John Colin et Kenneth Keith Forbes, portraitistes officiels en série!

Par Geneviève Couture

Les carrières des peintres John Colin Forbes (1846-1925) et de son fils Kenneth Keith Forbes (1892-1980) illustrent brillamment en quoi certains premiers ministres ont été leurs muses et leurs mécènes. En effet, à eux deux, ils ont peint sept premiers ministres canadiens, deux gouverneurs généraux, cinq juges en chef de la Cour suprême, onze présidents de la Chambre des communes et quatorze présidents du Sénat. Ils ont également peint un roi et une reine d’Angleterre au nom du gouvernement canadien. On peut affirmer sans gêne que sur une période de plus de 90 ans, le père et le fils ont contribué à édifier le patrimoine artistique et visuel représentant les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire du gouvernement canadien.

John Colin Forbes

John Colin Forbes est né à Toronto en 1846. Dans les années 1860, il étudie la peinture à Paris et à Londres avant de revenir au Canada. Il est un membre fondateur de l’Ontario Society of Artists (1872) et de l’Académie royale des arts du Canada (1880).

Rapidement reconnu comme portraitiste, John Colin reçoit de nombreuses commandes. Il peint lord Dufferin et le marquis de Lansdowne, tous deux gouverneurs généraux du Canada. Entre 1878 et 1893, il réalise les portraits de sir John A. Macdonald, d’Alexander Mackenzie, de sir Charles Tupper et de Wilfrid Laurier. Aucun de ces tableaux ne sera un portrait officiel, mais celui de Tupper se trouve au Parlement du Canada, alors que celui de Macdonald et un portrait de Laurier se trouvent aujourd’hui au Musée des beaux-arts du Canada. On commande également à John Colin Forbes quatre portraits officiels de présidents de la Chambre des communes et six portraits officiels de présidents du Sénat.

L’artiste entretient une relation privilégiée avec sir Wilfrid Laurier, que ce dernier appelle son « ami ». Il le peint une première fois en 1885, d’après une photo prise vers 1882 par le studio de William Topley à Ottawa.

Photo noir et blanc d’un homme assis, vêtu d’un complet.

Wilfrid Laurier, député. Studio Topley, 1882. (a013133-v8 )

Le second tableau de Laurier peint par John Colin est offert au premier ministre par ses amis et admirateurs du Parti libéral le 15 mai 1902. Dans son discours à la Chambre des communes (en anglais), Laurier déclare : « C’est avec un cœur très sincère que j’accepte de la part d’amis inconnus, en mon propre nom et au nom de ma femme, ce souvenir, qui est l’œuvre d’un grand artiste canadien. »

Déplorant qu’à cette époque Forbes ait choisir d’aller exercer son art aux États-Unis, Laurier ajoute :

« Malheureusement, le Canada, qui est encore un jeune pays, n’a pas offert aux artistes toute l’aide qu’il aurait pu donner par le passé. J’espère qu’à l’avenir, les artistes et les talents canadiens seront davantage encouragés par la population canadienne qu’ils ne l’ont été jusqu’à présent. Pour ma part, je reconnais avec un certain regret que le gouvernement aurait peut-être pu en faire davantage pour encourager les talents artistiques du Canada. » [Traduction]

Enfin, regrettant ne pas avoir d’enfant à qui léguer ce tableau, Laurier fait le vœu suivant : « J’espère qu’un jour, ce tableau sera conservé dans un musée national, non pour me rappeler à la postérité, mais pour la gloire de M. Forbes, l’artiste qui l’a peint. » [Traduction] Quelques années plus tard, en 1906, Laurier offre lui-même le tableau au Musée des beaux-arts du Canada.

Une commande royale

C’est grâce à ses bonnes relations avec le premier ministre Laurier que John Colin Forbes obtient sa commande la plus prestigieuse : peindre le roi Edward VII et la reine Alexandra. Forbes sera le premier peintre canadien à obtenir une séance de pose avec un souverain britannique, et les portraits officiels d’Edward VII orneront la Chambre des communes.

Les échanges de correspondance entre Forbes et Laurier à ce sujet font partie du fonds sir Wilfrid Laurier  conservé à Bibliothèque et Archives Canada. On y constate que Forbes demande la commande à Laurier, avec qui il en a préalablement discuté.

Photo noir et blanc d’une page dactylographiée.

Lettre de John Colin Forbes à Wilfrid Laurier datée du 14 avril 1904, dans laquelle il lui demande d’obtenir la commande pour peindre le roi et la reine au nom du gouvernement canadien. (Fonds Wilfrid Laurier, MG26 G 1(A), vol. 312, page 84516, microfilm C-810)

Laurier accepte, après avoir reçu une pétition à cet effet signée par 92 des 214 députés fédéraux.

Image noir et blanc d’une page numérisée tirée d’un microfilm.

Première des trois pages de la pétition adressée par des députés de la Chambre des communes au premier ministre Wilfrid Laurier, afin qu’une commande soit faite au peintre John Colin Forbes pour réaliser un portrait du roi destiné à la Chambre des communes. (Fonds Wilfrid Laurier, MG26 G 1(A), vol. 312, page 84518, microfilm C-810)

Il fait suivre la requête au gouverneur général, lord Minto, qui facilitera l’accès de Forbes aux souverains.

Image noir et blanc d’une page numérisée tirée d’un microfilm.

Lettre du premier ministre Wilfrid Laurier au gouverneur général lord Minto, recommandant que la commande soit faite au peintre John Colin Forbes et que des démarches soient entreprises à cet effet auprès du roi. (Fonds Wilfrid Laurier, MG26 G 1(A), vol. 326, page 87632, microfilm C-813)

La séance de pose est accordée, et John Colin Forbes se rend en Angleterre afin de peindre les tableaux. Malheureusement, ceux-ci seront détruits lors de l’incendie du Parlement en 1916, moins de douze ans après leur création. Cependant, les quatre portraits officiels des présidents de la Chambre des communes et les six portraits officiels des présidents du Sénat peints par Forbes échappent à l’incendie.

Photo noir et blanc d’un édifice en proie aux flammes.

La partie Est de l’Édifice du Centre en proie aux flammes, Ottawa, 1916. (a052822-v8 )

Sir John A. Macdonald et sir Wilfrid Laurier : des portraits inspirants

Deux des portraits de premiers ministres peints par John Colin Forbes seront à leur tour une source d’inspiration pour leurs successeurs. En effet, dans un article du Winnipeg Free Press publié le 20 mars 1965 (en anglais), le journaliste Peter C. Newman relate que chaque nouveau premier ministre en poste à Ottawa s’empresse de faire installer, dans son bureau de l’édifice de l’Est, soit le tableau de sir John A. Macdonald, soit le tableau de sir Wilfrid Laurier – dépendamment de ses allégeances politiques. Cette pratique change toutefois sous Lester B. Pearson, alors que le premier ministre demande à ce que les deux tableaux ornent les murs de son bureau.

Quelques photographies prises par Duncan Cameron (dont nous avons récemment parlé dans un billet de blogue sur les photographes de presse et les premiers ministres) confirment que John Diefenbaker, Lester B. Pearson et Pierre E. Trudeau ont eu des tableaux de Forbes dans leurs bureaux. Le bureau de Paul Martin, quant à lui, était orné du premier tableau de Laurier par Forbes, datant de 1885.

Photo noir et blanc d’un homme en train de photographier un photographe qui le photographie en retour.

Pierre Elliott Trudeau prenant une photographie avec l’appareil du journaliste de presse Duncan Cameron, 28 juin 1968. Photo : Duncan Cameron (a175919 )

Kenneth Keith Forbes

Le fils de John Colin, Kenneth Keith Forbes, devient également un portraitiste de renom. Né à Toronto en 1892, il commence à dessiner dès l’âge de quatre ans sous la gouverne de son père. Entre 1908 et 1913, il étudie les arts en Angleterre et en Écosse. Au déclenchement de la Première Guerre mondiale, en 1914, Kenneth Keith s’enrôle dans l’armée britannique comme simple soldat. Il combat en France, où il est blessé et gazé. Promu capitaine, il est transféré en 1918 au sein de l’armée canadienne (plus précisément au Bureau canadien des archives de guerre) en tant que peintre de guerre. Il y peint des scènes de batailles ainsi que quelques portraits d’officiers canadiens, comme celui du brigadier général D. Draper.

BAC détient le dossier militaire récemment numérisé de Kenneth Keith Forbes.

Peinture à l’huile réalisée par Kenneth Keith Forbes en 1918. La scène montre la défense du Bois du Sanctuaire par les militaires canadiens, près d’Ypres, en Belgique, en 1916.

La défense du Bois du Sanctuaire (1916), Kenneth K. Forbes, 1918. (e010751163-v8 )

Portraitiste officiel

Quelques années plus tard, Kenneth Keith revient s’établir à Toronto où, poursuivant la tradition familiale, il réalise principalement des portraits.

Il peint, entre autres, les portraits officiels de sept présidents de la Chambre des communes, de huit présidents du Sénat et de cinq juges en chef de la Cour suprême.

Il effectuera également les portraits des premiers ministres Robert Borden, Richard B. Bennett et John Diefenbaker. Le premier tableau de R. B. Bennett peint en 1938 par Kenneth Keith sera d’ailleurs offert au premier ministre par les députés, les sénateurs et les membres du Parti conservateur à son départ de la vie politique. Il se trouve aujourd’hui au Musée du Nouveau-Brunswick, à qui R. B. Bennett l’a légué par testament.

Par la suite, Kenneth Keith réalise le portrait officiel de sir Robert Borden pour la Chambre des communes. Le tableau est commandé par le président de la Chambre, Gaspard Fauteux, dont Forbes avait peint le portrait l’année précédente. L’objectif est de compléter la collection de tableaux officiels représentant les premiers ministres du Canada à la Chambre des communes. Ce tableau est dévoilé au Parlement le 11 juin 1947, dix ans après le décès de Borden, en même temps que lui de William Lyon Mackenzie King et en présence du président américain Harry Truman.

Dans son journal intime (en anglais), Mackenzie King explique comment il en est venu à suggérer que l’on dévoile son portrait ainsi que celui de Borden, tous deux premiers ministres lors des grandes guerres, à l’occasion d’une même cérémonie.

Image noir et blanc d’une page dactylographiée du journal intime de William Lyon Mackenzie King datée du 19 mai 1947.

Extrait du journal intime de William Lyon Mackenzie King daté du 19 mai 1947, dans lequel il explique comment il en est venu à suggérer qu’on dévoile son portrait ainsi que celui de Borden, tous deux premiers ministres lors des grandes guerres, à l’occasion d’une même cérémonie. (Fonds William Lyon Mackenzie King, MG 26 J 13, 19 mai 1947)

Une décennie plus tard, Forbes peint deux portraits de John Diefenbaker. Le premier est offert au politicien par les membres de son conseil des ministres et orne les murs du 24, Sussex, puis de Stornoway, la résidence officielle du chef de l’opposition. Le second est commandé par des francs-maçons de Washington et se trouve à Arlington, en Virginie.

En 1962, Kenneth Keith peint le portrait officiel de Bennett pour la Chambre des communes. La commande survient près de 25 ans après qu’il ait réalisé un premier tableau du politicien, et 15 ans après le décès de celui-ci. Elle émane du premier ministre John Diefenbaker et du président de la Chambre, Roland Michener. Une fois encore, on cherche à combler les lacunes de la collection de tableaux officiels représentant les premiers ministres du Canada à la Chambre.

Conclusion

Les carrières de portraitistes de John Colin et de Kenneth Keith Forbes révèlent les liens parfois insoupçonnés entre les arts et la politique. Les Forbes ont clairement tiré profit de leurs bonnes relations avec les parlementaires, particulièrement avec les premiers ministres, en obtenant de nombreuses commandes très prestigieuses.

Les premiers ministres ont également bénéficié du travail de peintres tels que les Forbes, dont les tableaux ont aidé à commémorer et à glorifier ces hommes qui ont détenu la plus haute fonction politique au pays ainsi qu’à inspirer leurs successeurs. Aussi, on l’a vu, c’est sans égard à la couleur politique qu’on a demandé aux Forbes de contribuer à cette entreprise de mémoire en produisant les portraits de premiers ministres en fonction ainsi que de leurs prédécesseurs. Ce faisant, ils ont contribué à asseoir la fonction de premier ministre dans la mémoire politique du pays.

Par ailleurs, le talent pour le portrait ne s’est pas arrêté à John Colin et à son fils Kenneth Keith. En effet, la fille de Kenneth, Laura June McCormack (1921-1961), dont la mère Jean Mary Edgell est également peintre, a réalisé quelques portraits qui se retrouvent à l’Assemblée législative de l’Ontario, et notamment un tableau représentant Louis-Hippolyte La Fontaine.

Pour en savoir plus sur les portraits de premiers ministres, voyez la thèse d’Andrew Kear, Governing Likenesses: The Production History of the Official Portraits of Canadian Prime Ministers, 1889-2002.


Geneviève Couture est archiviste au sein du projet des Archives du premier ministre, à la Division des archives privées du monde de la science et de la gouvernance de Bibliothèque et Archives Canada.

Les premiers ministres canadiens dans l’objectif des photographes de presse

Par Maude-Emmanuelle Lambert

L’exposition de Bibliothèque et Archives Canada (BAC) Les premiers ministres et l’art explore les liens parfois inusités entre différentes expressions artistiques et nos premiers ministres canadiens. On y découvre notamment les photographies d’éléments architecturaux de Pierre Elliott Trudeau (1958), le selfie cabotin de Jean Chrétien (Andrew Danson, Unofficial Portraits, 1985) ou bien encore la grande toile en tons jaune et orangé de l’artiste Carl Beam (2000) inspirée par Lester B. Pearson.

Ces œuvres permettent d’entrevoir une sensibilité artistique — parfois insoupçonnée — chez nos premiers ministres, mais aussi de quelle manière la fonction, voire la personnalité d’un premier ministre a inspiré, sans égard à sa couleur politique, un ou plusieurs artistes. Le portraitiste Yousuf Karsh par exemple, dont les photographies sont conservées par BAC, a vu défiler devant son objectif des premiers ministres d’allégeances et de générations différentes comme William Lyon Mackenzie King, Robert Borden, Pierre Elliott Trudeau et Joe Clark.

Photographie en noir et blanc montrant le premier ministre William Lyon Mackenzie King à son bureau. À l’arrière-plan, par une fenêtre, on aperçoit un des édifices du Parlement.

William Lyon Mackenzie King à son bureau, 15 mars 1947. King a été le mécène de Yousuf Karsh à partir de 1936. Photographie de Yousuf Karsh (e010752289).

Toutefois, les photographies les plus célèbres, voire « iconiques » de nos premiers ministres ne sont pas que l’œuvre de photographes portraitistes. Plusieurs d’entre elles ont été prises par des photographes de presse dont le nom est moins bien connu du grand public. Contrairement aux portraitistes qui ont tout le temps voulu pour planifier la composition de leur arrière-plan ou pour étudier leur sujet, les photographes de presse doivent faire preuve à la fois de patience et de rapidité. En effet, il n’est pas rare qu’ils doivent faire le pied de grue pendant des heures afin de prendre « le cliché » qui permettra de raconter un événement, de transmettre une émotion ou encore de croquer sur le vif un aspect de la personnalité d’un premier ministre.

Peut-être avez-vous déjà vu la photographie de Pierre Elliott Trudeau glissant comme un enfant sur une rampe d’escalier? Prise en 1968, lors du congrès à la chefferie du Parti libéral du Canada, elle est l’une des photos marquantes de la carrière du photographe de presse Ted Grant. Dans un livre consacré à son œuvre, signé Thelma Fayle, le photographe précise que s’il n’avait pas entendu les rires des gens sur place, il aurait probablement raté ce moment : « Je me suis retourné, car des éclats de rire ont attiré mon attention. J’ai pu prendre rapidement trois clichés avant que Trudeau n’atterrisse presque sur moi » [traduction] (Thelma Fayle, Ted Grant: Sixty Years of Legendary Photojournalism, Victoria, Heritage House Publishing, 2013, p. 67-68).

Né en 1929 à Toronto, Ted Grant entreprend sa carrière de photographe au milieu des années 1950. Vu par plusieurs comme un véritable pionnier de la photographie de presse au Canada (certains le présentent même comme le « père du photojournalisme canadien »), il travaille, entre autres, comme contractuel pour différents imprimés (dont l’Ottawa Citizen), l’Office national du film et l’Office de tourisme du gouvernement canadien. Au cours de sa carrière, il photographie plusieurs courses à la direction, élections (tant fédérales que provinciales) et conférences des premiers ministres. Invité à suivre sur la route Robert Stanfield, chef du Parti progressiste-conservateur, il en vient à tisser des liens étroits avec le jeune et futur premier ministre Joe Clark, son entourage politique et sa famille. Conservées dans le fonds Joe Clark et dans le fonds Ted Grant, de nombreuses photographies en noir et blanc nous montrent Joe Clark lors de ses apparitions publiques telles que sa cérémonie d’assermentation ou encore dans des moments plus privés comme des réunions de travail avec ses principaux conseillers.

Photographie en noir et blanc de Joe Clark, debout, prêtant serment à titre de premier ministre du Canada. On peut voir à ses côtés, assis, le gouverneur général Edward Schreyer.

Assermentation de Joe Clark à titre de 16e premier ministre du Canada, 4 juin 1979. Photographie de Ted Grant (e010764766).

La relation privilégiée qu’entretient Ted Grant avec les Clark lui donne accès à la vie privée et familiale du premier ministre. Celui qui a pris les tout premiers clichés de Catherine, seule enfant du couple, est aussi des fêtes familiales en plein air et dans l’intimité du salon. Bien que Ted Grant soit dans la pièce avec eux, les Clark semblent ne pas remarquer sa présence. Selon l’épouse de Joe Clark, Maureen McTeer, le photographe était patient et discret : « Si vous étiez conscient de sa présence, il attendait que vous ne le soyez plus [avant de prendre une photo] » [traduction] (Fayle, p. 75). Mais à ces moments joyeux où le photographe regarde à travers sa lentille le premier ministre détendu, assis sur le plancher du 24 Sussex avec sa fille et son épouse, se greffent des instants où la déception est manifeste sur les visages, comme à l’occasion de la soirée électorale de 1980.

Photographie en noir et blanc sur laquelle on voit le premier ministre Joe Clark, son épouse et sa fille assis par terre dans le salon devant le foyer.

Le premier ministre Joe Clark et sa famille (son épouse Maureen McTeer et sa fille Catherine) à la résidence du 24 Sussex (e002712822). Cette photographie est un bon exemple de la relation exceptionnelle et de la confiance qui se sont établies entre la famille Clark et le photographe Ted Grant. Ce dernier a documenté de nombreux moments importants de la carrière de Joe Clark, mais aussi des moments intimes de la famille sur plusieurs décennies.

Puisque les photographes de presse sont appelés à saisir l’instant, il n’est guère surprenant de voir dans leurs collections des clichés montrant les premiers ministres dans le feu de l’action politique. On pense notamment à la photographie réalisée par Louis Jaques d’un jeune John Diefenbaker intervenant en chambre alors qu’il est député et aspire à devenir le chef du Parti conservateur, ou bien à celle prise par Robert Cooper de John Turner qui s’adresse à une foule pendant la course à la chefferie du Parti libéral du Canada.

Photographie en noir et blanc qui montre le député John Diefenbaker, debout, s’adressant à la Chambre des communes. Autour de lui, on peut voir des députés assis à leurs pupitres.

John Diefenbaker, député, intervenant en chambre en 1948. Photographie de Louis Jaques (C-080883).

Photographie en noir et blanc montrant John Turner qui s’exprime au micro devant une foule. On peut apercevoir le drapeau du Canada.

John Turner s’adressant à la foule à Ottawa, lors du congrès à la chefferie du Parti libéral du Canada en 1984. Photographie de Robert Cooper (a152415).

Fait intéressant, près de la moitié des photographies conservées par BAC font partie de collections photojournalistiques. À elle seule, la collection du photographe Ted Grant comprend près de 216 000 photographies en noir et blanc et en couleurs, négatifs et planches-contacts, alors que celle de Duncan Cameron en compte 175 000. Tout comme Ted Grant, Duncan Cameron a commencé sa carrière de journaliste de presse dans les années 1950. Né à Glasgow en Écosse, il a immigré au Canada en 1954 et a couvert la Colline parlementaire pendant de nombreuses années, photographiant différentes personnalités politiques et nouant des liens avec elles. Duncan Cameron a aussi été photographe contractuel pour Time Life Inc. de 1963 à 1976 et a terminé sa carrière aux Archives publiques du Canada, auxquelles il a fait don de sa collection.

Photographie en noir et blanc sur laquelle on peut voir quatre anciens premiers ministres canadiens, soit Pierre Elliott Trudeau, John Turner, Jean Chrétien et Lester B. Pearson.

Pierre Elliott Trudeau, John Turner, Jean Chrétien et le premier ministre Lester B. Pearson après un remaniement ministériel, 4 avril 1967. Photographie de Duncan Cameron (a117107).

En somme, les collections constituées par les photographes de presse documentent de manière exceptionnelle l’histoire politique canadienne, mais aussi des facettes plus intimes des premiers ministres canadiens dans l’exercice de leur fonction. En les photographiant dans le feu de l’action ou dans leurs moments de détente, en pleine ascension ou en situation d’échec, ces artistes ont réussi à capter un ou plusieurs aspects de la personnalité des premiers ministres.

Photographie en noir et blanc du premier ministre Pierre Elliott Trudeau en train de prendre une photographie.

Pierre Elliott Trudeau prenant une photographie avec l’appareil du journaliste de presse Duncan Cameron, 28 juin 1968. Photographie de Duncan Cameron (a175919).


Maude-Emmanuelle Lambert est archiviste à la Division des archives privées du monde de la science et de la gouvernance à Bibliothèque et Archives Canada.

Explosion d’Halifax : documents conservés à Bibliothèque et Archives Canada

Par Valerie Casbourn

Le matin du 6 décembre 1917, deux navires, le Imo et le Mont-Blanc, entrent en collision dans la partie la plus étroite du port d’Halifax. Le Mont-Blanc est un navire de munitions en route pour rejoindre un convoi naviguant vers l’Europe déchirée par la guerre. La cargaison du Mont-Blanc prend feu et le navire explose 20 minutes plus tard. La déflagration pulvérise une partie de la ville, tuant près de 2 000 personnes, en blessant des milliers et provoquant des dégâts considérables à Halifax, à Dartmouth et dans la communauté micmaque de Turtle Grove. « L’explosion d’Halifax », comme on l’a surnommée, amène au Canada le danger et la destruction de la Première Guerre mondiale, et marque à jamais la ville d’Halifax.

Photographie en noir et blanc de quelques personnes marchant au milieu d’une rue dont les bâtiments sont détruits.

Dévastation causée par l’explosion d’Halifax. L’édifice à gauche était la fonderie Hillis & Sons (MIKAN 3193301)

Guide pour les documents sur l’explosion d’Halifax

Bibliothèque et Archives Canada (BAC) possède divers documents témoignant de l’explosion d’Halifax, de ses conséquences, ainsi que des secours apportés aux victimes et des enquêtes menées après le désastre. Le premier outil de recherche à consulter est le guide thématique de BAC Explosion d’Halifax. Certains des documents listés dans ce guide ont été numérisés à partir de microfilms et sont accessibles sur le site Web Héritage. D’autres documents peuvent être consultés sur place à BAC.

Le guide présente d’abord la liste des documents relatifs au désastre et à ses conséquences, conservés par le gouvernement fédéral canadien. Cette liste comprend des documents tels que ceux de l’enquête officielle sur la collision entre le Mont-Blanc et l’Imo menée par le commissaire aux sinistres maritimes du Dominion (RG42, vol. 596 et RG42, vol. 597). On y trouve aussi la correspondance du censeur en chef de la presse en temps de guerre, Ernest J. Chambers (RG6, vol. 621, dossier 350, microfilm T-102), laquelle décrit l’urgent besoin de communiquer les nouvelles relatives au désastre avec exactitude, mais sans révéler aucune information sur les défenses du port d’Halifax.

Image d’un télégramme qui se lit comme suit : [traduction] « 15 h 45. Télégramme envoyé à Geo. D. Perry? dir. gén. G.N.W. Telegraph Co, Toronto ON. Télégramme envoyé à J. McMillan, dir. C.P. Ry. Telegraphs, Montréal. Ottawa ON, 6 déc. 1917. Compte tenu des reportages contradictoires à l’étranger sur l’explosion d’Halifax, j’espère que le maximum est fait pour faciliter une transmission de tous les rapports de presse. Cela est plus que souhaitable d’un point de vue national. Ernest J. Chambers, censeur en chef de la presse. »

Message d’Ernest J. Chambers, censeur en chef de la presse, à G.N.W. Telegraph Co. et C.P. Ry. Telegraphs (T-102, Image 119)

Image d’un télégramme qui se lit comme suit : [traduction] « Ottawa, 7 décembre 1917. C.O. Knowles, Toronto. En ce qui concerne les rapports sur le désastre d’Halifax, il est important que rien ne soit publié révélant des renseignements sur les défenses, la force et la disposition de la garnison, etc. Aucune information ne devra non plus être donnée sur les activités navales et les activités de transport au port durant la guerre. Aucune photographie d’Halifax et des environs prise depuis le début de la guerre ne devra être publiée. Il est souhaitable que les correspondants spéciaux envoyés à Halifax s’informent des exigences de la censure locale. Ernest J. Chambers. »

Message d’Ernest J. Chambers, censeur en chef de la presse, à C.O. Knowles, Canadian Press Limited (T-102, Image 136)

Si vous cherchez des images, consultez l’album Flickr de BAC pour y découvrir des photographies numérisées, prises après l’explosion d’Halifax. BAC a également publié une description plus détaillée de l’explosion sur la page concernant la tragédie sur le front intérieur : explosion d’Halifax le 6 décembre 1917 (en anglais seulement).

 

Photographie en noir et blanc montrant une rangée de personnes fouillant les décombres des bâtiments détruits.

Conséquences de l’explosion d’Halifax (MIKAN 3193299)

Recherche d’autres documents

Vous trouverez d’autres documents relatifs à l’explosion d’Halifax en interrogeant la base de données des fonds d’archives à l’aide des mots-clés Halifax ET explosion OU désastre, ou en utilisant d’autres mots-clés associés au désastre. Vous pouvez ensuite limiter vos résultats de recherche par date ou par genre de document (photographies ou documents textuels).

Les documents conservés à BAC proviennent du gouvernement fédéral canadien ainsi que de personnes et d’organismes privés. Certains documents sont accessibles en ligne, d’autres peuvent être consultés sur place lors de visites en personne ou en commandant des reproductions.

Correspondance sur l’explosion d’Halifax : fonds Sir Robert Borden

Il y a beaucoup trop de documents relatifs à l’explosion d’Halifax pour les mentionner tous ici, mais la correspondance contenue dans le fonds Sir Robert Borden (MG26-H) raconte une petite partie de l’histoire. Sir Robert Borden était premier ministre du Canada et député d’Halifax au moment de l’explosion; ses archives comprennent des télégrammes transmettant entre autres des nouvelles du désastre, des messages de sympathie aux habitants d’Halifax et des offres d’assistance.

Pour trouver les documents sur l’explosion d’Halifax dans le fonds Sir Robert Borden, interrogez la base de données des fonds d’archives à l’aide des mots-clés MG26-H ET Halifax ET explosion. Vous pouvez aussi consulter les instruments de recherche du fonds Borden, accessibles en format PDF dans la section Instrument de recherche de la description du fonds (défiler vers le bas).

La majeure partie de la correspondance sur l’explosion se trouve dans le dossier « Désastre d’Halifax 1917-1918 » (MG26-H, vol. 89-90, pages 46309-47016, microfilm C-4325, disponible sur le site Web Héritage, à partir de l’image 301).

Télégramme de la Great North Western Telegraph Company of Canada, qui se lit comme suit : [traduction] « Moncton, N.-B., 6 déc. 1917. J.D. Reid, Ottawa. On signale qu’un navire chargé d’explosifs au quai six qui s’éloignait, vers 8 h 30 ce matin, a été percuté par un navire qui s’avançait, et il a pris feu. On a tenté de le couler avant qu’il n’explose mais on a échoué. Il a explosé à 9 h. On signale que la ville est en très mauvais état et qu’il y a beaucoup de dommages mais, les câbles télégraphiques et téléphoniques étant coupés, impossible d’obtenir des détails. Je donnerai plus d’information dès que j’en aurai. Le directeur général adjoint Brown se dirige vers Halifax par le « Special ». C.A. Hayes. »

Ce premier rapport sur le désastre a été envoyé à Ottawa à partir de Moncton parce que l’explosion avait endommagé les câbles télégraphiques et téléphoniques à Halifax et interrompu les communications avec la ville. (microfilm C-4325, image 321)

Télégramme de la Western Union qui se lit comme suit : [traduction] « RM Boston Mass. 7 déc. via Ottawa ON 8 1917. Robert Borden, premier ministre, Halifax, N.-É. D’après ce que vous savez des conditions à Halifax, que pouvons-nous faire immédiatement pour aider à soulager la détresse des habitants d’Halifax? La nuit dernière, un train de secours est parti d’ici à 10 h et devrait arriver à 20 h ce soir. Nous avons un bateau ici à votre disposition qui peut partir dimanche matin et arriverait à Halifax lundi matin. Peut-il s’amarrer? H.B. Endicot, président, Comité de secours Massachusetts-Halifax. »

Offre d’aide de Boston, envoyée à Sir Robert Borden par H.B. Endicott, président du comité de secours Massachusetts-Halifax. (microfilm C-4325, image 345)

Ressources connexes :


Valerie Casbourn est archiviste à la division Services régionaux et AIPRP de Bibliothèque et Archives Canada.