Un gâteau néerlandais aux pommes de 1943

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Bannière Cuisinez avec Bibliothèque et Archives CanadaPar Ariane Gauthier

Le livre de cuisine The Cook’s Recipe Manual, publié en 1943, contient 300 recettes à l’intention des cuisiniers dans la marine, l’armée de terre, l’armée de l’air, les usines de munitions, les camps et les écoles militaires. Il a été conçu dans un but bien précis : exploiter au maximum les rations militaires grâce à des recettes toutes simples, adaptées aux cuisines les plus modestes et ne nécessitant aucun appareil électrique. Chaque recette donne entre 100 et 125 portions, calculées en onces.

Ça vous intrigue? Sachez que vous pouvez emprunter ce livre par l’entremise d’Aurora, le catalogue des collections publiées de Bibliothèque et Archives Canada, sous le nOCLC 3231635.

L’automne était déjà bien avancé quand je l’ai moi-même parcouru. Je venais d’aller cueillir une quantité impressionnante de pommes, et je parcourais l’index à la recherche d’une recette pour les utiliser. C’est alors que je suis tombée sur un gâteau néerlandais aux pommes.

La recette du gâteau, incluant une liste d’ingrédients et la méthode de préparation.

Photo de la recette de gâteau néerlandais aux pommes tirée du Cook’s Recipe Manual (OCLC 3231635). Remarquons la division des ingrédients en trois catégories (A, B et C) ainsi que le rendement de la recette : 100 portions de quatre onces!

Et quelle quantité de pommes! J’étais très curieuse d’y goûter, ignorant tout de ce dessert néerlandais. La recette semblait simple, toutefois. Alors même si je n’avais aucune idée du résultat, je me suis lancée.

J’ai d’abord rassemblé les ingrédients.

Des pommes, des œufs, du beurre, de la poudre à pâte, du sel, de la farine, du sucre, du lait d’avoine, de la muscade et de la cannelle.

Les ingrédients employés par l’auteure pour cuisiner la recette de gâteau néerlandais aux pommes tirée du Cook’s Recipe Manual. Photo gracieuseté de l’auteure, Ariane Gauthier.

Je suis ensuite passée à l’étape du calcul, pour éviter de me retrouver avec 100 portions sur les bras. Je me suis plutôt contentée de 10, ce qui a donné les quantités suivantes :

Pâte
  • 2,6 tasses de farine
  • 25 ml de poudre à pâte
  • 4,5 ml de sel
  • 50 ml de beurre
  • 50 ml de sucre
  • 2 œufs
  • 150 ml de lait (j’ai pris du lait d’avoine)
Pommes
  • 900 grammes
Mélange de sucre et d’épices
  • 50 ml de sucre
  • Une pincée de cannelle
  • Une pincée de muscade
Beurre
  • 50 ml

Les ingrédients de la pâte sont présentés en trois sections : A, B, et C, selon l’ordre dans lequel ils doivent être incorporés. Il faut d’abord mélanger les ingrédients secs et le corps gras (j’ai choisi du beurre). On dit de procéder comme si on faisait une pâte à « tea biscuits » – des petits gâteaux secs pour le thé. Un peu nébuleux, tout ça! Clairement, cette recette ne s’adressait pas aux néophytes. J’ai donc ignoré cette remarque. Je n’ai pas compris davantage pourquoi il fallait ajouter le sucre séparément, mais j’ai fidèlement suivi les instructions.

Un fouet mélangeant des ingrédients secs dans un bol.

Tous les ingrédients secs des sections A et B mélangés au fouet. Photo gracieuseté de l’auteure, Ariane Gauthier.

Il faut ensuite mélanger les ingrédients humides (section C) avant de les incorporer aux ingrédients secs (sections A et B). Le fouet est à éviter, la pâte étant beaucoup trop dense : je parle par expérience! J’y suis plutôt allée avec mes mains. (Je me suis souvenue plus tard que le livre suggérait d’utiliser un mélangeur électrique lorsque possible.)

Deux photos côte à côte : un œuf cassé en deux au-dessus d’un bol, et une pâte pétrie à la main.

Mélange des ingrédients humides de la section C avec les ingrédients secs des sections A et B pour former la pâte. L’auteure a fait le tout à la main, mais recommande d’employer un batteur sur socle si possible. Photos gracieuseté de l’auteure, Ariane Gauthier.

J’ai versé la pâte dans un moule recouvert de papier parchemin, avant de passer à la prochaine étape : éplucher les pommes, les couper en huit morceaux et insérer chacun d’eux dans la pâte, en commençant par le côté le plus mince. J’ai trouvé ça vraiment étrange, mais encore là, j’ai suivi les instructions à la lettre.

Deux photos côte à côte. Sur la première, on voit la pâte dans le plat de cuisson couvert de papier parchemin. Sur la deuxième, les tranches de pommes ont été insérées dans la pâte. À côté du plat de cuisson, on voit des bols avec du beurre fondu et le mélange de sucre et d’épices.

La pâte dans un plat de cuisson couvert de papier parchemin, et les pommes insérées dans la pâte. Photos gracieuseté de l’auteure, Ariane Gauthier.

La dernière étape consiste à mélanger le sucre et les épices, puis à saupoudrer le tout uniformément sur les pommes. J’ai ensuite fait fondre 50 ml de beurre, que j’ai versé sur le gâteau avant de l’enfourner pendant 25 minutes à 400 ⁰F.

Deux photos côte à côte. Sur la première, un mélange de sucre et d’épices est saupoudré sur des tranches de pommes. Sur la seconde, du beurre fondu est versé sur les pommes.

Ajout du mélange de sucre et d’épices et du beurre fondu sur le gâteau. Cette étape donne à la recette une bonne partie de sa saveur. Photos gracieuseté de l’auteure, Ariane Gauthier.

Comme c’était une première, je ne savais pas à quoi m’attendre. J’avoue que lorsque j’ai sorti le gâteau du four, j’ai bien pensé avoir échoué. Le beurre et le jus de pommes bouillonnaient, un peu comme le sirop d’un pouding chômeur. (Si vous n’êtes pas familiers avec ce grand classique québécois, c’est un gâteau cuit dans du sirop.) Ce n’était peut-être pas normal? Mais le plaisir d’essayer de vieilles recettes vient avec certains risques, et le lendemain, j’ai organisé une dégustation avec mes collègues.

Deux photos côte à côte. La première montre le gâteau néerlandais aux pommes dans le moule. Sur la seconde, un morceau a été découpé pour montrer l’intérieur du gâteau.

Le produit final dans le moule, et une vue en coupe (avec un morceau enlevé). Photos gracieuseté de l’auteure, Ariane Gauthier.

Le verdict?

Hé bien, j’ai été agréablement surprise! Le gâteau était moelleux, parfaitement cuit et pas trop sucré, et les pommes avaient bien compoté. J’ai aussi servi le gâteau à d’autres collègues aux Services de référence. Conclusion : c’est confirmé une fois de plus, certaines recettes traversent avec brio l’épreuve du temps!

Si vous essayez cette recette, n’hésitez pas à partager les photos de vos résultats avec nous en utilisant le mot-clic #CuisinezAvecBAC et en étiquetant nos médias sociaux : Facebook, Instagram, X (Twitter), YouTube, Flickr et LinkedIn.

Autres ressources


Ariane Gauthier est archiviste de référence au sein de la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.

Confidences de porteurs

Par Stacey Zembrzycki

Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certains pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde – terminologie historique.

Stanley Grizzle est né à Toronto en 1918, de parents jamaïcains ayant immigré séparément en 1911. Sa mère était une domestique tandis que son père travaillait comme chef à la Compagnie du Grand Tronc de chemin de fer (Grizzle, My Name’s Not George, p. 31). L’aîné d’une fratrie de sept enfants, Grizzle devient porteur au Chemin de fer Canadien Pacifique à 22 ans, contraint de quitter l’école pour aider ses parents à faire face à leurs obligations financières. Comme il le mentionne dans ses mémoires intitulées My Name’s Not George: The Story of the Brotherhood of Sleeping Car Porters in Canada (p. 37) : « En raison de leur emploi stable, les porteurs étaient respectés et même parfois admirés au sein de la communauté. Ils formaient en quelque sorte l’aristocratie des communautés noires au Canada. Ils étaient les célibataires les plus recherchés, et les parents encourageaient souvent leurs filles à marier un porteur. » [Traduction]

Un homme en uniforme devant un train. Sous l’image principale se trouve une photo d’un groupe d’hommes en uniforme, debout en rangée.

Page couverture du livre My Name’s Not George: The Story of the Brotherhood of Sleeping Car Porters in Canada: Personal Reminiscences of Stanley G. Grizzle (OCLC 1036052571). Image courtoisie de l’auteure, Stacey Zembrzycki.

Au début de sa vie, Grizzle suit cette trajectoire typique. Il faut dire que le métier de porteur est une des rares avenues ouvertes aux hommes noirs au milieu du 20e siècle. La Deuxième Guerre mondiale vient toutefois bouleverser les choses. Conscrit dans l’Armée canadienne en 1942 (une mesure à laquelle il s’est vigoureusement opposé toute sa vie), Grizzle passe beaucoup de temps loin de la famille qu’il vient de fonder. Son premier enfant, Patricia, naît le jour de son départ pour l’Europe. La petite fille verra son père pour la première fois lorsqu’il reviendra au pays, soit seulement trois ans plus tard. (Grizzle, My Name’s Not George, p. 57)

Grizzle est confronté à la pauvreté pendant son enfance et au racisme en tant que porteur et soldat. Ces expériences influenceront son cheminement professionnel : syndicaliste actif à la section torontoise de la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs, il devient ensuite le premier Canadien noir engagé comme commis à la Commission des relations de travail de l’Ontario, puis le premier Canadien noir nommé juge à la Cour de la citoyenneté canadienne. Elles orienteront certainement aussi les entrevues qu’il réalisera en 1986 et 1987, lesquelles sont maintenant conservées à Bibliothèque et Archives Canada (BAC).

Comme je l’expliquais dans un blogue précédent, ces 53 conversations amicales sont des « histoires de porteurs » (porter talk), pour reprendre les mots de Melvin Crump et de bien d’autres. Lors d’une rencontre dans le salon de Crump à Calgary, le 1er novembre 1987, les deux hommes passent l’après-midi à discuter de la situation complexe des porteurs. En plus d’analyser le sens de ce travail pour eux en tant qu’hommes noirs, ils expliquent comment leur métier a façonné leur identité et l’ensemble de la communauté noire qui les appuyait.

Crump provient d’un milieu très différent de celui de Grizzle. Il est né à Edmonton en 1916. Avant d’immigrer en 1911, ses parents étaient des homesteaders à Clearview, en Oklahoma. Les deux hommes ont vécu l’intense racisme auquel étaient confrontés les Noirs au Canada, qui les a tous deux menés à une carrière au Canadien Pacifique. Tout comme Grizzle, Crump préfère un emploi permanent dans cette compagnie à l’instabilité et aux salaires de misère offerts dans les abattoirs et les fermes de la région. Voyant là la seule manière d’améliorer son sort, il ment au sujet de son âge afin de pouvoir travailler même s’il lui manque deux ans pour atteindre les 21 ans requis.

À l’instar de Grizzle, Crump travaille 20 ans pour le Canadien Pacifique avant de quitter l’industrie ferroviaire. L’automatisation et la transition des locomotives à vapeur aux locomotives diesel modifient radicalement la taille, la nature et l’apparence de la main-d’œuvre, ainsi que l’expérience des passagers. Fidèles à leurs habitudes, les deux hommes recherchent un avenir plus sûr. Malgré leurs parcours plus ou moins divergents, ils sont fiers d’avoir bien travaillé et continuent d’insister sur l’importance de la syndicalisation, malgré les risques que cela comporte, près de 39 ans après avoir quitté le métier de porteur.

Un homme portant un complet et un chapeau marche sur le trottoir dans une rue bordée de bâtiments et de voitures stationnées.

Melvin Crump sur la 8e Avenue à Calgary (Alberta) vers 1940 (CU1117465).
Photo : Collections numériques de ressources culturelles et de bibliothèques, Université de Calgary.

La conversation se déroule dans une sorte de langage codé; tout y est implicite et naturel. Elle est presque impossible à comprendre pour qui n’a pas connu le racisme institutionnel et les politiques de ségrégation systémique, omniprésents dans la vie de ces hommes tant à proximité qu’à l’écart des chemins de fer (Mathieu, North of the Color Line). Les deux interlocuteurs sont chaleureux et rient de bon cœur. Leurs expériences se rejoignent de manières parfois complexes, mais ils n’ont pas besoin de donner beaucoup de détails pour se comprendre.

Les entrevues avaient pour but d’aider Grizzle à écrire ses mémoires. Celui-ci était bien décidé à documenter et à préserver l’histoire des porteurs au Canada, mais on peut se demander si ces conversations étaient faites pour être écoutées. Et pourtant, près de 40 ans plus tard, nous les écoutons dans le but d’en déchiffrer les codes.

Grizzle invite Crump à décrire son expérience à Calgary : les amitiés formées, entretenues et rompues; les efforts pour y établir une section du syndicat; et le rôle de l’ensemble de la communauté, qui réclame des changements pour aider les porteurs et leurs familles. Ce faisant, il démontre qu’il existe une correspondance entre les expériences des porteurs de tout le pays, qui pratiquent un métier exigeant et souvent dégradant.

On remarque de telles ressemblances dans toutes les entrevues de la collection, mais des divergences apparaissent quand Grizzle demande à Crump, comme il le fait avec tous ses interviewés, de raconter des anecdotes mémorables vécues sur les chemins de fer. On découvre alors comment chaque homme va de l’avant et tente de bâtir sa vie en tant que porteur. Ces aperçus extrêmement utiles nous aident à comprendre qui étaient ces hommes, comment ils percevaient le monde et pourquoi ils toléraient et surmontaient quotidiennement les abus.

Cette compréhension de la personnalité de chaque homme, quoique superficielle, nous renseigne sur leur résilience. On passe naturellement d’anecdotes sur certains passagers inoubliables à des discussions sur les autres hommes noirs qui avaient les mêmes responsabilités à bord des voitures de train. Les enregistrements prennent une valeur très particulière en raison de l’esprit de corps qui unit les porteurs et de ces conversations qui ont commencé à bord des trains et qui se poursuivent dans le cadre des entrevues. Les rires renforcés par le passage du temps, la réflexion et la reconnaissance du travail bien fait donnent lieu à de joyeux échanges qui constituent l’essence même des histoires de porteurs.

Quand Grizzle demande à Crump de lui parler des surnoms que se donnaient les porteurs, ce dernier rit à gorge déployée et déclare :

Les surnoms des porteurs? Oh oui, je sais de quoi tu parles. Entre eux, les porteurs se donnaient des noms que je ne voudrais pas répéter sur un enregistrement. Si je le faisais, les lecteurs et les auditeurs seraient probablement choqués. Je peux te dire que les porteurs avaient un langage bien particulier. Et les conversations qu’ils avaient entre eux… Je n’oserais jamais raconter ça. (Traduction de l’entrevue 417403, partie 2 [22:33])

Et pourtant, presque toutes les entrevues de Grizzle donnent une idée de ce type de conversations entre porteurs. C’est le cas de celle avec Crump : ce dernier dit qu’il n’ose pas parler, mais il finit quand même par le faire. Grâce à ces entrevues, nous entrons dans un monde aujourd’hui disparu, mais qui fait partie intégrante de l’identité canadienne.

Cette allusion au langage des porteurs a inspiré la création d’une série de courts balados sur Découvrez Bibliothèque et Archives Canada. Intitulée Voix dévoilées, cette série plongera dans la riche histoire orale conservée dans les collections de BAC. Confidences de porteurs sera le premier épisode.

Depuis quelques années, les porteurs occupent une place importante dans la culture populaire. Ce sera cependant la première fois que la parole sera donnée à ces hommes et à leurs épouses et leurs enfants. Parler de leurs expériences exceptionnelles n’est pas assez : il faut aussi les écouter raconter leurs propres histoires; distinguer leurs accents; rire et se mettre en colère avec eux; s’interroger sur les défis du métier de porteur et sur la résilience des communautés noires au Canada; s’imprégner de la puissance dans la voix de ces hommes; et comprendre leurs histoires.

Grizzle, Crump et toutes les personnes qui ont généreusement accordé une entrevue nous offrent une véritable visite guidée, dans leurs propres mots. Les entrevues montrent pourquoi nous devons absolument continuer d’écouter les porteurs et de perpétuer leur mémoire, surtout à une époque où nous devons relever les défis causés par le racisme et la discrimination systémiques et institutionnels, tant au Canada qu’à l’étranger. Les structures que ces hommes et leurs familles ont abattues au prix de tant d’efforts conservent leur importance aujourd’hui. Les voix des porteurs rappellent qu’il reste encore du travail à accomplir.

Pour écouter les épisodes de cette série, abonnez-vous gratuitement à Découvrez Bibliothèque et Archives Canada, sur le site de votre fournisseur de balados habituel.

Autres ressources


Stacey Zembrzycki est une historienne primée, spécialiste de l’histoire orale et publique portant sur les expériences des immigrants, des réfugiés et des minorités ethniques. Elle travaille actuellement comme spécialiste en création de balados à la Direction générale de la diffusion et de l’engagement à Bibliothèque et Archives Canada.

La vie du soldat Marcel Gauthier (partie 2)

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Par Ariane Gauthier

J’ai appris l’existence de Marcel Gauthier il y a quelques années, alors que je visitais le cimetière militaire canadien de Bény-sur-Mer, en France. Bien que nous ayons le même nom de famille, Marcel n’est pas mon ancêtre. J’ai cependant toujours conservé le souvenir de ce jeune homme – l’unique Gauthier reposant dans ce grand cimetière. Avec le lancement du recensement de 1931, j’ai enfin eu l’occasion d’en apprendre plus sur lui. Je souhaite maintenant vous faire découvrir comment les multiples ressources de Bibliothèque et Archives Canada (BAC) permettent de reconstituer la vie d’une personne, par exemple un ancêtre ou encore un soldat.

Cette deuxième partie du blogue traitera de la vie de Marcel Gauthier, de son enrôlement militaire jusqu’à sa mort.

Photo noir et blanc d’un jeune homme vêtu de son uniforme militaire.

Photo du soldat Marcel Gauthier alors âgé de 21 ans, publiée dans un journal d’Ottawa pour annoncer son décès outremer (Mémorial virtuel de guerre du Canada).

Le soldat Marcel Gauthier (Joseph Jean Marcel Gauthier)

  • C/102428
  • Le Régiment de la Chaudière, R.C.I.C.
  • Date de naissance : 18 novembre 1922
  • Date de décès : 15 juillet 1944
  • Âge au moment du décès : 21 ans

Son dossier militaire est disponible à BAC sur la base de données des Dossiers de service des victimes de guerre, 1939 à 1947.

Peu de temps après s’être enrôlé, le 29 janvier 1943, Marcel quitte Ottawa pour commencer son entraînement à Cornwall, sans se douter qu’il ne reverra jamais sa ville natale.

Malgré les convictions qui l’ont poussé à s’engager dans l’armée, Marcel n’est pas un soldat modèle. À Cornwall, il quitte son lieu d’affectation, l’hôpital du camp, sans permission officielle. Son absence de sept jours fait qu’on lui impose des mesures disciplinaires sous forme de sanctions pécuniaires, soit la perte de trois jours de salaire, pour avoir été AWOL (absent without official leave ou « absent sans permission officielle »). Le reste de son entraînement se déroule sans autre incident. Le 1er avril 1943, Marcel est transféré à la base de Valcartier, où il intègre l’unité d’infanterie des Voltigeurs de Québec. Le 11 juillet 1943, Marcel embarque sur un bateau à destination de l’Angleterre, où il va s’entraîner aux côtés de 14 000 autres soldats canadiens en prévision du débarquement de Normandie. Le 3 septembre 1943, il est transféré au Régiment de la Chaudière avec lequel il prendra d’assaut Juno Beach, en ce jour fatidique du 6 juin 1944.

L’entraînement en prévision du débarquement de Normandie est très bien documenté, grâce surtout aux journaux de guerre. Ces documents produits par chacun des régiments de l’armée canadienne permettent de suivre leurs faits et gestes. Par exemple, le journal de guerre du Régiment de la Chaudière nous apprend que peu de temps après l’affectation de Marcel, soit le 4 septembre 1943, l’ordre a été donné de se déplacer au camp Shira, en Écosse, pour effectuer des exercices en vue du débarquement. En ce même mois, le journal de guerre décrit l’entraînement et le progrès des quatre différentes compagnies du Régiment, les Cies A, B, C et D, pour atteindre leurs cibles, ainsi que les incidents survenus en chemin.

Le journal du Régiment de la Chaudière inclut également les ordres régimentaires, assez précis pour tracer le parcours de Marcel au moment du débarquement et pendant la bataille de Normandie, puisqu’on y donne sa compagnie et ses déplacements. Selon les ordres régimentaires de septembre 1943, Marcel a été affecté à la Cie D. Le jour J, Marcel va donc rester sur la barge d’assaut jusqu’à ce que les Cies A et B atteignent leurs objectifs dans le secteur Nan White, avant de débarquer sur la plage en renfort. À cet effet, le journal donne le syllabus d’entraînement et décrit les exercices effectués en prévision du débarquement.

Le 6 juin 1944, Marcel embarque avec la Cie D sur le vaisseau Clan Lamont qui s’apprête à faire la traversée de la Manche. Le dernier déjeuner est pris à 4 h 30 et ensuite, dès 6 h 20, tous sont à bord de du vaisseau qui se lance sur les flots houleux en direction de Bernières-sur-Mer. Plusieurs sont malades, un mélange d’angoisse et de mal de mer. À 8 h 30, le Régiment de la Chaudière débarque pour se joindre au combat dans lequel est déjà engagé le régiment des Queen’s Own Rifles. Mais une tempête, la veille au soir, qui a déréglé les courants de marée, combinée à la résistance farouche des Allemands, a retardé l’arrivée et la progression des Queen’s Own Rifles. Alors qu’ils auraient dû avoir déjà pris Bernières-sur-Mer avant l’arrivée du Régiment de la Chaudière, ils sont coincés sur la plage sous le feu de l’artillerie ennemie, incapables d’avancer.

Plan rapproché d’une carte de Juno Beach, divisée en secteurs.

Détail d’une carte des environs de Juno Beach (e011297133). Le Régiment de la Chaudière est débarqué dans le secteur Nan White, à la hauteur de Bernières-sur-Mer.

Finalement, la défense allemande cède sous la pression, permettant ainsi à l’armée canadienne de pénétrer Bernières-sur-Mer et de sécuriser les environs. À la fin de la journée, les compagnies du Régiment de la Chaudière se regroupent à Colomby-sur-Thaon. Elles contribuent ainsi à l’établissement d’une tête de pont pour les Alliés en France. C’est une importante victoire, mais elle ne marque que le début de la bataille de Normandie qui durera plus de deux mois encore et fauchera beaucoup d’autres vies.

Les avancées se poursuivent tout au long du mois de juin. Le Régiment de la Chaudière se rapproche peu à peu de la ville de Caen, en vue de sa prise. Cependant, il reste un objectif vital à conquérir : Carpiquet. Ce village muni d’un aérodrome a été fortifié par les Allemands qui en dépendent largement pour résister aux Alliés. Prendre Carpiquet et son aérodrome correspondrait à démanteler le point stratégique de la force aérienne des Allemands à proximité des Alliés. Cela ouvrirait aussi les portes pour la conquête de Caen.

L’offensive sur Carpiquet commence le 4 juillet à 5 h. Les Cies B et D font partie du premier groupe d’assaut des Alliés, avançant sous le couvert d’un énorme barrage fourni par 428 canons et les canons de 16 pouces des cuirassés HMS Rodney et HMS Roberts de la Royal Navy. En revanche, la défense ennemie est féroce. Les Allemands sont mieux placés et mieux organisés; ils ont même eu le temps de fortifier leurs positions avec des murs de béton d’au moins six pieds d’épaisseur. Ce matin-là, ils font pleuvoir un véritable déluge d’obus d’artillerie et de bombes de mortier. Cette première journée fait beaucoup de morts et de blessés au sein du Régiment de la Chaudière.

Des soldats canadiens assistent à un breffage dans l’aérodrome de Carpiquet.

Breffage de fantassins canadiens près d’un hangar à l’aérodrome de Carpiquet, en France, le 12 juillet 1944 (a162525). Cette photo prise après la conquête de ce point vital révèle les ravages de ce combat sanglant.

Le 8 juillet 1944, Marcel Gauthier est atteint par les éclats d’un obus. L’explosion le laisse gravement blessé à la tête, et son régiment le mène rapidement au poste de secours du Corps médical de l’armée canadienne le plus près. On le confie à la 22e Ambulance de campagne canadienne, on l’envoie ensuite au poste d’évacuation sanitaire no 34, et il est finalement admis au 81e Hôpital général britannique. Malgré les efforts du personnel, Marcel succombe à ses blessures le 15 juillet 1944. Pour ses services rendus, une médaille lui sera attribuée à titre posthume : l’Étoile France-Allemagne.

Des soldats embarquent un soldat blessé sur une civière dans une ambulance militaire.

Un soldat du Régiment de la Chaudière blessé le 8 juillet 1944 lors de la bataille de Carpiquet est pris en charge par la 14e Ambulance de campagne du Corps médical de l’armée canadienne (a162740). Il ne s’agit pas de Marcel Gauthier, mais d’un de ses confrères.

Marcel Gauthier repose dans le lot IX.A.11 du cimetière militaire canadien de Bény-sur-Mer. Sur sa pierre tombale on peut lire l’inscription soumise par son père Henri : « Notre cher Marcel si loin de nous à toi on pense toujours repose en paix », là où son nom restera vivant pour toutes les générations.

Autres ressources


Ariane Gauthier est archiviste de référence au sein de la Direction générale des Accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.

La vie du soldat Marcel Gauthier (partie 1)

English version

Par Ariane Gauthier

J’ai appris l’existence de Marcel Gauthier il y a quelques années, alors que je visitais le cimetière militaire canadien de Bény-sur-Mer, en France. Bien que nous ayons le même nom de famille, Marcel n’est pas mon ancêtre. J’ai cependant toujours conservé le souvenir de ce jeune homme – l’unique Gauthier reposant dans ce grand cimetière. Avec le lancement du recensement de 1931, j’ai enfin eu l’occasion d’en apprendre plus sur lui. Je souhaite maintenant vous faire découvrir comment les multiples ressources de Bibliothèque et Archives Canada (BAC) permettent de reconstituer la vie d’une personne, par exemple un ancêtre ou encore un soldat!

Cette première partie du blogue traitera de la vie de Marcel Gauthier, de son enfance à son enrôlement militaire.

Photo noir et blanc d’un jeune homme vêtu de son uniforme militaire.

Photo du soldat Marcel Gauthier alors âgé de 21 ans, publiée dans un journal d’Ottawa pour annoncer son décès outremer (Mémorial virtuel de guerre du Canada).

Le soldat Marcel Gauthier (Joseph Jean Marcel Gauthier)

  • C/102428
  • Le Régiment de la Chaudière, R.C.I.C.
  • Date de naissance : 18 novembre 1922
  • Date de décès : 15 juillet 1944
  • Âge au moment du décès : 21 ans

Son dossier militaire est disponible à BAC dans la base de données des Dossiers de service des victimes de guerre, 1939 à 1947.

Né le 18 novembre 1922 à Ottawa, en Ontario, Marcel Gauthier est le septième enfant d’une grande famille canadienne-française qui en compte neuf. En cherchant les Gauthier dans les recensements, on apprend qu’Henri, le père de famille, est originaire de Rigaud, au Québec. Lorsqu’il arrive à Ottawa, il s’établit dans la Basse-Ville avec sa famille. C’est donc là que Marcel bâtit sa vie avant de s’enrôler.

À cette époque, la Basse-Ville d’Ottawa attire de nombreux Franco-Ontariens. Le recensement de 1931 démontre justement que les maisons et logements du sous-district Quartier By – Quartier Saint Georges sont en grande partie habités par des Canadiens français. Certains d’entre eux sont nés en Ontario, d’autres sont venus du Québec. Plusieurs études historiques indiquent que la population de la Basse-Ville se compose alors principalement de francophones et que la présence d’Irlandais y est également significative. C’est l’une des raisons pour lesquelles ce lieu a été le théâtre de beaucoup d’enjeux linguistiques dans l’histoire des Franco-Ontariens, notamment sur la question du règlement 17, adopté en 1912.

Capture d’écran du recensement de 1931, avec une flèche indiquant où se trouve l’information de Marcel Gauthier.

Capture d’écran du recensement de 1931. On retrouve Marcel Gauthier à la 48e ligne du sous district Quartier By – Quartier Saint Georges, n° 74 (Basse-Ville), soit à la 7e page du document (article 8 de 13). Il est alors âgé de 9 ans (MIKAN 81022015).

La Basse-Ville d’Ottawa est alors considérée comme un quartier défavorisé avec une population majoritairement ouvrière. On présume donc que Marcel n’est pas né dans le luxe et l’opulence. Sa grande famille a vécu à l’étroit dans des appartements, d’abord au 199, rue Cumberland, avec au moins sept enfants (recensement de 1921), puis au 108, rue Clarence, avec neuf enfants (recensement de 1931).

L’absence de sa mère, Rose Blanche Gauthier (née Tassé), du recensement de 1931 indique qu’elle était probablement décédée à ce moment. Nous pouvons supposer, en nous référant à la 8e page du document (ou à l’article 9 de 13), qu’elle serait décédée entre 1928 et 1931. C’est l’inscription du petit dernier de la famille, Serge Gauthier, alors âgé de 3 ans, qui nous permet d’émettre cette hypothèse. Le dossier militaire de Marcel valide cette théorie et confirme le décès de Mme Gauthier en date du 6 octobre 1928, peut-être dû à des complications liées à la naissance de son dernier enfant. Elle repose aujourd’hui au cimetière Notre-Dame, à Carleton Place, en Ontario, où elle est née.

En 1931, le père de Marcel et huit de ses enfants habitent dans un appartement de neuf chambres au 108 ½, rue Clarence. N’eût été l’aide des plus vieux, le salaire de porteur de courrier d’Henri n’aurait pas été suffisant pour subvenir aux besoins de ses enfants et assumer leurs frais de scolarité. On suppose donc qu’Yvette (âgée de 24 ans et célibataire), la plus vieille de la maisonnée, s’occupait d’entretenir la maison et de veiller sur les plus jeunes. On sait aussi que Léopold (âgé de 22 ans) travaillait comme chauffeur et que Marie-Anne (âgée de 21 ans) était vendeuse. Il est fort probable qu’ils aidaient financièrement leur père, tout comme l’avait surement fait leur sœur aînée, Oraïda (âgée de 27), dix ans plus tôt. Celle-ci était maintenant déménagée et mariée à un monsieur Homier.

En 1931, Marcel est donc étudiant à son tour et sait lire, écrire et communiquer en anglais. À 16 ans, il a terminé son éducation. Il fait son entrée sur le marché du travail comme cuisinier, puis déménage seul au 428, rue Rideau.

Photo d’un bâtiment à deux étages. Le restaurant Bowles Lunch est situé au rez-de-chaussée.

Restaurant Bowles Lunch où Marcel Gauthier a travaillé avant de s’enrôler dans l’armée en 1943 (a042942).

En Europe, les tensions avec l’Allemagne d’Hitler s’accentuent et aboutissent au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, en 1939. Contrairement à beaucoup de jeunes hommes, Marcel ne ressent pas immédiatement le besoin de se joindre au conflit, probablement parce qu’il est satisfait de son emploi comme cuisinier chez Bowles Lunch. Il attend jusqu’au 11 janvier 1943 avant de se présenter au bureau d’enrôlement n° 3, à Ottawa. On peut penser qu’il voulait aider à changer le cours de la guerre ou suivre l’exemple de deux de ses frères, Conrad et Georges Étienne.

Peu de temps après, le 29 janvier 1943, il quitte Ottawa pour commencer son entraînement à Cornwall, sans se douter qu’il quittait sa ville natale pour toujours.

Autres ressources


Ariane Gauthier est archiviste de référence au sein de la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.

Les navires de la Dominion Bridge : un récit illustrant le travail d’équipe, la technologie et l’innovation pendant la Deuxième Guerre mondiale

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Par Rian Manson

En 1940, après l’évacuation de Dunkerque, la situation en Grande-Bretagne est sombre. La marine allemande, qui mène ses opérations depuis les côtes françaises, coule les navires de charge à un rythme de 50 par mois. Au début de la Deuxième Guerre mondiale, le Canada ne dispose que de 41 navires de charge en bon état de navigabilité. Il faut, à tout prix, construire des navires de charge rapidement pour assurer l’approvisionnement continu de la Grande-Bretagne, tant en matériel de guerre qu’en aliments.

Affiches de la Deuxième Guerre mondiale montrant des navires de charge.

Pour maintenir le moral de la population, des affiches comme celles-ci sont apposées dans les chantiers navals de la Dominion Bridge et de la United Shipyards, à Montréal. Canadian Transportation, novembre 1941, p. 638 et 639, C-204-4*C-205-1 (OCLC 1080360026).

L’ensemble de l’industrie de la construction navale se prépare donc à la production de guerre et le Canada a besoin d’un nouveau et grand chantier naval pour satisfaire à l’énorme commande de 200 navires de charge de 10 000 tonnes. Pour ce projet crucial, le gouvernement fédéral signe des contrats avec tous les constructeurs navals du Canada – de la Nouvelle-Écosse à la Colombie-Britannique – afin qu’ils construisent des embarcations, des remorqueurs et des navires de charge.

Un navire de charge passant sous un pont avec une ville en arrière-plan.

Un navire de charge de 10 000 tonnes de type North Sands passant sous le pont Jacques-Cartier à Montréal, en route vers la mer (OCLC 321000549).

Le ministre des Munitions de l’époque, C.D. Howe, contacte alors la Dominion Bridge Company de Montréal pour lui demander de mettre à contribution sa vaste usine et son équipement pour aider à la construction de navires. Depuis 1882, la Dominion Bridge fournit aux sociétés ferroviaires et aux provinces canadiennes des ponts de toutes sortes. Dans ses immenses ateliers, elle construit d’énormes composantes en fer et en acier pour de vastes projets hydroélectriques. Elle fournit aussi à de multiples villes les poutres en acier de construction nécessaires à l’édification de magasins, de maisons et d’hôtels.

Dessin technique indiquant les dimensions et les mesures d’une plaque signalétique en laiton coulé.

Dessin technique d’une plaque signalétique en laiton coulé pour les turbines à vapeur marines des navires de charge de 4 700 tonnes construits dans les ateliers de la Dominion Bridge à Lachine, R5607, vol. 2073 (MIKAN 5183995).

Depuis l’obtention de son premier contrat avec le Chemin de fer Canadien Pacifique en 1882, la Dominion Bridge a développé une immense usine d’assemblage équipée d’appareils spécialement conçus pour la fabrication d’acier lourd, de produits en fer et de chaudières. L’emplacement de Lachine est idéal. En plus d’avoir accès à un réseau de transport maritime et un accès direct au réseau ferroviaire de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, l’usine est alimentée par un réseau électrique haute tension qui permet le soudage à la baguette de grandes pièces. Il n’y a qu’un seul problème : la compagnie n’a jamais envisagé de construire un chantier naval, et encore moins des navires océaniques. Elle a besoin des conseils d’une source digne de confiance. C’est ainsi que la compagnie Fraser Brace Ltd., une autre entreprise canadienne respectée qui possède une vaste expérience de la construction de gros navires, s’associe à la Dominion Bridge. Celle-ci l’aidera à construire et à exploiter le nouveau chantier naval de la United Shipyards Ltd. dans le bassin Bickerdike, à Montréal.

Un groupe de personnes se tenant debout sur un quai avec un chantier naval et des grues en arrière-plan.

Grâce aux nombreux mâts de charge, le chantier naval de la United Shipyards, dans le bassin Bickerdike, peut continuer de construire des navires durant les mois d’hiver, même lorsque le fleuve Saint-Laurent est gelé (e000761650).

Les travaux du chantier naval débutent en janvier 1942 et, à peine quatre mois plus tard, la quille du premier navire de charge est installée. Il s’agissait du plus récent et du plus vaste chantier naval à production unique au Canada. L’équipement nécessaire – mâts de charge, grues et locomotives – est acquis grâce à des prêts à long terme consentis par la direction du port et par les compagnies Fraser Brace Ltd., Dominion Bridge et Montreal Locomotive Works. Une source prétend même que les chariots ferroviaires ont été habilement volés au Chemin de fer Canadien Pacifique et à la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada pour permettre à cette gigantesque entreprise de fonctionner.

Diagramme en élévation illustrant l’emplacement des diverses parties du navire de charge.

Diagramme en élévation montrant le profil d’un navire de charge de type North Sands de 10 000 tonnes, réalisé par la Dominion Bridge, Lachine, novembre 1943, R5607, vol. 1612 (MIKAN 5183995).

La Dominion Bridge élabore un plan de préfabrication unique pour la construction de navires de 10 000 tonnes et de navires de charge plus petits de 4 700 tonnes. Dans les ateliers principaux de Lachine, les ouvriers soudent en une seule pièce la section arrière et le coqueron avant du navire. Ces sections terminées sont ensuite acheminées par wagons plats au bassin Bickerdike où la section arrière et le coqueron avant sont mis en place et rivetés à la coque à l’aide de mâts de charge construits sur mesure.

Juxtaposition d’une photo en gros plan et d’un dessin technique de la poupe et de l’hélice d’un navire.

Du dessin à l’atelier de construction navale : le plan de préfabrication de l’assemblage arrière élaboré par la Dominion Bridge permet d’accélérer la production en série de navires au chantier naval de la United Shipyards, à Montréal (document photographique : e000761682; dessin : R5607, vol. 1613, MIKAN 5183995).

La Dominion Bridge sait tirer profit de son expérience dans le domaine du soudage de ponts et de chaudières. Les cloisons intérieures, les cabines, les cales à marchandises et l’accastillage intérieur sont soudés. Le soudage permet d’économiser un temps et des matériaux précieux et de réduire le poids de chaque navire.

Les économies ainsi réalisées permettent au chantier naval de la United Shipyards d’établir un nouveau record canadien en termes de vitesse de construction de navires. De fait, 58 jours suffisent, depuis la pose de la quille jusqu’aux dernières touches de peinture, pour terminer le navire, soit un mois de moins que le précédent record. Le navire de charge arrive en Grande-Bretagne pleinement chargé, 86 jours après la mise en place de la quille. Le ministre C.D. Howe fait l’éloge de la United Shipyards comme étant le chantier naval où se construisent les navires de 10 000 tonnes les moins chers au Canada.

Vue de la proue du navire et d’officiers de marine au garde-à-vous.

Les invités d’honneur sur l’estrade aménagée pour la cérémonie de baptême et de lancement du navire de charge de 10 000 tonnes, le S.S. Fort Esperance, au chantier naval de la United Shipyards Ltd. (e000761721).

Un style qui lui est propre

Le 15 juillet 1944, par un après-midi ensoleillé, la Dominion Bridge lance un nouveau type de navire de charge, le « Canadien », depuis la cale de halage du chantier naval de la United Shipyards. De conception identique à celle du navire britannique de type North Sands de 10 000 tonnes, ce nouveau navire présente toutefois quelques améliorations. Il possède notamment des chaudières pouvant être alimentées au pétrole ou au charbon avec transition rapide d’un combustible à l’autre, des postes d’équipage améliorés, ainsi que des écoutilles et des ponts plus résistants pouvant supporter des charges plus lourdes.

La quasi-totalité de la fabrication est réalisée dans les ateliers de la Dominion Bridge. Très peu de travaux d’équipement sont confiés en sous-traitance, car la compagnie sait mettre à profit ses techniques créatives de soudage de ponts. Des gabarits de soudage spéciaux construits à l’interne et dotés de moteurs électriques facilitent les travaux de soudage complexes et permettent d’effectuer des soudures à plat. Puis, l’utilisation de plaques d’assise du moteur soudées plutôt que de boulons permet de réduire considérablement les vibrations et d’accroître la résistance aux chocs causés par les explosions en mer.

Un groupe de femmes au garde-à-vous à côté de la coque d’un navire de charge.

Femmes officiers du Service féminin de la Marine royale du Canada alignées sur une allée lors de la cérémonie de baptême et de lancement du S.S. Fort Esperance au chantier naval de la United Shipyards Ltd., à Montréal (e000761719).

Une personne soude une grande pièce de métal.

Un soudeur à l’usine de Lachine utilisant un gabarit rotatif spécial pour souder la plaque d’assise en acier d’un moteur à vapeur marin alimentant les navires de charge de 10 000 tonnes (OCLC 321000549).

Sur les 403 navires construits au Canada (y compris ceux construits par la Dominion Bridge), 112 ont été coulés et 18 ont été lourdement endommagés par l’action ennemie. De plus, avant la fin de la guerre, 1 146 marins marchands canadiens ont perdu la vie en haute mer et de nombreux autres ont subi des traumatismes dans des camps de prisonniers ennemis.

La construction de navires de charge est un aspect oublié du rôle joué par le Canada pendant la Deuxième Guerre mondiale. Sans l’effort humain herculéen de la Dominion Bridge Company et d’autres constructeurs de navires du Canada, on peut se demander si la Grande-Bretagne aurait survécu à la guerre. Aurait-elle été affamée et forcée de se rendre à l’Allemagne nazie?

Ce blogue n’aurait pu être produit sans les remarquables dessins techniques du fonds Dominion Bridge Company de Bibliothèque et Archives Canada.

Autres ressources

  • A Bridge of Ships: Canadian Shipbuilding during the Second World War, par James S. Pritchard, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2011 (OCLC 693809715)
  • Canadian Transportation, janvier 1941 à décembre 1945 (OCLC 1080360026)
  • Of Tasks Accomplished : The story of the Accomplishments of the Dominion Bridge Company Limited and its Wholly Owned Subsidiaries in World War II, par la Dominion Bridge Company Limited, 1945, Montréal: Dominion Bridge Co. (OCLC 321000549)
  • Fonds Dominion Bridge Company, R5607, vol. 1612, 1613 et 2073 (MIKAN 5183995)
  • Canadian Merchant Ship Losses, 1939-1945, par Robert C. Fisher, Le marin du nord (en anglais seulement)

Rian Manson est adjoint en archivistique à la Direction générale des archives privées et du patrimoine publié de Bibliothèque et Archives Canada.

Des choux à la crème de 1898

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Bannière Cuisinez avec Bibliothèque et Archives CanadaPar Ariane Gauthier

The New Galt Cook Book (1898) est une édition révisée d’un livre populaire au Canada anglais, surtout aux environs de Galt, dans le Sud-Ouest de l’Ontario. Les éditeurs auraient soi-disant envoyé des exemplaires du livre en Chine, en Égypte, en Inde, en Afrique du Sud, en Australie et aux États-Unis. Comme bon nombre d’anciens livres de cuisine, ce recueil présentait des recettes, des suggestions visant à simplifier le travail ménager ainsi qu’une liste de remèdes pour les maladies courantes.

Vous pouvez consulter ce livre en ligne dans le catalogue des collections publiées de Bibliothèque et Archives Canada, Aurora : OCLC 1049883924.

En tant que cuisinière amatrice qui s’intéresse aux vieilles recettes et à l’histoire de la cuisine, j’ai décidé de mettre mes compétences à l’épreuve en essayant de préparer des choux à la crème. Pour voir la dernière recette d’antan que j’ai préparée, consultez mon billet de blogue Une tarte à la citrouille de 1840.

Il est intéressant de savoir que le format des recettes aussi vieilles que celle-ci diffère grandement de celui des recettes modernes. Un peu comme dans La cuisinière canadienne, un livre de cuisine de langue française publié en 1840, les recettes sont classées par type de plats. Au début de chaque section, on retrouve un texte qui explique les principes de base de chaque type de recettes. Les auteures Margaret Taylor et Frances McNaught ont décidé de classer leur recette de choux à la crème dans la section Biscuits.

Page du livre The New Galt Cook Book présentant la recette de choux à la crème suivie de deux autres recettes.

Page 354 du livre The New Galt Cook Book par Margaret Taylor et Frances McNaught, Toronto : G. J. McLeod, 1898 (OCLC 5030366).

Durant la cinquantaine d’années qui s’est écoulée entre la publication de La cuisinière canadienne et celle de The New Galt Cook Book, la cuisine canadienne a beaucoup évolué. On peut d’ailleurs le remarquer dans la liste d’ingrédients. La recette de choux à la crème nécessite de la farine, du beurre et des œufs pour créer la pâte, puis de la farine ou de la fécule de maïs, du lait, du sucre et d’autres œufs pour préparer la garniture. À la dernière ligne de la recette, on suggère d’ajouter du citron ou de la vanille pour aromatiser la crème.

J’aimerais attirer votre attention sur deux choses. La première concerne l’utilisation de sucre granulé, un ingrédient que ne pouvaient pas se permettre les classes inférieures, car les droits d’importations en gonflaient le prix. Dans mon article de blogue sur la tarte à la citrouille de 1840, je mentionne que La cuisinière canadienne proposait plusieurs édulcorants de remplacement, y compris du sirop et de la mélasse. Il s’agissait des principaux édulcorants que les cuisiniers canadiens utilisaient dans les années 1800, jusqu’à ce que la Tariff Act de 1885 entre en vigueur et élimine les droits d’importation sur le sucre de canne. Au cours des cinq années suivantes, le coût du sucre est progressivement devenu comparable à celui du sirop et de la mélasse. Après 1890, le sucre est devenu l’édulcorant le plus populaire, car il s’agissait de l’option la moins chère.

Le deuxième élément d’intérêt concerne l’utilisation du citron comme substance aromatisante. Dans mon article sur la recette de tarte à la citrouille, je mentionne que La cuisinière canadienne suggère d’utiliser du zeste d’orange dans la garniture à la citrouille. Il s’agit d’une suggestion un peu étrange, car à l’époque, les oranges n’étaient pas importées partout au Canada comme c’est le cas aujourd’hui. Or, La cuisinière canadienne a été publié à Montréal, qui était alors le principal port commercial du Canada, ce qui explique le choix de cet ingrédient, plus facile à trouver dans cette ville. À titre de comparaison, Toronto commençait alors tout juste à se développer. Durant les 50 ans qui ont suivi la publication de La cuisinière canadienne, Toronto est devenue une métropole, notamment grâce au développement ferroviaire reliant la ville aux villes nord-américaines importantes, comme Montréal et New York. L’ajout progressif d’autres lignes de chemin de fer à Toronto a entraîné une diversification des activités commerciales de la ville. Dans ce cas-ci, le citron comme substance aromatisante témoigne du développement global de Toronto et du Canada. On peut donc en conclure que l’amélioration des technologies de transport a permis aux Canadiens qui résidaient au centre du pays de trouver plus facilement du citron, car ce fruit pouvait maintenant parcourir de grandes distances pour atteindre des endroits où le climat n’en permettait pas la production locale.

En gardant à l’esprit ces faits intéressants, j’ai réuni les ingrédients nécessaires et me suis mise au travail.

Des œufs, de l’extrait de vanille, du lait, du sucre, de la margarine et du citron.

Ingrédients de la recette. Courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

J’ai commencé par la pâte à choux. Heureusement, contrairement à la recette de tarte à la citrouille, j’ai eu à formuler beaucoup moins de suppositions cette fois-ci, car le livre The New Galt Cook Book donne des mesures assez précises : « Une tasse et demie de farine, deux tiers de tasse de beurre, un demiard d’eau bouillante. Faire bouillir le beurre et l’eau ensemble, puis incorporer la farine pendant que le mélange continue de bouillir. Lorsque le mélange est refroidi, ajouter cinq œufs battus; déposer sur une plaque, puis faire cuire pendant 30 minutes dans un four à cuisson rapide. »

Six photos montrant les étapes à suivre pour préparer la pâte : casser des œufs dans un bol, remuer la farine dans un autre bol, ajouter la farine au mélange d’eau et de beurre bouillant dans une casserole, mélanger les ingrédients qui se trouvent dans la casserole, ajouter les œufs battus à la pâte refroidie dans la casserole, puis mélanger la pâte dans la casserole.

Préparation de la pâte à choux comme décrite dans The New Galt Cook Book. Courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

Je devais ensuite former les choux sur une plaque à pâtisserie tapissée à l’aide d’une poche à douille. Puisque je n’avais pas de poche à douille, j’ai utilisé un sac réutilisable dont j’ai coupé l’extrémité. Pour transférer plus facilement la pâte dans le sac réutilisable, j’ai utilisé ma cafetière comme récipient. Comme je n’étais pas certaine de ce que les auteures voulaient dire par « four à cuisson rapide », j’ai réglé mon four à convection à 400 °F et, comme pour la tarte à la citrouille, j’ai utilisé mon nez et mes yeux pour déterminer la fin de la cuisson.

Trois photos qui montrent les étapes de formation des choux : remplir un sac réutilisable de pâte, pousser la pâte dans un coin du sac de manière à former une poche hermétique, puis former les choux sur une plaque à pâtisserie à l’aide de la poche à douille.

Formation des choux à l’aide d’une poche à douille. Courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

Après la stressante étape de préparation de la pâte à choux, j’ai commencé à préparer la crème. Comme j’avais déjà fait de la crème pâtissière, j’étais beaucoup plus confiante pour cette étape. Encore une fois, The New Galt Cook Book est précis : « Garniture à la crème – Une cuillerée à soupe de farine ou de fécule de maïs, un demi-litre de lait, une tasse de sucre, deux œufs. Battre les œufs, la farine et le sucre, puis incorporer le mélange au lait pendant qu’il bout. Lorsque le mélange est presque refroidi, aromatiser avec du citron ou de la vanille. »

Trois photos montrant les étapes de préparation de la garniture à la crème : verser le sucre dans le bol contenant le mélange d’œufs et de farine, verser le mélange dans une casserole contenant du lait, remuer la garniture dans la casserole.

Préparation de la garniture à la crème comme décrite dans The New Galt Cook Book. Courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

Si je me fie à mon expérience précédente, il faut faire attention au moment de verser le mélange d’œufs, de farine et de sucre dans le lait. Il vaut mieux tempérer le mélange en y ajoutant une petite quantité de lait bouillant d’abord, tout en fouettant vigoureusement. Cela permet d’élever graduellement la température du mélange et d’éviter de créer un choc thermique. Une fois que le mélange est incorporé au lait bouillant, il est important de fouetter constamment le mélange jusqu’à ce qu’il épaississe; autrement, vous vous retrouverez avec des œufs brouillés sucrés!

Pour ce qui est de la saveur, j’ai choisi de diviser la crème afin d’essayer l’extrait de vanille et le zeste de citron.

Pour terminer, The New Galt Cook Book ne mentionne pas comment assembler les choux. Le fait de savoir à quoi ressemble un chou à la crème s’est avéré très utile ici. Comme la pâte doit être remplie de crème, j’ai versé la crème dans un sac réutilisable dont j’ai coupé l’extrémité. Avant de remplir les choux de crème, j’ai fait une incision en X au bas de chaque chou afin de faciliter l’insertion du sac.

Une photo montrant le remplissage d’un chou et une photo montrant le produit final : un chou à la crème.

Un chou rempli de crème. Courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

Qu’en pensez-vous?

Je suis assez satisfaite de mes choux à la crème. Ils sont beaucoup plus légers que les choux à la crème contemporains et peuvent contenir une grande quantité de crème. Je les ai apportés à un rassemblement des services de référence, et mes collègues les ont bien aimés. Encore une fois, cela prouve que ces vieilles recettes peuvent résister au passage du temps!

Si vous essayez cette recette, n’hésitez pas à partager les photos de vos résultats avec nous en utilisant le mot-clic #CuisinezAvecBAC et en étiquetant nos médias sociaux : Facebook, Instagram, X (Twitter), YouTube, Flickr et LinkedIn.

Autres ressources


Ariane Gauthier est archiviste de référence à la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.

À la découverte de mon grand-père Robert Roy Greenhorn : sa vie en Écosse (partie 2)

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Groupe de garçons travaillant dans un champ à la ferme école de la Philanthropic SocietyPar Beth Greenhorn

Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certains pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde – terminologie historique.

Dans la première partie de cette série de quatre, j’ai parlé de mon grand-père Robert Roy Greenhorn (1879-1962). J’ai découvert qu’il était un petit immigré anglais et qu’il avait été pensionnaire dans les orphelinats de Quarrier, en Écosse. Dans la deuxième partie, nous nous rendrons dans les villes écossaises où sont nés mon grand-père et ses parents : Gartsherrie et Falkirk.

Je tiens à remercier Anna Greenhorn, sa fille Pat Greenhorn et ma cousine Joyce Madsen, qui ont généreusement partagé leurs souvenirs de Robert Roy Greenhorn.

Groupe de 53 personnes devant une grande maison avec une galerie. Des garçons sont debout en quatre rangées. D’autres garçons, quatre filles et trois hommes portant un chapeau se trouvent derrière eux.

Anciens pensionnaires des orphelinats de Quarrier, en Écosse, photographiés à l’orphelinat Fairknowe, à Brockville (Ontario), entre 1920 et 1930 (a041418). Cette photo a été prise environ 30 ans après l’arrivée de mon grand-père Robert et de ses frères.

Les chercheurs en généalogie sont souvent confrontés à des documents ou des renseignements manquants ou incomplets. Il faut donc consulter une gamme d’archives et de documents publiés pour établir des liens dans la vie de la personne recherchée. C’est particulièrement vrai si celle-ci n’était ni riche ni célèbre.

Pour reconstituer la vie de mon grand-père, j’ai rassemblé des faits trouvés dans des recensements canadiens, des listes de passagers et des documents sur les petits immigrés anglais. En plus de ces ressources conservées à BAC, j’ai consulté des sources primaires numérisées sur Ancestry, des recensements écossais, des publications historiques, des journaux et des expositions en ligne.

Mon oncle John et ma tante Anna (le frère et la belle-sœur de mon père) ont fait des recherches sur la famille Greenhorn, et je leur en suis très reconnaissante. Je remercie spécialement ma tante de m’avoir donné des photocopies de deux pages tirées de grands livres :

  • la page 40, intitulée « Greenhorn, John & Robert », qui contient des entrées pour le 10 décembre 1885, le 11 juin 1886 et le 15 mars 1889;
  • la page 285, intitulée « Greenhorn, Norval », qui contient des entrées pour les 6 et 8 juillet 1892, le 29 mars 1894 et le 25 novembre 1904.

J’ai demandé à l’équipe de Quarriers Aftercare à Bridge of Weir, en Écosse, de vérifier la source de ces documents photocopiés. J’attends encore la réponse, mais il s’agit probablement de copies de grands livres tenus par les orphelinats de Quarrier. Ces deux pages expliquent pourquoi mon grand-père Robert et ses frères, John et Norval, sont entrés à l’orphelinat et ont émigré au Canada. Elles nomment une personne qui a joué un rôle essentiel dans cette histoire : Jeanie Greenhorn, la sœur aînée de mon grand-père. Nous y reviendrons.

Étant donné que mes grands-parents Greenhorn, Robert et Blanche (née Carr), exploitaient une ferme laitière, j’ai présumé que mon grand-père venait d’une famille d’agriculteurs, ou qu’il avait à tout le moins grandi sur une ferme. Je n’aurais jamais pensé que sa famille faisait partie de la classe ouvrière pauvre, victime de l’industrialisation en Écosse. Mon arrière-grand-père, Norval Greenhorn (1839-1882), et son beau-père, mon arrière-arrière-grand-père John Fleming (1805-1887), étaient ferronniers dans les villages industriels de Gartsherrie et de Falkirk.

Gartsherrie est aujourd’hui une banlieue de Coatbridge. Cet ancien village industriel situé environ 14 kilomètres à l’est de Glasgow est la ville natale de mon arrière-grand-mère Margaret Greenhorn (née Fleming, 1845-1885). En 1843, l’usine sidérurgique de Gartsherrie est probablement le plus grand producteur mondial de fonte brute. En 1864, Andrew Miller décrit les villes de Coatbridge et de Gartsherrie de manière aussi imagée que déprimante :

Un visiteur qui se rend dans un district où l’on produit du fer, comme Coatbridge, doit être fort impressionné par toutes ces flammes qui jaillissent lors d’une nuit sombre. À quoi pourrait bien penser un homme qui n’aurait jamais vu une usine sidérurgique, ou qui n’en aurait même jamais entendu parler, […] et qui verrait pour la première fois [du haut de l’église de Gartsherrie] près de 50 hauts fourneaux qui crachent le feu, pendant que les innombrables cheminées et chaudières des usines et des forges environnantes émettent leur éblouissante lumière blanche, semblable à celle d’un météore dans la pénombre? (Traduction d’une citation tirée de la page Web The Bairds of Gartsherrie, North Lanarkshire Council)

La photo ci-dessous de l’usine sidérurgique de Gartsherrie, prise au milieu de la décennie 1870, montre les hauts fourneaux (utilisés pour la fonte des minerais) de l’aile la plus récente, bâtie sur le canal Monkland. L’aile plus ancienne, de l’autre côté du canal, avait elle aussi huit fourneaux, pour un total de seize.

Installation industrielle. Un bâtiment de briques de plusieurs étages surmonté d’une cheminée, à gauche, et huit hauts fourneaux, à droite, occupent environ les deux tiers de la photo. Deux grandes barges se trouvent sur le canal qui passe devant l’aire de travail et les fourneaux.

La nouvelle aile de l’usine sidérurgique avec ses huit fourneaux, Gartsherrie (Écosse), vers 1875. Photo : The Bairds of Gartsherrie – CultureNL Museums (Collections des musées du North Lanarkshire Council).

Dans l’Ordnance Gazetteer of Scotland (Francis H. Groome [directeur de publication], 1884, vol. I, p. 273), Coatbridge est ainsi décrit : « Le feu, la fumée, la suie et le vacarme généré par la machinerie sont ses principales caractéristiques. La lumière des fourneaux dans la nuit donne l’impression qu’il y a eu une grosse explosion. » [Traduction]

Selon le recensement de l’Écosse réalisé en 1851 (les recensements écossais peuvent être consultés sur Ancestry), mon arrière-grand-mère Margaret Fleeming [sic], âgée de six ans, vivait à Gartsherrie. Son père, John Fleeming [sic], 43 ans, était chargeur de fourneaux (furnace filler). Je suppose qu’il travaillait à l’usine sidérurgique de Gartsherrie, car la famille vivait au 154, North Square. Il s’agit d’une des résidences bâties pour les ouvriers par la société William Baird and Company, fondatrice de l’usine. Ces résidences étaient abandonnées au moment où la photo ci-dessous a été prise, en 1966. Elles ont été démolies en 1969.

Une rue pavée devant une longue rangée de maisons de pierres abandonnées. Les maisons n’ont plus de toits.

Les bâtiments qui formaient le North Square et qui jadis hébergeaient les ouvriers de l’usine sidérurgique de Gartsherrie (Écosse), en 1966, peu avant leur démolition. Photo : Canmore – National Record of the Historic Environment

Un plan des rues tracé en 1930 montre que les résidences North Square sont coincées entre deux voies de chemin de fer. De plus, l’usine sidérurgique et ses hauts fourneaux sont visibles de cet endroit. Selon la page anglaise de Wikipédia sur Coatbridge, la plus grande partie des résidents vivent dans d’étroites rangées de maisons situées tout près de l’usine sidérurgique. Dans ce milieu surpeuplé, les conditions de vie sont épouvantables et la tuberculose pullule.

L’Ordnance Gazetteer of Scotland (1883, vol. III, p. 80) explique qu’à Gartsherrie, « Il y a 400 bâtiments pour ouvriers comprenant chacun deux ou trois appartements, un petit lot à cultiver et un approvisionnement limité en gaz et en eau. » [Traduction] Le complexe sidérurgique comprend également une école pouvant accueillir 612 élèves (il y en avait 253 en 1881) et une école secondaire dont 400 des 666 places disponibles étaient occupées.

On peut supposer que les ferronniers et leurs familles s’évadaient rarement de la misère de Gartsherrie. La révolution industrielle prolonge les heures de travail, qui ne sont plus régulées par les saisons et le coucher du soleil. Les ouvriers travaillent de 14 à 16 heures par jour, six jours par semaine. Le tableau ci-dessous, peint en 1853, s’intitule Gartsherrie by Night; il montre les fourneaux en marche pendant la nuit.

Selon le recensement écossais de 1861, mon arrière-grand-père Norval Greenhorn vit avec ses parents et ses frères dans l’appartement 8 sur la rue Back Row, à Falkirk. Cette ville située environ 27 kilomètres au nord-est de Coatbridge fabrique du fer et de l’acier. Norval, âgé de 22 ans, semble travailler comme ferronnier.

Les conditions de vie des ouvriers ne semblent pas moins misérables qu’à Gartsherrie. D’après la Société d’histoire locale de Falkirk, la rue Back Row de l’époque victorienne (devenue la Manor Street) est étroite et sinistre. Des bâtiments insalubres et surpeuplés, reconnus pour leur état de délabrement, sont fréquemment frappés par des éclosions de choléra et de typhus.

Mes arrière-grands-parents Margaret et Norval Greenhorn se sont mariés en mars 1864. Étrangement, le recensement écossais de 1871 ne fait nullement mention de Norval dans la déclaration de Margaret. Celle-ci travaille comme domestique et vit avec ses parents, son frère, sa belle-sœur et son tout jeune neveu au 154, North Square (voir la troisième image ci-dessus), à Gartsherrie. Le recensement mentionne cependant une petite-fille, « James Grenham », âgée de six ans. Je crois qu’il s’agit de Jeanie Greenhorn, la plus vieille des enfants de Norval et Margaret, née en 1864. L’omission de Norval s’explique peut-être par le fait qu’il travaillait encore à Falkirk, bien que son nom ne soit pas mentionné là-bas, ni dans aucune autre déclaration du recensement de 1871.

Norval et Margaret ont eu sept ou huit enfants, dont quatre seulement ont survécu : Jeanie (1864-1938), John (1877-1961), mon grand-père Robert (1879-1962) et le cadet, Norval (1883-vers 1960).

Au moment du recensement écossais de 1881, Margaret et Norval vivent au 154, North Square, à Gartsherrie avec le père de Margaret (John Fleming) et leurs deux fils : mon grand-oncle John, trois ans, et mon grand-père Robert, deux ans plus jeune. John Fleming est un chargeur de fourneaux au chômage. Norval père travaille comme finisseur de chambres à air. Jeanie Greenhorn, 16 ans, a quitté le domicile parental et travaille comme domestique au service du fruitier George Bissett et de son épouse Sarah, à Cleland Place, environ 17 kilomètres au sud-est de Gartsherrie.

Les orphelinats en Écosse m’ont appris que mon arrière-grand-père Norval est mort d’une inflammation pulmonaire à la fin de décembre 1882. Son épouse Margaret devient donc veuve à 37 ou 38 ans, après le décès du soutien de famille. Elle est alors enceinte de leur fils Norval. Elle doit aussi prendre soin de ses deux fils âgés de cinq et trois ans.

On peut difficilement imaginer les souffrances et les inquiétudes de la mère et de sa progéniture. Les pages du grand livre fournies par ma tante Anna nous informent que Margaret est décédée le 3 décembre 1885 d’une insuffisance rénale. Mon grand-père et sa fratrie deviennent alors orphelins.

Les documents des orphelinats sur John et Robert Greenhorn disent que Jeanie a 20 ans et travaille comme domestique au service de Margaret Kerr (née Campbell) à la maison Gallowhill, à Paisley, lorsque sa mère, Margaret Greenhorn, tombe malade. Madame Kerr accorde un mois de « vacances » à Jeanie pour qu’elle accompagne sa mère dans ses derniers moments.

Un immense fardeau tombe sur les épaules de Jeanie. Elle doit soudainement prendre soin de ses trois petits frères âgés de moins de huit ans. Une telle situation serait pénible pour n’importe qui, mais c’est encore pire pour une domestique encore célibataire.

Jeanie connaissait sans doute le philanthrope William Quarrier. En 1876, il a fondé le City Orphan Home à Glasgow et, en 1878, il a ouvert l’Orphan Homes of Scotland à Bridge of Weir, environ 24 kilomètres à l’ouest de Glasgow. Du milieu des années 1870 à la fin de la décennie 1880, les journaux locaux publient régulièrement des articles qui louangent Quarrier pour son travail infatigable visant à venir en aide aux enfants nécessiteux à Glasgow et ailleurs en Écosse. Le Glasgow Herald du 28 mars 1884 parle d’un rassemblement organisé dans la ville, la veille du départ annuel d’une cohorte de garçons pour le Canada :

« Dans une grande ville aussi peuplée que Glasgow, […] il doit y avoir des organismes publics pour prendre soin des enfants nécessiteux qui n’ont plus personne pour prendre soin d’eux. […] La population a une immense dette envers M. Quarrier et son personnel. (Applaudissements) […] Tous les garçons partis au Canada dans l’espoir d’une vie meilleure ont été accueillis dans de belles maisons et ont pu choisir un emploi. […] Les villes canadiennes sont moins densément peuplées qu’ici et la pauvreté y est inexistante. Une bonne partie de la population travaille encore à la ferme. » (« Orphan Homes of Scotland », p. 9 [Traduction])

À peine quelques semaines avant le décès de Margaret Greenhorn, l’Evening News de Glasgow a publié un article intitulé « The Charitable Institutions of Glasgow: Their Past Work and Future Condition » (partie III, 16 novembre 1885, p. 2). Le texte louange William Quarrier, le décrivant comme « un homme remarquable […] qui fait un travail remarquable méritant d’être souligné. Bien avant que son nom soit connu du grand public, il était très populaire auprès des pauvres et des laissés-pour-compte à Glasgow » [Traduction].

Je ne saurai jamais si Jeanie a lu cet article, mais je suis persuadée que, comme bien d’autres à Glasgow, elle connaissait très bien Quarrier et admirait son travail de bienfaisance. Compte tenu des logements insalubres, des conditions de travail déplorables et de la pollution à Gartsherrie et dans les environs, le Canada devait paraître comme un endroit sain et sécuritaire où les enfants démunis pourraient prospérer.

Le 10 décembre 1885, John et Robert Greenhorn deviennent pensionnaires à l’orphelinat. Selon les photocopies que m’a fournies ma tante Anna, Jeanie y a amené les deux garçons. Elle a accepté qu’ils aillent au Canada après que M. Colin, pasteur de l’église baptiste à Coatbridge, lui a donné tous les détails de l’organisation. Quant au petit Norval, trois ans, il est hébergé par une de ses tantes Greenhorn vivant à Haddington, à l’est d’Édimbourg.

Robert et John vivent au City Orphan Home, à Glasgow, pendant six mois. Le 11 juin 1886, ils déménagent à l’Orphan Homes of Scotland, à Bridge of Weir. Je n’ai trouvé aucune photo de l’intérieur de l’orphelinat à Glasgow, mais je suppose que mon grand-père et mon grand-oncle ont connu des dortoirs semblables à celui de l’orphelinat à Huberdeau, au Québec.

Un grand dortoir comprenant plusieurs rangées de lits couverts de draps blancs. Un corridor sépare deux groupes de rangées de lits.

Le dortoir à l’orphelinat d’Huberdeau, Québec, en 1926 (e004665752).

Dans la troisième partie de cette série, l’histoire de Robert Roy Greenhorn nous mènera de l’Orphan Homes of Scotland, à Bridge of Weir, à la maison Fairknowe, à Brockville en Ontario, au Canada.


Beth Greenhorn est gestionnaire de l’équipe du contenu en ligne à la Direction générale de la diffusion et de l’engagement à Bibliothèque et Archives Canada.

Lancement de la collection d’archives Web des commissions royales et des commissions d’enquête fédérales conservées par BAC : bref historique de certaines des plus importantes publications du Canada

Doigts sur un clavier d'ordinateur.Par Tom J. Smyth

Qu’est-ce que l’archivage de contenu Web et quelle en est l’utilité?

L’ « archivage de contenu Web » est une discipline spécialisée en matière de conservation et de préservation des données numériques qui assure un accès futur à des ressources uniques sur Internet. Elle fait appel à du matériel et à des logiciels spécialisés pour cibler, télécharger et repasser le contexte original publié et interactif des ressources Web par l’intermédiaire d’un portail d’accès. Dans cette discipline, le travail consiste notamment à participer à la gestion et à la préservation permanentes des données qui composent ces ressources et d’assurer leur continuité informationnelle pour les besoins de la recherche et d’une utilisation à long terme.

L’archivage de contenu Web se fait par les bibliothèques et archives nationales partout dans le monde afin d’assurer la préservation et l’accès futur au patrimoine culturel en ligne (Internet) et numérique qui n’est accessible sur aucun autre support. La préservation des ressources de notre patrimoine documentaire numérique à partir du domaine national d’Internet est donc d’une importance capitale pour notre histoire contemporaine.

Que sont les commissions royales et les commissions d’enquête fédérales?

L’équipe du Programme de préservation du Web et des médias sociaux a le plaisir d’annoncer le lancement d’une nouvelle collection d’archives Web accessible par l’intermédiaire de notre portail d’accès : la collection des commissions royales et des commissions d’enquête fédérales.

Selon L’Encyclopédie canadienne,

« [les commissions] procèdent d’une prérogative du monarque britannique lui permettant d’ordonner la tenue d’enquêtes, pouvoir qui, selon certains, aurait été exercé pour la première fois par le roi Guillaume 1er [le « Conquérant » de Normandie] lorsqu’il commanda la préparation du Domesday Book. Cependant, la commission sur les « enclosures » (la mise en clôture des terrains communaux), mise sur pied par Henri VIII en 1517 [près de 450 ans plus tard], est plus probablement l’ancêtre des commissions royales contemporaines. »

Les commissions fédérales peuvent utiliser ou non le mot « royal » dans leur titre, selon les circonstances. Ces commissions, lorsqu’elles sont chargées de faire enquête sur une question relevant de la compétence fédérale, sont créées en vertu d’un décret du gouverneur en conseil et aux termes de la partie I de la Loi sur les enquêtes, L.R.C. (1985). Les enquêtes concernant un ministère du gouvernement fédéral sont produites au titre de l’article 2 de cette loi. L’objectif de toute commission est de « […] procéder à une enquête sur toute question touchant le bon gouvernement du Canada ou la gestion des affaires publiques ».

En général, le lieutenant-gouverneur en conseil ou le commissaire en Conseil exécutif des provinces et territoires du Canada peuvent ordonner des commissions d’enquête en vertu de leurs lois sur les enquêtes publiques; cependant, ces commissions ne sont pas fédérales et ne sont donc pas contenues dans les collections des Archives Web du gouvernement du Canada. La tenue de commissions royales est également pratique courante dans les autres pays du Commonwealth.

Le gouverneur en conseil nomme, par l’intermédiaire d’un décret, des commissaires chargés de faire enquête. Dans le cadre des commissions, n’importe quelle personne peut être convoquée en tant que témoin et elle peut être appelée à témoigner sous serment, verbalement ou par écrit. Les commissaires peuvent également ordonner aux témoins de « produire les documents et autres pièces qu’ils jugent nécessaires en vue de procéder d’une manière approfondie à l’enquête dont ils sont chargés ». Leurs pouvoirs légaux pour contraindre les témoins à comparaître et à déposer sont ceux « […] d’une cour d’archives en matière civile » [Loi sur les enquêtes, L.R.C. (1985), art. 3 à 5].

Bien qu’elles ne soient pas contraignantes pour le gouvernement, les conclusions d’une commission ont une grande influence. Les rapports finaux des commissions font donc partie des publications (quasi officielles) les plus importantes produites au Canada. Les enquêtes et les rapports qui en résultent mettent en lumière et documentent des questions importantes pour la société, et ce, depuis la Confédération.

Histoire des pratiques de publication et collections numériques des commissions d’enquête publiées à Bibliothèque et Archives Canada

Depuis l’arrivée de la publication numérique, Bibliothèque et Archives Canada (BAC) et le Bureau du Conseil privé (BCP) collaborent à l’intendance des commissions royales et des commissions d’enquête fédérales analogiques, numérisées, d’origine numérique et sur le Web.

Depuis 2008, le BCP déploie des efforts considérables pour localiser et numériser les documents papier des commissions afin de les préserver et de faciliter leur consultation publique. Aux termes d’un partenariat établi en 2009, le BCP fournit les copies numérisées, et BAC les intègre dans les collections de la bibliothèque nationale, en assure la préservation et offre au public des services de découverte, d’accès et de référence (soutien à la recherche). Les collections ainsi numérisées couvrent la période qui débute en 1868 et s’étend jusqu’à aujourd’hui.

Par ailleurs, à partir de la Commission Romanow sur l’avenir des soins de santé (2001), les conclusions des commissions ont été publiées sur des sites Web spécialisés. BAC a donc dû modifier ses pratiques et, depuis 2005, est responsable de la préservation de ce contenu.

Remplacement de l’ancien Index des commissions royales fédérales à Bibliothèque et Archives Canada

Dans le contexte de la relance des Archives Web du gouvernement du Canada en août 2023, le Programme de préservation du Web et des médias sociaux a également créé et lancé un outil de curation numérique. Cet outil permet au personnel chargé de l’archivage du Web de sélectionner, d’organiser et de présenter les données et les ressources acquises, et ce, directement à partir des archives Web, et de les présenter dans des collections logiques que le public peut découvrir et consulter par l’intermédiaire des Archives Web du gouvernement du Canada (comme on l’a fait pour les collections Vérité et réconciliation, COVID-19 et Gouvernement du Canada, actuellement accessibles).

Au fil des ans, des problèmes techniques, logistiques et en matière de données ont compliqué l’accès aux documents de ces commissions et des bibliothèques numériques. Les Archives Web du gouvernement du Canada et le nouvel outil de curation numérique ont permis de créer un portail spécialisé qui offre la recherche en texte intégral et réunit, au même endroit, toutes les publications des commissions historiques de BAC.

Comment accéder à la collection d’archives Web des commissions royales et des commissions d’enquête fédérales?

La collection des commissions royales des Archives Web du gouvernement du Canada est disponible ici. Le personnel du Programme de préservation du Web et des médias sociaux a également créé des notices bibliographiques, ce qui permet aux clients de trouver et de consulter ces publications et ressources à partir de Voilà, Aurora et Recherche dans la collection de BAC.

Désormais, toute recherche par thème à partir de ces outils de recherche mènera aux collections d’archives et de ressources Web des Archives Web du gouvernement du Canada. Auparavant, l’utilisateur devait effectuer une recherche distincte dans la collection des Archives Web du gouvernement du Canada. Maintenant, en cherchant une commission dans Voilà, Aurora, ou Recherche dans la collection, il sera dirigé vers la collection des Archives Web du gouvernement du Canada et pourra la consulter en un seul clic.

Il s’agit d’une avancée majeure pour les clients qui utilisent les Archives Web du gouvernement du Canada et ceux à la recherche de renseignements publiés par les commissions sur Bibliothèque et Archives Canada ou Archives Web du gouvernement du Canada.

Ce travail a été propulsé par plusieurs sources, mais principalement par la clôture des commissions au Canada :

Le lancement de la collection d’archives Web des commissions royales et des commissions d’enquête fédérales arrive à point nommé, car il fournit un point d’accès spécialisé à BAC pour accéder aux sites Web et aux publications de toutes les commissions historiques ainsi qu’aux plus récentes après leurs clôtures respectives.

Cette collection, la plus complète et fiable au Canada, rétablit et améliore considérablement la capacité des clients à faire des recherches efficaces, ainsi qu’à découvrir et consulter les données publiées, les sites Web et les publications des commissions. Elle propose aussi de nouvelles fonctionnalités et de nouveaux outils, comme la recherche élargie en texte intégral et des volets de curation et recherche dans les commissions. Ainsi, comme c’est souvent le cas pour ce genre de publication, on peut faire des recherches et naviguer par nom de commissaire (p. ex. « Commissaire Roy Romanow ») et nom de commission (p. ex. « Commission sur l’avenir des soins de santé au Canada »).

Ce lancement s’aligne étroitement sur les objectifs du plan stratégique de BAC, Vision 2030, qui concernent la prestation de services d’accès numérique avancés directement au public (ici, à un tout autre degré de précision, puisqu’il était impossible, pour des raisons techniques, d’effectuer des recherches sur toutes les commissions, et encore moins à partir de plusieurs outils). Nous sommes très fiers de ce travail et de notre capacité à offrir aux clients une aide à la recherche comme celle autrefois fournie par l’Index des commissions royales fédérales à BAC.

Ce travail sera fort utile au BCP et aux bibliothèques universitaires, mais aussi aux praticiens du gouvernement du Canada et d’ailleurs au pays dont les recherches concernent les publications officielles, le travail juridique, les données gouvernementales ainsi que les commissions royales et les commissions d’enquête fédérales.

Les clients peuvent communiquer avec nous à l’adresse archivesweb-webarchives@bac-lac.gc.ca.

Dédicace

Le lancement de la collection d’archives Web des commissions royales et des commissions d’enquête fédérales et cet article de blogue sont dédiés à la mémoire de notre ami et très cher collègue, M. Michael Maurice Dufresne (24 mars 1971–15 août 2023), qui a travaillé de nombreuses années à titre d’archiviste responsable du portefeuille du BCP à BAC et avec qui j’ai travaillé (c.-à-d. qui m’a enseigné les ficelles du métier) dès mes débuts dans les commissions du BCP, la recherche et les questions relatives aux décrets. Son aide, son expertise, sa sagesse, sa patience et sa vivacité d’esprit vont cruellement nous manquer.


Tom J. Smyth est gestionnaire du Programme de préservation du Web et des médias sociaux et des Archives Web du gouvernement du Canada à Bibliothèque et Archives Canada. L’équipe du Programme comprend Elizabeth Doyle, Kevin Palendat, Jason Meng et Russell White.

Le conditionnement physique au sein du Corps expéditionnaire canadien pendant la Première Guerre mondiale

English version

Par Dylan Roy

Nous sommes en 1914. Le monde est en guerre, et nous avons besoin de jeunes recrues comme vous pour défendre la liberté et la Couronne! Êtes-vous assez en forme pour vous joindre au Corps expéditionnaire canadien (CEC)?

Avant de combattre, vous devez vous préparer aux rigueurs du champ de bataille! Ce n’est pas une tâche à prendre à la légère. Pourrez-vous relever le défi?

Pour vous mettre en forme, vous devrez vous entraîner régulièrement. Toutefois, comme le mentionne le document Special tables : Physical training, certains exercices mal exécutés peuvent être nuisibles. Pour renforcer et stimuler toutes les parties du corps, il est nécessaire de s’entraîner correctement et d’adopter les bonnes postures.

Voici les exercices à effectuer pour vous amener au niveau nécessaire.

Il faut d’abord apprendre à rester au garde-à-vous, même si ça peut sembler évident. Évitez d’être trop détendu ou de vous projeter vers l’avant. Restez droit comme un chêne et gardez les pieds rapprochés. Une fois que vous maîtriserez le garde-à-vous, vous serez en voie de devenir un soldat discipliné. Voyez l’image ci-dessous :

Guide montrant deux hommes de profil dans une position de garde-à-vous incorrecte, ainsi que deux hommes, un de profil et un de face, dans la bonne position.

Guide pour rester au garde-à-vous (MIKAN 3831498).

Tout soldat digne de ce nom est en mesure de bien marcher. Il ne s’agit pas de déambuler n’importe comment; le soldat doit adopter une démarche bien précise. L’image ci-dessous décrit les principes pour bien marcher et sauter au sein du CEC :

Dessin d’un homme en marche au pas ralenti, d’un second en marche au pas cadencé et d’un troisième qui saute sur place.

Guide pour marcher et sauter correctement, selon les principes du CEC (MIKAN 3831498).

Maintenant que les bases sont en place, nous allons faire de vous de véritables soldats, capables de surmonter les obstacles qui vous attendent sur le Vieux Continent. Vous devrez accomplir de nombreux exercices pour acquérir la force, l’agilité et la souplesse nécessaires.

« Sur les mains » est un exercice pour se relever quand on est couché sur le ventre. Sur le champ de bataille, il est souvent nécessaire de se mettre à couvert et de se relever. Cette aptitude peut faire toute la différence entre la vie et la mort.

L’élévation des jambes fait travailler les muscles centraux, le haut du corps et les jambes. Tous ces muscles se coordonnent pour faciliter le mouvement du corps entier. Un bon soldat est capable de se contorsionner et de maîtriser son corps pour effectuer des actions simples ou complexes.

Il existe plusieurs exercices de soulèvement des jambes : soulever une jambe de côté en prenant appui sur une seule main; pousser la jambe vers le haut en s’appuyant sur les deux mains, le visage tourné vers le sol; et soulever une jambe, en position sur le dos. N’oubliez pas que le tronc relie les bras et les jambes. Il doit être à la fois fort et souple!

L’image suivante donne des exemples de mouvements à accomplir avec les mains sur le sol et d’exercices de soulèvement des jambes. Il y a aussi un étirement du tronc vers l’arrière pour gagner en souplesse. Tous ces exercices vous aideront à vous protéger, vous et vos camarades, sur le champ de bataille!

Dessins de cinq exercices : 1) les mains au sol, en position pour faire une pompe; 2) soulèvement de la jambe droite de côté pendant que seuls la main gauche et le côté du pied gauche sont appuyés au sol; 3) soulèvement de la jambe droite en position pour faire une pompe; 4) en position debout, mouvement de la tête et du cou vers l’arrière, la poitrine projetée vers l’avant; 5) soulèvement d’une jambe en position sur le dos, les deux bras étirés vers l’arrière.

Exercices de soulèvement des jambes et d’étirement du tronc vers l’arrière (MIKAN 3831498).

La rapidité et l’agilité des soldats sont une grande force du CEC. Solidifier vos jambes vous aidera à gagner en vitesse. Pour fortifier le bas du corps, il faut le faire travailler! Des exercices comme le soulèvement des talons et la flexion des genoux sollicitent les multiples muscles des jambes nécessaires pour courir, sprinter, marcher, sauter, plonger, se pencher ou changer de direction rapidement, ou se jeter au sol. Entraînez ces muscles pour fortifier l’ensemble du corps! Voici deux exercices essentiels :

Trois images montrant chacune deux pieds dont les talons sont joints, avec les bouts des pieds qui s’éloignent graduellement pour former un V. Un dessin d’un homme montre le soulèvement des talons, et un autre, la flexion des jambes.

Guide pour renforcer les jambes (MIKAN 3831498).

Les bras ne sont pas à négliger non plus. Nous avons besoin de soldats forts, capables de soulever des charges et de supporter les rigueurs du combat. Les exercices de traction comptent parmi les plus efficaces pour développer les membres supérieurs. Comme l’explique notre manuel de conditionnement physique, ces exercices consistent à se suspendre par les mains à un objet quelconque en s’appuyant légèrement sur les pieds, ou sans appui du tout. L’image ci-dessous donne quelques exemples.

Huit dessins montrant un homme effectuant correctement une traction. Un neuvième dessin montre une traction incorrecte.

Guide pour améliorer la force des bras grâce à des exercices de traction (MIKAN 3831502).

En résumé, nous avons besoin de soldats capables d’affronter les rigueurs du combat, mais aussi de les surmonter. Pour y arriver, la discipline, l’obéissance et le respect d’une structure rigide sont essentiels. Avez-vous ce qu’il faut pour vous joindre au CEC?


Dylan Roy est archiviste de référence à la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.

À la découverte de mon grand-père Robert Roy Greenhorn : le « petit immigré anglais » (partie 1)

English version

Groupe de garçons travaillant dans un champ à la ferme école de la Philanthropic SocietyPar Beth Greenhorn

Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certains pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde – terminologie historique.

Robert Roy Greenhorn (1879-1962), mon grand-père paternel, est un des milliers d’enfants envoyés au Canada par les orphelinats de William Quarrier, en Écosse. Il est ainsi devenu un « petit immigré anglais », un terme que j’ai entendu pour la première fois quand j’ai commencé à travailler à Bibliothèque et Archives Canada (BAC), en 2003. Je n’ai appris qu’en 2012 que mon grand-père et ses deux frères, John et Norval, étaient de petits immigrés anglais. L’été dernier, c’est-à-dire onze ans plus tard, je me suis dit qu’il était temps d’écrire l’histoire de mon aïeul.

Le présent billet de blogue est la première partie d’une série de quatre qui veut rendre hommage à mon grand-père Robert Roy Greenhorn. Il est publié le 20 novembre pour souligner la Journée nationale de l’enfant au Canada.

Portrait sur lin dans un cadre ovale du buste d’un jeune homme portant une chemise à col boutonné, une cravate, une veste et un veston.

Robert Roy Greenhorn, lieu inconnu, début des années 1900. Courtoisie de l’auteure, Beth Greenhorn.

Comme de nombreux Canadiens, je n’ai pas entendu parler des petits immigrés anglais à l’école. En fait, je ne connaissais même pas le terme. Jamais mon père ou d’autres membres plus âgés de la famille ne m’en ont parlé. Ce n’est qu’en cherchant des images pour le balado de BAC sur les petits immigrés anglais, en 2012, que j’ai appris l’existence des anciens réseaux d’émigration d’enfants. Ça a piqué ma curiosité : pourquoi mon grand-père avait-il émigré au Canada, et dans quelles circonstances? C’est comme ça que ma recherche a commencé.

Des années 1860 au milieu du 20e siècle, plus de 100 000 enfants pauvres, sans-abri et orphelins de Grande-Bretagne ont été relogés au Canada et dans d’autres colonies britanniques. Ils travaillaient dans des familles rurales canadiennes jusqu’à l’âge de 18 ans, généralement en tant que domestiques ou agriculteurs. On les appelle petits immigrés anglais parce que ces enfants quittaient la Grande-Bretagne pour le Canada grâce au travail d’organismes d’émigration.

L’industrialisation de la Grande-Bretagne au 19e siècle a provoqué des souffrances inimaginables pour des centaines de milliers de personnes. La pollution, la pauvreté, les taudis et les inégalités sociales explosent (voir l’article en anglais de Patrick Stewart The Home Children, p. 1). La vie est particulièrement difficile pour les enfants dans les foyers frappés par la pauvreté. Une recherche dans les grands titres des journaux britanniques de l’époque victorienne permet de relever des termes très durs pour désigner ces malheureux : enfants abandonnés (waifs and strays), indigents (paupers), délinquants (delinquents) et galopins (street urchins), pour ne nommer que ceux-là. Aucun système d’aide sociale ne prend en charge le nombre croissant d’enfants pauvres, négligés et orphelins.

Patricia Roberts-Pichette décrit ainsi les conditions de travail lamentables de la classe ouvrière démunie dans les industries de Grande-Bretagne (About Home Children, p. 7) :

La plupart des petits immigrés anglais viennent des familles ouvrières les plus pauvres, qui vivent dans les pires taudis des grandes villes industrielles. Les familles se trouvant dans un état d’extrême pauvreté à cause de la perte d’un emploi, d’une maladie, d’un handicap ou du décès du soutien de famille. […] Les travailleurs sociaux, les ecclésiastiques et les fonctionnaires craignent que ces enfants sombrent dans la délinquance et la criminalité pour survivre. [Traduction]

Comme l’explique Susan Elizabeth Brazeau, des organismes philanthropiques, caritatifs et religieux sont convaincus que le retrait des enfants aiderait à régler les problèmes socioéconomiques (They Were But Children: The Immigration of British Home Children to Canada, p. 1) :

Le réseau d’émigration a pour but de sortir les enfants britanniques de leurs conditions de vie jugées malsaines et inacceptables d’un point de vue social et moral. Dans les familles, les fermes et les foyers canadiens, les enfants devraient acquérir les compétences nécessaires pour devenir des membres productifs de la classe ouvrière. […] Ces enfants ont été appelés « petits immigrés anglais ». [Traduction]

Le programme avait donc un double objectif : réduire le fardeau que constituaient les enfants démunis en Grande-Bretagne, tout en offrant à la population croissante des colonies une main-d’œuvre bon marché pour travailler à la ferme.

Timbre orné d’une photo sépia d’un garçon vêtu d’un long manteau avec une valise à ses pieds. Cette photo est superposée sur une photo sépia d’un garçon labourant un champ à l’aide de deux chevaux. La photo d’un navire se trouve sous ces deux photos.

Timbre canadien émis le 1er septembre 2010 en l’honneur des petits immigrés anglais (e011047381).

L’orphelinat de Quarrier, en Écosse, est un des nombreux organismes fondés au 19e siècle qui s’occupe de la migration des enfants. C’est cet organisme privé, fondé par le fabricant de chaussures et philanthrope William Quarrier (1829-1903) (biographie en anglais), qui a envoyé mon grand-père et ses frères au Canada. De 1870 à 1938, Quarrier et plus tard ses filles ont organisé l’émigration de 7 000 enfants au Canada. La plupart d’entre eux ont abouti en Ontario.

Malheureusement, mon grand-père paternel, Robert Roy Greenhorn, est décédé avant ma naissance. Tout ce que je sais de lui vient des souvenirs racontés par mon père et de quelques photographies. Mon père, le cadet de la famille, était très lié à sa mère Blanche (née Carr, 1898-1970). En tant que « bébé de la famille » ayant grandi à une époque où les rôles des genres étaient bien définis, il a probablement passé plus de temps avec sa mère et ses sœurs, donc dans la maison et le potager, qu’avec son père. En plus, mon grand-père avait 51 ans quand mon père est né. La différence d’âge a probablement affaibli le lien entre eux. Par conséquent, les souvenirs d’enfance de mon père concernaient plus sa mère et sa fratrie, notamment son frère le plus jeune, Arnold, né seulement trois ans avant lui.

Trois femmes accroupies devant cinq hommes et une femme debout.

Première rangée, de gauche à droite : mes tantes Jo (Josephine), Jean et Jennie; deuxième rangée : mes oncles Roy et Arnold, mes grands-parents Robert et Blanche, mon oncle John et mon père Ralph. Philipsville (Ontario), 1947. Courtoisie de l’auteure, Beth Greenhorn.

Je sais très peu de choses sur l’enfance de mon grand-père Robert. Lui et ses frères John et Norval sont nés près de Glasgow, en Écosse, et ont émigré au Canada pendant leur enfance. Je sais aussi qu’ils sont venus sans leurs parents et qu’ils sont devenus orphelins très jeunes. J’ai toujours pensé que les trois frères avaient fait la traversée ensemble, mais des recherches ont montré que Robert et John sont partis pour le Canada en mars 1889, et que leur frère Norval les a suivis cinq ans plus tard, en 1894.

Dans ses mémoires non publiés écrits en 2015, mon père transmet un de ses rares souvenirs de mon grand-père :

Mon père était travaillant, c’était sa force. Il avait le sens de l’humour et jouait très bien au hockey, selon ce que j’ai compris. La meilleure façon de le décrire serait de dire que l’environnement a laissé sur lui des traces et qu’il était couvert de cicatrices. […] Si seulement je lui avais posé plus de questions sur son enfance, je l’aurais mieux compris. [Traduction]

Au début, les Canadiens appuient les organismes d’émigration et accueillent les enfants à bras ouverts. Toutefois, comme le mentionne Susan Elizabeth Brazeau dans l’article They Were But Children (p. 5 et 6), le vent tourne quand des histoires sordides commencent à circuler : des enfants s’enfuient, s’attaquent à leurs hôtes, volent de la nourriture ou souffrent de la faim. Il y en a même un qui est mort. Dans l’opinion publique, l’acceptation fait place à la méfiance. Les gens se demandent si « la Grande-Bretagne se débarrasse de ses pires éléments : les va-nu-pieds, les idiots, les malades et les criminels » [Traduction].

Je ne saurai jamais comment mon grand-père Robert a supporté l’épreuve d’être orphelin. Compte tenu des étiquettes péjoratives attribuées aux enfants de milieux défavorisés, je n’ai aucun mal à croire que la honte associée au statut de petit immigré a pu laisser de nombreuses cicatrices. J’aurais aimé en savoir plus sur la vie de mon grand-père et sur ce que cachait sa carapace. Qu’est-il arrivé à ses parents? Dans quelles circonstances les trois frères sont-ils devenus des pensionnaires d’un orphelinat en Écosse?

Je continuerai de raconter l’histoire de Robert Roy Greenhorn dans le deuxième article de la série. Ce périple vers les origines nous mènera à Gartsherrie et à Falkirk, en Écosse.

Autres ressources


Beth Greenhorn est gestionnaire de l’équipe du contenu en ligne à la Direction générale de la diffusion et de l’engagement à Bibliothèque et Archives Canada.