« Je veux rouler à vélo! » : Le cyclisme dans le Corps expéditionnaire canadien durant la Première Guerre mondiale

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Par Dylan Roy

« Enfourche ton vélo et vas-y! »

Ces mots, ma mère me les répétait souvent dans ma jeunesse lorsque je lui demandais de me conduire quelque part. Avec le recul, même si je lui en voulais parfois de m’obliger à rester actif (enfant un peu paresseux que j’étais), je suis reconnaissant d’avoir sillonné toutes ces rues à vélo pendant mon adolescence. En plus de m’offrir une bonne dose d’exercice, le vélo m’apportait une certaine autonomie et me permettait de tisser des liens sociaux dont j’avais grandement besoin.

À bien y penser, le vélo est un phénomène humain quasi universel. J’ai été surpris d’apprendre que même l’Armée canadienne y avait recours. Je n’avais jamais réfléchi aux raisons qui pouvaient en justifier l’usage. Le vélo me semblait être une activité trop éloignée de la réalité militaire, une activité réservée aux civils. Pourtant, l’Armée canadienne a intégré l’usage du vélo dans ses rangs pendant une grande partie de son histoire.

Les bicyclettes ont en effet joué un rôle central dans l’accomplissement des missions de certaines unités militaires. Cette série mettra en lumière les fonctions de ces unités cyclistes. Le premier volet portera spécifiquement sur les divisions ayant servi pendant la Première Guerre mondiale. Alors enfilez votre casque et pédalez vers les paragraphes qui suivent pour découvrir l’histoire des courageux cyclistes qui ont servi notre armée pendant la Grande Guerre.

Photographie panoramique montrant des dizaines de soldats au garde-à-vous à côté de leur vélo.

Photographie panoramique du 2e Bataillon de cyclistes du Corps canadien, Force expéditionnaire canadienne. (e010932293)

Commençons par souligner que Bibliothèque et Archives Canada (BAC) propose de nombreuses ressources sur les divisions, compagnies et corps de cyclistes ayant servi durant la Première Guerre mondiale. L’une des plus précieuses est le Guide des sources pour les unités du Corps expéditionnaire canadien : Cyclistes. Ce guide est une mine d’informations pour les chercheurs sur de nombreux aspects de ces unités cyclistes. Il faut toutefois faire preuve de vigilance, car certaines des références archivistiques de ce guide comportent des erreurs de transcription. Malgré cela, ces outils restent d’une grande valeur pour la recherche.

Outre les ressources de BAC, l’Histoire officielle de l’Armée canadienne dans la Grande Guerre 1914-1919, Tome 1, Partie 1 constitue une source précieuse d’informations sur les unités cyclistes.

Cela dit, à quoi ressemblaient les missions des unités cyclistes durant la guerre? L’Encyclopédie canadienne résume leur rôle comme suit : « Pendant la Première Guerre mondiale, on encourage les jeunes hommes adeptes de la bicyclette à devenir membre du Canadian Corps Cyclists’ Battalion. Plus de 1000 hommes le font. Leurs tâches vont de la livraison des messages, de la lecture des cartes aux activités de reconnaissance et au véritable combat. »

Grâce à leur équipement particulier, les unités cyclistes bénéficiaient d’une mobilité supérieure à celle des unités d’infanterie, ce qui les classait parmi les troupes « montées », au même titre que le Canadian Light Horse Regiment (avec l’avantage que les freins étaient plus faciles à vérifier, comme dirait Lambert Jeffries). Vous pouvez d’ailleurs constater leur position hiérarchique dans l’Organigramme du Corps expéditionnaire canadien (CEC) de 1918 ci-dessous :

Deux captures d’écran d’un schéma représentant l’organisation de la Force expéditionnaire canadienne en 1918. La première illustre la hiérarchie de la Force expéditionnaire canadienne en détaillant les différentes chaînes de commandement. La seconde, tirée du même schéma, met en évidence la position hiérarchique du Bataillon de cyclistes du Corps canadien.

Deux images représentant un organigramme de la Force expéditionnaire canadienne en 1918. La première capture d’écran montre le schéma complet, alors que la seconde met en évidence la position du Bataillon de cyclistes du Corps canadien. (Organigramme du Corps expéditionnaire canadien de 1918)

Bien que les unités cyclistes aient joué un rôle actif pendant la guerre, elles ont d’abord dû suivre un entraînement rigoureux. BAC propose sur sa chaîne YouTube plusieurs vidéos sur l’Armée canadienne, dont une montrant une journée typique pour les membres des unités cyclistes en 1916. Ce film, un bien patrimonial de BAC, est offert en anglais seulement.

La vidéo montre l’importance de nombreux aspects, allant des tâches plus ordinaires de la vie militaire, comme la lessive, aux éléments cruciaux de la formation, tels que les exercices, la signalisation et la reconnaissance.

Quatre scènes du film The Divisional Cyclists : A Glimpse of a Day’s Training (1916). En haut à gauche, des hommes effectuent des exercices de signalisation synchronisés avec des drapeaux. En haut à droite, des soldats exécutent des exercices aérobiques légers. En bas à gauche, des soldats pédalent de manière coordonnée, côte à côte. En bas à droite, deux hommes participent à un exercice de reconnaissance à vélo en forêt.

Quatre scènes tirées de la vidéo The Divisional Cyclists : A Glimpse of a Day’s Training (1916) illustrant des exercices de signalisation, des entraînements et des initiatives de reconnaissance. (ISN 285582)

Une fois leur formation achevée, les unités cyclistes prenaient directement part aux efforts de guerre. Ces infatigables hommes à vélo avaient l’expérience du combat, participant à certaines des batailles les plus marquantes de la Première Guerre mondiale, telles qu’Ypres et Vimy. L’extrait suivant, tiré du journal de guerre de la 1re Compagnie divisionnaire canadienne de cyclistes, décrit les terribles événements de la bataille d’Ypres et le rôle de la division le 22 avril 1915, près d’Elverdinghe :

À 16 h 30, un bombardement intense a débuté sur le front, immédiatement à l’est de notre position. Toute la ligne semblait enveloppée d’un nuage de fumée verdâtre. À 18 h 30, on a signalé l’arrivée de nombreux soldats des troupes sud-africaines, déroutés, venant des tranchées de première ligne. Tous au bord de l’effondrement, ils se plaignaient d’un nouveau gaz mortel transporté par un léger vent du nord-est depuis les tranchées ennemies. On a donné l’ordre à la D.M.T. de se tenir prête.

À 19 h 15, des instructions en provenance du quartier général de la division ont été reçues, ordonnant un déplacement immédiat au Château des trois tours. Les cyclistes ont été positionnés en attente sur l’avenue menant à la route Elverdinghe – Ypres. La communication étant interrompue avec les différentes unités d’infanterie et d’artillerie, le quartier général de la division a demandé par moments aux cyclistes d’agir comme messagers auprès des quartiers généraux des différentes brigades. À 22 h 10, le lieutenant Chadwick et le 1er peloton ont été envoyés en patrouille profonde sur le front immédiat, au-delà du canal. Le caporal Wingfield et sa section ont été dépêchés pour une patrouille profonde derrière les lignes de tranchées sur notre flanc gauche. [traduction]

Capture d’écran du journal de guerre présenté ci-dessus.

Capture d’écran du journal de guerre de la 1re Compagnie divisionnaire canadienne de cyclistes. (e001131804, image 53)

Cet extrait illustre le chaos de la guerre et les épreuves endurées par de nombreux soldats lors de cette journée fatidique d’avril 1915. Il évoque également certains des aspects les plus marquants de la Première Guerre mondiale, notamment l’utilisation de gaz, décrits comme des nuages de fumée verdâtre. En outre, il offre un aperçu des principales missions accomplies par les cyclistes, notamment en matière de communications, de transport de messages et de patrouilles de reconnaissance.

Durant la guerre, les divisions cyclistes ont pris de l’ampleur. Puis, comme mentionné précédemment, un bataillon entier, le Bataillon de cyclistes du Corps expéditionnaire canadien, a été mis sur pied. BAC consacre une sous-série entière à ce bataillon. Des détails supplémentaires expliquant sa formation et sa dissolution sont fournis dans la section Biographie/Histoire administrative. En voici un extrait :

« Le Bataillon de cyclistes du Corps d’armée canadien [Canadian Corps Cyclist Battalion] a été constitué à Abeele en mai 1916 sous le commandement du major A. McMillan et a été formé en fusionnant la 1re, la 2e et la 3e compagnies de cyclistes de la Division canadienne. Le bataillon a été démobilisé à Toronto en avril 1919 et a été démantelé en vertu de l’ordonnance générale 208 du 15 novembre 1920. Au Canada, les compagnies de cyclistes faisaient appel à des recrues « disposant d’une intelligence supérieure à la moyenne et d’un bon niveau d’études » ». (n° MIKAN 190737)

En consultant les descriptions de niveau inférieur de cette sous-série, on découvre des documents relatifs au bataillon. La sous-série couvre une variété de sujets, notamment le programme d’entraînement de la compagnie de réserve des cyclistes et des témoignages de prisonniers de guerre canadiens, entre autres.

Treize officiers en uniforme ayant servi dans le Bataillon de cyclistes du Corps expéditionnaire canadien, janvier 1919. Sept hommes sont assis sur des chaises et six autres hommes se tiennent debout derrière eux.

Photographie des officiers du Bataillon de cyclistes du Corps expéditionnaire canadien, prise en janvier 1919. (PA-003928)

Les unités cyclistes canadiennes n’étaient pas en reste. Elles ont eu un impact significatif sur l’effort de guerre grâce à leurs missions en matière de reconnaissance, de communications, de signalisation et de combat actif. Il est impressionnant de penser que ces hommes, équipés de bicyclettes rudimentaires, ont parcouru les terrains hostiles de l’Europe pendant la Première Guerre mondiale pour accomplir leurs missions. Cela relativise bien mes propres plaintes lorsque je peine à gravir une colline en chemin vers le boulot, pourtant équipé d’une monture nettement plus moderne et performante. La détermination et le courage dont ont fait preuve les membres des unités cyclistes de l’Armée canadienne durant cette période sont une grande source d’inspiration.

Sources supplémentaires


Dylan Roy est archiviste de référence à la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.

Créez votre propre exposition sur le patrimoine militaire!

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Par Sacha Mathew

Saviez-vous qu’avec les outils et les documents numérisés du site de Bibliothèque et Archives Canada (BAC), vous pouvez facilement créer votre propre exposition sur le patrimoine militaire? Je vous présente ici la marche à suivre pour réaliser votre projet, à l’école ou à la maison!

Pour les besoins de la cause, j’utiliserai l’exposition conçue pour les portes ouvertes de BAC, tenues en mai dernier. Lors de l’événement, qui a connu un franc succès, plus de 3 000 personnes ont visité nos édifices à Gatineau et admiré des trésors habituellement cachés dans nos chambres fortes.

Ces quelques photos et documents textuels, choisis avec soin dans notre vaste collection militaire, ont retenu l’attention des visiteurs. Beaucoup ont d’ailleurs voulu savoir comment nous avions fait nos choix.

Vitrine d’exposition en verre comprenant des photos et des documents textuels sur l’histoire militaire.

Exposition militaire organisée pour les portes ouvertes de BAC. Photo gracieuseté d’Alex Comber, archiviste.

Une exposition peut porter sur une personne, un anniversaire ou une unité militaire. Nous avons choisi de souligner le centenaire de l’Aviation royale canadienne (ARC), célébré en 2024, mais il fallait circonscrire le sujet afin de construire un récit. Les documents communiquent des faits, mais ils ne racontent pas une histoire. C’est à nous de les interpréter!

L’événement se tenant à Gatineau, nous avons pensé que le public s’intéresserait à des militaires de la région. Nous avons choisi une unité de l’ARC : le 425e Escadron (les Alouettes). Cet escadron de bombardement composé de Canadiens français a été créé au début de la Deuxième Guerre mondiale. En comparant la liste du personnel du 425e avec une liste des pertes subies par l’ARC, fournie par l’Association de l’ARC, nous avons réussi à trouver un aviateur de Montréal et un d’Ottawa.

Au bord d’une piste d’atterrissage, en Angleterre, trois officiers de la Force aérienne planifient les opérations en examinant des cartes sur une table.

Le sous-lieutenant d’aviation J. W. L. Tessier; le sous-lieutenant d’aviation J. A. Longmuir (Croix du service distingué dans l’Aviation), de la Royal Air Force (RAF), affecté à l’escadron des Alouettes en tant qu’officier de l’instruction de la section des bombardiers; et le capitaine d’aviation Claude Bourassa (Croix du service distingué dans l’Aviation), commandant de la section des bombardiers de l’escadron canadien-français. 425e Escadron, 24 avril 1945, PL-43647, e011160173.

Pour votre exposition, vous pouvez choisir un militaire qui a vécu dans votre ville ou fréquenté votre école. Plus simple encore : vous pourriez choisir un membre de votre famille qui pique votre curiosité. Le dossier du personnel du militaire choisi est un bon point de départ, puisqu’il contient une foule d’information et de renseignements personnels. Par exemple, aimeriez-vous connaître l’adresse de votre arrière-grand-père en 1914?

Vous trouverez les dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale sur le site Web de BAC. Tous ont été numérisés et peuvent être consultés librement. En ce qui concerne la Deuxième Guerre mondiale, seuls les dossiers des membres qui sont morts en service sont ouverts et peuvent être consultés en ligne. Pour les dossiers des militaires qui ont survécu à la Deuxième Guerre mondiale ou qui ont participé à des conflits ultérieurs, vous devrez soumettre une demande d’accès à l’information.

Maintenant que vous avez trouvé le dossier de service, vous devez choisir ce qui vous intéresse. Pour notre exposition, nous étions limités par l’espace disponible dans la vitrine. Tant mieux si vous n’avez pas les mêmes contraintes : vous pourrez sélectionner tous les documents que vous voulez!

Un dossier de service contient toutes sortes de documents. Dans celui du sous-lieutenant d’aviation J. Dubois, nous avons choisi quelques ressources particulièrement intéressantes : une lettre de recommandation de son employeur (T. Eaton & Co), ses feuilles d’engagement, sa fiche de médailles, son livret de solde, la correspondance (en français) avec ses parents et le rapport de son décès. Après avoir parcouru le dossier de service numérisé, vous pourrez choisir ce que vous voulez présenter. N’oubliez pas de citer vos sources, notamment les numéros de référence des archives.

Comme je le disais plus haut, en interprétant des documents, vous racontez une histoire. Vous ne vous contentez pas d’exposer les résultats de vos recherches. Dans le cas du sous-lieutenant d’aviation Dubois, nous avons fouillé les documents de son escadron remplis le jour de son décès afin de mieux comprendre le contexte de son dernier vol. Chacune des trois armées documente officiellement ses opérations quotidiennes :

  • l’Armée de terre a des journaux de guerre (War Diaries)
  • la Marine a des journaux de bord (Ship’s Logs)
  • l’ARC a des registres des opérations (Operations Record Books)

Le dossier du personnel donne des renseignements biographiques, tandis que le journal de l’unité explique le contexte et aide à comprendre le rôle d’un militaire dans les opérations collectives. Examinez les deux ressources pour obtenir un portrait général de la situation. Ce portrait est l’histoire que vous raconterez, oralement ou par écrit.

Il ne vous reste plus qu’à ajouter des photos pour rendre l’exposition attrayante. Certains dossiers de service comprennent une photo du militaire, mais c’est plutôt rare en ce qui concerne les guerres mondiales. Pour étoffer vos résultats, je recommande de chercher des images avec Recherche dans la collection. Entrez le nom de l’unité et choisissez des photos correspondant à l’époque qui vous intéresse. Pour notre exposition, nous n’avons eu aucun mal à trouver des photos du 425e Escadron en Angleterre dans les années 1940. À l’instar des documents textuels, les photos exigent une mention de source précise.

Capture d’écran du site Web de BAC montrant une recherche du terme "425 squadron" dans la catégorie "Images".

Recherche dans la collection, sur le site Web de BAC.

En exploitant les outils et les ressources dans la collection en ligne de BAC, vous pourrez créer votre propre exposition sur une personne ou une unité. Libre à vous d’en déterminer le format : vous pouvez imprimer les documents et les photos pour les encadrer ou les insérer dans un album de coupures, ou vous pouvez concevoir une exposition numérique. C’est un excellent moyen d’apprendre à connaître ses ancêtres et d’étudier le patrimoine militaire canadien à sa manière. C’est aussi un projet de recherche idéal pour des élèves, par exemple à l’occasion du jour du Souvenir.


Sacha Mathew est archiviste à la Division des archives gouvernementales de Bibliothèque et Archives Canada.

Accès aux dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale : une nouvelle base de données à Bibliothèque et Archives Canada

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Par Richard Yeomans

Quand la Grande-Bretagne déclare la guerre à l’Allemagne le 4 août 1914, le Canada, en tant que dominion britannique, est projeté automatiquement dans le conflit européen. Le gouvernement du Dominion peut cependant déterminer l’ampleur de sa participation. Dans un discours prononcé à la Chambre des communes le 19 août 1914, le premier ministre Robert Borden déclare que « dans cette querelle, nos cœurs battent à l’unisson avec ceux de l’Angleterre et des autres colonies anglaises. Nous ne saurions manquer de remplir notre devoir comme l’exige l’honneur du Canada, non pour l’amour des combats, […] mais pour défendre la cause de l’honneur ». Plus d’un demi-million de volontaires et de conscrits s’enrôlent dans le Corps expéditionnaire canadien (CEC) entre 1914 et 1918, et des milliers d’autres participent à l’effort de guerre sur le front intérieur.

Bibliothèque et Archives Canada (BAC) conserve environ 622 000 dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale. On y trouve des renseignements sur l’enrôlement (ou attestation), les transferts entre unités, l’historique médical, la paie, la libération ou le décès. Les dossiers comportent généralement de 25 à 75 pages. Ils constituent d’excellentes ressources pour la recherche historique ou généalogique.

Page d’accueil de l’ancienne base de données sur les dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale, sur le site de Bibliothèque et Archives Canada.

L’ancienne base de données des dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale (Bibliothèque et Archives Canada).

Depuis près de deux décennies, une base de données autonome en ligne donne gratuitement accès aux dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale. Elle comprend les dossiers des membres du CEC qui ont reçu des primes de l’Empire (Imperial Gratuities), de la milice active non permanente, des volontaires refusés, du Royal Newfoundland Regiment et du Corps forestier de Terre-Neuve. Ses usagers peuvent interroger les archives par prénom, nom de famille, numéro matricule ou numéro de boîte, ou encore par ville ou province de naissance ou d’enrôlement. Par défaut, les résultats s’affichent par ordre alphabétique du nom, mais ils peuvent être réorganisés par date de naissance, rang ou numéro matricule.

En cliquant sur un des résultats, l’usager obtient une description générique et une copie numérisée du dossier de service en format PDF. Celle-ci peut être ouverte et consultée en ligne, ou téléchargée et sauvegardée. Chaque dossier de service a une adresse URL unique que les historiens et les généalogistes peuvent sauvegarder afin d’y accéder plus tard.

Un résultat affiché dans l’ancienne base de données, sur le site de Bibliothèque et Archives Canada.

Affichage d’un dossier dans l’ancienne base de données des dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale (Bibliothèque et Archives Canada).

Pendant 10 ans, cette base de données et les documents auxquels elle donnait accès ont donc renseigné les Canadiens au pays et partout dans le monde sur une partie importante de leur histoire familiale, aidant aussi à établir une histoire nationale commune. Bien décidé à maintenir ou même à élargir ce niveau d’accès, BAC continue de développer et d’améliorer ses bases de données d’archives numériques, comme Recherche dans la collection, Recherche dans les recensements et la nouvelle base de données des dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale.

Cette dernière a été lancée en novembre 2023. Son élaboration s’est inscrite dans les efforts pour réunir toutes les bases de données autonomes de BAC dans un seul outil : Recherche dans la collection. Ce travail était nécessaire, car il n’était plus rentable de maintenir l’application Web vieillissante qui hébergeait l’ancienne base de données du CEC. Les dossiers maintenant transférés vers Recherche dans la collection demeureront accessibles pendant plusieurs années. En outre, un nouvel outil a été créé pour faciliter l’accès aux dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale. Il ajoute aux anciennes fonctionnalités de nouveaux moyens de chercher, de filtrer et d’extraire les dossiers et les données.

Capture d’écran de la nouvelle base de données sur le site Web de Bibliothèque et Archives Canada.

La nouvelle base de données sur les dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale (Bibliothèque et Archives Canada).

Les chercheurs peuvent interroger la nouvelle base de données par prénom, nom de famille, numéro matricule, ou province ou état d’enrôlement. Il est également possible d’entrer des termes spécifiques pour chercher une unité ou une date d’enrôlement.

Parmi les nouvelles fonctionnalités, mentionnons la possibilité de chercher une période de plusieurs années, de sauvegarder des dossiers dans Ma recherche avec l’application Mon compte de BAC, et d’employer des filtres de recherche pour classer et limiter le nombre de résultats. Soulignons que les deux bases de données, l’ancienne et la nouvelle, donnent les mêmes résultats avec des critères de recherche semblables. Par exemple, le nom de famille McCrae donne 33 résultats dans les deux cas. Cependant, la nouvelle mouture permet de diminuer ce nombre à l’aide des filtres « Limiter à » proposés sur la page des résultats. On peut filtrer par grade, par période ou pays de naissance ou par lieu de recrutement ou d’enrôlement.

Capture d’écran de résultats de recherche sur le site de Bibliothèque et Archives Canada.

Résultats de recherche avec le nom de famille McCrae (Bibliothèque et Archives Canada).

Les filtres permettent de réduire le nombre de résultats en fonction de certains paramètres. On peut ainsi faire des recherches extrêmement précises ou très générales.

Trouver le lieutenant-colonel John McCrae

L’accès gratuit aux documents d’attestation et aux dossiers du personnel en ligne fait partie intégrante du catalogue d’archives numérisées de BAC. À titre d’exemple, les chercheurs peuvent consulter les archives numérisées dans le dossier du lieutenant-colonel John McCrae, le médecin canadien mieux connu comme l’auteur du célèbre poème militaire Au champ d’honneur (In Flanders Fields).

Il y a plusieurs moyens de trouver le dossier du lieutenant-colonel McCrae. Vous pouvez chercher son prénom et son nom de famille, son unité, la ville où il s’est enrôlé ou son numéro matricule. Même un nom seul est un bon point de départ. Une recherche avec le nom de famille McCrae donne 33 résultats, peu importe la base de données. Ce nombre passe à quatre si on ajoute le prénom.

Affichage de résultats de recherche sur le site Web de Bibliothèque et Archives Canada.

La recherche « John McCrae » dans les deux bases de données (Bibliothèque et Archives Canada).

À partir de la liste des résultats, affichée ci-dessus dans l’ancienne et la nouvelle base de données du CEC, vous pouvez consulter un sommaire du dossier pouvant contenir plusieurs renseignements, comme le numéro matricule, la date de naissance et des références archivistiques. Dans l’ancienne base de données, ces renseignements pouvaient servir à réorganiser l’affichage des résultats. La nouvelle base de données permet elle aussi l’affichage par date de naissance ou ordre alphabétique de nom, mais contrairement à l’ancienne, elle peut aussi restreindre le nombre de résultats à l’aide de filtres. Comme nous savons que l’auteur d’Au champ d’honneur est né à Guelph, en Ontario, nous pouvons choisir cette option dans le champ « Ville de naissance » de la liste des résultats. Une nouvelle liste comprenant un seul résultat s’affiche alors.

Visionneuse montrant le dossier du personnel de John McCrae sur le site de Bibliothèque et Archives Canada. Trois flèches pointent vers des boutons.

Le dossier du personnel de John McCrae (Bibliothèque et Archives Canada).

Le dossier ne s’affiche pas de la même manière dans la nouvelle base de données, mais les fonctionnalités sont les mêmes. Par défaut, c’est la première page du document d’attestation qui apparaît, comme dans l’image ci-dessus.

Flèche verte : Avec le carrousel d’images, vous pouvez parcourir les pages du document d’attestation. Cliquez sur l’icône PDF à la fin du carrousel pour afficher gratuitement l’ensemble du dossier numérisé, dont le document d’attestation, comme dans l’ancienne base de données.

Flèche noire : Si vous utilisez Mon compte de BAC, vous pouvez sauvegarder les dossiers qui vous intéressent dans une liste de recherche. Après avoir ouvert une session, cliquez sur le bouton « Ajouter à Ma recherche » pour afficher vos données sauvegardées. Vous pouvez sélectionner le répertoire dans lequel vous voulez sauvegarder le dossier du personnel, ou en créer un nouveau dans ce but. Avant, les chercheurs devaient sauvegarder des hyperliens pour accéder rapidement aux dossiers déjà consultés. Avec Mon compte et sa fonctionnalité Ma recherche, vous pouvez maintenant compiler des listes de recherches comprenant des dossiers conservés à BAC, comme dans une bibliographie.

Flèche jaune : Pour télécharger un dossier complet, cliquez sur le bouton de téléchargement, cochez la case pour confirmer que vous acceptez nos conditions sur le droit d’auteur, puis cliquez sur « Télécharger ». Le dossier sera téléchargé sur votre appareil en format PDF.

Dans les coulisses des Services d’accès aux ressources numériques

Ce n’est pas toujours facile de maintenir un accès constant et durable aux ressources en ligne sur l’histoire de la participation canadienne à la Première Guerre mondiale. La base de données doit répondre aux besoins de chercheurs chevronnés comme les historiens et les généalogistes, mais aussi de personnes qui n’ont pas l’habitude de fouiller dans les archives. Pour atteindre cet équilibre, il faut d’abord demander aux chercheurs de nous décrire leur expérience sur le site de BAC et de nous dire quels outils nous pourrions créer ou modifier pour leur faciliter la vie.

Nos produits numériques, comme la nouvelle base de données sur les dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale, sont constamment améliorés grâce à la rétroaction des usagers. Pour suggérer des améliorations à la base de données ou à d’autres produits numériques offerts par BAC, prenez rendez-vous avec nos concepteurs d’expérience utilisateur ou écrivez un courriel à l’équipe de l’Accès numérique.

Cette équipe se fait un devoir de préserver l’accès aux dossiers du personnel militaire numérisés, en raison de leur importance pour les chercheurs au Canada et ailleurs dans le monde. Elle comprend des concepteurs d’expérience utilisateur, des spécialistes des données, des programmeurs Web et des gestionnaires de produits. Ses membres ont aussi de l’expérience en généalogie, en histoire, en recherche historique et en archivistique. L’équipe met l’accent sur l’usager et s’intéresse à la préservation et à la promotion de l’histoire et du patrimoine du Canada.

Ce n’est pas une mince tâche de donner gratuitement accès à quelque 622 000 dossiers de service de la Première Guerre mondiale et à des millions de déclarations de recensement, de documents sur l’immigration et la citoyenneté, de publications gouvernementales comme la Gazette du Canada, de fichiers audio, d’images et bien plus encore. C’est un travail qui demande du temps, de la patience et une grande cohésion. L’équipe de l’Accès numérique poursuit néanmoins son chemin, et c’est avec enthousiasme qu’elle se prépare à améliorer les outils de recherche et à en créer de nouveaux en 2024.

Foire aux questions sur les dossiers du CEC et les bases de données à BAC

Pourquoi retirer l’ancienne base de données des dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale?

L’ancienne base de données a près de 10 ans. La plateforme qui l’héberge, Microsoft SharePoint, a été lancée en 2001 et est maintenant désuète. La maintenance sera donc de plus en plus difficile pour nos concepteurs et programmeurs Web. L’accès aux dossiers du personnel militaire risque carrément d’être perdu. L’équipe de l’Accès numérique à BAC a préféré agir de manière proactive en commençant le transfert des dossiers vers Recherche dans la collection dès 2019. Ainsi, le public aura gratuitement accès à ces dossiers (et à bien d’autres documents) pendant des années.

Qui est responsable de la nouvelle base de données?

L’équipe de l’Accès numérique est responsable de la maintenance des bases de données en ligne de BAC, dont Recherche dans la collection et Recherche dans les recensements. Elle ne modifie pas les documents d’archives et ne les révise pas non plus. Son travail consiste plutôt à donner accès aux documents numérisés.

La base de données des dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale est-elle distincte de Recherche dans la collection?

Oui et non. La nouvelle base de données contient des dossiers transférés dans Recherche dans la collection, le logiciel de recherche pour l’ensemble du catalogue d’archives de BAC. L’équipe de l’Accès numérique continue de transférer des documents d’autres bases de données autonomes vers Recherche dans la collection, sans oublier toutefois que de nombreux usagers ont besoin de faire des recherches plus précises. Grâce aux filtres pour les bases de données et aux formulaires de recherche comme celui de la nouvelle base de données des dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale, nous pouvons simplifier l’accès à des groupes de documents, comme si les bases de données autonomes existaient encore au sein du logiciel Recherche dans la collection.

Les adresses URL qui menaient à l’ancienne base de données cesseront-elles de fonctionner?

Non. Des URL redirigeront les usagers vers les dossiers concernés dans Recherche dans la collection. Par conséquent, les liens vers des dossiers de service sauvegardés dans l’ancienne application continueront de fonctionner.

Puis-je encore sauvegarder et télécharger des dossiers de service?

Oui, vous pouvez télécharger des versions PDF des dossiers du personnel et des documents d’attestation. Si vous utilisez l’application Mon compte de BAC, vous pouvez aussi sauvegarder les dossiers de service dans Ma recherche et créer des listes de dossiers à conserver, sans avoir recours à des adresses URL.


Richard Yeomans est responsable de l’assurance de la qualité au sein de l’équipe de l’Accès numérique, à la Direction générale de l’accès et des services de Bibliothèque et Archives Canada.

Le conditionnement physique au sein du Corps expéditionnaire canadien pendant la Première Guerre mondiale

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Par Dylan Roy

Nous sommes en 1914. Le monde est en guerre, et nous avons besoin de jeunes recrues comme vous pour défendre la liberté et la Couronne! Êtes-vous assez en forme pour vous joindre au Corps expéditionnaire canadien (CEC)?

Avant de combattre, vous devez vous préparer aux rigueurs du champ de bataille! Ce n’est pas une tâche à prendre à la légère. Pourrez-vous relever le défi?

Pour vous mettre en forme, vous devrez vous entraîner régulièrement. Toutefois, comme le mentionne le document Special tables : Physical training, certains exercices mal exécutés peuvent être nuisibles. Pour renforcer et stimuler toutes les parties du corps, il est nécessaire de s’entraîner correctement et d’adopter les bonnes postures.

Voici les exercices à effectuer pour vous amener au niveau nécessaire.

Il faut d’abord apprendre à rester au garde-à-vous, même si ça peut sembler évident. Évitez d’être trop détendu ou de vous projeter vers l’avant. Restez droit comme un chêne et gardez les pieds rapprochés. Une fois que vous maîtriserez le garde-à-vous, vous serez en voie de devenir un soldat discipliné. Voyez l’image ci-dessous :

Guide montrant deux hommes de profil dans une position de garde-à-vous incorrecte, ainsi que deux hommes, un de profil et un de face, dans la bonne position.

Guide pour rester au garde-à-vous (MIKAN 3831498).

Tout soldat digne de ce nom est en mesure de bien marcher. Il ne s’agit pas de déambuler n’importe comment; le soldat doit adopter une démarche bien précise. L’image ci-dessous décrit les principes pour bien marcher et sauter au sein du CEC :

Dessin d’un homme en marche au pas ralenti, d’un second en marche au pas cadencé et d’un troisième qui saute sur place.

Guide pour marcher et sauter correctement, selon les principes du CEC (MIKAN 3831498).

Maintenant que les bases sont en place, nous allons faire de vous de véritables soldats, capables de surmonter les obstacles qui vous attendent sur le Vieux Continent. Vous devrez accomplir de nombreux exercices pour acquérir la force, l’agilité et la souplesse nécessaires.

« Sur les mains » est un exercice pour se relever quand on est couché sur le ventre. Sur le champ de bataille, il est souvent nécessaire de se mettre à couvert et de se relever. Cette aptitude peut faire toute la différence entre la vie et la mort.

L’élévation des jambes fait travailler les muscles centraux, le haut du corps et les jambes. Tous ces muscles se coordonnent pour faciliter le mouvement du corps entier. Un bon soldat est capable de se contorsionner et de maîtriser son corps pour effectuer des actions simples ou complexes.

Il existe plusieurs exercices de soulèvement des jambes : soulever une jambe de côté en prenant appui sur une seule main; pousser la jambe vers le haut en s’appuyant sur les deux mains, le visage tourné vers le sol; et soulever une jambe, en position sur le dos. N’oubliez pas que le tronc relie les bras et les jambes. Il doit être à la fois fort et souple!

L’image suivante donne des exemples de mouvements à accomplir avec les mains sur le sol et d’exercices de soulèvement des jambes. Il y a aussi un étirement du tronc vers l’arrière pour gagner en souplesse. Tous ces exercices vous aideront à vous protéger, vous et vos camarades, sur le champ de bataille!

Dessins de cinq exercices : 1) les mains au sol, en position pour faire une pompe; 2) soulèvement de la jambe droite de côté pendant que seuls la main gauche et le côté du pied gauche sont appuyés au sol; 3) soulèvement de la jambe droite en position pour faire une pompe; 4) en position debout, mouvement de la tête et du cou vers l’arrière, la poitrine projetée vers l’avant; 5) soulèvement d’une jambe en position sur le dos, les deux bras étirés vers l’arrière.

Exercices de soulèvement des jambes et d’étirement du tronc vers l’arrière (MIKAN 3831498).

La rapidité et l’agilité des soldats sont une grande force du CEC. Solidifier vos jambes vous aidera à gagner en vitesse. Pour fortifier le bas du corps, il faut le faire travailler! Des exercices comme le soulèvement des talons et la flexion des genoux sollicitent les multiples muscles des jambes nécessaires pour courir, sprinter, marcher, sauter, plonger, se pencher ou changer de direction rapidement, ou se jeter au sol. Entraînez ces muscles pour fortifier l’ensemble du corps! Voici deux exercices essentiels :

Trois images montrant chacune deux pieds dont les talons sont joints, avec les bouts des pieds qui s’éloignent graduellement pour former un V. Un dessin d’un homme montre le soulèvement des talons, et un autre, la flexion des jambes.

Guide pour renforcer les jambes (MIKAN 3831498).

Les bras ne sont pas à négliger non plus. Nous avons besoin de soldats forts, capables de soulever des charges et de supporter les rigueurs du combat. Les exercices de traction comptent parmi les plus efficaces pour développer les membres supérieurs. Comme l’explique notre manuel de conditionnement physique, ces exercices consistent à se suspendre par les mains à un objet quelconque en s’appuyant légèrement sur les pieds, ou sans appui du tout. L’image ci-dessous donne quelques exemples.

Huit dessins montrant un homme effectuant correctement une traction. Un neuvième dessin montre une traction incorrecte.

Guide pour améliorer la force des bras grâce à des exercices de traction (MIKAN 3831502).

En résumé, nous avons besoin de soldats capables d’affronter les rigueurs du combat, mais aussi de les surmonter. Pour y arriver, la discipline, l’obéissance et le respect d’une structure rigide sont essentiels. Avez-vous ce qu’il faut pour vous joindre au CEC?


Dylan Roy est archiviste de référence à la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.

Loin des yeux, près du cœur : La question épineuse des sépultures de guerre canadiennes

Par Ariane Gauthier

Un grand nombre de tombes et de cimetières militaires canadiens ont été aménagés à travers le monde à la suite des conflits auxquels le Canada a participé depuis la Confédération (1867), de la guerre des Boers (1899-1902) en Afrique du Sud à celle d’Afghanistan (2001-2014).

Trois tombes de soldats canadiens ayant péri pendant la guerre des Boers (1899-1902).

Tombes des soldats Elliott, Laming et Devereaux, tués lors du conflit en Afrique du Sud (e006610211).

Une photo de tombes militaires à Ottawa, en Ontario, prise le 13 août 1934 par le célèbre photographe Yousuf Karsh.

Colonel H.C. Osborne, cimetière militaire (e010679418_s1).

Le cimetière canadien à Bény-sur-Mer, en France, où sont enterrés des soldats canadiens ayant participé au débarquement et à la bataille de Normandie en 1944.

Cimetière militaire canadien à Bény-sur-Mer, en France (e011176110).

Le cimetière canadien à Agira, en Italie, où sont enterrés des soldats canadiens ayant péri lors de la campagne de Sicile en 1943.

Cimetière canadien à Agira, en Sicile (e010786150).

Vue d’un cimetière de guerre au Japon, où sont enterrés des soldats canadiens tombés pendant la guerre de Corée (1950-1953).

Mme Renwick dépose une couronne au nom des mères et épouses canadiennes dans un cimetière japonais à l’occasion du jour du Souvenir (a133383).

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi autant de familles canadiennes ont laissé leurs êtres chers prendre leur dernier repos là où ils sont tombés au combat?

C’est tout simplement parce que c’était la seule option possible, du moins, à l’origine.

Pour comprendre, il faut se plonger dans le contexte de la Première Guerre mondiale – la première guerre industrielle de masse. Les progrès technologiques et militaires de l’ère moderne ont immédiatement fait exploser les taux de mortalité. Par conséquent, l’Empire britannique devait gérer le recrutement rapide de renforts en plus des milliers de décès dans un contexte de guerre où le rapatriement des corps était quasi impossible. Non seulement était-il périlleux de chercher une dépouille dans une zone active de combat, mais déplacer autant de cadavres aurait facilement pu entrainer des épidémies de maladies à l’échelle mondiale. Ceci étant dit, la porte demeurait ouverte à un changement du statu quo une fois les hostilités terminées. Le 10 mai 1917, la Imperial War Graves Commission fut créée en vertu d’une charte royale, avec le mandat de se pencher sur les enjeux des décès de soldats et des cimetières de guerre pour l’ensemble du Commonwealth britannique.

Document textuel datant du 10 mai 1917, rédigé par J.C. Ledlie, du bulletin Au palais de Buckingham, où est présent Sa Très Excellente Majesté le Roi en conseil.

War Office (Royaume-Uni) – Imperial War Graves Commission – Charte (MIKAN 1825922).

La question des cimetières entretenus à perpétuité ne faisait pas l’unanimité parmi les familles. De vifs débats sur la question des sépultures de guerre se sont déroulés dans maintes institutions parlementaires. Les orateurs faisaient appel à l’humanité et à la compassion des politiciens afin que les familles des militaires morts au combat puissent faire à la maison le deuil de leurs frères, pères, fils ou maris, et même, dans certains cas, de leurs filles et de leurs sœurs. Par contre, aucune pétition ne pouvait changer le verdict émis par la Imperial War Graves Commission :

Document textuel de 2 pages expliquant que le rapatriement des corps des soldats n’est pas permis.

War Office (Royaume-Uni) – Imperial War Graves Commission – Refus d’autoriser la sortie des corps des pays où ils sont enterrés (MIKAN 1825922).

 « Autoriser le rapatriement [des corps des soldats] à certains demandeurs (soit seulement ceux qui peuvent se permettent d’assumer de tels frais) serait contraire aux principes d’égalité de traitement; vider quelque 400 000 tombes identifiées représenterait un travail colossal et irait à l’encontre de l’esprit dans lequel l’Empire avait accepté avec gratitude les offres de prêts de terres à perpétuité des gouvernements de la France, de la Belgique, de l’Italie et la Grèce, pour y aménager des cimetières et « adopter » nos défunts. La Commission voyait dans ces cimetières militaires en terres étrangères un hommage plus significatif qu’un enterrement privé chez soi. Ceux qui ont combattu et qui sont tombés ensemble, officiers et hommes, côte à côte, y sont enterrés ensemble dans leur dernier lieu de repos, face aux lignes qu’ils ont défendues au péril de leurs vies. La Commission avait la certitude (et les preuves le confirmant) que les morts eux-mêmes, frères d’armes qu’ils étaient, auraient voulu demeurer avec leurs camarades. Ces cimetières britanniques dans des pays étrangers se voulaient un symbole pour les générations futures : celui d’un objectif commun, d’un dévouement partagé et du sacrifice consenti par des militaires de tout grade pour l’unité de l’Empire. […] » (traduction libre)

Cette décision fit en sorte que les Canadiens morts outre-mer pendant la Première Guerre mondiale sont demeurés aux champs d’honneur. Les cimetières aménagés à leur mémoire peuvent être visités encore aujourd’hui et sont toujours entretenus par la Imperial War Graves Commission, maintenant la Commission des sépultures de guerre du Commonwealth. Le 15 juillet 1970, la politique du Canada sur le rapatriement des soldats décédés outre-mer changea. Le décret du conseil privé 1967-1894 stipulait que la famille d’un soldat mort au combat à partir de cette date pouvait demander son rapatriement pour ses funérailles. Les proches des militaires morts en service peuvent maintenant se recueillir auprès d’eux au pays.

Autres ressources


Ariane Gauthier est archiviste de référence au sein de la Direction générale des accès et services à Bibliothèque et Archives Canada.

Soldats autochtones de la Première Guerre mondiale : à la recherche d’anciens combattants oubliés

À la gauche de l’image, Tatânga Mânî (le chef Walking Buffalo, aussi appelé George McLean) est à cheval dans une tenue cérémonielle traditionnelle. Au centre, Iggi et une fillette font un kunik, une salutation traditionnelle dans la culture inuite. À droite, le guide métis Maxime Marion se tient debout, un fusil à la main. À l’arrière-plan, on aperçoit une carte du Haut et du Bas-Canada et du texte provenant de la collection de la colonie de la Rivière-rouge.Par Ethan M. Coudenys

Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certaines personnes pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde – terminologie historique.

Pour de nombreux chercheurs autochtones, dont je fais partie, il est essentiel de comprendre le point de vue des premiers habitants du territoire sur la Première Guerre mondiale. Il faut parfois chercher des heures et des heures pour savoir si un ancien combattant de la Grande Guerre était bel et bien autochtone. Nous avons d’excellentes ressources sur quelques militaires bien connus des Premières Nations, des Inuit et de la Nation Métisse, mais ce domaine de la recherche historique cache encore bien des mystères.

Le présent blogue ne vise pas à raconter l’histoire générale des Autochtones qui ont servi pendant la Première Guerre mondiale. Je ne tenterai pas non plus de synthétiser l’expérience de ces militaires dans un seul billet de blogue. Je vais plutôt raconter les histoires de deux personnes fort différentes et présenter des méthodes de recherche pour trouver de l’information sur les Autochtones qui ont servi pendant la Grande Guerre.

L’histoire de John Shiwak

Deux photos du même homme assis en uniforme militaire.

John Shiwak du Royal Newfoundland Regiment, no 1735. The Rooms, Item E 29-45.

John Shiwak est né en 1889 à Rigolet, au Labrador. Membre d’une communauté inuite, il est un chasseur-trappeur expérimenté lorsqu’il se joint au First Newfoundland Regiment (qui deviendra le Royal Newfoundland Regiment) le 24 juillet 1915. Il est encore à l’entraînement lorsque le régiment sort de la tranchée Saint John’s Road à Beaumont-Hamel, le 1er juillet 1916, pour lancer la bataille de la Somme. Quand Shiwak rejoint le régiment en France trois semaines plus tard, le 24 juillet, il constate, comme bien d’autres, à quel point le régiment a été ravagé pendant les 45 minutes de son combat sur la Somme. En avril 1917, Shiwak est promu au grade de caporal suppléant. Malheureusement, en novembre, soit moins d’un an avant la fin des combats, John Shiwak est atteint par un obus pendant la bataille de Masnières (dans le cadre de la première bataille de Cambrai). Il y trouve la mort avec six compagnons de son unité.

Groupe de cinq hommes assis ou debout.

Membres de la Légion des pionniers (avant 1915); John Shiwak est debout à gauche. The Rooms, Item IGA 10-25.

De telles histoires sont courantes pendant la Première Guerre mondiale. L’homme inuk a été tué dans l’exercice de ses fonctions, au milieu de ses frères d’armes. Ce qui ajoute à la tristesse de la tragédie, c’est que le lieu de sépulture de ces sept courageux hommes n’a jamais été retrouvé. Une hypothèse veut qu’une école ait été construite alors que l’on ignorait la présence des corps de sept soldats de la Grande Guerre à cet endroit. Cependant, comme tous les hommes tués dont le lieu de sépulture demeure inconnu, Shiwak ne tombera pas dans l’oubli. Son nom restera à jamais gravé sur les plaques de bronze au Mémorial terre-neuvien à Beaumont-Hamel, en France, et sur un monument semblable à St. John’s, à Terre-Neuve-et-Labrador.

L’histoire d’Angus Edwardson

Le soldat Angus Edwardson m’intéresse particulièrement, car il est mon arrière-arrière-grand-père. Il a combattu à Passchendaele. Il est né en 1894 à Lac-Barrière, environ 300 kilomètres au nord-ouest d’Ottawa, dans une communauté nordique en grande partie algonquine anishinaabe. Selon son formulaire d’enrôlement, Edwardson et sa famille vivaient à Oskélanéo, au Québec. Pendant très longtemps, notre famille ignorait qu’il était Autochtone et ne connaissait pas les détails de son séjour dans les tranchées.

Heureusement, mon domaine de travail m’amène à faire des découvertes extrêmement intéressantes. Le recensement de 1921 m’a appris qu’il était un ancien soldat. J’ai ensuite pu trouver ses feuilles d’engagement.

L’histoire d’Edwardson n’est pas aussi remarquable que celle de Shiwak, mais elle donne une idée des difficultés que doivent surmonter les chercheurs qui s’intéressent à des Autochtones ayant fait partie du Corps expéditionnaire canadien (CEC) ou des Forces armées britanniques en général.

Feuilles d’engagement d’Angus Edwardson, sur deux pages.

Feuilles d’engagement d’Angus Edwardson (matricule 1090307).

Selon l’agent de recrutement qui remplit les feuilles d’engagement, Edwardson a le teint pâle, les yeux bleus et les cheveux foncés, une description qui ne correspond pas à l’idée qu’on se fait généralement d’un Autochtone. Il ne dit pas non plus qu’Edwardson fait partie des Premières Nations en écrivant le mot « Indien », fréquemment employé à l’époque, dans la section réservée aux marques distinctives, aux particularités congénitales et aux signes d’anciennes maladies.

Son dossier nous apprend qu’Edwardson est membre du 253e bataillon d’infanterie (Université Queen’s), mais qu’il sert dans plusieurs bataillons et régiments pendant son passage au front. Le 28 août 1918, alors membre du 213e Bataillon, il est blessé à la main gauche par une balle.

Difficultés pour les chercheurs

Comme je l’ai mentionné, ne pas savoir si un membre du CEC est Autochtone constitue un sérieux obstacle pour les chercheurs. Les dossiers d’engagement demeurent parfois entièrement muets à ce sujet. C’est même très courant pendant les dernières années de la Première Guerre mondiale. Aucun des deux hommes dont j’ai parlé n’est désigné comme un « Indien » sur son formulaire d’engagement. Nous devons donc nous fier à d’autres sources pour savoir s’ils étaient bien Autochtones.

Les recensements, souvent négligés, constituent la première de ces sources. Ils procurent des renseignements essentiels sur les personnes recherchées. Et les renseignements personnels améliorent considérablement les chances de réussite lorsqu’on cherche des Autochtones ayant fait partie du CEC ou du Royal Newfoundland Regiment. J’ai découvert qu’Edwardson était Autochtone parce qu’il est inscrit comme tel dans le recensement de 1921. Dans le cas de Shiwak, j’ai dû suivre un tout autre chemin, parsemé d’embûches. J’ai fini par trouver ses origines ethniques dans les mémoires de Sydney Frost, un capitaine du Royal Newfoundland Regiment, intitulés A Blue Puttee at War. Il existe encore d’autres sources confirmant que Shiwak était Autochtone.

Liste de noms dans le recensement de 1921, avec le sexe, l’âge et l’origine de chacun.

Déclaration de recensement d’Angus Edwardson et de sa famille, 1921 (e003065155).

Les sources secondaires sur la Première Guerre mondiale sont innombrables. Il suffit de chercher le nom de Shiwak pour en trouver plusieurs. Mais quand il s’agit de membres autochtones du CEC moins connus, ce n’est pas si simple. L’excellent livre For King and Kanata: Canadian Indians and the First World War, par Timothy Winegard, explique comment nous pourrions améliorer nos techniques pour chercher des individus et des groupes autochtones au sein du CEC. L’auteur souligne implicitement le rôle des communautés, qui décidaient d’envoyer des hommes s’enrôler. Cependant, cette piste n’est pas facile à suivre. Ça vaut la peine de communiquer avec des sociétés de généalogie locales ou des communautés autochtones pour qu’elles nous aident à trouver des listes de noms. Elles peuvent aussi nous donner une petite idée du nombre d’hommes de cette communauté qui ont servi dans l’armée.

Les dernières sources d’information très utiles pour des recherches de cette nature sont ce qu’on appelait les « Registres des Indiens ». Ces archives dressent des listes de membres de nombreuses bandes. Il s’agit d’une excellente source si vos recherches portent sur une bande précise et si vous pouvez vous rendre dans les locaux de Bibliothèque et Archives Canada, à Ottawa. Par contre, la difficulté reste entière pour les chercheurs qui ne connaissent pas le nom de la bande et qui ignorent si le sujet est mort pendant la guerre. Chercher un Inuk ou un Métis est encore plus difficile, car très peu de sources primaires ont été produites durant les années qui ont immédiatement suivi la Grande Guerre. Il est parfois possible de trouver un Inuk ou un Métis ayant fait partie du CEC ou du Royal Newfoundland Regiment grâce à des sources secondaires, mais c’est un processus long et ardu.

Conclusion

Le caporal suppléant John Shiwak (Inuk) et le soldat Angus Edwardson (Premières Nations) ont tous deux combattu pendant la Première Guerre mondiale. Les deux exemples montrent les obstacles à surmonter pour trouver de l’information sur des Autochtones qui ont fait partie du CEC ou du Royal Newfoundland Regiment. Les multiples défis peuvent poser des difficultés considérables. Il existe néanmoins des ressources, comme les archives (notamment les recensements), les communautés autochtones locales et les sources propres à certains peuples autochtones conservées à Bibliothèque et Archives Canada. Ces solutions possibles ne permettent cependant pas de résoudre tous les problèmes pour les chercheurs qui s’intéressent aux Autochtones ayant participé à la Première Guerre mondiale.

Autres ressources


Ethan M. Coudenys est conseiller en généalogie à Bibliothèque et Archives Canada. Fier de ses origines innues, il est aussi le descendant d’une personne ayant survécu aux pensionnats autochtones.

Découvrir le 2e Bataillon de construction

English version

Par Andrew Horrall

Note sur les termes utilisés dans les documents

De nombreux documents relatifs à la 2e Compagnie de construction contiennent des termes qui étaient couramment utilisés pendant la Première Guerre mondiale, mais qui ne sont plus acceptables aujourd’hui. L’utilisation de ces termes par les autorités militaires est une preuve du racisme subi par les hommes de l’unité.

Comme il est décrit dans le billet de blogue, « Servir malgré la ségrégation », le 2e Bataillon de construction a été la première et la seule unité ségrégée du Corps expéditionnaire canadien (CEC) pendant la Première Guerre mondiale. Bibliothèque et Archives Canada (BAC) a répertorié et numérisé les documents relatifs à l’unité afin de faciliter l’exploration et la compréhension de son histoire et des histoires individuelles des hommes qui en faisaient partie.

Formulaire imprimé rempli par les hommes s’engageant dans le Corps expéditionnaire canadien. Le formulaire comprend 12 questions sur la personne, y compris son nom, sa date de naissance et son plus proche parent. En bas, on trouve une déclaration et un serment prêtés et signés par l’homme, ainsi que la déclaration et la signature d’un magistrat confirmant son engagement.

Page d’attestation pour Arthur Bright, RG 150, versement 1992-93/166, boîte 1066 – 39

Expériences individuelles

Les documents d’archives contiennent des détails sur les personnes ayant servi dans le 2e Bataillon de construction. Chaque histoire est unique et évocatrice.

Vous pouvez trouver les dossiers individuels des hommes en recherchant leur nom, ou en entrant « No. 2 Construction Battalion » (note : il faut insérer les mots-clés en anglais) dans le champ « Unité » de notre base de données, dans le menu déroulant Afficher les options de recherche avancées. Chaque dossier a été entièrement numérisé et comprend des renseignements détaillés sur la vie de la personne, sa famille et son service militaire.

Des amis et des familles servant ensemble

Les dossiers du personnel peuvent également raconter des histoires collectives. Nous savons que les hommes se sont souvent engagés en petits groupes de famille, d’amis ou de collègues de travail dans l’espoir de servir ensemble.

Voici deux stratégies pour trouver et explorer ces petits groupes au sein de l’unité. Commencez par déterminer l’identité de tous les hommes, en entrant « No. 2 Construction Battalion » (note : il faut insérer les mots-clés en anglais) dans le champ « Unité » de notre Base de données, dans le menu déroulant Afficher les options de recherche avancées. Par la suite :

  • Trier la liste par ordre alphabétique. Vous verrez que de nombreux noms de famille apparaissent plus d’une fois. Ouvrez les dossiers individuels des hommes portant le même nom et examinez leur lieu de naissance, leur adresse et leur parent le plus proche (souvent un parent) pour déterminer leur lien de parenté, le cas échéant.

Par exemple, nous pouvons voir que ces deux hommes étaient frères :

Tableau répertoriant 2 soldats avec le nom de famille Bright.

  • Trier la liste par matricule. Ces numéros ont été attribués aux hommes dans l’ordre numérique. En triant la liste de cette façon, on peut recréer les lignes d’hommes au moment de leur enrôlement dans une station de recrutement. Ouvrez les dossiers individuels pour voir si un homme s’est engagé seul ou avec un groupe.

Par exemple, nous savons que les frères Bright se sont engagés ensemble parce qu’on leur a attribué des matricules séquentiels. Nous découvrons également que les hommes portant les matricules précédents et suivants — qui se seraient trouvés à côté d’eux dans le bureau de recrutement en 1916 — avaient tous à peu près le même âge, exerçaient des métiers similaires et vivaient à moins d’un kilomètre les uns des autres à St. Catharines. Comment se connaissaient-ils?

Tableau répertoriant 5 soldats avec des numéros de régiment allant de 931537-931541Suivez les hommes dans la vie civile

Pour explorer plus largement l’histoire des Canadiens noirs, vous pouvez également découvrir la vie civile de bon nombre de ces hommes en entrant leurs noms dans d’autres bases de données de BAC dans la section « Recherche d’ancêtres » de notre site Web :

  • Les Recensements canadiens de 1911, 1916 et 1921. Par exemple, le recensement de 1921 indique qu’Arthur et Norman Bright vivent ensemble comme locataires au 3 Brown’s Lane, dans le centre-ville de Toronto. Ni l’un ni l’autre n’est alors marié, et tous deux travaillent comme ouvriers.
  • Les Listes de passagers montrent quand, où et avec qui les personnes ont immigré au Canada.
  • Les Dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale peuvent ouvrir la voie à l’exploration de la communauté noire du Canada du début du 20esiècle et de ce que signifiait servir dans le 2e Bataillon de construction.
Deux pages d’un journal personnel. La date est imprimée en haut de chaque page, les 30 et 31 octobre. En dessous, le capitaine White a écrit des observations générales sur le temps, les lettres qu’il a écrites et reçues, et la vie au camp.

Deux pages du journal personnel du capitaine William « Andrew » White, l’aumônier de l’unité (e011183038)

La vie quotidienne au sein de l’unité

Deux documents numérisés vous permettent d’explorer les activités quotidiennes de l’unité :

  • Journal personnel de William « Andrew » White; l’aumônier du 2eBataillon de construction; nous pensons qu’il s’agit du seul récit personnel et témoignage direct écrit par un membre de l’unité.
  • Journal de guerre; les unités en service actif devaient tenir un compte rendu quotidien de leurs activités. Bien que les journaux de guerre ne se concentrent pas sur les personnes, ils décrivent les événements qui se sont déroulés chaque jour.

Comment l’armée canadienne a géré l’unité

BAC a numérisé environ la moitié des documents administratifs, organisationnels et historiques relatifs au 2e Bataillon de construction. Ces documents donnent une idée de la façon dont l’armée canadienne gérait l’unité et les hommes qui en faisaient partie.

Ressources numérisées documentant la 2e Compagnie de construction conservées à BAC

Renseignements de base sur l’unité

Autres photographies représentant des soldats noirs

Notez que BAC détient de nombreuses autres photos montrant des soldats noirs. Ces photos ne peuvent toutefois pas être trouvées lors d’une simple recherche, car cette information n’était pas incluse dans le titre original.

Affiche de recrutement

Documents textuels

Cour martiale

Les dossiers numérisés des cours martiales impliquant des membres de la Compagnie de construction no 2 et d’autres hommes noirs sont disponibles sur Canadiana.org (Veuillez noter que la liste ci-dessous peut ne pas être complète).


Andrew Horrall, archiviste à Bibliothèque et Archives Canada, a rédigé le billet de blogue. Il a aussi recensé les documents relatifs au bataillon, avec l’aide d’Alexander Comber et de Mary Margaret Johnston-Miller.

Servir malgré la ségrégation : 2e Bataillon de construction

English version

Par Andrew Horrall

Bibliothèque et Archives Canada (BAC) détient la plus grande collection de documents sur le 2e Bataillon de construction, une unité ségrégée du Corps expéditionnaire canadien (CEC). Ils veulent alors se battre, mais les attitudes racistes des dirigeants politiques et militaires – ainsi que de la société en général – les empêchent de servir en première ligne. Au lieu de cela, le 2e Bataillon de construction est affecté au Corps forestier canadien. Les hommes passent la guerre dans les Alpes françaises, où ils abattent des arbres, transforment des troncs bruts en bois fini et transportent le bois jusqu’au chemin de fer. À l’époque, le travail est vital, puisque d’énormes quantités de bois sont nécessaires pour construire et renforcer les défenses de première ligne, mais il est loin du type de service que les hommes avaient espéré.

Dessin noir et blanc d’un insigne en forme de bouclier. Au sommet se trouvent une couronne royale et une bannière indiquant « Canada Overseas ». En dessous se trouvent les mots « No. 2 » au-dessus d’une autre bannière avec le mot « Construction ». Des feuilles d’érable ornent les côtés de l’insigne. Un pont en bois sous la couronne et un outil sous la deuxième bannière symbolisent que les membres de l’unité étaient des bâtisseurs.

Le badge de casquette du 2e Bataillon de construction (e011395922)

Dossiers de service du Corps expéditionnaire canadien – Les membres sont identifiés par la mention « No. 2 Construction Battalion » (2e Bataillon de construction) dans le champ Unité de la base de données. Les dossiers de service de plus de 800 militaires donnent la 2e Compagnie de construction comme unité. Cependant, bon nombre de ces hommes ont plutôt servi au sein d’autres unités du Corps expéditionnaire canadien. Les raisons expliquant les écarts entre les dossiers du personnel et ceux des unités ne sont pas claires. Il est possible que des besoins pressants aient forcé les autorités militaires canadiennes à envoyer des hommes dans d’autres unités, même si elles avaient l’intention de les affecter à la 2e Compagnie de construction au départ. Il est également possible que la guerre se soit terminée avant que certains hommes n’aient le temps de se joindre à la compagnie.

C’est en juillet 1916 que l’unité est mobilisée à Truro, en Nouvelle-Écosse. Elle recrute alors dans les communautés noires établies dans les Maritimes et le sud-ouest de l’Ontario, ainsi qu’ailleurs au Canada, dans les Caraïbes et aux États-Unis. Au moins deux membres viennent de beaucoup plus loin, soit Cowasjee Karachi (matricule 931759), originaire de l’actuel Yémen, et Valdo Schita (matricule 931643), né près de Johannesburg, en Afrique du Sud.

Photo noir et blanc montrant 21 soldats posant en toute décontraction, en plein air, assis ou debout sur une pile de longues planches de bois. Huit des hommes semblent porter des uniformes russes, et les autres – dont deux Noirs – sont des Canadiens.

Le lieutenant F. N.  Ritchie, le lieutenant Courtney et quelques-uns des hommes enrôlés du Corps forestier canadien en France. Il s’agit de la seule photo de l’unité conservée dans la collection à BAC (a022752).

Si l’unité est composée d’hommes noirs, les officiers sont Blancs, à l’exception de l’aumônier, le capitaine William « Andrew » White.

L’unité est désignée à la fois par les termes « bataillon » et « compagnie » dans les documents d’archives et les sources publiées. Créée à l’origine comme un bataillon dans le Corps expéditionnaire canadien, elle est composée d’environ 1 000 hommes. Lorsque seulement quelque 600 hommes arrivent en Angleterre en 1917, les autorités militaires la renomme « compagnie », ce qui reflète mieux sa taille.

L’unité rentre au Canada à la fin de la guerre et est officiellement dissoute en septembre 1920. Au fil du temps, l’histoire du 2e Bataillon de construction s’estompe jusqu’à ce que les familles, les membres de la communauté et les historiens commencent à la faire renaître au début des années 1980. Il ne reste alors plus qu’une poignée de membres survivants.

Note sur les termes utilisés dans les documents

De nombreux documents relatifs à la 2e Compagnie de construction contiennent des termes qui étaient couramment utilisés pendant la Première Guerre mondiale, mais qui ne sont plus acceptables aujourd’hui. BAC a remplacé ces termes dans les descriptions, mais on les trouve encore dans de nombreux documents originaux. L’utilisation de ces termes par les autorités militaires est une preuve du racisme subi par les hommes de l’unité.


Andrew Horrall, archiviste à Bibliothèque et Archives Canada, a rédigé le billet de blogue. Il a aussi recensé les documents relatifs au 2e Bataillon de construction, avec l’aide d’Alexander Comber et de Mary Margaret Johnston-Miller.

La vie et l’héritage de Tom Cogwagee Longboat

English version

À la gauche de l’image, Tatânga Mânî (le chef Walking Buffalo, aussi appelé George McLean) est à cheval dans une tenue cérémonielle traditionnelle. Au centre, Iggi et une fillette font un kunik, une salutation traditionnelle dans la culture inuite. À droite, le guide métis Maxime Marion se tient debout, un fusil à la main. À l’arrière-plan, on aperçoit une carte du Haut et du Bas-Canada et du texte provenant de la collection de la colonie de la Rivière-rouge.

Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique qui pourraient être considérés comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde – terminologie historique.

Par Elizabeth Kawenaa Montour

Vitesse, athlétisme, détermination, courage et persévérance : voilà les mots qui viennent à l’esprit lorsqu’on pense à Tom Cogwagee Longboat, dont le nom onondaga (Cogwagee) signifie « Tout ». Au cours du siècle dernier, de nombreux faits, récits et photographies ont été compilés pour tenter de mieux connaître et comprendre l’homme derrière le mythe.

Thomas Charles Cogwagee Longboat, fils de George Longboat et d’Elizabeth Skye, est né le 4 juillet 1886 (certaines sources mentionnent le 4 juin 1887). Membre du clan du Loup de la Nation onondaga du Territoire des Six Nations, il adopte le mode de vie traditionnel des Haudenosaunee (mot qui signifie « peuple de la maison longue »).

À l’âge de 12 ou 13 ans, Longboat est envoyé de force au pensionnat indien de l’Institut mohawk, une école anglaise de confession anglicane qui fut active de 1823 à 1970. C’est un choc pour ses camarades et lui, obligés d’abandonner leur langue et leurs croyances pour parler anglais et pratiquer le christianisme.

Décidé à rentrer chez lui, Longboat s’enfuit du pensionnat, mais on le rattrape et il est puni. Il tente de nouveau sa chance, se réfugiant cette fois à la ferme de son oncle, espérant ainsi mieux dissimuler ses traces. La stratégie fonctionne et met fin à son éducation officielle. Longboat travaillera ensuite comme ouvrier agricole à plusieurs endroits, ce qui l’obligera à se déplacer à pied sur de longues distances.

C’est en 1905 que Tom Longboat entame son parcours de coureur amateur. À peine deux ans plus tard, le 19 avril 1907, il remporte le marathon de Boston – le plus prestigieux au monde – en 2 heures, 24 minutes et 24 secondes, retranchant presque 5 minutes du record précédent. Cet exploit est source de grande fierté et d’inspiration pour les Autochtones et les Canadiens. Le lendemain, on peut lire dans le Boston Globe :

« Bravant la pluie et le froid, les milliers de personnes massées le long des rues, d’Ashland au B.A.A [Boston Athletic Association], ont été largement récompensées lors du passage de Tom Longboat, le plus admirable coureur ayant traversé notre ville. Il a franchi la ligne d’arrivée tout sourire. Rien n’indiquait que ce jeune homme venait de parcourir, en quelques heures, plus de kilomètres qu’une personne n’en marche en une semaine. Gagnant en vitesse à chaque foulée, porté par les acclamations de la foule, le jeune homme au teint de bronze, aux cheveux et aux yeux de jais, au corps long et souple et aux jambes élancées, a volé vers la victoire.

Assourdi par le plus grand vacarme entendu depuis des années, Longboat a franchi la ligne d’arrivée, déchirant le ruban alors que les chronométreurs arrêtaient leur montre et que retentissaient les déclics de dizaines d’appareils photo. Il venait de remporter le plus important des marathons modernes. Des bras se sont tendus, prêts à soutenir le gagnant, mais Longboat n’en a pas eu besoin.

Repoussant ceux qui souhaitaient l’étreindre, il a embrassé la foule du regard et remercié tous ses supporteurs. De nombreuses personnes se sont avancées pour lui serrer la main; si ce n’était du fait que les policiers avaient installé de solides cordons pour retenir le public, il aurait reçu de longues accolades. Il s’est ensuite élancé vers le club d’un pas solide et robuste. » The Boston Globe, 20 avril 1907 [Traduction]

Un an après cette éclatante victoire, Longboat participe au marathon des Jeux olympiques de Londres, en Angleterre. La course totalise 42,2 km, mais il ne peut la compléter, s’effondrant au 32e kilomètre. Il bifurque alors vers la course professionnelle, décrochant en 1909 le titre de champion professionnel du monde lors de la course du Madison Square Garden à New York.

Page noir et blanc du Recensement de 1911, avec du texte dans chacune des 38 colonnes. Les renseignements recueillis se divisent en plusieurs catégories : nom, lieu du domicile, renseignements sur la personne, pays ou lieu de naissance, emploi principal ou métier, citoyenneté, langue et scolarité.

Page du Recensement de 1911 sur laquelle figurent Thomas C. Longboat et sa femme Loretta [Lauretta], comté de York (Ontario). Sous la catégorie « Emploi principal ou métier », on peut lire « Runner » (Coureur). (e002039395)

Photo noir et blanc de deux militaires portant un uniforme de la Première Guerre mondiale. Assis, sourire aux lèvres, ils achètent un journal d’un jeune garçon. Le militaire à droite prend le journal d’une main et donne l’argent au garçon de l’autre.

Le soldat Tom Longboat, coureur de fond onondaga, achète un journal d’un garçon français, juin 1917. (a001479)

En 1916, alors que la Première Guerre mondiale fait rage, Longboat est envoyé outre-mer avec le Corps expéditionnaire canadien. Ses aptitudes physiques hors du commun lui sont d’un grand secours pour accomplir ses fonctions d’estafette, qui l’amènent régulièrement à se déplacer à la course.

Mais après un bombardement intensif en Belgique, Longboat se retrouve prisonnier des décombres. À tort, on le croit décédé; une méprise qui ne sera pas sans conséquence puisque, se croyant veuve, son épouse kanienkenha:ka (mohawk), Lauretta Maracle, se remarie. Le couple avait convolé en justes noces en 1908.

Après la guerre, Tom Longboat se remariera lui aussi, épousant Martha Silversmith, une femme onondaga avec qui il aura quatre enfants.

La carrière militaire de Tom Longboat se poursuit lors de la Deuxième Guerre mondiale, plus précisément au sein de la Garde des anciens combattants, située dans un camp militaire près de Brantford (Ontario). La famille Longboat s’établit ensuite à Toronto, où Tom occupe un poste dans la fonction publique municipale. À sa retraite, il retourne vivre sur le Territoire des Six Nations. Il décède le 9 janvier 1949.

En 1951, on crée à titre posthume un prestigieux prix destiné à perpétuer la mémoire de ce grand athlète : le trophée Tom Longboat, remis chaque année à des athlètes autochtones qui incarnent le travail acharné et la détermination. Le trophée est conservé au Panthéon des sports canadiens, à Calgary; une réplique se trouve actuellement au Cercle autochtone des sports, à Ottawa.

En 1955, Tom Longboat est introduit au Panthéon des sports canadiens et au Indian Hall of Fame.

Plaque rouge rectangulaire arborant un texte doré, surmonté de l’emblème du Canada et de l’inscription « Tom Longboat 1886-1949 ».

Plaque de la Commission des lieux et monuments historiques du Canada créée en l’honneur de Tom Longboat. On peut la voir sur la 4th Line Road, dans la réserve des Six Nations de la rivière Grand, à Ohsweken, en Ontario. (Photo : Gracieuseté de Parcs Canada)

Les exploits de Longboat sont honorés encore de nos jours. En 1976, le gouvernement du Canada installe une plaque en son honneur sur la 4th Line Road, dans la réserve des Six Nations de la rivière Grand, à Ohsweken (Ontario). En 1999, le magazine Maclean’s nomme Tom Longboat plus grand athlète canadien du 20e siècle. En 2000, Postes Canada émet un timbre soulignant ses victoires. Puis, en 2008, l’Ontario adopte une loi provinciale faisant du 4 juin le Jour Tom Longboat. Ce jour-là, la course Tom Longboat se tient aux Six Nations, tandis qu’en septembre on organise à Toronto la course Longboat Toronto Island Run.

Plusieurs endroits portent également le nom de Tom Longboat: une intersection aux Six Nations, un sentier à Brantford (Ontario), une voie à Toronto et une école élémentaire publique à Scarborough (Ontario). Au 1087, rue Queens Ouest, à Toronto, on retrouve un Longboat Hall au YMCA où l’athlète s’entraînait.

On peut aussi admirer au Centre culturel Woodland des Six Nations une statue de Longboat intitulée « Challenge and Triump » (Défis et triomphe) réalisée par le sculpteur David General, et visiter une exposition consacrée à l’athèlte. Plus récemment, en 2019, on a publié un livre jeunesse sur sa vie : Voici Tom Longboat.

Le destin et les exploits de Tom Cogwagee Longboat sont aussi fascinants qu’inspirants. Pour en savoir plus à son sujet, écoutez notre balado Il s’appelait Tom Longboat, Cogwagee, Tout.  Jetez aussi un coup d’œil à l’album Tom Longboat sur Flickr.

Ce blogue fait partie d’une série portant sur les Initiatives du patrimoine documentaire autochtone. Apprenez-en plus sur la façon dont Bibliothèque et Archives Canada (BAC) améliore l’accès aux collections en lien avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Voyez aussi comment BAC appuie les communautés en matière de préservation d’enregistrements de langue autochtone.


Elizabeth Kawenaa Montour est archiviste de projet à la Division des expositions et du contenu en ligne de la Direction générale des services au public à Bibliothèque et Archives Canada.

Force et puissance : les soldats autochtones, de l’Égypte à l’Europe de la Première Guerre mondiale

À la gauche de l’image, Tatânga Mânî (le chef Walking Buffalo, aussi appelé George McLean) est à cheval dans une tenue cérémonielle traditionnelle. Au centre, Iggi et une fillette font un kunik, une salutation traditionnelle dans la culture inuite. À droite, le guide métis Maxime Marion se tient debout, un fusil à la main. À l’arrière-plan, on aperçoit une carte du Haut et du Bas-Canada et du texte provenant de la collection de la colonie de la Rivière-rouge.

Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certains pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde — terminologie historique.

Par Elizabeth Kawenaa Montour et Sara Chatfield

 Lorsque des membres des Premières Nations, de la Nation inuite et de la Nation métisse ont été recrutés pour participer à la Première Guerre mondiale, en 1914, aucun ne connaissait le nouveau visage des combats au 20e siècle.

En 1884, lors de ce qu’on pourrait qualifier de prélude à la Grande Guerre, environ 56 Kanyen’kehà:kas (Mohawks), 30 Ojibwés et 19 Métis avaient pris part à une expédition britannique de six mois sur le Nil, en Égypte. Ils avaient été choisis pour leur force, leur endurance et leur habileté à manœuvrer embarcations et radeaux; des qualités nécessaires pour naviguer dans les cataractes et les rapides du Nil. Mais les 400 hommes du groupe n’ont pas combattu activement, puisqu’ils sont arrivés deux jours après la prise de Khartoum, au Soudan, et le décès du major britannique Charles G. Gordon.

Les membres de l’expédition sont donc rentrés au bercail, 16 hommes en moins. Ils ont pu témoigner de tout ce qu’ils avaient vu pendant leur voyage sur le Nil : temples monolithiques et statues sculptées dans les collines d’Abou Simbel, sphinx de Gizeh, pyramides, marchés exotiques et scènes de la vie égyptienne au Caire.

Photo noir et blanc d’un grand groupe d’hommes posant devant les édifices du Parlement.

Voyageurs canadiens devant le Parlement (détail du contingent canadien du Nil), 1884. (c002877)

Trois décennies plus tard, on retrouve à nouveau les soldats autochtones sous les drapeaux : alors que la Première Guerre mondiale fait rage, ils participent à une expédition militaire outre-mer avec le Corps expéditionnaire canadien (CEC). C’est pour eux une occasion de voir le monde, de prouver leur courage et de démontrer leurs aptitudes au combat. Mais ces combats ainsi que les stratégies ont grandement changé. Les soldats sont dorénavant confrontés aux armes chimiques, aux mitrailleuses, aux avions de chasse, aux véhicules blindés et à la guerre de tranchées.

Notre nouveau défi Co-Lab, Correspondance sur les soldats des Premières Nations rapatriés après la Première Guerre mondiale met en lumière le vécu des soldats autochtones pendant la guerre et après leur rapatriement, ainsi que l’impact de leur absence dans leurs communautés. En fait, ils contiennent davantage de renseignements que les traditionnels dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale. On peut y apprendre, par exemple, ce qu’un soldat comptait faire après la guerre, s’il possédait des terres ou des animaux de ferme, ou s’il était apte à pratiquer l’agriculture; ou encore, s’il souffrait d’incapacités, avec qui il vivait, et s’il avait des personnes à sa charge.

La présence de ces informations additionnelles s’explique par le fait que ces dossiers ont été créés par l’ancien ministère des Affaires indiennes, où un « agent des Indiens » fédéral a inclus des renseignements personnels et des commentaires sur les soldats des Premières Nations qui rentraient au pays. Tel n’était pas le cas pour les soldats non autochtones : il n’existe aucune série de dossiers semblables pour le reste du Corps expéditionnaire canadien.

Page du Indian Agent’s Office (Bureau de l’agent des Indiens), Chippewa Hill, bureau de Saugeen, 14 février 1919.

Document fournissant des renseignements sur John Besito, envoyé à Duncan Campbell Scott par T. A. Stout le 14 février 1919; RG 10, vol. 6771, dossier 452-30. (Image trouvée sur Canadiana)

Tous ces renseignements ont été intégrés aux dossiers du gouvernement fédéral conservés à Ottawa.

Autre particularité : les « agents des Indiens » se sont penchés sur la vie des soldats après leur service. L’information recueillie comprend des renseignements privés obtenus à titre gratuit et des jugements personnels sur les anciens combattants et leur retour à la vie civile. Par exemple, les notes du Bureau de l’agent des Indiens pour le soldat John Besito, recueillies en février 1919 par le bureau de Saugeen, en Ontario, indiquent : « Il possède un terrain de 50 acres dans la réserve. Il a une maison et quelques améliorations sur son terrain. »

En plus de renseignements administratifs (comme les numéros de matricule des soldats et leur appartenance à des organismes ou à des bandes des Premières Nations), ces dossiers nous donnent des renseignements généalogiques.

Par exemple, dans une lettre adressée le 12 février 1919 au ministère des Affaires indiennes, on trouve les noms de trois soldats décédés. Rédigée par l’« agent des Indiens » du bureau de Griswold, au Manitoba, la lettre indique que ces soldats viennent des réserves d’Oak River et d’Oak Lake. Elle précise le numéro de matricule de l’un des défunts (le soldat John Taylor) et indique que le ministère des Affaires indiennes a versé une pension à sa femme et à ses deux enfants.

D’autres lettres nous informent que le soldat Gilbert Moore, tué au combat le 24 mars 1918, a laissé ses parents dans des conditions difficiles et que ceux-ci ont fait une demande de pension; ou encore, que le soldat Thomas Kasto a laissé derrière lui sa mère, et que cette dernière a touché une pension.

Portrait studio en noir et blanc d’un soldat de la Première Guerre mondiale, vêtu d’un uniforme, qui tient une carabine.

Michael Ackabee, soldat membre du Corps expéditionnaire canadien. (e005176082)

Par ailleurs, les dossiers font aussi mention des femmes des Premières Nations qui ont appuyé l’effort de guerre, par exemple en versant des fonds à des organismes comme la Croix-Rouge, le Girls Overseas Comfort Club et le Fonds patriotique canadien. Des femmes ont également tricoté des chaussettes et cousu des chemises, envoyées par colis à l’étranger pour offrir un peu de réconfort aux leurs. D’autres ont amassé des fonds en fabriquant et en vendant des parures perlées, des paniers tissés et des courtepointes.

Les soldats autochtones qui ont survécu à la guerre sont souvent rentrés chez eux transformés, tant positivement que négativement. Jusqu’à son décès en 1955, le sapeur Peter Taylor, un soldat de Kahnawake, a souffert de complications causées par l’empoisonnement au gaz moutarde. Le soldat Tom Longboat, coureur de fond olympique et membre de la réserve des Six Nations de la rivière Grand, est rentré de France pour constater que sa femme s’était remariée après avoir été informée à tort de son décès.

Photo noir et blanc de deux militaires portant un uniforme de la Première Guerre mondiale. Assis, sourire aux lèvres, ils achètent un journal d’un jeune garçon. Le militaire à droite prend le journal d’une main et donne l’argent au garçon de l’autre.

Le soldat Tom Longboat, coureur de fond onondaga, achète un journal d’un garçon français, juin 1917. (a001479)

Bon nombre de soldats rapatriés ont souffert tant physiquement que mentalement. Nous leur sommes reconnaissants de leurs sacrifices et de leur service, et ils seront à jamais reconnus, honorés et respectés.

Ce blogue fait partie d’une série portant sur les Initiatives du patrimoine documentaire autochtone. Apprenez-en plus sur la façon dont Bibliothèque et Archives Canada (BAC) améliore l’accès aux collections en lien avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Voyez aussi comment BAC appuie les communautés en matière de préservation d’enregistrements de langue autochtone.


Elizabeth Kawenaa Montour est archiviste de projet et Sara Chatfield est gestionnaire de projet à la Division des expositions et du contenu en ligne de la Direction générale des services au public de Bibliothèque et Archives Canada.