Timbres faux, falsifiés et contrefaits à Bibliothèque et Archives Canada

Par James Bone

Vous savez peut-être que Bibliothèque et Archives Canada détient de nombreux timbres-poste dans ses collections. Mais saviez-vous que nous avons aussi beaucoup de timbres faux, falsifiés et contrefaits?

Ces trois termes sont parfois utilisés de manière interchangeable. Techniquement, un faux désigne un objet qui n’est ni officiel ni authentique; une falsification, un objet authentique modifié illégalement; et une contrefaçon, une copie d’un objet authentique. Ces articles sont produits à diverses fins, notamment pour priver frauduleusement l’autorité postale de ses recettes, tromper des collectionneurs aveuglés par l’appât du gain ou relever le défi de produire une imitation convaincante. Dans le domaine de la philatélie (l’étude des timbres-poste et de leur utilisation), la collecte intentionnelle et l’étude des faux, des falsifications et des contrefaçons aident à éviter que les collectionneurs ne soient dupés.

Certaines contrefaçons se repèrent facilement. Par exemple, comparez ces deux timbres de l’Île-du-Prince-Édouard antérieurs à la Confédération. On identifie sans mal la contrefaçon, à gauche (dont le portrait de la reine Victoria est de qualité nettement inférieure).

Deux timbres de l’Île-du-Prince-Édouard ornés d’un portrait de la reine Victoria. La contrefaçon est à gauche, et l’authentique, à droite.

La contrefaçon d’un timbre-poste de l’Île-du-Prince-Édouard représentant la reine Victoria, et le timbre authentique (e001219314 et e001219313)

Discerner le vrai du faux est souvent beaucoup plus difficile, mais certains collectionneurs s’attaquent à ce défi avec enthousiasme. Trois des principales collections de BAC comprenant des timbres de provenance douteuse sont celles de Rowcliffe F. Wrigley (R4595), Andre Frodel (R3759) et E. A. Smythies (R3853). Chacune d’elles a des particularités qui émoussent la curiosité des chercheurs et des collectionneurs.

Rowcliffe « Roy » Wrigley (1885-?) commence à collectionner les timbres à l’âge de 10 ans. Il devient célèbre en publiant des catalogues à l’intention des collectionneurs de timbres spéciaux, utilisés par les ministères. Ces timbres se caractérisent par les trous perforés formant les lettres OHMS (qui signifient « Au service de Sa Majesté »), ou par la surimpression de la lettre G. Wrigley arrive, sans que l’on sache comment, à posséder des milliers d’exemplaires sur lesquels ces lettres ont été soigneusement perforées pour frauder les collectionneurs.

Le problème, c’est que Wrigley est aussi un vendeur bien connu de timbres de cette nature. Le détachement de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à Vancouver s’intéresse donc de près à ses activités. Bien que Wrigley ne soit jamais condamné par un tribunal, il accepte de remettre sa collection à la GRC pour qu’elle la donne à l’ancien Musée national de la poste. Celui-ci appose la marque « counterfeit » (contrefaçon) sur tous les timbres de Wrigley.

Trois timbres-poste canadiens d’un cent. Chacun a le portrait du roi George V, des feuilles d’érable, des couronnes et de petits trous formant les lettres O-H-M-S.

Timbres-poste du Canada ornés du portrait du roi George V. Les lettres OHMS ont été frauduleusement perforées. (MIKAN 16142) Photo : James Bone

Andrzej Frodel s’est fait connaître sous le nom d’Andre Frodel au Canada. Il naît en 1890 dans une famille polonaise à Lviv, une ville ukrainienne qui appartient à l’époque à la monarchie austro-hongroise des Habsbourg. Dans l’entre-deux-guerres, il travaille à la compagnie produisant les billets de banque de l’État hongrois. Pendant cette période, il étudie les processus d’impression lithographique et les papiers pour timbre-poste. Il rejoint ensuite les forces armées polonaises pour combattre aux côtés des Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale. À la fin du conflit, Frodel se réinstalle au Canada après avoir reçu une terre agricole en Alberta. Après la faillite de sa ferme, quelques années plus tard, il déménage en Colombie-Britannique.

Exploitant son expertise de l’impression, de l’encre et des timbres, il se lance dans la création de timbres contrefaits. À notre connaissance, Frodel n’a aucune mauvaise intention et veut seulement démontrer ses compétences. Toutefois, ses acquéreurs finissent par profiter de l’occasion pour revendre ses timbres comme des authentiques. Un excellent exemple est sa contrefaçon de la plus célèbre erreur dans l’histoire de la philatélie au Canada : le timbre de 1959 honorant la voie maritime du Saint-Laurent, dont l’image est imprimée à l’envers. Il existe un nombre bien établi d’exemplaires authentiques de ce timbre, qui valent plus de 10 000 $.

Une contrefaçon à côté d’un véritable timbre de cinq cents de la Société canadienne des postes. Sur chacun d’eux, l’image centrale de la voie maritime du Saint-Laurent, sur laquelle se trouvent aussi un aigle et une feuille d’érable, est imprimée à l’envers.

Une contrefaçon et le véritable timbre-poste canadien de la voie maritime du Saint-Laurent, avec l’image centrale imprimée à l’envers (e010784418 et s002662k)

Frodel a aussi créé une fantaisie, c’est-à-dire un timbre plutôt vraisemblable, mais qui n’a jamais existé.

Un timbre fantaisiste de quatre cents des États-Unis. L’image de la voie maritime du Saint-Laurent, qui comprend une feuille d’érable et un aigle, est imprimée à l’envers.

Faux timbre fantaisiste de la poste des États-Unis créé par Andre Frodel. L’image de la voie maritime du Saint-Laurent est renversée. (e010784431)

Frodel meurt dans la pauvreté en 1963. Il a passé la fin de ses jours comme pensionnaire du lieutenant-colonel Frederick E. Eaton, propriétaire d’un magasin de timbres. Frodel a probablement fabriqué des faux et des contrefaçons pour ce marchand. On peut supposer qu’Eaton compte aussi sur d’autres fournisseurs de faux articles qu’il vend comme des authentiques. La GRC finit par enquêter sur lui et son magasin. Comme Wrigley, Eaton donnera finalement ses timbres frauduleux au Musée national de la poste. Il semble en profiter pour attribuer faussement la responsabilité du trafic à Frodel. Celui-ci, étant mort, est le bouc émissaire idéal. Pour dérouter les autorités et les chercheurs en philatélie, une marque est apposée au dos de bon nombre des falsifications afin de les faire passer pour des œuvres de Frodel.

Un authentique timbre fiscal canadien de cinq cents et une falsification. Les deux ont le portrait du roi George V, des feuilles d’érable et des couronnes.

Une falsification d’un timbre fiscal de la poste canadienne et le timbre authentique. Les deux représentent le roi George V et portent les mots « War tax » (impôt de guerre) en surimpression. (e010783309 et s001014k)

Evelyn Arthur Smythies est né de parents britanniques en Inde, en 1885. Il fait ses études à l’Université d’Oxford. Grand amateur de philatélie, il s’intéresse notamment aux timbres de l’Amérique du Nord britannique, bien qu’il n’ait jamais vécu au Canada. Il recueille des timbres faux, falsifiés et contrefaits de la meilleure qualité, et les étudie minutieusement pendant des années dans le but d’identifier leurs créateurs. Des recherches qui se poursuivent à ce jour jettent cependant des doutes sur ses conclusions.

Smythies est mort en 1975. Une partie de sa collection est présentée jusqu’au 26 novembre 2023 dans notre exposition Inattendu! Trésors surprenants de Bibliothèque et Archives Canada, au Musée canadien de l’histoire à Gatineau (Québec).

Une contrefaçon à côté d’un authentique timbre de six pence du Nouveau-Brunswick. Chacun d’eux porte des images de fleurs et de couronnes.

Des versions fausse et authentique d’un timbre-poste du Nouveau-Brunswick (e001219080 et e001219065)

On peut comparer la fabrication et la découverte de faux timbres en tous genres au jeu du chat et de la souris. Les collectionneurs et les utilisateurs du système postal s’y adonnent encore de nos jours. Au cours de la dernière décennie, un expert en philatélie a estimé que les timbres frauduleux coûtent, chaque année, plusieurs millions de dollars à Postes Canada. Heureusement, des services d’authentification diminuent les risques pour les collectionneurs. Avant d’acheter un article, ils peuvent le soumettre à un comité d’experts qui se spécialise dans l’art de distinguer le vrai du faux. Grâce à sa bibliothèque de timbres faux, falsifiés et contrefaits, Bibliothèque et Archives Canada peut donner un coup de main dans cette discipline hautement spécialisée.

Autres ressources


James Bone est archiviste philatélique et artistique à la Division des archives visuelles et sonores de Bibliothèque et Archives Canada.

Les timbres-poste conçus par Helen Roberta Fitzgerald

Par James Bone

Helen Roberta Fitzgerald (Helen Bacon, dans certains documents) est la première femme à concevoir des timbres-poste pour le Canada. Son premier timbre est Union mondiale de femmes rurales (1959). Elle en concevra ensuite six autres, tous acceptés par le ministère des Postes de l’époque. Si l’on compte son concept de Noël apparu sur deux timbres différents, ses œuvres seront utilisées pour illustrer huit timbres-poste canadiens.

Née en 1919 à Edmonton (Alberta), Helen Roberta Fitzgerald grandit à Toronto et passe la plus grande partie de sa vie en Ontario. Elle étudie l’art et le design dès son plus jeune âge, puis termine son éducation à l’École d’art de l’Ontario (maintenant l’Université de l’EADO), où elle enseignera plus tard. En plus d’enseigner, elle participe aux travaux d’art commercial du catalogue Eaton et fait de la pige dans les domaines de l’infographie et de la maquette. Elle participe très activement aux techniques artistiques faisant appel au textile, à la mosaïque et à la broderie. Plusieurs églises de l’Ontario l’embauchent d’ailleurs pour réaliser des œuvres ecclésiastiques.

Photo noir et blanc d’une femme qui sourit.
Helen Roberta Fitzgerald, en 1978. Photo fournie par l’artiste elle-même pour le projet de base de données des Archives postales canadiennes.

Helen Roberta Fitzgerald conçoit ensuite d’autres timbres, dont Association des Guides (1960), L’instruction fait la force (1962), Victoria, 1862-1962 (1962), Noël : offrandes des Rois mages (1965) et Sécurité routière (1966). Contrairement à d’autres concepteurs, elle dessine souvent ses timbres selon la grandeur et l’échelle réelles du résultat final plutôt que d’opter pour un grand format qui nécessite par la suite une réduction. Le timbre L’instruction fait la force montre les avantages de cette méthode, les éléments de conception occupant avec précision l’espace disponible.

Timbre à deux tons montrant un garçon et une fille tenant des diplômes et regardant au loin. Plusieurs symboles orange représentent des domaines du savoir : bâtiment classique, couronne, marteau, mécanismes, machine à écrire, équation scientifique, violon, globe, livre, microscope, etc.
La force par l’éducation (e001218439), droit d’auteur de la Société canadienne des postes. Notons que le timbre a été émis sous un nom différent en français (L’instruction fait la force).

Ce n’est que pendant une courte période de sa vie qu’Helen Roberta Fitzgerald conçoit des timbres-poste, soit de 1959 à 1967. Le concept de son dernier timbre canadien, La femme doit voter, 1917-1967 (1967), reçoit un accueil défavorable, ce qui contribue peut-être à la fin de sa collaboration avec le ministère des Postes.

Outre les timbres-poste qu’elle conçoit pour le Canada, l’artiste soumet des concepts pour l’emblème du Centenaire du Canada (1967) et peint des poissons qui servent entre autres à illustrer une série de timbres des Maldives, en 1963.

Dessin couleur montrant un poisson aux couleurs vives avec des rayures jaunes, bleues et noires sur un arrière-plan bleu.
Pygoplites diacanthus (poisson-ange duc), concept peint pour un timbre-poste des Maldives (e011202373).

Helen Roberta Fitzgerald prendra sa retraite à King City (Ontario), où elle continuera à pratiquer les arts. Elle y vivra avec son époux Wilfred Bacon jusqu’à son décès en 2009.

Bibliothèque et Archives Canada a reçu un don de quelques documents d’archives liés à Helen Roberta Fitzgerald, comprenant des peintures de la série des Maldives, des diapositives montrant une mosaïque de concepts pour le timbre Union mondiale de femmes rurales, des concepts pour l’emblème du Centenaire du Canada, des essais de concept pour le timbre-poste Sécurité routière, de la correspondance, des plis postaux et des coupures de journaux portant sur son travail. Tous les documents du fonds Helen Roberta Fitzgerald sont ouverts à la consultation.


James Bone est archiviste en philatélie et en art au sein de la Section des supports spécialisés privés, à Bibliothèque et Archives Canada.

Les timbres d’assurance-chômage et la collection Danny Leong

Par James Bone

Le gouvernement canadien met en place au début des années 1940, durant la Seconde Guerre mondiale, les premières composantes du filet de sécurité sociale que nous connaissons aujourd’hui. Le gouvernement cherche à éviter, ou du moins à atténuer, l’accroissement du chômage vécu au Canada lorsque les soldats sont rentrés au pays après la Première Guerre mondiale, en particulier dans le secteur manufacturier, touché par la fin de la production de guerre et la baisse de la demande qui en est résultée. Une des pièces maîtresses de ce programme est l’assurance-chômage : un programme obligatoire auquel les employés et les employeurs doivent contribuer en fonction du salaire de l’employé; ainsi, une personne qui perd son emploi pourra bénéficier d’un revenu continu durant une période déterminée. La loi établissant le programme reçoit la sanction royale en août 1940 et entre en vigueur le 1er juillet 1941. L’assurance-chômage a été modifiée et réformée depuis, mais l’actuel programme d’assurance-emploi est resté le même pour l’essentiel.

Une photographie couleur d’un timbre brun-rouge portant le texte suivant : Canada. Unemployment Insurance. Assurance-chômage. 1/6 27¢. Insured 0 Assuré.

Timbre d’assurance-chômage de 27 cents non oblitéré datant de 1941 (MIKAN 4933817)

Une photographie couleur d’un timbre d’assurance-chômage vert.

Timbre d’assurance-chômage de 51 cents datant de 1941 (MIKAN 4933828)

À l’époque, bien entendu, il n’y avait pas de gestion de documents informatisée; il fallait concevoir un moyen permettant de montrer non seulement que les cotisations avaient bien été versées, mais aussi qu’un employé donné était admissible au programme. La méthode la plus courante, à la fin du 19e et au début du 20e siècle, pour prouver que les taxes ou impôts ont été payés pour les services gouvernementaux consiste à utiliser des timbres fiscaux. Comme les timbres postaux, les timbres fiscaux précisent le montant payé pour acheter le timbre et la taxe ou l’impôt qu’il sert à payer. Après usage, les timbres fiscaux sont oblitérés par un agent responsable pour indiquer que leur valeur a été utilisée aux fins prévues. Les timbres d’assurance-chômage sont vendus dans les bureaux de poste; pour acheter ces timbres, les employeurs doivent retenir un certain pourcentage du salaire de leurs employés, tout en versant leur propre contribution. Les timbres sont ensuite collés dans des carnets, généralement conservés au service des ressources humaines ou de gestion de l’entreprise, puis soumis annuellement au bureau local de la Commission de l’assurance-chômage du Canada. Les employés ont un carnet par année, conservé par leur employeur. Afin de garantir que les sommes retenues sur le salaire servent bien à l’achat de timbres d’assurance-chômage, la loi autorise les employés à vérifier leur carnet deux fois par mois.

Une photographie couleur d’une page d’un carnet d’assurance-chômage usagé sur laquelle sont collés sept timbres, datée de mai, juin et juillet 1949.

Carnet de la Commission de l’assurance-chômage usagé daté de mai à juillet 1949 (MIKAN 4937508)

Une photographie couleur d’une page d’un carnet d’assurance-chômage usagé sur laquelle sont collés plusieurs timbres, datée d’octobre et novembre 1949. Les timbres sont très colorés et il y a une note manuscrite indiquant une date et des initiales.

Carnet de la Commission de l’assurance-chômage usagé daté d’octobre et novembre 1949 (MIKAN 4937509)

Au lancement du programme d’assurance-chômage, plusieurs types d’emploi en sont exclus : l’agriculture, la pêche, la foresterie et l’exploitation forestière, la chasse et la trappe, les services de transport aérien et maritime, la médecine, les soins infirmiers, l’enseignement, l’armée, la police et la fonction publique. Avec le temps, le programme couvre un nombre grandissant d’emplois. Un pas important est franchi en 1957, alors que l’industrie de la pêche devient admissible, apportant ainsi une garantie de revenu indispensable dans la nouvelle province de Terre-Neuve et dans l’ensemble des Maritimes. Au début, l’image d’un poisson est imprimée sur le timbre afin d’indiquer son utilisation prévue dans l’industrie de la pêche. Dans les années suivantes, les timbres d’assurance-chômage pour le secteur des pêcheries sont émis sans cette image.

Une photographie couleur d’un bloc de 50 spécimens de timbres d’assurance-chômage rouges.

Timbres d’assurance-chômage de 1959 (MIKAN 4933286)

Parmi les divers types de timbres fiscaux utilisés par les gouvernements fédéral et provinciaux, les timbres d’assurance-chômage sont relativement rares. C’est qu’en vertu de la loi et des règlements de ce programme, il est illégal de vendre des timbres non oblitérés; seuls un employeur ou le service des ressources humaines d’un employeur peuvent légalement posséder des timbres non oblitérés. En outre, la plupart des carnets et timbres oblitérés ayant été soumis à la Commission de l’assurance-chômage, ainsi que la majeure partie des timbres non oblitérés sont détruits volontairement après leurs cinq années de conservation prévues. Enfin, les timbres non vendus sont retournés par les bureaux de poste à la Commission de l’assurance-chômage pour être détruits quand ils ne peuvent plus être vendus, ce qui se produit lorsque des modifications aux cotisations à l’assurance-chômage exigent l’émission de nouveaux timbres.

La collection Danny Leong

Fort heureusement, Bibliothèque et Archives Canada a pu acquérir la collection de timbres d’assurance-chômage Danny Leong (R15771), laquelle comprend plus de 11 000 timbres, ainsi que des carnets d’assurance-chômage de toutes les années où ils ont été utilisés, en plus de divers documents connexes. Danny Leong et sa veuve, Violet Anne Leong, étaient des employés de la Commission de l’assurance-chômage en Colombie-Britannique. Grâce à cet emploi, monsieur Leong a pu collectionner des spécimens de timbres et des carnets qui n’étaient plus nécessaires pour le travail, la formation ou la référence dans le bureau.

La plupart des timbres de cette collection sont des spécimens préoblitérés, imprimés par la Compagnie canadienne des billets de banque à Ottawa et expédiés à la Commission de l’assurance-chômage à titre d’exemples de timbres à émettre et à vendre dans les bureaux de poste. La collection comprend également des spécimens de carnets d’assurance et des carnets utilisés que l’on conservait peut-être aux fins de formation. La pièce la plus originale est une épreuve gravée d’un timbre unique datant de mars 1959. Cette remarquable épreuve a été réalisée pour un timbre d’assurance-chômage dédié à l’agriculture, mais qui n’a jamais été émis; comme mentionné plus haut, le secteur de l’agriculture n’était pas couvert par l’assurance-chômage à cette époque. De toute évidence, on réfléchissait à la possibilité d’inclure le travail agricole dans le programme, et cette réflexion était suffisamment sérieuse pour concevoir et graver un timbre à cette fin. Consulté à propos de cette pièce, Yves Baril attribue très probablement le travail à Donald Mitchell, graveur de lettres pour la Compagnie canadienne des billets de banque, alors que le concept semble être celui de Harvey Prosser, sous la supervision de John Francis Mash.

Une photographie couleur d’une épreuve d’un timbre orange pour l’agriculture.

Épreuve d’un timbre d’assurance-chômage pour l’agriculture, jamais émis, daté du 12 mars 1959 (MIKAN 4933808)

L’utilisation des timbres fiscaux et des carnets d’assurance-chômage pour enregistrer le versement des cotisations se poursuit jusqu’au début des années 1970. Par la suite, le programme est remanié avec l’introduction des dossiers informatiques et l’apparition des formulaires de Relevé d’emploi, encore utilisés aujourd’hui. Mais surtout, la modification de la Loi sur l’assurance-chômage en 1971 élargit son application à presque tous les secteurs d’activité. La dernière émission de timbres d’assurance-chômage, imprimés en 1968, a très peu servi; seuls quelques rares timbres oblitérés ont été retrouvés par des collectionneurs. La collection de timbres d’assurance-chômage Danny Leong intéressera autant ceux qui étudient la philatélie que l’histoire du travail au Canada; elle peut être consultée à Bibliothèque et Archives Canada. Pour plus d’informations sur les timbres fiscaux canadiens, dont les timbres d’assurance-chômage, nous vous invitons à consulter la remarquable monographie Canada Revenues d’Edward Zaluski.

Une photographie couleur d’une feuille de timbres d’assurance-chômage couleur or sur lesquels est imprimé le mot SPECIMEN.

Feuille de timbres d’assurance-chômage non oblitérés datant de 1948 (MIKAN 4933742)


James Bone est archiviste à la Division des archives privées de la vie sociale et de la culture, Direction générale des archives, Bibliothèque et Archives Canada

Le Fonds Yves Baril de Bibliothèque et Archives Canada

Par James Bone

Les œuvres d’Yves Baril ont été, sans nul doute, reproduites plus souvent que celles de tout autre artiste canadien. Pourtant, à moins d’être féru de numismatique ou de philatélie canadiennes, il y a de fortes chances que vous n’ayez jamais entendu parler de lui. Connu pour ses magnifiques portraits riches en détails, Yves Baril est le maître graveur incontesté du Canada : il est l’auteur des gravures de plus de 146 timbres-poste canadiens, des billets de banque canadiens imprimés de la fin des années 1950 aux années 1990, de l’argent Canadian Tire, de certificats d’actions et d’obligations, d’étiquettes et de coupons. Comme des millions de ces produits sont imprimés et en circulation, en particulier les timbres et les billets de banque, le travail d’Yves Baril est passé entre les mains de bon nombre de Canadiens, voire de la plupart d’entre eux.

Né en 1932 à Verdun, au Québec, Yves Baril grandit dans le sud-ouest de Montréal. Il étudie les arts, notamment la peinture et la typographie, à l’école du Musée des beaux-arts de Montréal et à l’Institut des arts graphiques de Montréal. Après l’obtention de son diplôme, Baril devient graveur apprenti à la Compagnie canadienne des billets de banque limitée, à Ottawa, en 1953, une entreprise privée qui se spécialise dans l’impression de billets de banque et de documents de valeur. Élève du maître graveur Silas Robert Allen, Baril commence par imiter le travail de son professeur. Sa chance arrive en 1955, lorsque le ministère des Postes rejette la gravure d’Allen pour un timbre commémorant l’immigration de colons en Saskatchewan et en Alberta. Le cycle de production étant trop avancé pour recommencer à zéro, on soumet, en désespoir de cause, la gravure de Baril. À la surprise générale, et au déplaisir d’Allen, le ministère des Postes choisit la version de Baril. Sa carrière de graveur est lancée.

Enveloppe de la Compagnie canadienne des billets de banque limitée envoyée à Yves Baril, Esq.(maître), c/o (a/s) Compagnie canadienne des billets de banque limitée. Inscriptions : First Day Cover (pli Premier Jour), Day of Issue/Jour d’émission. L’enveloppe porte la signature du graveur, Yves Baril.

Pli Premier Jour autographié le 30 juin 1955 par Yves Baril, graveur du timbre-poste de 1955 commémorant l’immigration de colons en Saskatchewan et en Alberta (MIKAN 3951112). Droit d’auteur : Société canadienne des postes (timbre-poste), BAC (autographe).

Baril passera le reste de sa carrière à la Compagnie canadienne des billets de banque, perfectionnant son art au fil de formations supplémentaires reçues à la société mère, l’American Bank Note, à New York, et à sa filiale, la Bradbury, Wilkinson and Company, à Londres, en Angleterre. Outre son travail sur les timbres-poste canadiens, les billets de banque et les coupons de compagnies, il a gravé 6 timbres-poste pour les Nations Unies (utilisés au sein des bureaux des Nations Unies pour l’envoi de courrier) et de 11 timbres-poste pour les États-Unis. Ses œuvres les plus notables furent des portraits de la reine Elizabeth II ornant des timbres commémoratifs des visites royales de 1959 et de 1964, réalisés d’après une peinture de Pietro Annigoni et une photographie d’Anthony Buckley, respectivement. Ces œuvres ont exigé de l’artiste des centaines d’heures de travail ainsi que l’approbation du produit final par la reine elle-même.

Timbre rouge sur lequel figure la reine Elizabeth II drapée dans une cape. Gravure d’une couronne dans le coin supérieur gauche.

Matrice d’essai en couleur pour la visite royale de 1959 (MIKAN 2212875). Droit d’auteur : Société canadienne des postes.

Bloc de quatre timbres représentant la reine Elizabeth II assise pour un portrait officiel. Elle porte une robe de soirée et une couronne. De son épaule gauche part une écharpe placée en diagonale, serrée à la taille et ornée d’une épingle sertie de bijoux.

Bloc de quatre timbres-poste pour la visite royale de 1964 (MIKAN 2214233). Droit d’auteur : Société canadienne des postes.

En 2009 puis en 2015, Yves Baril fait don de ses archives à Bibliothèque et Archives Canada. Celles-ci comprennent des registres dans lesquels sont notés les jours et le nombre d’heures passées à travailler sur chaque gravure, ses commentaires sur son travail, des plis Premier Jour commémoratifs pour l’émission de timbres-poste qu’il a gravés et un album de trésors philatéliques compilé à partir de matériel dont la Compagnie canadienne des billets de banque voulait se dessaisir. Il est possible de consulter ces documents dans le fonds Yves Baril de Bibliothèque et Archives Canada ainsi que des centaines d’autres ayant trait à son travail contenus dans le fonds du ministère des Postes (RG3/R169) que possède BAC. Parmi ces documents figurent notamment des centaines d’épreuves imprimées à partir de ses gravures et beaucoup de matrices en acier originales qu’il a gravées et qui ont servi à faire des plaques d’imprimerie pour les timbres-poste.

Entrée manuscrite dans un journal expliquant la production d’un timbre.

Entrée dans le cahier de notes d’Yves Baril sur les timbres-poste de l’émission « Caricatures » de 1973 (MIKAN 4868428). Droits d’auteur : Bibliothèque et Archives Canada.

Yves Baril a visité Bibliothèque et Archives Canada récemment pour parler de son fonds. Pendant sa visite, il a évoqué sa formation d’apprenti et sa formation générale, son travail et ses expériences comme francophone travaillant à Ottawa au cours de la seconde moitié du 20e siècle. Il a aussi présenté certains de ses autres objets personnels, notamment une matrice en acier gravée pour recréer le premier timbre-poste du Canada, le castor de trois pence, de même qu’un jeu d’outils de gravure qu’il avait conçus lui-même dans les années 1950 et qui fonctionnent encore aujourd’hui.

Timbre sur lequel apparaissent cinq générations de souverains britanniques.

Matrice d’essai pour un timbre-poste non émis se trouvant dans l’album d’Yves Baril. Y figurent la succession de monarques britanniques de la reine Victoria jusqu’au roi George VI, incluant le roi Edward VIII, dont l’image n’apparaît sur aucun timbre-poste canadien. (Détails tirés de R13163, vol. 5, page 13 – MIKAN 4877973 – droit d’auteur : Bibliothèque et Archives Canada.


James Bone est archiviste dans la division des Supports spécialisés privés, Archives privées, Direction générale des archives, Bibliothèque et Archives Canada.