Donner une voix aux porteurs noirs : la collection d’entrevues Stanley Grizzle

Par Stacey Zembrzycki

 Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certaines personnes pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde — terminologie historique.

L’histoire du chemin de fer au Canada est souvent racontée sous son meilleur jour : cet immense chantier unit le pays d’un océan à l’autre, et le dernier crampon symbolise la concrétisation de la Confédération. Cependant, cette histoire est aussi celle d’Autochtones expropriés de leurs terres et territoires ancestraux, d’ouvriers chinois exploités et de porteurs noirs de voitures-lits confrontés à la discrimination.

L’exceptionnelle collection d’entrevues Stanley Grizzle réunit les témoignages de 35 hommes et 8 femmes qui ont été porteurs, ou dont un proche a travaillé pour une société ferroviaire. Elle explore les recoins de l’histoire du chemin de fer en présentant un point de vue rarement entendu : celui des ouvriers noirs (Canadiens ou migrants). Le racisme qu’ils ont subi en tant qu’employés du Chemin de fer Canadien Pacifique se trouve au cœur de leur récit.

Les entrevues abordent de nombreux sujets : la Grande Dépression, la Deuxième Guerre mondiale, la lutte pour la création d’un syndicat des porteurs, la création de la section canadienne de la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs et de leurs auxiliaires féminines, ainsi que la vie dans les communautés noires au Canada. Ces histoires, souvent pénibles, témoignent de la force et de la résilience des personnes discriminées en raison de la couleur de leur peau.

Portrait en buste d’un homme noir âgé, vêtu d’une toge noire de juge, d’une chemise blanche et d’une écharpe bourgogne. L’homme regarde l’objectif; ses cheveux courts et sa moustache sont gris.

Portrait du juge de la citoyenneté Stanley Grizzle par William J. Stapleton (c151473k)

En 1986 et 1987, Stanley Grizzle se rend dans les principaux points de jonction du Canadien Pacifique : Montréal, Toronto, Winnipeg, Calgary et Vancouver. Il y documente les expériences de personnes nées entre 1900 et 1920 et qui ont connu, pour la plupart, de longues et tumultueuses carrières en tant que porteurs.

Grizzle fut lui-même porteur pendant 20 ans. Il s’est aussi impliqué dans le mouvement syndical et a œuvré en politique avant de devenir fonctionnaire et juge de la citoyenneté. Les récits qu’il a recueillis ont servi de base à la rédaction de ses mémoires, parus en 1998 et intitulés My Name’s Not George: The Story of the Brotherhood of Sleeping Car Porters in Canada, Personal Reminiscences of Stanley G. Grizzle [Ne m’appelez pas George : L’histoire de la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs au Canada – Mémoires de Stanley G. Grizzle].

Les porteurs ne choisissaient pas leur profession; c’était tout simplement l’un des seuls emplois offerts aux hommes noirs dans les années 1950 et 1960. Comme l’explique le Torontois Leonard Oscar Johnston (entrevue 417394) :

« Je faisais des demandes d’emploi, mais on me refusait à cause de ma couleur. En fait, on me traitait de n****. Je me souviens qu’un jour, je marchais sur la rue King, entre les rues Jane et Bloor, à la recherche d’un emploi de machiniste. J’avais déjà quelques années d’expérience dans le métier, mais on m’a dit d’aller cirer des chaussures. Eh oui! C’était il y a 50 ou 60 ans. Alors je me suis dit : “OK, je vais aller cirer des chaussures.” Et je suis allé au Chemin de fer Canadien Pacifique. »

Pour d’autres, devenir porteur permet d’échapper à la violence raciale dans les États du Sud, ou de quitter les Caraïbes à la recherche d’une meilleure qualité de vie. À l’époque, de nombreux migrants ne parviennent pas à trouver un emploi au Canada malgré leur diplôme universitaire ou leur spécialisation professionnelle. En désespoir de cause, ils répondent aux campagnes de recrutement lancées par le Chemin de fer Canadien Pacifique et deviennent porteurs. Certains occupent ce poste une dizaine d’années avant de se lancer dans d’autres secteurs quand l’occasion se présente. D’autres y restent plus longtemps, parfois une quarantaine d’années afin d’obtenir leur pension.

Une foule débarque d’un train et reçoit de l’aide d’employés et de porteurs pour les bagages.

Des porteurs aident les passagers à descendre d’un train (a058321)

Les porteurs accueillent les passagers et répondent à leurs moindres besoins. Avant la création de la Fraternité des porteurs de wagons-dortoirs, qui ratifie sa première convention collective avec le Canadien Pacifique en 1945, ils passent régulièrement de trois à quatre semaines consécutives en voyage. Loin de leur famille et de leur communauté, ils travaillent 21 heures par jour. Ils sont autorisés à dormir trois heures par nuit dans les fauteuils en cuir situés dans les voitures-fumoirs, juste à côté des toilettes. Pour obtenir ce moment de répit, ils doivent d’abord terminer toutes leurs tâches : laver les toilettes, cirer les chaussures, faire les lits, compter les draps et répondre aux demandes des passagers.

Le Canadien Pacifique ne relâche pas sa surveillance pendant les escales. Les porteurs sont tenus de se rendre à la gare tous les jours pour rendre compte de leurs activités et déplacements. Tout ce labeur leur rapporte 75 $ par mois. Comme les heures supplémentaires ne sont pas rémunérées, les pourboires sont essentiels à leur subsistance.

Or, bon nombre des porteurs ont déjà travaillé pour un syndicat ou en ont entendu parler. Y voyant le seul moyen d’améliorer leur sort, ils se rallient à A. Philip Randolph, un Américain célèbre pour son travail dans la mouvance syndicale, la défense des droits de la personne et l’organisation de la Fraternité des porteurs de wagons-lits aux États-Unis.

La première convention collective des porteurs du Chemin de fer Canadien Pacifique débouche sur plusieurs gains : augmentations salariales, rémunération des heures supplémentaires, couchettes personnelles et repas décents. Ces avancées améliorent considérablement l’existence des porteurs, mais aussi celle de leurs familles, se traduisant par l’achat de maisons, le déménagement dans les banlieues et l’accès à une meilleure éducation.

La collection d’entrevues Stanley Grizzle met en lumière la difficulté d’organiser des syndicats locaux dans l’ensemble du pays. Elle parle également des personnes qui ont joué un rôle essentiel dans cette réussite, notamment des auxiliaires féminines.

Bien que parfois lourds à entendre, ces récits sont aussi fascinants, car ils nous plongent dans la vie des porteurs, comme le mentionne Melvin Crump (entrevue 417403). Grâce à eux, nous pouvons comprendre ce que vivaient les porteurs. Ces hommes, faisant fi du racisme et de la discrimination systémique, transforment leur quotidien en occasions d’apprentissage. Il devient ainsi possible d’avoir du plaisir et de regagner un certain pouvoir. George Forray en est un bon exemple :

« C’était un enseignement que je n’aurais pu recevoir dans aucune université. C’était l’école de la vie, sous toutes ses facettes. Je n’aurais jamais pu acheter, mériter ou étudier tout ça. Il fallait que je le vive. » (Entrevue 417383)

La collection d’entrevues Stanley Grizzle préserve de véritables histoires de survie. Elle montre le point de vue des porteurs sur les voyageurs, sur eux-mêmes et sur un monde où tout était fait pour les rabaisser.

Autres ressources

    • My Name’s Not George: The Story of the Brotherhood of Sleeping Car Porters in Canada, Personal Reminiscences of Stanley G. Grizzle, Stanley G. Grizzle avec la collaboration de John Cooper (no OCLC 1036052571)
    • « Chapter 3 : The Black City below the Hill », dans Deindustrializing Montreal: Entangled Histories of Race, Residence, and Class, Steven High, p. 92-128 (nOCLC 1274199219)
    • Unsettling the Great White North: Black Canadian History, Michelle A. Johnson et Funké Aladejebi, directrices de publication (no OCLC 1242464894)
    • North of the Color Line: Migration and Black Resistance in Canada, 1870–1955, Sarah-Jane Mathieu (no OCLC 607975641)
    • The Sleeping Car Porter, Suzette Mayr (no OCLC 1302576764)

Stacey Zembrzycki est une historienne primée, spécialiste de l’histoire orale et publique portant sur les expériences des immigrants, des réfugiés et des minorités ethniques. Elle effectue actuellement des recherches pour le compte de Bibliothèque et Archives Canada.

La vie extraordinaire de John Freemont Smith – Défi Co-Lab du Mois de l’histoire des Noirs

Par Caitlin Webster

Veuillez noter que cet article et les documents auxquels il fait référence peuvent contenir des termes dépassés, indélicats ou offensants.

Transportons-nous à la fin du 19e siècle : parmi les milliers de personnes qui émigrent vers la Colombie-Britannique, peu connaîtront le parcours remarquable de John Freemont Smith. Mû par son enthousiasme pour sa nouvelle terre d’accueil et sa soif de réussite, il mènera une fructueuse carrière d’homme d’affaires, de représentant municipal et fédéral, ainsi que de bénévole doué d’un grand sens civique. Ses réalisations seront d’autant plus exceptionnelles qu’il est alors un homme noir dans un milieu de colons blancs. Sa vie durant, il subira le racisme, mais il inspirera également le respect et l’admiration de ses contemporains. Bibliothèque et Archives Canada (BAC) détient de nombreux documents d’archives témoignant du travail de John Freemont Smith au poste d’agent des Indiens à l’Agence de Kamloops, de 1912 à 1923. Certains de ces documents ont été sélectionnés pour créer un défi Co-Lab.

Portrait en buste de John Freemont Smith.

John Freemont Smith, vers les années 1870. Source : Kamloops Museum and Archives, KMA 6163

John Freemont (ou Fremont) Smith voit le jour à Sainte Croix le 16 octobre 1850, quelques années après l’abolition de l’esclavage dans les Antilles danoises. Il suivra des études et une formation de cordonnier à Copenhague et à Liverpool avant de partir voyager en Europe et en Amérique du Sud. En 1872, il pose ses valises à Victoria, en Colombie-Britannique. Il y ouvre une cordonnerie, puis épouse Mary Anastasia Miller en 1877.

Portrait familial noir et blanc pris en studio montrant Mary Smith et John Freemont Smith assis, et cinq de leurs enfants debout autour d’eux.

John Freemont Smith, son épouse Mary et leurs enfants Agnes, Louise, Mary, Leo et Amy, vers 1907-1910. Source : Kamloops Museum and Archives, KMA 10008

Après de brefs séjours à New Westminster et à Kamloops, la famille s’installe dans la région de Louis Creek en 1886. John Freemont Smith y ouvre une boutique, se lance dans la prospection de minerais et s’exerce au journalisme à la pige. Il devient également le premier maître de poste de Louis Creek, un emploi qu’il occupera jusqu’en 1898.

Cette même année, un incendie ravage la maison familiale; les Smith quittent Louis Creek et s’installent à Kamloops.

Carte à code de couleurs représentant les rues et les bâtiments d’une partie de la ville de Kamloops.

Plan d’assurance incendie de Kamloops, Colombie-Britannique, mai 1914. (e010688881-v8)

John Freemont Smith poursuit sa carrière à Kamloops, où il œuvre comme conseiller municipal de 1902 à 1907, puis comme évaluateur municipal en 1908. Il joue également un rôle actif au sein de la collectivité par sa contribution à la création de plusieurs organismes, dont l’association agricole, la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux, l’association conservatrice et la chambre de commerce de Kamloops, où il occupera les fonctions de secrétaire pendant quelques années. En 1911, il fait construire sur la rue Victoria l’édifice Freemont, qui existe encore aujourd’hui.

Photographie noir et blanc de sept hommes en complet prenant la pose sur un trottoir en bois devant l’entrée d’un bâtiment. À l’arrière-plan, on voit des passants – deux hommes en complet et deux jeunes filles inconnues vêtues de robes blanches et coiffées de chapeaux blancs.

Conseil municipal de Kamloops de 1905 : le conseiller municipal J. F. Smith, le conseiller municipal D. C. McLaren, le conseiller municipal R. M. MacKay, le maire C. S. Stevens, le conseiller municipal J. M. Harper, le conseiller municipal J. Milton et le conseiller municipal A. E. McLean; à l’arrière-plan, à droite : J. H. Clements et William Charles. Photographie prise à l’angle de la rue Victoria et de la 3e Avenue. Source : Kamloops Museum and Archives, KMA 2858

En 1912, John Freemont Smith, alors âgé de 62 ans, est nommé agent des Indiens de Kamloops, un poste qu’il occupera pendant plus de dix ans. Son entrée en fonction se fait à un moment difficile. En effet, son prédécesseur, globalement connu pour son inefficacité et son manque d’assiduité, avait lésé les intérêts déjà menacés de la Première Nation locale, les Secwepemc. Cette même année, on met sur pied la Commission concernant les terres et les affaires indiennes dans la province de la Colombie-Britannique. Mieux connue sous le nom de Commission royale McKenna-McBride, elle aura des répercussions importantes sur les terres des Premières Nations en créant, en réduisant et en éliminant des réserves dans toute la province. Les premières tâches de John Freemont Smith consistent à se rendre dans les différentes réserves de l’agence tentaculaire pour recueillir des données destinées à la Commission, puis à défendre les Secwepemc contre les tentatives d’appropriation de leurs terres les plus précieuses.

 

Carte des réserves dans les agences de Nicola et de Kamloops. Un code de couleurs indique les réserves existantes, les nouvelles réserves et les réserves réduites.

Agence de Kamloops, 1916. (e010772172)

En outre, John Freemont Smith vit alors une situation délicate. En tant que colon noir dans une société majoritairement blanche, il subit le racisme de nombre de ses concitoyens. Néanmoins, son rôle d’agent est de mener à bien la politique d’assimilation des peuples autochtones voulue par le gouvernement canadien. Selon les instructions générales de 1910 transmises aux nouveaux agents de la Colombie-Britannique, l’objectif est d’amener les Secwepemc à renoncer à leur mode de vie traditionnel pour privilégier l’agriculture et l’élevage, de remplacer leur système agraire collectiviste par un système occidental constitué de parcelles distinctes pour chaque famille, et de promouvoir un idéal d’indépendance individuelle plutôt que les valeurs d’entraide.

Page d’une lettre dactylographiée comprenant quelques annotations manuscrites.

Page six d’un « exemplaire des instructions générales transmises aux nouveaux agents des Indiens en Colombie-Britannique » [traduction], 1910. (e007817641)

Compte tenu de son statut et de son travail, John Freemont Smith est bien conscient de la nature de ces politiques, puisque son devoir est de les mettre en œuvre. La situation dans laquelle il se trouve alors est complexe : une personne racisée imposant des politiques d’assimilation à d’autres personnes racisées au nom d’un système de gouvernance colonial. Il est cependant clair que durant toutes ses années comme agent, M. Smith prendra position en faveur des Secwepemc et fera preuve d’une intelligence pragmatique et d’une déontologie remarquable.

Dans ses fonctions d’agent, il doit relever deux défis majeurs : la très grande taille de l’Agence de Kamloops et le manque constant de fonds. En outre, les difficultés posées par l’expansion de la colonie et ses conséquences sur les terres et les systèmes d’irrigation des réserves le tourmenteront pendant ses 11 années à ce poste. Les ressources de BAC – aussi bien le premier témoignage de John Freemont Smith devant la Commission royale, que ses derniers rapports rédigés dix ans plus tard – rendent bien compte du dilemme frustrant auquel il est alors confronté. Son rôle consiste à mettre en œuvre une politique visant à encourager l’agriculture et l’élevage, mais il dispose de bien peu de ressources pour mener à bien cet objectif. Pendant ce temps, les agriculteurs, les éleveurs et les entreprises locales détournent les sources d’eau, empiètent sur le territoire des Secwepemc sans autorisation et exercent des pressions pour que les terres qu’ils convoitent soient retirées des réserves.

Ce sera notamment le cas de la réserve no 1 de Kamloops, située de l’autre côté de la rivière Thompson en face de Kamloops, dont la protection et le maintien nécessiteront une vigilance et un combat de tous les instants. Des personnalités influentes de la ville insistent pour que les Secwepemc soient expulsés et leurs terres vendues. Alors qu’il occupe ses fonctions d’agent des Indiens, John Freemont Smith doit gérer plusieurs tentatives d’expulsion, dont celle, en 1913, de la chambre de commerce de Kamloops qui fait valoir auprès de la Commission royale que les Secwepemc gagneraient à vendre leurs terres et à quitter Kamloops, et que la suppression de la réserve faciliterait l’expansion de la ville.

Lettre manuscrite sur un papier à en-tête de la chambre de commerce de Kamloops, apposée sur un formulaire de la Commission royale comportant un numéro de pièce.

Demande déposée par la chambre de commerce de Kamloops auprès de la Commission concernant les terres et les affaires indiennes dans la province de la Colombie-Britannique, visant à vendre l’entièreté ou une partie de la réserve no 1 de Kamloops. (RG 10, volume 11021, dossier 538C de Canadiana Héritage)

Une autre tentative d’expulsion a lieu en 1919 quand Henry Denison, secrétaire de la section de Kamloops du Fonds patriotique canadien, propose d’utiliser les terres pour accueillir les soldats ayant combattu durant la Première Guerre mondiale. Sans surprise, John Freemont Smith s’oppose à cette nouvelle demande d’acquisition des terres de réserve. Son refus suscite une réponse raciste de M. Denison qui, dans une lettre au député H. H. Stevens [en anglais], prétend, sans preuve, que les Secwepemc sont mécontents que le poste d’agent des Indiens soit occupé par un homme noir.

Page d’une lettre dactylographiée comprenant quelques annotations manuscrites.

Page deux d’une lettre de Henry Denison à H. H. Stevens contenant des propos racistes et anticatholiques. (RG 10, volume 7538, dossier 26 154-1 de Canadiana Héritage)

Grâce à ces expériences et à sa grande connaissance des autorités et des politiques locales, John Freemont Smith est bien placé pour repérer les manœuvres injustes contre les Secwepemc. Bien au fait du clientélisme ayant cours dans de nombreuses petites villes, il sait reconnaître les pratiques discriminatoires de certaines collectivités locales. Par exemple, tandis qu’il tente de faire rembourser au chef Titlanetza de la bande de Cook’s Ferry une amende infligée pour colportage, John Freemont Smith explique ainsi la tactique d’une administration municipale [traduction] : « Il est de notoriété publique que les frais d’entretien indirects de la Ville de Merritt sont en grande partie couverts grâce à l’argent extorqué aux Indiens sous forme d’amendes et par d’autres moyens. »

John Freemont Smith travaillera comme agent jusqu’en 1923 et restera à Kamloops jusqu’à la fin de sa vie. Il continuera d’écrire pour le journal local et poursuivra ses activités bénévoles dans diverses organisations civiques comme le club Rotary local. Il rendra l’âme dans son bureau, dans l’édifice Freemont, le 5 octobre 1934.

Co-Lab est un outil en ligne par lequel BAC permet aux utilisateurs d’étiqueter, de transcrire, de traduire et de décrire les documents numérisés sur son site Web. À l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs, BAC a créé un défi Co-Lab afin de transcrire les documents relatifs au travail de John Freemont Smith comme agent de Kamloops. Veuillez noter que certains de ces documents peuvent contenir des termes dépassés, indélicats ou offensants.

Pour en savoir plus sur John Freemont Smith et sur la vie des Secwepemc à cette époque, nous vous invitons à consulter les ressources suivantes [en anglais] :


Caitlin Webster est archiviste principale à la Division des services de référence au bureau de Vancouver de Bibliothèque et Archives Canada.

Résister : La longue histoire de l’activisme noir au Canada

Par Amina Musa et Krista Cooke

En 1628, un garçon de six ans est enlevé par des marchands d’esclaves de Madagascar, devenant le premier esclave documenté en Nouvelle-France. La lutte contre l’esclavage et contre le racisme qui en découle, menée pour obtenir le respect et l’égalité juridique des Canadiens noirs, dure donc depuis plusieurs siècles. L’amélioration de la qualité de vie d’un groupe racial marginalisé est un combat constant composé de moments de courage individuel et d’actions collectives.

Photographie noir et blanc de trois jeunes assis à une table dans une salle de réunion, tenant des notes d’allocution ou des ordres du jour. À la gauche se trouve une femme blanche avec des cheveux courts et une veste en suède. Au centre, une femme noire porte des lunettes fumées et un large bandeau. À droite, un homme noir porte un chandail à motifs et une veste unie. Sur le mur derrière eux, au-dessus de leur tête, est accroché un grand portrait photographique d’un homme blanc âgé vêtu d’un veston et d’une cravate.
Conférenciers lors d’une réunion de la Greater Windsor Foundation, 1963. (MG28-I119)

La photo ci-dessus, prise en 1963 par Irv King, à l’apogée du mouvement américain pour les droits de la personne, montre des jeunes qui travaillent avec la Greater Windsor Foundation, en Ontario, afin de changer les choses dans leur communauté.

La collection de Bibliothèque et Archives Canada (BAC) comprend des œuvres d’art, des photographies, des documents, des cartes et des archives audiovisuelles qui montrent ce qui a changé et ce qui est demeuré stable dans la vie des Canadiens noirs. Fort incomplète, elle comprend néanmoins des ressources intéressantes, comme celles sur les loyalistes de l’Empire-Uni, la colonie d’Elgin, les porteurs ferroviaires ainsi que des auteurs, politiciens et militants pour les droits de la personne de la fin du 20e siècle (dont ceux mentionnés plus bas).

Au cours des siècles, de nombreuses personnes se battent contre le racisme systémique au Canada. Certains se concentrent sur la célébration, la documentation et la conservation des cultures riches et diversifiées au sein de leurs communautés. D’autres défient le statu quo par des procédures judiciaires et de nouvelles politiques. D’autres encore établissent des réseaux de soutien pour aider leurs concitoyens à s’épanouir financièrement et psychologiquement. Beaucoup s’impliquent dans les trois catégories pour offrir un avenir meilleur aux générations futures de Canadiens noirs.

Une foule défile au milieu d’une rue dans une petite ville. Des magasins en bois bordent la rue de chaque côté. La foule est menée par un homme noir distingué, moustachu, vêtu d’un haut-de-forme et d’une queue-de-pie, qui se déplace à cheval. Une fanfare, des groupes de petits garçons et plusieurs adultes marchent derrière lui. La plupart des gens dont le visage est visible dans la foule semblent Noirs. En arrière-plan, un deuxième cheval tire un char sur lequel se tiennent des femmes vêtues de robes blanches et de chapeaux à large bord.
Défilé du jour de l’émancipation à Amherstburg (Ontario), 1894 (a163923)

De nos jours, la célébration de la culture noire et de son importance au Canada revêt de nombreuses formes : richesse littéraire, musicale et artistique; centres culturels, musées et sites historiques; Mois de l’histoire des Noirs; programmes universitaires en études de la communauté noire; festivals divers; etc. Au nombre de ces événements, il y a le jour de l’émancipation, célébré chaque année (depuis 1834!) pour commémorer l’adoption de la loi sur l’abolition de l’esclavage. La photo ci-dessus montre le défilé de 1894 à Amherstburg, en Ontario.

Tous ces festivals, livres et musées ont une chose en commun : ils sont l’œuvre de gens déterminés qui tiennent à célébrer la culture et l’histoire des Noirs. BAC possède des collections sur un grand nombre de ces personnes et organisations, notamment :

Leur activisme, combiné à celui de nombreuses autres personnes, a façonné la manière dont les Canadiens de tous les horizons comprennent l’histoire des Noirs.

Un portrait en buste d’un homme noir âgé vêtu d’une toge de juge et d’une chemise blanche impeccable. Sa toge noire est décorée d’une écharpe bourgogne. L’homme, qui regarde directement l’observateur, a de courts cheveux gris et une moustache blanche.
Portrait du juge de la citoyenneté Stanley Grizzle, peint par William Stapleton (c151473k)

La lutte contre la discrimination de la communauté noire est jalonnée d’obstacles juridiques. Au début du 20e siècle, beaucoup de personnes noires se voient refuser l’accès à des ressources et n’ont pas droit aux mêmes possibilités que les autres. Pour combattre cette inégalité, il faut souvent contester ces restrictions au tribunal.

Stanley Grizzle commence à prendre part à cette lutte dans les années 1930, dans son rôle de membre fondateur du Railway Porter’s Trade Union Council, à Toronto. Il a consigné par écrit les efforts d’autres militants, laissant ainsi une vaste collection de dossiers de recherche à BAC.

Stanley Grizzle a notamment documenté les activités de Charles Roach, un militant et avocat spécialisé des droits de la personne qui utilise ses connaissances juridiques pour représenter de nombreuses personnes victimes d’oppression et vivant des difficultés, dont des réfugiés souhaitant immigrer au Canada. Roach est le cofondateur du Black Action Defence Committee, une organisation créée en 1970 à Toronto en réponse au décès de plusieurs hommes noirs aux mains de policiers. Ce comité a joué un rôle crucial dans la formation de l’Unité des enquêtes spéciales de l’Ontario.

Pearleen Oliver, qui a récemment fait l’objet d’une nouvelle biographie, mène en 1940 une campagne couronnée de succès pour renverser l’exclusion des femmes noires dans les écoles de soins infirmiers. Avec son mari, le docteur William Pearly Oliver, elle fonde la Nova Scotia Association for the Advancement of Coloured People afin de lutter contre la discrimination relative à l’embauche, à l’éducation et au logement.

Charles Roach, Stanley Grizzle et le couple Oliver ne sont que quelques-uns des acteurs de changement dans la communauté des militants. Beaucoup d’autres ont laissé des marques profondes dans la société canadienne.

Esquisse d’un portrait d’une femme assise. L’artiste a représenté la jupe de la femme à l’aide de traits très simples, mais a peint le visage en aquarelle. La tête et le haut du portrait sont plus détaillés que le reste du corps. La femme, noire, porte un foulard de tête noir et blanc avec des motifs, un châle, une blouse à larges manches resserrées aux poignets, des gants et une jupe. Elle est assise, les mains jointes sur ses genoux, et semble regarder au loin, au-dessus de l’épaule gauche de l’observateur.
La « généreuse femme de couleur » (Good Woman of Colour), de lady Caroline B. Estcourt (c093963k)

Au fil des siècles, les préjugés raciaux prennent des formes très diverses au Canada. De l’esclavage à l’inégalité sanctionnée par la loi – qui empêche beaucoup de Canadiens noirs de choisir leur lieu de travail ou de culte, leur logement ou leur établissement d’enseignement –, en passant par la dure réalité du racisme systémique, de nombreux facteurs marginalisent des générations de Canadiens noirs. Il devient ainsi particulièrement important pour les membres de ces communautés de se soutenir mutuellement.

Par exemple, cette femme de la région de Niagara, dont le nom reste inconnu, a impressionné l’artiste qui a esquissé son portrait, car elle a pris soin d’un homme noir démuni et malade qui n’était plus capable de payer son loyer. Le Cygne noir (Elizabeth Greenfield), chanteuse de concert américaine et ancienne esclave, a fait don des bénéfices d’un concert, en 1855, pour financer le déplacement d’esclaves en fuite au Canada.

Plus récemment, des organisations comme la Home Service Association, à Toronto, et le Negro Community Centre, à Montréal, ont offert de l’aide aux personnes dans le besoin, fait la promotion d’événements culturels noirs et invité des conférenciers à parler de sujets importants tels que l’apartheid et le mouvement pour les droits de la personne.

Photographie noir et blanc de trois petites filles noires tenant des jouets. Les deux fillettes à gauche tiennent des poupées de porcelaine, et celle à droite, un gros ourson en peluche. Les trois enfants sourient timidement au photographe et aux passants. Elles sont bien habillées, ont les cheveux coiffés en tresses décorées de rubans, et se tiennent debout devant un mur couvert d’affiches.

Trois jeunes filles, Eleitha Haynes, Elizabeth Phillips et Camille Haynes, célèbrent la Semaine de la fraternité au Negro Community Centre, à Montréal, en 1959. Photo : Dave Legget (e011051725)