La conservation des cahiers de dessins de William Redver Stark : dates et lieux

Dans cette dernière partie concernant l’ordre des pages, nous allons nous intéresser aux dates et lieux de séjour de William Stark en Europe, en recoupant les informations consignées dans ses cahiers avec les événements vécus par son unité militaire et les lieux où elle a été déployée.

Dans plusieurs de ses cahiers, Stark a écrit le nom de la ville ou du village qu’il a dessiné, en y ajoutant parfois la date. Ces annotations nous permettent aujourd’hui de bien mesurer le temps que Stark a passé en France et en Belgique; elles sont aussi très utiles pour replacer les feuilles détachées en ordre séquentiel.

Nous avons pu vérifier plusieurs de ces dates et lieux en consultant les journaux de guerre du 1er bataillon des troupes ferroviaires canadiennes. Les journaux de guerre sont des comptes rendus quotidiens des unités de la Première Guerre mondiale.

Photographie couleur d’un cahier de dessins ouvert, montrant une aquarelle d’un train transportant un canon naval allemand monté sur un wagon. Le canon est entièrement recouvert de peinture de camouflage. Des soldats se tiennent debout à proximité; ils regardent le canon et discutent.

Cahier de dessins montrant un canon capturé lors de la deuxième bataille de la Somme, daté d’août 1918 par Stark. (MIKAN 3029137)

Reproduction en noir et blanc d’une page dactylographiée où l’on peut lire une inscription datée du 14 août 1918 : « Le gros canon naval allemand de 11,5 pouces sur rails, capturé durant la récente attaque, a été transporté depuis le Chemin Vert. Il a été capturé en entier, avec les munitions et la locomotive. […]

Page du journal de guerre du 1er bataillon des troupes ferroviaires canadiennes où est consignée la capture d’un canon naval allemand le 14 août 1918.

Une photographie couleur d’un cahier de dessins vu de biais, montrant les berges d’une rivière avec la date et le lieu dans le coin inférieur droit, « Perrone avril 17 ».

Vue de Péronne, trouvée dans le cahier de dessins no 7 et datée d’avril 1917 (MIKAN 3028908).

Une reproduction en noir et blanc d’une page manuscrite portant l’inscription suivante datée du 15 avril 1917 : « […] le quartier général du bataillon a été déménagé à Peronne. »

Le journal de guerre du 1er bataillon des troupes ferroviaires canadiennes montrant la première inscription faisant référence au déménagement du quartier général du bataillon à Péronne.

Veuillez consulter Flickr pour voir d’autres images illustrant la conservation de livres et de documents visuels.

Les BD à Bibliothèque et Archives Canada

Vous ne serez pas surpris d’apprendre que Bibliothèque et Archives Canada (BAC), le gardien du patrimoine documentaire national, conserve une gamme de publications canadiennes. Mais saviez-vous qu’il possède aussi une grande collection de bandes dessinées publiées au Canada et à l’étranger par des auteurs canadiens?

C’est généralement grâce au dépôt légal que BAC acquiert les BD publiées au pays, mais deux donateurs privés lui ont aussi confié d’importantes collections.

La plus grande, la collection de bandes dessinées canadiennes John Bell, provient d’un ancien archiviste de BAC et historien de la bande dessinée, John Bell. Elle compte environ 4 000 BD en tous genres, allant des histoires de superhéros de la Deuxième Guerre mondiale aux magazines du 21e siècle. Elle n’est pas cataloguée, mais la liste complète se trouve dans AMICUS.

Photographie en couleur montrant une boîte contenant des fichiers avec des étiquettes. Un fichier est à moitié sortie de la boîte et montre une BD avec une couverture rouge avec le prix modique de 10¢.

Une boîte de la collection Bell Features cataloguée et emboîtée

La collection Bell Features est elle aussi riche en BD canadiennes de la Deuxième Guerre mondiale. Elle compte pas moins de 382 bandes dessinées provenant des archives de la maison d’édition torontoise Bell Features, un des plus grands éditeurs canadiens de l’époque. Composée de BD anciennes extrêmement rares, elle compte parmi les plus importantes ressources sur les bandes dessinées. Tous les titres de cette collection ont été catalogués dans AMICUS.

Depuis quelques décennies, les bandes dessinées et les romans illustrés, à l’instar d’autres genres littéraires, font l’objet d’études sérieuses. Mais cela n’a pas toujours été le cas : dans les années 40, elles étaient plutôt perçues comme des livres jetables pour enfants, comme le démontrent les jeux publiés dans les BD de Bell Features. De nature éphémère, elles étaient imprimées sur du papier journal de piètre qualité, ce qui soulève des difficultés du point de vue de leur conservation. Heureusement, les conditions ambiantes sont optimales dans les chambres fortes ultramodernes du Centre de préservation de BAC.

Les BD de la collection Bell Features sont protégées de la lumière et de la saleté dans des boîtes fermées, sans acide. Chaque bande dessinée est placée dans une enveloppe de papier dont le haut et le côté se détachent; il est donc possible de la sortir sans l’accrocher ou la déchirer. En outre, la réserve alcaline des enveloppes ralentit la détérioration du papier causée par l’acide.

Pour découvrir le monde passionnant des bandes dessinées canadiennes, écoutez notre balado Protecteurs du Nord : les bandes dessinées au Canada.

Ressources connexes

D’autres ajouts à la Collection de livres rares : un recensement

Après avoir reçu les derniers ajouts à la Collection de livres rares, l’équipe de la restauration a procédé à un recensement ou à une enquête afin de déterminer l’état de la collection. Les restaurateurs de Bibliothèque et Archives Canada (BAC) ont élaboré les questions du recensement en consultation avec des bibliothécaires spécialisés dans les livres rares. L’équipe de la restauration a ensuite évalué les livres individuellement et consigné l’information.

Les principaux renseignements consignés portaient sur l’état de la collection, mais ils renfermaient aussi des données sur les ornements et le style des livres. On a documenté tous les détails relatifs à l’état de chaque livre à l’origine, les travaux de restauration requis — qu’il s’agisse de travaux mineurs ou majeurs – ainsi que les dommages structurels observés. On a aussi pris note du degré de détérioration du cuir et du besoin de consolidation du cuir (un traitement de surface visant à empêcher la détérioration). De plus, on a déterminé l’emballage idéal pour chaque livre, que ce soit une enveloppe ou une enveloppe et une attache ou encore un boîtier, et l’on a consigné cette information. On a noté d’autres détails : les ornements sur la couverture, la présence de papier marbré et d’ex-libris, de même que toute autre inscription intéressante, des volumes manquants, etc.

Graphique circulaire illustrant les portions de la nouvelle collection en fonction de leur état, de mauvais à excellent.

Figure 1. Résultats du recensement de l’état des nouveaux livres rares.

Après le recensement, on a procédé à la consolidation du cuir de 499 livres sur un total de 518. Après les traitements, on a constaté qu’environ 8 % de la collection était passée d’un état passable à bon. Le nombre de livres dans un état passable a diminué, de 38 % à 30 %, et le nombre de livres en bon état a augmenté, de 27 % à 35 %. Seulement 15 % de la collection devaient être remboîtée, ce qui a été fait.

Un tableau et un graphique circulaire illustrant les types d’emballage requis en ce qui concerne la collection. La grande majorité des ouvrages n’ont pas besoin d’un emballage spécial, tandis que d’autres nécessitent une enveloppe, une enveloppe et une attache ou des boîtiers.

Figure 2. Éléments de la collection devant être remboîtés.

Maintenant que le recensement est terminé, l’équipe a rédigé un rapport qui résume et présente tous les résultats au moyen de graphiques et de tableaux simples. Le rapport constituera un précieux outil pour les restaurateurs et permettra de planifier les prochains projets de restauration en plus de servir d’instrument de recherche pour les bibliothécaires et archivistes.

Nouveaux livres ajoutés à la Collection de livres rares : stabilisation du cuir

Une collection de livres publiés avant 1800 a été récemment transférée dans la Collection de livres rares de Bibliothèque et Archives Canada (BAC). Un recensement de la collection a révélé que la plupart des livres présentaient une détérioration du cuir à divers niveaux. Dans certains cas, le cuir était fissuré et s’écaillait, et dans des cas extrêmes, le cuir s’effritait. C’est un problème courant et inhérent au cuir fabriqué à cette époque. Deux processus contribuent à la détérioration du cuir : la réaction aux polluants environnementaux des tanins utilisés dans la fabrication du cuir (hydrolyse) et l’exposition du cuir à la lumière, à la chaleur et à l’oxygène (oxydation). L’hydrolyse et l’oxydation entraînent la désintégration progressive des fibres du cuir et affaiblissent son intégrité structurale. Le sous-produit de la désintégration du cuir est une poudre acide, souvent de couleur rouge ou orangée. Non seulement cette détérioration constitue-t-elle une menace immédiate pour la structure du livre, mais elle menace également le reste de la collection à cause de la contamination par la poussière et les particules du cuir. Dans bien des cas, le cuir laisse alors des résidus visibles sur les surfaces et les livres environnants. Pour ces raisons, les restaurateurs de BAC ont mis au point et effectué un traitement correctif pour stabiliser le cuir.

Photographie en couleur montrant plusieurs livres sur une table. Le livre à l'avant-plan présente un cuir extrêmement détérioré, et le dos du livre s'est détaché de la couverture.

Cuir détérioré : La première étape du processus consistait à évaluer le degré de détérioration et de procéder à un nettoyage initial de la surface des livres afin de retirer autant de poussière de cuir que possible. Ce travail a été réalisé dans la chambre forte des livres rares, sur les 500 livres, à l’aide d’un petit aspirateur et d’une petite brosse.

La méthode la plus efficace pour stabiliser un cuir détérioré consiste à utiliser un agent de consolidation de surface. Un agent de consolidation est une solution qui est appliquée directement sur le cuir pour sceller la surface. Bien qu’il ne puisse arrêter ou inverser l’instabilité chimique dans un cuir dégradé, il crée une barrière qui protège le cuir contre les particules dans l’air et réduit l’effritement. De plus, la manipulation des livres en cuir dont la surface a été consolidée est beaucoup plus propre.

Tests

Une série de tests ont été effectués afin de déterminer la sensibilité du cuir à l’eau et aux solvants. En nous fondant sur ces résultats, nous avons trouvé la recette d’agent de consolidation la plus appropriée.

Photographie en couleur montrant un morceau de papier divisé en carrés avec des échantillons de cuir dans chaque carré. Chaque carré montre les échantillons avant et après le test.

Le test effectué est appelé mesure de la température de rétrécissement. De petits échantillons de cuir prélevés sur les livres ont été chauffés dans l’eau jusqu’à ce qu’une réaction se produise. Plus la température de réaction est basse, moins le cuir est stable. Les tests ont conclu que certains cuirs étaient assez instables et qu’ils pouvaient être facilement endommagés par l’application d’agents de consolidation contenant de l’eau et des solvants.

Collage de trois photographies en couleur, chacune montrant un livre avec des petits drapeaux blancs dessus. Les drapeaux indiquent les zones qui ont été testées avec les agents de consolidation.

L’analyse ponctuelle : Quatre recettes d’agents de consolidation ont été créées et testées sur trois volumes représentant les espèces de cuir identifiées dans les livres d’avant 1800 : chèvre, mouton et veau. Le test consistait en un examen visuel pour déterminer la probabilité de décoloration par tachage ou de dépôt de résidus par les divers agents de consolidation de surface.

Les tests ont révélé de façon concluante qu’un agent de consolidation en particulier ne montrait aucun signe visible de tachage ou de résidus sur le cuir. Il s’agit de l’hydroxypropylcellulose dissoute dans un solvant, puis diluée dans un autre. On a donc décidé d’utiliser cette recette pour traiter la collection.

Photographie en couleur montrant une femme tenant un livre dans ses mains gantées et appliquant l'agent de consolidation avec une brosse fine sous une hotte de laboratoire.

Application de l’agent de consolidation sous une hotte de laboratoire.

L’agent de consolidation a été appliqué sur des zones précises à l’aide d’une petite brosse. Le traitement a été effectué sous une hotte de laboratoire, à cause des solvants utilisés dans la recette de l’agent de consolidation. Les livres ont ensuite été laissés pendant 24 heures sous la hotte de laboratoire afin qu’ils dégagent les gaz avant d’être renvoyés en entreposage permanent.

Maintenant que la surface en cuir des livres a été stabilisée, nous pouvons déterminer, avec l’aide des informations du recensement, si d’autres traitements sont nécessaires pour rendre ces livres plus résistants et accessibles pour les générations futures.

Les carnets de croquis de William Redver Stark : marques et papier

Dans cette partie de l’examen des carnets de croquis, nous examinerons deux facettes additionnelles de l’ordre des pages. La première partie observera les marques laissées par les instruments de l’artiste sur le papier à dessin; la seconde examinera le papier et les techniques de reliure dans les carnets de croquis.

Marques laissées par les outils

Lorsqu’un artiste dessine ou fait des esquisses, ses outils laissent fréquemment des marques profondes sur les pages. Ces marques sont de précieux indicateurs visuels qui permettent de remettre dans l’ordre des pages mélangées. Les empreintes que l’on aperçoit sur la surface du papier apparaissent comme le modèle répétitif d’une marque d’une page à la suivante.

Photographie en couleur montant un carnet de croquis qui a des marques profondément enfoncées sur l’une des pages.

Marques du crayon de l’artiste; vue du verso du dessin.

D’autres exemples de marques laissées sur la surface d’un papier sont les types de reliures qui sont utilisés par le relieur. Par exemple, lorsqu’un bloc de feuillets est cousu, le relieur appliquera une colle sur le dos. Il est possible qu’il applique trop de colle et celle-ci déborde alors de certains des trous percés pour la reliure et forme une goutte de colle à l’intérieur du feuillet au centre. Lorsqu’elle a séché et durci, la goutte peut faire une marque sur la page adjacente.

Photographie couleur montrant l’intérieur d’un feuillet; la goutte de colle est parfaitement visible avec la marque correspondante sur la page suivante.

Le résidu de colle de la structure de la reliure qui a débordé sur le feuillet du centre en laissant une marque en miroir.

Les rubans et les fils de couture utilisés dans une reliure peuvent également laisser des marques sur les pages. Les rubans de couture sont collés sous le papier des contreplats. Ils laissent souvent une marque miroir répétitive du ruban, ce qui permet de déterminer l’ordre des pages près du début ou de la fin d’un carnet de croquis. Les marques de fil de couture que l’on retrouve sur les pages détachées peuvent également fournir un bon indice pour déterminer les feuilles de papier qui se trouvent dans le feuillet au centre d’une section.

Photographie couleur montrant le dos détaché d’un carnet de croquis. La marque du ruban de couture est parfaitement visible sur la garde collée et la première page du feuillet.

Détail d’un ruban de couture situé sous la garde collée et de la marque laissée sur la page suivante.

Photographie couleur montrant un carnet de croquis ouvert posé à plat sur une table. Une alène indique les marques du fil à coudre sur le papier.

Transfert visible de la marque du fil de couture sur le papier.

Analyse des pages et du papier

Un bon nombre des carnets de croquis de Stark ont une légère déformation qui est graduelle, convexe et concave et qui s’étend à travers ou le long du bord des pages. Ce gondolage se produit lorsque des carnets de croquis sont dans un environnement très humide. Ici, l’humidité cause une distorsion permanente des pages.

Photographie couleur montrant une vue verticale d’un carnet de croquis; les sections du bas sont clairement déformées et ondulées alors que celles du haut sont parfaitement plates.

Un exemple de gondolage et d’ondulation de la première des trois sections du carnet de croquis que l’on ne retrouve pas dans les deux dernières sections.

L’un des carnets de croquis était déformé le long du bord de trois sections. Les bords ondulés s’adaptaient parfaitement les uns aux autres uniquement lorsque les pages étaient placées dans la bonne position. Ceci nous a donné la vérification requise pour l’orientation et l’ordre adéquats des pages.

Techniques de reliure

Le papier peut également révéler d’autres indices permettant de déterminer l’ordre des pages. Une façon de confirmer l’ordre des pages est d’examiner de près les techniques de reliure, ce qui fournit des preuves très utiles.

Lorsque les pages sont d’abord pliées en sections, des groupes de trois à huit feuilles de papier sont pliées ensemble. Le folio à l’intérieur de la section a naturellement un pli plus aigu que chaque feuillet subséquent dans la section. Les plis deviennent moins aigus et progressivement plus larges au fur et à mesure que le nombre de feuillets par section augmente. Un examen du pli de chaque moitié de feuillet ou de feuillet complet peut permettre de déterminer l’endroit probable dans les sections : première position, ou au centre du feuillet, deuxième, troisième, quatrième position, etc. Une mesure exacte de chaque page confirme également la position.

La technique d’arrondissure et d’endossure est une autre technique de reliure qui donne une indication de l’ordre des pages. La technique est habituellement accomplie en utilisant un marteau pour façonner un dos préalablement cousu et collé. L’arrondissure et l’endossure causent une légère courbure des sections proches du dos; les sections proches du début du livre s’incurvent légèrement vers le recto; les sections centrales sont relativement plates; et les sections proches de la fin du livre s’incurvent légèrement vers le verso. L’arrondissure et l’endossure étaient parfaitement visibles dans les carnets de croquis de Stark et donnaient ainsi une indication utile de l’ordre des sections et des pages.

Photographie couleur montrant une vue en angle d’un carnet de croquis qui met en évidence la courbure produite par la technique de reliure.

Vue de la légère courbure de la section proche du début du bloc de feuillets qui indique les effets de la technique de reliure qui peuvent permettre de déterminer l’ordre exact des pages.

Dans notre prochain volet sur l’ordre des pages, nous examinerons les dates qui sont dispersées dans les différents carnets de croquis et la façon dont elles correspondent à d’autres sources d’information à Bibliothèque et Archives Canada.

Visitez nos albums Flickr ou Facebook pour voir d’autres images de l’examen de la conservation.

Un ajout récent à la collection de livres rares

Une collection de 500 livres publiés avant 1800 a été récemment relocalisée dans la chambre forte des livres rares à Bibliothèque et Archives Canada pour y être conservée en permanence. Cette chambre forte offre des conditions environnementales optimales garantissant la préservation adéquate de cette collection très spéciale au bénéfice des générations futures. Avant leur transfert à Bibliothèque et Archives Canada, ces livres appartenaient à la Bibliothèque du Parlement. La majeure partie de la collection est constituée d’ouvrages publiés en Angleterre ou en France, et beaucoup de ces oeuvres comprennent plusieurs volumes. Les sujets traités vont de la géographie à l’histoire, en passant par le théâtre et les essais.

Photographie couleur montrant des rangées de livres sur une étagère. Chaque livre est identifié par une bande de papier portant une cote topographique.

Emplacement permanent dans la chambre forte des livres rares.

À propos de la collection

La plupart des livres possèdent une reliure du 18e siècle, entièrement ou partiellement en cuir, fabriquée à la main. La collection comprend également certains ouvrages reliés en papier, en tissu ou en parchemin. Les livres sont ornés de dorures et de titres complexes, et sont souvent rehaussés de papier marbré aux motifs originaux et très étonnants, utilisé généralement comme page de garde.

Photographie couleur d’un livre ouvert montrant un somptueux papier marbré servant de page de garde.

Détail d’un papier marbré.

Collage photographique en couleur de quatre estampilles représentant un castor, illustrant les différents styles d’estampilles que l’on retrouve sur les livres.

Le « castor » de la Bibliothèque du Parlement estampillé sur le dos de plusieurs livres. Le style et les motifs complexes du castor ont évolué au fil des ans, mais la marque bien connue demeure facilement identifiable.

État de conservation des livres

Avant d’être ajoutés à la collection de livres rares, plusieurs de ces ouvrages ont subi des dommages dus à différents facteurs tels que l’humidité, la température, la lumière et la poussière. Quelques livres sont en excellent état, avec une reliure et un bloc de feuilles parfaitement intacts, mais plusieurs sont endommagés et montrent des signes de détérioration. Certains volumes ont été abimés par l’eau et le feu, ou contiennent des traces d’infestation d’insectes ou de rongeurs nuisibles, alors que d’autres sont affaiblis et détériorés par des siècles de manipulation.

Pourriture rouge et détérioration du cuir

Un fort pourcentage de la collection (environ 90 %) présente une détérioration du cuir plus ou moins grave. Dans certains cas extrêmes, les conservateurs l’identifient à de la pourriture rouge. Ce genre de détérioration est un problème qui touche fréquemment les cuirs de cette époque, car les tanins utilisés dans leur processus de fabrication contiennent des produits chimiques qui, avec le temps et au contact de l’oxygène, subissent une transformation chimique qui détruit la structure moléculaire du cuir. Ce phénomène provoque un affaiblissement du cuir qui s’effrite et se transforme en poudre.

Photographie couleur d’une main gantée tenant un livre portant des signes évidents de pourriture rouge. Le gant et la manche sont couverts d’une fine poussière brun-rouge.

Un exemple de pourriture rouge — cette expression décrit la poudre rougeâtre qui apparaît à la surface d’une reliure de cuir gravement endommagée.

Prochaines étapes pour cette collection

Il y a tant à apprendre de cette collection de magnifiques livres anciens. Ne manquez pas nos prochains billets portant sur l’inventaire physique de la collection, comprenant une description détaillée de son état de conservation, des divers traitements de conservation requis, de la composition matérielle des livres, des types de décorations, etc. Consultez aussi le blogue suivant, qui explique en détail les étapes à entreprendre pour préserver cette remarquable collection.

Les cahiers de dessins de William Redver Stark : taches et parties manquantes

Ce nouvel article sur les cahiers de dessins de William Stark s’intéresse plus particulièrement aux taches et aux parties manquantes. Dans le contexte, une tache est une décoloration des fibres du papier, alors qu’une partie manquante désigne un morceau de papier détaché ou manquant.

Imaginez William Stark glissant un cahier de dessins dans son sac militaire ou dans la poche de son manteau, par tous les temps et dans toutes sortes de situations. Comme il n’était pas un peintre de guerre officiel, Stark a probablement exécuté ses dessins durant ses temps libres ou lorsqu’il était en permission. Grâce à ses cahiers, nous pouvons l’accompagner dans une visite au jardin zoologique de Londres, lors d’une promenade à la campagne ou au bord de la mer. Ses dessins représentent généralement des personnes, des paysages ou des scènes de la vie quotidienne.

Ces cahiers montrent de nombreux signes de détérioration physique due aux manipulations et déplacements effectués par Stark durant son service de guerre, mais aussi à la longue période de 75 ans qui s’est écoulée entre la fin de la guerre et leur acquisition par BAC. Comme vous pouvez l’imaginer, en raison des terribles conditions de vie au front, les dommages causés par l’eau sont très importants. L’eau fait non seulement gondoler le papier, mais elle peut aussi y laisser une ligne brune. Le phénomène se produit lorsqu’un liquide dépose des matières dissoutes, telles que poussières, colorants ou autres produits en bordure de la partie humide, laissant apparaître une ligne plus foncée que le reste de la tache lorsque le papier sèche.

Les lignes brunes trouvées sur deux ou plusieurs pages consécutives sont l’un des nombreux indices visuels utilisés pour établir l’ordre original des pages d’un cahier.

Photographie couleur de la face interne du dos d’un livre montrant une tache d’humidité bordée d’une ligne plus foncée

Détail d’une tache d’humidité bordée d’une ligne brune plus foncée le long du dos.

On remarque également quelques taches graisseuses ou huileuses et des gouttes d’encre sur le bord des pages. Ces taches prennent souvent la forme de motifs qui se répètent d’une page à l’autre de manière croissante ou décroissante. Elles sont aussi de très bons indices pour nous aider à remettre en ordre les pages d’un cahier.

Photographie couleur d’un des côtés d’un livre ouvert montrant des pages ventilées et un outil pointant une tache graisseuse qui se répète sur le bord de chaque page.

Taches graisseuses trouvées sur le bord de plusieurs pages.

Photographie couleur d’un cahier de dessins, prise en plongée, montrant des taches d’encre sur le bord des pages

Tache d’encre dont le motif se répète sur le bord de chaque page.

Un morceau de papier manquant selon un motif qui se répète sur plusieurs pages est un autre indice visuel très utile dans ce travail de détective. Ce peut être, par exemple, plusieurs pages qui ont été déchirées ou indentées au même endroit.

Photographie couleur d’un cahier de dessins montrant un morceau de papier de forme triangulaire qui manque au même endroit sur plusieurs pages

Exemple d’un morceau de papier manquant dont le motif se répète sur le bord des pages d’un cahier de dessins.

Visitez notre album Flickr sur la conservation des cahiers de dessins pour consulter d’autres photos de ce travail de détective. Vous pouvez aussi voir les articles précédents dans la série les mercredis de la conservation sur le blogue, Facebook et Twitter.

De l’eau dans les collections!

Mais ce n’est pas ce que vous croyez…

Nous avons récemment dû déménager deux exemplaires de l’œuvre intitulée Venise undersee, qui se trouvent dans la Réserve (livres rares).

Nous avons retiré les objets de leur sac de soie d’origine et découvert des traces de rouille sur le métal. Alerte!

Les œuvres font partie de la collection de livres d’artistes de Bibliothèque et Archives Canada (BAC). La surface de ces globes de bronze de la taille approximative d’une boule de bowling à cinq quilles est parsemée d’extraits de poème en braille. Daniel Hogue a produit dix exemplaires de son œuvre en 1998. Il était inquiétant de voir les premières traces de rouille sur un des globes et une tache assez grande sur une autre de ces magnifiques pièces.

Photographie couleur d’un globe en métal sur un brocart. Une patine de rouille est très visible à la surface du globe.

De la rouille… Que se passe t il?

Notre première idée était de fabriquer de nouveaux contenants et de déménager les pièces au Centre de préservation de BAC, dans une chambre forte avec un faible taux d’humidité, et de vérifier si la corrosion se poursuivait.

Toutefois, la fiche AMICUS a révélé que le taux d’humidité n’y était pour rien puisque les globes de bronze contiennent de l’eau prélevée des canaux de Venise! En effet, en secouant les globes, on entend l’eau s’agiter.

Nous avons là un parfait exemple de « vice propre », c’est‑à‑dire une caractéristique inhérente du document original ayant un effet nuisible à long terme. Il est parfois possible d’en ralentir les effets. À titre d’exemple, la fraîcheur ralentit la détérioration du papier causée par l’acide. Dans le cas présent toutefois, le seul moyen d’arrêter la détérioration serait de modifier la structure de l’objet en y perçant un trou afin de retirer l’eau.

Pour compliquer encore un peu les choses, il est important de tenir compte de l’intention de l’artiste avant de prendre ce type de décisions. La corrosion est‑elle un effet recherché par l’auteur? L’artiste sera‑t‑il mécontent du sort réservé à ses œuvres? Nous avons communiqué avec lui pour en avoir le cœur net. Son verdict est qu’il vaut mieux laisser aller les choses : l’eau érode les structures à Venise et fait la même chose avec cette œuvre.

Photographie couleur d’un globe de bronze et du brocart dans lequel il est emballé (à sa droite) dans un contenant matelassé. Une couche de polyester placée sous la pièce métallique recueillera les éventuelles fuites d’eau.

La pièce est prête à reprendre sa place. Le temps fera son œuvre.

Pour répondre à votre question, nous ne craignons pas qu’une fuite endommage les autres pièces de la collection, car la petite quantité d’eau serait vraisemblablement absorbée par les contenants de carton dans lesquels les globes sont entreposés.

Nous continuerons d’évaluer la vitesse du processus de corrosion pour décider comment gérer ce qu’il restera de l’œuvre.

Les cahiers de William Redver Stark : ordonner les pages

Dans notre dernier billet sur William Redver Stark, nous avons appris que les 14 cahiers de dessins, en plus d’être incomplets, montraient des signes d’usure structurelle et physique. Il manque aussi de nombreuses pages dans cinq d’entre eux. On ne sait pas si elles ont été enlevées par Stark lui-même ou par quelqu’un d’autre plus tard, mais quoi qu’il en soit, cela a plusieurs effets négatifs :

  • L’autre moitié de l’in‑folio est détachée du bloc de feuillets
  • L’orientation et l’ordre des pages sont modifiés
  • Les bords des pages détachées sont endommagés, car ils dépassent les couvertures des cahiers
  • Le dos et la reliure deviennent instables et se détériorent
Photographie en couleurs de deux pages. On voit, sur le bord droit de la page de gauche, une étroite ligne d’aquarelle qui est la suite du dessin.

Une petite ligne d’aquarelle sur le bord de la page de gauche correspond au dessin de la page de droite et révèle que ces pages se suivent.

Pour résoudre ces problèmes, l’équipe de restauration a revu chaque page des cahiers afin de déterminer leur orientation et leur ordre d’origine. Tous les détails ont été observés et consignés soigneusement : le support, l’aquarelle, l’encre ou le graphite, la reliure et les pages endommagées. L’équipe a examiné le papier sous plusieurs sources de lumière et différents angles, scruté les plus menus détails au microscope et mesuré chaque page avec précision.

Photo en couleur d’un cahier de dessins ouvert montrant une aquarelle à gauche et la matière transférée à droite.

Transfert de matière : la page a été tournée avant que l’aquarelle soit sèche. Des pigments verts et bruns de la page précédente ont donc été transférés sur la page suivante. La page détachée est replacée au bon endroit.

Voici les indices les plus concluants révélant l’ordre d’origine des pages :

  • Les transferts et le chevauchement de la matière
  • Les dommages subis par le papier, comme des taches, des déchirures et des bouts manquants qui se répètent sur plusieurs pages
  • Les traces laissées par les instruments de l’artiste et la reliure
  • Les dimensions et l’ondulation du papier ainsi que l’endroit où sont percés les trous pour la reliure
  • Les notes de l’artiste, dont la date et le lieu
Photographie en couleurs d’un cahier de dessins ouvert. La page de gauche comprend le dessin d’un lion qui a laissé des traces sur la page de droite.

Le lion dessiné au crayon à mine, à gauche, a laissé une image symétrique sur la page de droite, confirmant ainsi que les deux pages détachées se suivent.

Après avoir documenté les preuves établissant l’ordre des pages, on a pu commencer le long processus consistant à réordonner celles-ci. Chaque détail a été catalogué dans un tableau de correspondance, pour bien comprendre l’ordre des pages dans chaque cahier.

Image noir et blanc d’un tableau employé pour cataloguer les dispositions actuelle et originale des pages.

Le plan décrit l’ordre actuel des pages et la disposition d’origine probable des cahiers. Les documents précisent le nombre de pages par signature (des groupes de feuilles pliées et cousues ensemble); le numéro et l’emplacement des pages manquantes, déplacées ou blanches; la pagination; et le type de papier. Les notes de l’artiste sont également inscrites.

La première page du tableau de correspondance donne des exemples de transfert et de chevauchement de la matière. Le chevauchement s’est produit lorsque Stark, en dessinant ou en peignant, a dépassé la page ou la zone prévue pour son œuvre. Le transfert de matière a eu lieu quand l’artiste a terminé son travail : une fois le cahier refermé, les pages sont entrées en contact avec des pigments humides ou friables. Dans les deux cas, la matière est visible sur les pages précédentes ou suivantes, ce qui révèle l’ordre d’origine.

Dans le prochain blogue de cette série, nous examinerons comment les pages endommagées nous aident à déterminer l’ordre des pages.

Les papiers ne naissent pas tous égaux

Vous savez peut-être que, depuis 25 ans, des efforts considérables sont investis dans le but de délaisser les papiers acides qui se détériorent rapidement au profit de produits plus stables. Ce courant découle en grande partie des préoccupations du milieu des bibliothèques à l’égard de la détérioration rapide du papier dans leurs collections. Résultat : l’Occident ne produit plus de papier acide, à l’exception du papier journal. C’est une excellente nouvelle pour les bibliothèques, les archives et les consommateurs.

Il est cependant impossible de garantir la survie à long terme (plus de 300 ans) de tous les types de papier. Étant donné que les fabricants modifient régulièrement la composition chimique du papier, il est bon que les consommateurs et les employés des bibliothèques et des archives connaissent les produits sur le marché et la meilleure façon de les utiliser.

Alors, jetons un coup d’œil autour de nous. Notre papier bon marché utilisé pour les photocopies n’est pas acide, comme le montrent les tests réalisés avec un crayon à pH. Ce papier peut porter la mention « sans acide ».

Photographie en couleurs d’un morceau de papier sur lequel il est écrit : « Mauve : bonne nouvelle! ». Il s’agit donc d’un papier sans acide.

Test de pH sur du papier pour photocopieur courant.

Par contre, il ne répond pas aux normes de longévité nécessaires pour faire partie d’une collection sur une base permanente. Il est parfait pour les signets et autres objets éphémères.

Le papier de qualité pour la conservation à long terme porte la mention « permanent » ou « archives » avec le symbole de l’infini placé dans un cercle.

Image du symbole du papier sans acide : le chiffre huit placé horizontalement dans un cercle.

Symbole de l’infini représentant du papier permanent ou du papier d’archives.

Le papier permanent est parfois fait de pâte de bois, qui contient de la lignine acide nuisible. Toutefois, celle‑ci est généralement extraite de la pâte, et aucun acide n’est ajouté durant la fabrication. Le papier permanent est censé survivre plusieurs siècles lorsqu’il est entreposé normalement dans une bibliothèque ou des archives. Le papier « permanent » portant le symbole de l’infini est conforme à la norme ISO 9706 ou à la norme ANSI/NISO Z39.48‑1992.

Le papier d’archives respecte une norme encore plus élevée et peut durer jusqu’à 1 000 ans. Ce papier à base de fibres de cellulose provient de plantes sans bois et ne contient pas de lignine (il s’agit généralement de coton ou de lin). De plus, la norme sur le papier pour documents d’archives (ISO 11108) comprend des exigences sur la solidité que l’on ne trouve pas dans les normes sur le papier permanent.

Il est recommandé d’utiliser du papier permanent ou du papier d’archives pour l’entreposage à long terme dans les collections. Si la solidité est un facteur, par exemple pour les emballages ou les pochettes, il vaut mieux choisir du papier d’archives.

Photo en couleurs d’une pochette employée pour ranger des documents textuels.

Pochette en papier d’archives.

En terminant, n’oubliez pas que les conditions ambiantes influent grandement sur la longévité du papier. On estime que la durée de vie du papier double chaque fois que la température baisse de cinq degrés. Attachez vos tuques!