Conservateur invité : James Bone

Bannière pour la série Conservateurs invités. À gauche, on lit CANADA 150 en rouge et le texte « Canada: Qui sommes-nous? » et en dessous de ce texte « Série Conservateurs invités ».

Canada : Qui sommes-nous?

Canada : Qui sommes-nous? est une nouvelle exposition de Bibliothèque et Archives Canada (BAC) qui marque le 150e anniversaire de la Confédération canadienne. Une série de blogues est publiée à son sujet tout au long de l’année.

Joignez-vous à nous chaque mois de 2017! Des experts de BAC, de tout le Canada et d’ailleurs donnent des renseignements additionnels sur l’exposition. Chaque « conservateur invité » traite d’un article particulier et en ajoute un nouveau — virtuellement.

Ne manquez pas l’exposition Canada : Qui sommes-nous? présentée au 395, rue Wellington à Ottawa, du 5 juin 2017 au 1er mars 2018. L’entrée est gratuite.


Le Castor de trois pence, conception de sir Sandford Fleming, 1851

Sépia, timbre carré. À chaque coin se trouve le chiffre trois, qui indique le coût. Dans un anneau autour du centre est écrit « Canada Postage Three Pence », et une couronne se trouve entre les mots du haut. Au centre de l’anneau apparaît un castor près d’un cours d’eau; une montagne et des arbres se trouvent à l’arrière-plan.

Le castor de trois pence, conçu par sir Sandford Fleming, 1851 (s002250k) ©Postes Canada

On jugeait que le castor représentait bien le Canadien moyen parce qu’il est travaillant, tenace et très habile en construction. C’est l’une des raisons pour lesquelles le premier timbre canadien est à son effigie.


Parlez-nous de vous.

Je fais l’acquisition et le traitement des archives philatéliques de sources privées (ou non gouvernementales). Bien que BAC possède le très important Fonds du ministère des Postes, lequel contient les dossiers de Postes Canada, l’étude de la philatélie s’effectue entièrement dans la sphère privée. Ainsi, pour compléter les dossiers officiels, BAC recueille aussi les dossiers de concepteurs de timbres, de graveurs et d’artistes ainsi que ceux d’imprimeries, de sociétés philatéliques du Canada, et ceux de chercheurs et d’exposants majeurs du domaine de la philatélie.

J’ai récemment représenté BAC dans le cadre de la British North America Philatelic Society Exhibition qui a eu lieu en 2016, à Fredericton, au Nouveau-Brunswick. J’ai cherché à faire connaître les collections de BAC et la façon de les utiliser, tout en soulignant que des participants pourraient avoir des documents d’archives intéressants pour la collection grandissante de BAC.

Je ne m’attendais pas réellement à travailler pour BAC. Après mes études de premier cycle, en 2006, j’ai obtenu une bourse d’une année afin de poursuivre mes études en langue chinoise à l’Université normale de Pékin, ce qui servait de préparatifs pour mon projet de maîtrise ès arts et histoire de la Chine. Toutefois, la maladie et un changement d’orientation m’ont poussé vers le marché du travail. J’ai travaillé à London (Ontario) en assistance technique et supervisé plus tard une équipe de soutien technique à Montréal pendant plusieurs années avant de revenir aux études supérieures.

Les Canadiens devraient-ils savoir autre chose à ce sujet selon vous?

Cet exemplaire du premier timbre-poste du Canada, le castor de trois pence, est l’un des 250 000 qui ont été imprimés et mis en circulation le 23 avril 1851, sous la supervision de l’honorable James Morris, maître général des Postes. Il devait servir dans la nouvelle Province du Canada (ce qui englobait l’Ontario et le Québec actuels). La législature provinciale coloniale, ayant décidé en 1849 d’utiliser des timbres-poste imprimés et pris la direction de l’administration postale en 1851, a demandé au talentueux ingénieur et inventeur Sandford Fleming de concevoir le premier timbre. Fleming a rencontré le maître général des Postes et shérif Rutter (ou Rutten) à l’hôtel Ellah sur la rue King, à Toronto, le 24 février 1851, afin de discuter des détails de la conception.

Photographie noir et blanc montrant un homme âgé portant un veston de complet, un gilet et un nœud papillon.

Sir Sandford Fleming, concepteur du premier timbre-poste du Canada, avril 1902. Photographie prise au studio Topley, à Ottawa (a033782)

La création de Fleming était assez révolutionnaire, c’est-à-dire le premier timbre-poste à présenter un animal comme symbole du pays, plutôt qu’un monarque ou un chef d’État. L’image du castor représente à la fois l’amour du travail et la ténacité de la nation canadienne naissante dans la construction de ses villes, villages et collectivités, tout en évoquant une époque où les peaux des castors faisaient office de monnaie commune dans l’activité économique.

À l’époque, les timbres-poste étaient une invention relativement récente; la Grande-Bretagne a émis le premier timbre-poste prépayé du monde en mai 1840, le « Penny Black ». Avant les timbres-poste, il fallait payer comptant un maître de poste, lequel indiquait, sur le dessus de l’article, la réception du paiement. Comme les nouveaux timbres-poste n’avaient pas encore de perforations, certains maîtres de poste n’aimaient pas le fardeau additionnel que représentait le découpage des timbres à partir d’une feuille, afin de les vendre aux clients, ni l’obligation de les annuler immédiatement afin d’indiquer qu’ils étaient utilisés et d’empêcher leur réutilisation. Pendant un certain temps, la pratique plus ancienne a continué en même temps que le recours aux timbres-poste, et ce, jusqu’à la nouvelle législation de 1875 qui exigeait que seuls les timbres soient utilisés comme preuve de paiement.

L’illustration du castor a été réimprimée sur plusieurs émissions postérieures de timbres-poste. Le castor demeure un motif répandu; il apparaît sur nos pièces de cinq cents, et il a été choisi comme animal national du Canada en 1975.

Ce que les gens ne savent peut-être pas à ce sujet, c’est que l’émission du timbre a soulevé la controverse parce qu’il avait été imprimé à New York plutôt qu’à Toronto.

La recherche a montré que Hugh Scobie, imprimeur du journal de Toronto The British Colonist, a probablement reçu une commande de vive voix au début ou au milieu de mars, afin d’imprimer les timbres à partir d’une matrice lithographiée qui avait été gravée par James ou John Ellis. Des inquiétudes sont parvenues aux oreilles du maître général des Postes, James Morris : le processus d’imprimerie était trop exposé à la contrefaçon; il a donc passé une seconde commande de vive voix, cette fois-ci à une imprimerie de New York, Rawdon, Wright, Hatch & Edson, afin qu’elle imprime les timbres‑poste à l’aide d’une planche d’acier gravée. Même si le journal de Scobie avait antérieurement publié des éditoriaux élogieux sur le maître général des Postes et la nouvelle législation sur l’affranchissement, ses commentaires sont devenus réprobateurs lorsqu’il a appris que les timbres‑poste seraient imprimés à New York. Bien que les attaques contre Morris par Scobie aient porté sur le soutien des gens de métier et de l’industrie de la Province du Canada, et sur l’appui au produit supérieur pouvant être imprimé à Toronto, il est clair qu’il était davantage perturbé par la perte du contrat verbal avec le service postal.

La première émission régulière de timbres-poste imprimés au Canada ne s’est pas produite avant le 1er avril 1868, date à laquelle les fameux timbres de la série « grandes reines » ont été imprimés à Montréal par la British American Bank Note Company. Le nouveau tarif postal intérieur était fixé à trois cents pour les lettres dans le Dominion du Canada nouvellement formé.

Compris dans les épreuves de conception et de production que possède BAC, se trouve le seul essai connu d’un timbre-poste rejeté de 1 shilling (12 pence), avec la même conception et deux panneaux consécutifs non coupés de la même épreuve de gravure.

Parlez-nous d’un élément connexe que vous aimeriez ajouter à l’exposition.

Si je devais ajouter un article à l’exposition virtuelle, j’aimerais joindre des segments du journal personnel de sir Sandford Fleming remontant à 1851. Ce journal fait partie du fonds sir Sandford Fleming de BAC.

Pendant de nombreuses années, Sandford Fleming a tenu un journal de ses activités, sans toutefois y rédiger énormément de remarques. Dans son passage du journal du 24 février 1851, il écrit « Déjeuner à l’hôtel Ellah, avec M. Rutter (Rutten) et Honble. Jas Morris, maître général des Postes, conception de timbres-poste pour lui ». Sous ce texte, il a plus tard apposé un timbre unique de la planche-épreuve de l’imprimerie de Scobie à Toronto. Avec les timbres émis plus tard et imprimés à New York, cette planche‑épreuve est la seule du genre dont l’existence soit connue.

L’histoire de cette page du journal personnel ne finit pas là. La majeure partie des papiers et dossiers personnels de Sandford Fleming a été donnée aux Dominion Archives (maintenant BAC) après son décès. Toutefois, le fils de sir Sandford Fleming, Sandford Fleming Jr., a retiré cette page du journal de son père et l’a donnée en 1934 à H. Borden Clarke, un commerçant de livres et de timbres rares, en échange de biens et services non spécifiés. Pour sa part, Borden a annoncé que cette acquisition empêcherait ce trésor philatélique d’être sous clé « dans une chambre forte froide de musée ». Borden Clarke évaluait la page à 10 000 $ (ou à 178 750 $, montant rectifié en fonction de l’inflation en 2016), puis a dit qu’il considérerait des offres d’achat par le gouvernement du Dominion ou d’autres parties intéressées. Il a fait de la publicité en vendant 100 exemplaires produits par la technologie de la photocopie de l’époque. Un de ces exemplaires se trouve dans le fonds H. Borden Clarke que possède aussi BAC.

Photocopie d’une page du journal personnel de sir Sandford Fleming. La date est indiquée en haut, le texte manuscrit figure en dessous, et elle est accompagnée du timbre conçu par Sandford Fleming. Sous le timbre se trouve une note dactylographiée; elle indique que la page est une photocopie appartenant à H. Borden Clarke, qui a signé cette page.

Photocopie d’une page du journal personnel de sir Sandford Fleming, sur laquelle est signalée sa rencontre avec le maître général des Postes et shérif Rutter (Rutten), à propos du timbre de trois pence. Crédit : Archives postales canadiennes (e011180500)

Il y a lieu de croire que Borden Clarke était en négociation pour vendre la page au gouvernement, mais le début de la Deuxième Guerre mondiale a contrecarré le processus et aucun marché n’a été conclu. Borden Clarke a plutôt vendu la page au collectionneur Bruce Robson d’Ottawa pour seulement 200 $ en mars 1941.

Les pages du journal personnel de Sandford Fleming comprennent six entrées pour six jours, de chaque côté, ce qui signifie qu’une feuille complète couvre en tout douze jours. Lorsque Sandford Fleming, fils a retiré la page du journal, les entrées des jours suivants ont été perdues. Même s’il n’y avait pas de texte pour les 25 et 26 février (on peut supposer que Sandford Fleming était occupé par la conception du « castor »), on ne sait pas ce qui est advenu de l’autre partie de la page, contenant les entrées du 18 au 23 février, ni s’il avait écrit quelque chose du 27 février au 1er mars, au verso.

Une chose demeure un mystère : la date exacte à laquelle il a fini la conception du timbre-poste du « castor »; ce ne pouvait pas être très tard en mars, car le maître général des Postes s’occupait alors d’arrangements (et de nouveaux arrangements) pour la gravure et l’impression. Le journal personnel de Sandford Fleming ne traite plus directement du timbre-poste, outre un passage du 11 mars qui nous apprend qu’il a envoyé une sorte d’épreuve au shérif Rutter (Rutten).

Une page du journal personnel de sir Sandford Fleming, avec la date au haut, suivie d’une unique ligne de texte.

Une page du journal de sir Sandford Fleming, qui nous apprend qu’il a envoyé une épreuve au shérif Rutter (Rutten) (e011184954)

La page du journal personnel est demeurée entre les mains de Bruce Robson et de sa famille jusqu’à ce qu’elle soit mise à l’encan en 1996. Lors d’un deuxième encan, en 2004, la page s’est vendue pour la spectaculaire somme de 110 000 $ US, ce qui prouve que Borden Clarke avait vu assez juste lors de son évaluation initiale de la page en 1934.

Biographie

Photographie en couleur d'un homme devant une bibliothèque.James Bone occupe le poste d’archiviste aux archives philatéliques d’Archives visuelles, sonores et du paysage, de la Direction générale des archives privées à Bibliothèque et Archives Canada. Il est titulaire d’une maîtrise en bibliothéconomie et en sciences de l’information de l’Université McGill (2013), ainsi que d’un baccalauréat ès arts en histoire, du King’s University College de l’Université Western (2006). Pendant son parcours, il a effectué un stage pratique aux Archives de l’Université McGill et a assumé les fonctions d’assistant en archivistique au Archives and Research Collection Centre de l’Université Western. Il a fait partie de l’équipe innovatrice de Bibliothèque et Archives Canada qui a adapté les numériseurs BANCTEC en vue de la numérisation des dossiers du personnel du Corps expéditionnaire canadien.

Une réflexion au sujet de « Conservateur invité : James Bone »

  1. Ping : Library and Archives Canada Blog – Guest Curator: James Bone – James' Canadian Philately Corner

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