque exige des sacrifices pour assurer l’achèvement du parc. Les dinosaures sont assujettis au même cycle de prospérité et de récession que les autres résidents de Calgary; mais ils n’y survivent pas.

Heureusement, Dinny vit assez longtemps pour recevoir, à la demande du zoo, le statut de ressource historique provinciale en 1987, obtenant ainsi la protection accordée aux importants monuments historiques. En plus de son nouveau statut, la sculpture reçoit un peu d’amour cette année-là, certains dommages subis au cours des dernières décennies étant réparés.

Photographie noir et blanc de deux enfants grimpant sur la sculpture d’un imposant dinosaure.

Enfants grimpant sur un dinosaure au zoo de Calgary, Alberta (e010973689)

Depuis quelques années, le zoo de Calgary s’intéresse de nouveau à Dinny. Des travaux terminés en 2019 ont renforcé le cou et la patte arrière gauche de la statue. La restauration de la surface et les travaux de peinture ont commencé en juin 2021 pour se terminer à la fin de l’été.

À une certaine époque, John Kanerva repeignait régulièrement Dinny, à quelques années. J’ignore cependant quand il l’a fait pour la dernière fois. En fait, je crois que je n’ai jamais vu Dinny fraîchement peinturé. J’ai hâte! Dinny a été construit pour transporter les gens des millions d’années en arrière. Mais pour moi, les souvenirs seront beaucoup plus récents. En redevenant la fierté de Calgary, Dinny nous donnera un aperçu du passé de la ville, dont on parle encore aujourd’hui.


Richard Howe est technicien d’imagerie numérique à la Division des services de numérisation de Bibliothèque et Archives Canada.

John Colin et Kenneth Keith Forbes, portraitistes officiels en série!

Par Geneviève Couture

Les carrières des peintres John Colin Forbes (1846-1925) et de son fils Kenneth Keith Forbes (1892-1980) illustrent brillamment en quoi certains premiers ministres ont été leurs muses et leurs mécènes. En effet, à eux deux, ils ont peint sept premiers ministres canadiens, deux gouverneurs généraux, cinq juges en chef de la Cour suprême, onze présidents de la Chambre des communes et quatorze présidents du Sénat. Ils ont également peint un roi et une reine d’Angleterre au nom du gouvernement canadien. On peut affirmer sans gêne que sur une période de plus de 90 ans, le père et le fils ont contribué à édifier le patrimoine artistique et visuel représentant les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire du gouvernement canadien.

John Colin Forbes

John Colin Forbes est né à Toronto en 1846. Dans les années 1860, il étudie la peinture à Paris et à Londres avant de revenir au Canada. Il est un membre fondateur de l’Ontario Society of Artists (1872) et de l’Académie royale des arts du Canada (1880).

Rapidement reconnu comme portraitiste, John Colin reçoit de nombreuses commandes. Il peint lord Dufferin et le marquis de Lansdowne, tous deux gouverneurs généraux du Canada. Entre 1878 et 1893, il réalise les portraits de sir John A. Macdonald, d’Alexander Mackenzie, de sir Charles Tupper et de Wilfrid Laurier. Aucun de ces tableaux ne sera un portrait officiel, mais celui de Tupper se trouve au Parlement du Canada, alors que celui de Macdonald et un portrait de Laurier se trouvent aujourd’hui au Musée des beaux-arts du Canada. On commande également à John Colin Forbes quatre portraits officiels de présidents de la Chambre des communes et six portraits officiels de présidents du Sénat.

L’artiste entretient une relation privilégiée avec sir Wilfrid Laurier, que ce dernier appelle son « ami ». Il le peint une première fois en 1885, d’après une photo prise vers 1882 par le studio de William Topley à Ottawa.

Photo noir et blanc d’un homme assis, vêtu d’un complet.

Wilfrid Laurier, député. Studio Topley, 1882. (a013133-v8 )

Le second tableau de Laurier peint par John Colin est offert au premier ministre par ses amis et admirateurs du Parti libéral le 15 mai 1902. Dans son discours à la Chambre des communes (en anglais), Laurier déclare : « C’est avec un cœur très sincère que j’accepte de la part d’amis inconnus, en mon propre nom et au nom de ma femme, ce souvenir, qui est l’œuvre d’un grand artiste canadien. »

Déplorant qu’à cette époque Forbes ait choisir d’aller exercer son art aux États-Unis, Laurier ajoute :

« Malheureusement, le Canada, qui est encore un jeune pays, n’a pas offert aux artistes toute l’aide qu’il aurait pu donner par le passé. J’espère qu’à l’avenir, les artistes et les talents canadiens seront davantage encouragés par la population canadienne qu’ils ne l’ont été jusqu’à présent. Pour ma part, je reconnais avec un certain regret que le gouvernement aurait peut-être pu en faire davantage pour encourager les talents artistiques du Canada. » [Traduction]

Enfin, regrettant ne pas avoir d’enfant à qui léguer ce tableau, Laurier fait le vœu suivant : « J’espère qu’un jour, ce tableau sera conservé dans un musée national, non pour me rappeler à la postérité, mais pour la gloire de M. Forbes, l’artiste qui l’a peint. » [Traduction] Quelques années plus tard, en 1906, Laurier offre lui-même le tableau au Musée des beaux-arts du Canada.

Une commande royale

C’est grâce à ses bonnes relations avec le premier ministre Laurier que John Colin Forbes obtient sa commande la plus prestigieuse : peindre le roi Edward VII et la reine Alexandra. Forbes sera le premier peintre canadien à obtenir une séance de pose avec un souverain britannique, et les portraits officiels d’Edward VII orneront la Chambre des communes.

Les échanges de correspondance entre Forbes et Laurier à ce sujet font partie du fonds sir Wilfrid Laurier  conservé à Bibliothèque et Archives Canada. On y constate que Forbes demande la commande à Laurier, avec qui il en a préalablement discuté.

Photo noir et blanc d’une page dactylographiée.

Lettre de John Colin Forbes à Wilfrid Laurier datée du 14 avril 1904, dans laquelle il lui demande d’obtenir la commande pour peindre le roi et la reine au nom du gouvernement canadien. (Fonds Wilfrid Laurier, MG26 G 1(A), vol. 312, page 84516, microfilm C-810)

Laurier accepte, après avoir reçu une pétition à cet effet signée par 92 des 214 députés fédéraux.

Image noir et blanc d’une page numérisée tirée d’un microfilm.

Première des trois pages de la pétition adressée par des députés de la Chambre des communes au premier ministre Wilfrid Laurier, afin qu’une commande soit faite au peintre John Colin Forbes pour réaliser un portrait du roi destiné à la Chambre des communes. (Fonds Wilfrid Laurier, MG26 G 1(A), vol. 312, page 84518, microfilm C-810)

Il fait suivre la requête au gouverneur général, lord Minto, qui facilitera l’accès de Forbes aux souverains.

Image noir et blanc d’une page numérisée tirée d’un microfilm.

Lettre du premier ministre Wilfrid Laurier au gouverneur général lord Minto, recommandant que la commande soit faite au peintre John Colin Forbes et que des démarches soient entreprises à cet effet auprès du roi. (Fonds Wilfrid Laurier, MG26 G 1(A), vol. 326, page 87632, microfilm C-813)

La séance de pose est accordée, et John Colin Forbes se rend en Angleterre afin de peindre les tableaux. Malheureusement, ceux-ci seront détruits lors de l’incendie du Parlement en 1916, moins de douze ans après leur création. Cependant, les quatre portraits officiels des présidents de la Chambre des communes et les six portraits officiels des présidents du Sénat peints par Forbes échappent à l’incendie.

Photo noir et blanc d’un édifice en proie aux flammes.

La partie Est de l’Édifice du Centre en proie aux flammes, Ottawa, 1916. (a052822-v8 )

Sir John A. Macdonald et sir Wilfrid Laurier : des portraits inspirants

Deux des portraits de premiers ministres peints par John Colin Forbes seront à leur tour une source d’inspiration pour leurs successeurs. En effet, dans un article du Winnipeg Free Press publié le 20 mars 1965 (en anglais), le journaliste Peter C. Newman relate que chaque nouveau premier ministre en poste à Ottawa s’empresse de faire installer, dans son bureau de l’édifice de l’Est, soit le tableau de sir John A. Macdonald, soit le tableau de sir Wilfrid Laurier – dépendamment de ses allégeances politiques. Cette pratique change toutefois sous Lester B. Pearson, alors que le premier ministre demande à ce que les deux tableaux ornent les murs de son bureau.

Quelques photographies prises par Duncan Cameron (dont nous avons récemment parlé dans un billet de blogue sur les photographes de presse et les premiers ministres) confirment que John Diefenbaker, Lester B. Pearson et Pierre E. Trudeau ont eu des tableaux de Forbes dans leurs bureaux. Le bureau de Paul Martin, quant à lui, était orné du premier tableau de Laurier par Forbes, datant de 1885.

Photo noir et blanc d’un homme en train de photographier un photographe qui le photographie en retour.

Pierre Elliott Trudeau prenant une photographie avec l’appareil du journaliste de presse Duncan Cameron, 28 juin 1968. Photo : Duncan Cameron (a175919 )

Kenneth Keith Forbes

Le fils de John Colin, Kenneth Keith Forbes, devient également un portraitiste de renom. Né à Toronto en 1892, il commence à dessiner dès l’âge de quatre ans sous la gouverne de son père. Entre 1908 et 1913, il étudie les arts en Angleterre et en Écosse. Au déclenchement de la Première Guerre mondiale, en 1914, Kenneth Keith s’enrôle dans l’armée britannique comme simple soldat. Il combat en France, où il est blessé et gazé. Promu capitaine, il est transféré en 1918 au sein de l’armée canadienne (plus précisément au Bureau canadien des archives de guerre) en tant que peintre de guerre. Il y peint des scènes de batailles ainsi que quelques portraits d’officiers canadiens, comme celui du brigadier général D. Draper.

BAC détient le dossier militaire récemment numérisé de Kenneth Keith Forbes.

Peinture à l’huile réalisée par Kenneth Keith Forbes en 1918. La scène montre la défense du Bois du Sanctuaire par les militaires canadiens, près d’Ypres, en Belgique, en 1916.

La défense du Bois du Sanctuaire (1916), Kenneth K. Forbes, 1918. (e010751163-v8 )

Portraitiste officiel

Quelques années plus tard, Kenneth Keith revient s’établir à Toronto où, poursuivant la tradition familiale, il réalise principalement des portraits.

Il peint, entre autres, les portraits officiels de sept présidents de la Chambre des communes, de huit présidents du Sénat et de cinq juges en chef de la Cour suprême.

Il effectuera également les portraits des premiers ministres Robert Borden, Richard B. Bennett et John Diefenbaker. Le premier tableau de R. B. Bennett peint en 1938 par Kenneth Keith sera d’ailleurs offert au premier ministre par les députés, les sénateurs et les membres du Parti conservateur à son départ de la vie politique. Il se trouve aujourd’hui au Musée du Nouveau-Brunswick, à qui R. B. Bennett l’a légué par testament.

Par la suite, Kenneth Keith réalise le portrait officiel de sir Robert Borden pour la Chambre des communes. Le tableau est commandé par le président de la Chambre, Gaspard Fauteux, dont Forbes avait peint le portrait l’année précédente. L’objectif est de compléter la collection de tableaux officiels représentant les premiers ministres du Canada à la Chambre des communes. Ce tableau est dévoilé au Parlement le 11 juin 1947, dix ans après le décès de Borden, en même temps que lui de William Lyon Mackenzie King et en présence du président américain Harry Truman.

Dans son journal intime (en anglais), Mackenzie King explique comment il en est venu à suggérer que l’on dévoile son portrait ainsi que celui de Borden, tous deux premiers ministres lors des grandes guerres, à l’occasion d’une même cérémonie.

Image noir et blanc d’une page dactylographiée du journal intime de William Lyon Mackenzie King datée du 19 mai 1947.

Extrait du journal intime de William Lyon Mackenzie King daté du 19 mai 1947, dans lequel il explique comment il en est venu à suggérer qu’on dévoile son portrait ainsi que celui de Borden, tous deux premiers ministres lors des grandes guerres, à l’occasion d’une même cérémonie. (Fonds William Lyon Mackenzie King, MG 26 J 13, 19 mai 1947)

Une décennie plus tard, Forbes peint deux portraits de John Diefenbaker. Le premier est offert au politicien par les membres de son conseil des ministres et orne les murs du 24, Sussex, puis de Stornoway, la résidence officielle du chef de l’opposition. Le second est commandé par des francs-maçons de Washington et se trouve à Arlington, en Virginie.

En 1962, Kenneth Keith peint le portrait officiel de Bennett pour la Chambre des communes. La commande survient près de 25 ans après qu’il ait réalisé un premier tableau du politicien, et 15 ans après le décès de celui-ci. Elle émane du premier ministre John Diefenbaker et du président de la Chambre, Roland Michener. Une fois encore, on cherche à combler les lacunes de la collection de tableaux officiels représentant les premiers ministres du Canada à la Chambre.

Conclusion

Les carrières de portraitistes de John Colin et de Kenneth Keith Forbes révèlent les liens parfois insoupçonnés entre les arts et la politique. Les Forbes ont clairement tiré profit de leurs bonnes relations avec les parlementaires, particulièrement avec les premiers ministres, en obtenant de nombreuses commandes très prestigieuses.

Les premiers ministres ont également bénéficié du travail de peintres tels que les Forbes, dont les tableaux ont aidé à commémorer et à glorifier ces hommes qui ont détenu la plus haute fonction politique au pays ainsi qu’à inspirer leurs successeurs. Aussi, on l’a vu, c’est sans égard à la couleur politique qu’on a demandé aux Forbes de contribuer à cette entreprise de mémoire en produisant les portraits de premiers ministres en fonction ainsi que de leurs prédécesseurs. Ce faisant, ils ont contribué à asseoir la fonction de premier ministre dans la mémoire politique du pays.

Par ailleurs, le talent pour le portrait ne s’est pas arrêté à John Colin et à son fils Kenneth Keith. En effet, la fille de Kenneth, Laura June McCormack (1921-1961), dont la mère Jean Mary Edgell est également peintre, a réalisé quelques portraits qui se retrouvent à l’Assemblée législative de l’Ontario, et notamment un tableau représentant Louis-Hippolyte La Fontaine.

Pour en savoir plus sur les portraits de premiers ministres, voyez la thèse d’Andrew Kear, Governing Likenesses: The Production History of the Official Portraits of Canadian Prime Ministers, 1889-2002.


Geneviève Couture est archiviste au sein du projet des Archives du premier ministre, à la Division des archives privées du monde de la science et de la gouvernance de Bibliothèque et Archives Canada.

À la découverte d’une vie : la force des documents privés

Les documents privés sont un champ d’études fascinant. Qu’est ce que les gens choisissent de garder? Qu’est-ce qu’ils écartent au cours de leur vie? Et qu’est-ce qui reste pour leur postérité? Bibliothèque et Archives Canada (BAC) détient non seulement un grand nombre de documents, mais aussi de simples éléments, notamment des photos et des lettres. Le fonds Oscar Douglas Skelton présente un aperçu sur la vie privée d’un fonctionnaire public important. En 1992 et 1993, la fille de Skelton offre la majeure partie de cette collection à BAC. Depuis lors, les documents sont décrits et analysés, et l’instrument de recherche (en anglais seulement) est numérisé pour permettre un accès plus facile.

Photo en noir et blanc de trois personnes assises sur les marches d’escalier d’un chalet et regardant en direction du photographe.

Le très honorable William Lyon Mackenzie King avec sa sœur Jennie (Mme H.M. Lay) et O.D. Skelton, le 29 juillet 1923, à Kingsmere, Québec (MIKAN 3217554)

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