Attendez-vous à des surprises!

Par Forrest Pass

Qu’est-ce que des cartographes inuit, le compositeur allemand Ludwig van Beethoven, un célèbre faussaire de timbres italien et des espions soviétiques peuvent bien avoir en commun? C’est simple : tous ont des œuvres conservées dans la collection de Bibliothèque et Archives Canada! Leurs artefacts, et bien d’autres encore, sont présentés dans l’exposition Inattendu! Trésors Surprenants de Bibliothèque et Archives Canada, inaugurée au Musée canadien de l’histoire le jeudi 8 décembre 2022. Les visiteurs auront le privilège d’admirer de nombreux articles que l’on ne s’attend guère à retrouver dans la bibliothèque et les archives nationales du Canada.

Quelque 40 documents originaux, cartes, photographies, livres rares et œuvres d’art sont au menu. Les lecteurs assidus du blogue savent déjà que les chercheurs et notre personnel trouvent souvent des surprises dans la collection, une source inépuisable d’histoires insolites à raconter. Inattendu! vous propose de grands classiques, mais aussi de nouvelles trouvailles qui n’avaient encore jamais été exposées.

Papier ligné portant du texte manuscrit à l’encre noire, avec des mots biffés en rouge.

Un agent secret reçoit des directives de ses supérieurs. En 1945, les autorités canadiennes reçoivent des documents d’espionnage soviétiques comme celui-ci, ce qui contribue au déclenchement de la Guerre froide. (e011316511_s1)

L’exposition se divise en trois thèmes. Le premier, « Merveilles », présente des artefacts qui intriguent ou fascinent leur public depuis leur création. Les visiteurs apprendront comment une composition manuscrite de Beethoven a abouti au Canada et découvriront à quoi ressemblait la réalité virtuelle au 18e siècle. En outre, deux visions opposées de l’Arctique seront présentées : celle d’un cartographe européen qui n’a jamais visité la région, mais qui pallie cette lacune avec une vive imagination, et celle de deux cartographes inuit profondément enracinés dans ce territoire.

Une rue où se trouvent des bâtiments roses, verts et beiges, des soldats, un chien, un cheval et un chariot.

La perspective adoptée sur ce dessin imaginaire d’une rue de Québec apparaît en trois dimensions lorsqu’elle est regardée à l’aide d’un zograscope. Un appareil de ce type a été reconstitué pour l’exposition afin que les visiteurs puissent vivre une expérience de réalité virtuelle fort à la mode dans les années 1770. (e011309357)

Dans le deuxième thème, « Secrets », l’exposition examine comment et pourquoi les gens gardent des secrets, et comment ils s’y prennent pour les divulguer aux personnes qui ont besoin de savoir. Les visiteurs pourront déchiffrer une lettre d’amour codée, s’interroger sur le symbolisme d’un tableau rituel maçonnique peint il y a des siècles, et comprendre pourquoi un archiviste fédéral a tenté d’inscrire des chats sur la liste de paie du gouvernement.

Le troisième et dernier thème, « Mystères », propose des questions non résolues. Les visiteurs auront la chance d’analyser un dossier d’enquête sur un OVNI et de contempler la « carte dans une tête de fou », imprimée au 16e siècle. Probablement l’une des cartes les plus étranges jamais dessinées!

Deux timbres jaunes placés en diagonale sur une page. Une étampe à l’encre bleue est apposée sur chacun.

Un de ces timbres de 1851 du Nouveau-Brunswick est une contrefaçon. Pouvez-vous le reconnaître? (e011309360 et e011309361)

Certains artefacts de l’exposition sont amusants, d’autres sont étranges, et d’autres encore suscitent la réflexion. Mais tous révèlent quelque chose d’important sur le passé, pourvu qu’on ne s’arrête pas à leur côté insolite. Ce n’est pas pour rien qu’ils ont fait leur chemin jusqu’à la collection de Bibliothèque et Archives Canada!

Inattendu! est le dernier volet d’une série d’expositions organisées par Bibliothèque et Archives Canada en partenariat avec le Musée canadien de l’histoire. En tant que conservateur, j’ai eu le plaisir et l’honneur de collaborer avec une équipe multidisciplinaire réunissant des professionnels des expositions et des collections des deux institutions. En plus d’accueillir l’exposition, le Musée a exploité son expertise du développement créatif et de la scénographie pour créer une ambiance rappelant celle des romans policiers et des films d’espionnage du milieu du siècle dernier. Il a aussi créé des éléments interactifs pour aider les visiteurs à mieux comprendre et apprécier les artefacts.

Inattendu! Trésors Surprenants de Bibliothèque et Archives Canada sera à l’affiche au Musée canadien de l’histoire jusqu’au 26 novembre 2023. Au cours des prochains mois, ce blogue et les comptes de médias sociaux de Bibliothèque et Archives Canada donneront plus de détails sur les formidables trésors exposés. C’est à ne pas manquer!


Forrest Pass est conservateur dans l’équipe des Expositions de Bibliothèque et Archives Canada.

La petite histoire : les récits cachés des enfants, une exposition au Musée canadien de l’histoire

Trop souvent, nos livres d’histoire présentent une vision romancée de la vie et de la contribution des enfants, quand ils ne les ignorent pas carrément. Pourtant, la vie des moins puissants, même si elle laisse bien peu de traces, peut s’avérer très révélatrice – à condition d’être préservée!

L’exposition La petite histoire : les récits cachés des enfants, tenue au Musée canadien de l’histoire, met en lumière les expériences uniques de certains enfants, retrouvées parmi les archives. On peut y admirer des documents, des photos, des œuvres d’art et des artéfacts rares tirés des collections du Musée et de Bibliothèque et Archives Canada.

Les enfants écrivent rarement leurs propres récits et anecdotes, que l’on découvre plutôt par bribes dans du matériel produit par des adultes, comme des portraits officiels tirés de collections familiales ou des documents gouvernementaux ou institutionnels. Ces fragments d’existences révèlent l’attitude des adultes à l’égard des enfants et les répercussions que les lois et politiques ont eues sur eux au fil du temps.

Peinture à l’huile de deux fillettes vêtues à l’identique, avec des robes rouges à cols de dentelle et des colliers rouges. L’une d’entre elles tient un petit chien.

Céline et Rosalvina Pelletier. Attribuée à James Bowman, vers 1838. Huile sur toile (MIKAN 2837219)

Avant l’avènement de la photographie, les individus étaient représentés au moyen de portraits peints. Les enfants pauvres y figuraient rarement, ce qui témoigne de l’élitisme de cette forme d’art. Dans ce portrait des sœurs Pelletier, tout reflète la richesse et le statut social de leur famille. Représentées à l’image d’adultes en miniature, elles portent une tenue empesée; l’une tient un teckel nain, symbole de fidélité, et toutes deux arborent un collier de corail, censé repousser les maladies infantiles.

Photo noir et blanc de trois enfants : l’un assis au centre, et les deux autres debout.

The children we seek to help [Ces enfants que l’on cherche à secourir]. Photographe inconnu, vers 1900. Épreuve à la gélatine argentique (MIKAN 3351178)

Les documents institutionnels contiennent de précieux renseignements sur les enfants. À la fin du 19e siècle, le mouvement de « secours aux enfants » a suscité la création d’organismes de protection de l’enfance, dont la Société d’aide à l’enfance. Ces organismes caritatifs aidaient les enfants pauvres, abandonnés et négligés en tenant des orphelinats et des écoles de formation, et en offrant des services d’adoption. Les travailleurs sociaux ont eu recours à la photographie pour documenter leur travail, n’hésitant pas à promouvoir leur cause à l’aide d’images contradictoires où les enfants étaient représentés comme d’innocentes victimes ou des criminels en devenir.

Les récits du passé négligent parfois la présence des enfants, quand ils ne l’occultent pas complètement. Pourtant, ces derniers ont eux aussi participé à des événements marquants de l’histoire du Canada ou en ont ressenti les effets.

Photo noir et blanc de deux enfants appuyés contre un guéridon, une main sur la joue.

Jean-Louis et Marie-Angélique Riel. Steele & Wing, vers 1888. Impression à l’albumine (MIKAN 3195233)

Jean-Louis et Marie-Angélique sont nés au Montana alors que leur père, le chef métis Louis Riel, y était exilé en raison de son rôle dans la Résistance de la rivière Rouge en 1869-1870. Après l’exécution de leur père en 1885, Marie-Angélique est allée vivre à Winnipeg auprès d’un oncle; elle a succombé à la tuberculose en 1896. Après avoir adopté le nom de sa mère, Jean-Louis est déménagé à Montréal et est décédé à l’âge de 25 ans des suites d’un accident de charrette.

Lettre écrite à la main par Louis Riel, adressée à sa femme et à ses enfants.

Lettre de Louis Riel à sa femme et à ses enfants, 1885. Encre sur papier (MIKAN 126629)

Cette ultime lettre de Louis Riel à son épouse et à ses enfants donne une perspective personnelle du chef métis. Riel l’a rédigée le 16 novembre 1885, le jour de sa pendaison à Regina. Il y parle de ses enfants, demande à sa femme de les faire prier pour lui, et la termine ainsi : « Gardez courage. Je vous bénis. Votre père, Louis ‟David” Riel ».

Les objets créés par des enfants ont une vie éphémère et se retrouvent rarement dans des collections. Et lorsque c’est le cas, ils sont bien cachés, souvent intégrés au patrimoine des familles et des communautés; en outre, l’identité de leurs jeunes auteurs n’est pas toujours mentionnée. Néanmoins, ils sont plus susceptibles de resurgir si leurs auteurs ont grandi au sein de familles célèbres ou le sont eux-mêmes devenus.

Le journal intime de Sandford Fleming, ouvert et montrant un exemple de son écriture.

Journal intime de Sandford Fleming, 1843. Crayon et papier (MIKAN 4938908)

Ce journal, tenu par Sandford Fleming à l’âge de 16 ans, laisse présager sa réussite à titre d’ingénieur et d’inventeur. Rempli de dessins architecturaux, de formules scientifiques et d’inventions, le document illustre le bouillonnement intellectuel de Fleming.

Peu communs, les lettres et les journaux d’enfants ouvrent une fenêtre sur leur univers, révélant leurs façons uniques de parler, de penser et d’appréhender le monde. Intimes, candides et parfois fantaisistes, les journaux intimes, les lettres et les dessins créés par des enfants nous invitent à voir l’histoire autrement.

Portrait noir et blanc d’un jeune homme vêtu d’un uniforme, les bras croisés.

Portrait d’Arthur Wendell Phillip Lawson. Photographe inconnu, 1918. Épreuve sur collodion mat (MIKAN 187937)

Journal écrit à la main. Pour chaque journée, on aperçoit des tableaux montrant les résultats des parties de la série mondiale du baseball majeur.

Journal intime d’Arthur Wendell Phillip Lawson, 1914. Encre, papier, cuir (MIKAN 129683)

Dans ce journal, Arthur Lawson, alors âgé de 16 ans, livre ses états d’âme ainsi que sa vision du monde, d’un point de vue d’adolescent. Rédigé au début de la Première Guerre mondiale, il entremêle les mentions des batailles faisant rage outre-mer et des remarques anodines sur la météo, les événements familiaux (comme l’anniversaire du frère de Lawson) et les résultats de la série mondiale du baseball majeur en cours, opposant les Braves de Boston aux Athletics de Philadelphie. Arthur Lawson s’est enrôlé avant la fin de la guerre.

Pour découvrir d’autres récits captivants, visitez l’exposition La petite histoire : les récits cachés des enfants, présentée du 30 mars 2018 au 27 janvier 2019 au Musée canadien de l’histoire, dans la salle « Les trésors de Bibliothèque et Archives Canada ».