Par James Bone
Les œuvres d’Yves Baril ont été, sans nul doute, reproduites plus souvent que celles de tout autre artiste canadien. Pourtant, à moins d’être féru de numismatique ou de philatélie canadiennes, il y a de fortes chances que vous n’ayez jamais entendu parler de lui. Connu pour ses magnifiques portraits riches en détails, Yves Baril est le maître graveur incontesté du Canada : il est l’auteur des gravures de plus de 146 timbres-poste canadiens, des billets de banque canadiens imprimés de la fin des années 1950 aux années 1990, de l’argent Canadian Tire, de certificats d’actions et d’obligations, d’étiquettes et de coupons. Comme des millions de ces produits sont imprimés et en circulation, en particulier les timbres et les billets de banque, le travail d’Yves Baril est passé entre les mains de bon nombre de Canadiens, voire de la plupart d’entre eux.
Né en 1932 à Verdun, au Québec, Yves Baril grandit dans le sud-ouest de Montréal. Il étudie les arts, notamment la peinture et la typographie, à l’école du Musée des beaux-arts de Montréal et à l’Institut des arts graphiques de Montréal. Après l’obtention de son diplôme, Baril devient graveur apprenti à la Compagnie canadienne des billets de banque limitée, à Ottawa, en 1953, une entreprise privée qui se spécialise dans l’impression de billets de banque et de documents de valeur. Élève du maître graveur Silas Robert Allen, Baril commence par imiter le travail de son professeur. Sa chance arrive en 1955, lorsque le ministère des Postes rejette la gravure d’Allen pour un timbre commémorant l’immigration de colons en Saskatchewan et en Alberta. Le cycle de production étant trop avancé pour recommencer à zéro, on soumet, en désespoir de cause, la gravure de Baril. À la surprise générale, et au déplaisir d’Allen, le ministère des Postes choisit la version de Baril. Sa carrière de graveur est lancée.

Pli Premier Jour autographié le 30 juin 1955 par Yves Baril, graveur du timbre-poste de 1955 commémorant l’immigration de colons en Saskatchewan et en Alberta (MIKAN 3951112). Droit d’auteur : Société canadienne des postes (timbre-poste), BAC (autographe).
Baril passera le reste de sa carrière à la Compagnie canadienne des billets de banque, perfectionnant son art au fil de formations supplémentaires reçues à la société mère, l’American Bank Note, à New York, et à sa filiale, la Bradbury, Wilkinson and Company, à Londres, en Angleterre. Outre son travail sur les timbres-poste canadiens, les billets de banque et les coupons de compagnies, il a gravé 6 timbres-poste pour les Nations Unies (utilisés au sein des bureaux des Nations Unies pour l’envoi de courrier) et de 11 timbres-poste pour les États-Unis. Ses œuvres les plus notables furent des portraits de la reine Elizabeth II ornant des timbres commémoratifs des visites royales de 1959 et de 1964, réalisés d’après une peinture de Pietro Annigoni et une photographie d’Anthony Buckley, respectivement. Ces œuvres ont exigé de l’artiste des centaines d’heures de travail ainsi que l’approbation du produit final par la reine elle-même.

Matrice d’essai en couleur pour la visite royale de 1959 (MIKAN 2212875). Droit d’auteur : Société canadienne des postes.

Bloc de quatre timbres-poste pour la visite royale de 1964 (MIKAN 2214233). Droit d’auteur : Société canadienne des postes.
En 2009 puis en 2015, Yves Baril fait don de ses archives à Bibliothèque et Archives Canada. Celles-ci comprennent des registres dans lesquels sont notés les jours et le nombre d’heures passées à travailler sur chaque gravure, ses commentaires sur son travail, des plis Premier Jour commémoratifs pour l’émission de timbres-poste qu’il a gravés et un album de trésors philatéliques compilé à partir de matériel dont la Compagnie canadienne des billets de banque voulait se dessaisir. Il est possible de consulter ces documents dans le fonds Yves Baril de Bibliothèque et Archives Canada ainsi que des centaines d’autres ayant trait à son travail contenus dans le fonds du ministère des Postes (RG3/R169) que possède BAC. Parmi ces documents figurent notamment des centaines d’épreuves imprimées à partir de ses gravures et beaucoup de matrices en acier originales qu’il a gravées et qui ont servi à faire des plaques d’imprimerie pour les timbres-poste.

Entrée dans le cahier de notes d’Yves Baril sur les timbres-poste de l’émission « Caricatures » de 1973 (MIKAN 4868428). Droits d’auteur : Bibliothèque et Archives Canada.
Yves Baril a visité Bibliothèque et Archives Canada récemment pour parler de son fonds. Pendant sa visite, il a évoqué sa formation d’apprenti et sa formation générale, son travail et ses expériences comme francophone travaillant à Ottawa au cours de la seconde moitié du 20e siècle. Il a aussi présenté certains de ses autres objets personnels, notamment une matrice en acier gravée pour recréer le premier timbre-poste du Canada, le castor de trois pence, de même qu’un jeu d’outils de gravure qu’il avait conçus lui-même dans les années 1950 et qui fonctionnent encore aujourd’hui.

Matrice d’essai pour un timbre-poste non émis se trouvant dans l’album d’Yves Baril. Y figurent la succession de monarques britanniques de la reine Victoria jusqu’au roi George VI, incluant le roi Edward VIII, dont l’image n’apparaît sur aucun timbre-poste canadien. (Détails tirés de R13163, vol. 5, page 13 – MIKAN 4877973 – droit d’auteur : Bibliothèque et Archives Canada.
James Bone est archiviste dans la division des Supports spécialisés privés, Archives privées, Direction générale des archives, Bibliothèque et Archives Canada.