Perspectives des porteurs noirs : sur les traces de Thomas Nash, porteur de voitures-lits pour les Chemins de fer nationaux du Canada

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Par Andrew Elliott

Dans le premier article de la série Perspectives des porteurs noirs, Rebecca Murray mettait en lumière une photographie datant de la guerre sur laquelle figurait le nom du porteur Jim Jones, originaire de Calgary. Soulignons que, dans le fonds du Canadien National (CN), que je consulte dans le cadre de mon travail, il est plutôt rare de trouver le nom d’un porteur. Cette collection (RG30/R231), l’une des plus importantes acquisitions privées de Bibliothèque et Archives Canada (BAC), devrait en principe regorger de documents relatifs aux porteurs, compte tenu du rôle essentiel qu’ils occupaient dans le service ferroviaire. Malheureusement, jusqu’à tout récemment, c’était loin d’être le cas. Une recherche simple avec le mot-clé « porteur » produisait généralement peu de résultats, voire aucun. Je m’efforce maintenant de remédier à cette lacune.

Ces derniers mois, j’ai minutieusement procédé à l’examen des documents accumulés concernant la division des services aux voyageurs du CN (en anglais). Je suis tombé sur un ensemble de dossiers datant de la fin des années 1960 et portant sur le personnel des services des voitures-lits, des voitures-restaurants et des voitures de passagers (en anglais) du CN. Ces archives couvrent un éventail de sujets, incluant les accidents, les demandes d’assurance, les vols de biens de l’entreprise et les départs à la retraite. Elles offrent aussi un aperçu précieux des conditions de travail des cuisiniers, des serveurs, des garçons de service et des porteurs. Parmi ces documents, un dossier personnel particulièrement intéressant a retenu mon attention : celui de Thomas Nash. M. Nash était un porteur noir dont la carrière exceptionnelle s’est étendue sur 42 ans, depuis son entrée en fonction le 23 juin 1927 jusqu’à sa retraite en août 1969. Son dossier, d’une richesse remarquable, met non seulement en lumière le parcours singulier de M. Nash, mais contribue également à mieux comprendre le quotidien des porteurs noirs à cette époque.

Qui était Thomas Nash?

Le dossier détaillé de M. Nash nous permet de reconstituer progressivement sa biographie. Élevé par ses parents adoptifs à Antigonish, en Nouvelle-Écosse, il s’installe plus tard à Montréal, où il travaille comme porteur pour le CN. Le processus ayant mené à la collecte de cette information s’avère aussi particulièrement intéressant.

À la fin des années 1940, le bureau des dossiers du personnel du CN entame des démarches pour déterminer la date de naissance de M. Nash, une information essentielle pour établir son admissibilité à la retraite. À l’instar de nombreux dossiers de citoyens noirs au Canada et aux États-Unis, ceux de M. Nash présentent des lacunes administratives, une situation d’autant plus complexe en raison de son adoption. Il indique donc plusieurs années de naissance possibles, notamment 1899, 1900, 1902, 1904, 1905 et 1907, ce qui complique davantage le processus.

Page indiquant les dates de naissance possibles d’un porteur du CN.

Document du bureau des dossiers du personnel du CN fournissant diverses dates de naissance possibles pour Thomas Nash, daté du 10 juin 1952. (MIKAN 6480775)

M. Nash n’étant pas en mesure de fournir des renseignements précis au sujet de sa naissance, le bureau des dossiers du personnel du CN entreprend ses propres recherches. En 1952, le bureau sollicite l’aide du directeur de l’école St. Ninian d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse, où M. Nash aurait étudié durant sa jeunesse. Ces démarches demeurent cependant infructueuses. L’année suivante, le bureau des dossiers du personnel du CN communique avec le Bureau fédéral de la statistique, qui confirme enfin que M. Nash est né le 26 août 1904. Le recensement de 1911 révèle également que M. Nash vivait avec ses parents adoptifs à Antigonish, un détail qui figure par ailleurs dans son dossier personnel. Fait intéressant : le nom de famille de M. Nash semble avoir changé au fil du temps (bien que son dossier personnel n’aborde pas explicitement la question). Durant son enfance, il portait le nom de famille « Ash », qui est ensuite devenu « Nash » dans les environs de son déménagement à Montréal, avant qu’il ne commence à travailler pour le CN. S’agit-il d’une erreur d’enregistrement? Le fait de fournir l’année exacte de sa naissance a permis à M. Nash d’être admissible au régime de pension du CN, qui est entré en vigueur le 1er janvier 1935.

Après en avoir appris un peu plus sur l’enfance de M. Nash, nous découvrons certains détails sur sa vie après son déménagement à Montréal. Il s’intègre à la communauté noire de la ville, une communauté tissée serrée, et s’installe dans ce qui est alors connu comme le quartier Saint-Antoine. Cela n’a rien de bien étonnant, compte tenu de la ségrégation raciale dans le domaine du logement à l’époque et de la proximité de la gare.

Bien que le dossier personnel de M. Nash ne contienne pas beaucoup d’informations sur ses premières années à Montréal, nous savons qu’il résidait au 729, rue des Seigneurs dans les années 1950 et au début des années 1960. Une lettre qu’il adresse au bureau des dossiers du personnel du CN en 1968 révèle qu’il s’est marié et qu’il a ensuite habité avec son épouse au 2458, rue Coursol, à quelques minutes à peine de son ancienne résidence.

Dans le quartier Saint-Antoine, presque tous les ménages avaient un lien avec la profession de porteur, un métier hautement respecté au sein de la communauté. L’estime qu’on leur vouait se manifestait notamment par une tradition bien ancrée : lors de la retraite d’un porteur, famille, amis, collègues et employeurs se réunissaient à la gare pour l’accueillir au retour de son dernier parcours. Le Black Worker, le bulletin syndical de la Fraternité des porteurs de wagons-lits, évoque fréquemment ces moments privilégiés. On peut donc présumer que M. Nash aurait lui aussi reçu une reconnaissance similaire au moment de prendre sa retraite en 1969.

Lettre des Ressources humaines du CN fournissant des détails sur le départ à la retraite d’un porteur du CN en août 1969.

Lettre annonçant le départ à la retraite de Thomas Nash en août 1969. (MIKAN 6480775)

Les droits et les conditions de travail des porteurs

La carrière de M. Nash a débuté en 1927, une année charnière pour le CN et son personnel. En effet, le CN et son syndicat, la Fraternité canadienne des employés des chemins de fer, mettent en place un système ségrégué qui divise le personnel en deux groupes. Le premier groupe, composé des employés des voitures-restaurants et des chefs de train des voitures-lits, était réservé aux hommes blancs, tandis que le second regroupait les porteurs, majoritairement noirs. Ces conventions collectives distinctes ont pour effet de limiter les possibilités liées à l’ancienneté et aux promotions au sein de chaque groupe, et confinent les travailleurs noirs au travail de porteur, les empêchant essentiellement de progresser dans les échelons du CN.

M. Nash aurait rapidement compris que ses possibilités d’avancement étaient inexistantes. Steven High nous aide à remettre l’expérience de M. Nash en contexte, en notant que les porteurs des années 1920 et 1930 travaillaient de très longues heures et empochaient un salaire mensuel fixe, quel que soit le nombre réel d’heures travaillées. En transit, les porteurs n’avaient droit qu’à trois heures de sommeil par jour. Il va sans dire que leurs conditions de travail étaient éprouvantes et abusives. Il est regrettable que les premières années de carrière de M. Nash, y compris ses contributions durant la Deuxième Guerre mondiale, ne soient pas documentées dans son dossier personnel. Cette omission est d’autant plus troublante compte tenu de l’importance de son travail.

Même si les archives en font peu état, les porteurs noirs se sont battus pour améliorer leurs conditions de travail. En 1945, la Fraternité des porteurs de wagons-lits et le Chemin de fer du Canadien Pacifique négocient avec succès une nouvelle convention collective qui prévoit de meilleurs salaires, des congés payés et une réduction des heures de travail. Ces gains syndicaux ne s’étendent toutefois pas aux employés du CN, qui restent liés par la convention plus restrictive de la Fraternité canadienne des employés des chemins de fer. L’extrait de la convention ci-dessous, datée de 1948, montre que les porteurs restent parmi les employés les moins bien payés, juste derrière les employés de cuisine, avec des salaires mensuels variant entre 174 $ et 209 $. De surcroît, contrairement à d’autres professions mentionnées, les porteurs ne voyaient aucune augmentation salariale après deux ou trois années d’expérience. En réalité, les conditions de travail de ces hommes restèrent pratiquement inchangées jusqu’en 1964, année où la Fraternité canadienne des cheminots, employés des transports et autres ouvriers voit le jour. Celle-ci met fin aux barrières raciales dans le domaine et crée une liste d’ancienneté commune.

(Pour plus de détails sur la longue lutte pour les droits des porteurs, écoutez le 4e épisode de « Confidences de porteurs » : La longue lutte pour les droits des porteurs.)

Page de couverture de la convention collective de la Fraternité canadienne des employés des chemins de fer, ainsi que les renseignements concernant les salaires des employés.

Pages de la convention collective de la Fraternité canadienne des employés des chemins de fer, datée de 1948, faisant état des conditions de travail et des taux de rémunération des employés des services de voitures-lits, de voitures-restaurants et de voitures-salons. (MIKAN 1559408)

On pourrait aisément passer outre l’importante contribution des porteurs en faisant un survol rapide du fonds du CN, mais le dossier personnel de Thomas Nash fournit des informations précieuses sur la nature de leur travail. Sa carte d’évaluation de la qualité du travail de l’employé met notamment en évidence les pressions exercées sur les porteurs. Cette carte a été conçue pour documenter et classer la qualité du service offert, ce qui rappelle que M. Nash et ses confrères étaient constamment surveillés, que ce soit par le personnel du CN ou par les passagers. Il est important de souligner que même les infractions mineures pouvaient entraîner l’attribution de points d’inaptitude, familièrement appelés « brownies ». L’accumulation de 60 points d’inaptitude entraînait le licenciement automatique de l’employé, sans possibilité d’appel. Et, ce qui rend le cas de M. Nash d’autant plus remarquable, c’est qu’en 42 ans de carrière, il n’a jamais reçu un seul point d’inaptitude. La carte de commentaires ci-dessous, laissée par un passager en 1958, offre à la fois une anecdote concrète et un témoignage du service exceptionnel de M. Nash : « Excellent porteur, mais parle trop ». Bien que contradictoire en apparence, cette remarque reflète la personnalité attachante de M. Nash et son grand dévouement à l’égard de son métier.

Cartes comportant les notes données à Thomas Nash et des commentaires sur la qualité de son travail.

Recto et verso de la carte d’évaluation de la qualité du travail de Thomas Nash. (MIKAN 6480775)

En 1961, un autre passager a même félicité M. Nash pour son travail :

Lettre dactylographiée d’un passager décrivant l’excellent service que lui a fourni le porteur du CN, Thomas Nash.

Lettre d’un passager félicitant le porteur du CN Thomas Nash pour l’excellence de son service, 1961. (MIKAN 6480775)

Faire connaître le travail des porteurs

Mon équipe reste déterminée à en apprendre davantage sur la vie des porteurs et sur les expériences qu’ils ont vécues sur les voies ferrées. Depuis l’an dernier, nous avons téléversé plus de 21 000 dossiers de service appartenant à des employés qui ont travaillé pour le CN et les sociétés qui l’ont précédé. Ceci comprend les dossiers de 1 066 porteurs dans la sous-sous-série intitulée Employees’ provident fund service record cards. Petit à petit, nous découvrons dans le fonds du CN des documents qui révèlent l’inestimable contribution des porteurs, permettant de mettre en lumière l’importance de leur service. À bien des égards, ceci nous permet de célébrer leur héritage et de redonner vie à leurs histoires. Ces efforts contribuent aussi à une nouvelle compréhension de la profonde influence des porteurs dans l’édification du Canada d’aujourd’hui.


Andrew Elliott est archiviste à la Direction générale des archives de BAC.

Qu’y a-t-il dans un nom : les Carnegie

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Par Sali Lafrenie

« Quel voyage! C’était comme si j’avais été propulsé dans un tunnel temporel, des champs de Willowdale à un champ de rêves. Les nombreux fils de ma vie se sont tous réunis pour produire une magnifique tapisserie. » (traduction)

Herb Carnegie, A Fly in a Pail of Milk: The Herb Carnegie Story (OCLC 1090850248)

Herb Carnegie (1919-2012) était un athlète d’exception, qui a cumulé plusieurs titres de champion de golf et a mené une carrière impressionnante au hockey s’étendant sur plus d’une décennie. Au cours de sa carrière de joueur, il a parcouru de nombreuses villes, évoluant aux niveaux amateur et semi-professionnel au sein d’équipes telles que les Observers de Toronto, les Young Rangers de Toronto, les Flyers de Perron, les Buffalo Ankerites de Timmins, les Cataractes de Shawinigan, les Randies de Sherbrooke (également connus sous le nom des Saints), les As de Québec et, à sa dernière saison, les Mercurys d’Owen Sound. Surnommé « Swivel Hips » (« Hanches pivotantes ») en raison de son agilité et de son style de jeu, Herb Carnegie a marqué l’histoire du sport en remportant trois fois de suite le titre du joueur le plus utile (MVP) dans la Ligue senior de hockey du Québec (LSHQ) et en figurant dans le premier trio d’attaquants composé entièrement de joueurs noirs du hockey semi-professionnel depuis la Colored Hockey League.

Photographie en noir et blanc de trois joueurs de hockey noirs alignés, leurs bâtons posés sur la glace.

Photo du célèbre trio composé entièrement de joueurs noirs : Herb Carnegie, Ossie Carnegie et Manny McIntyre (Bibliothèque et Archives Canada/e011897004).

Après sa retraite du hockey, Herb Carnegie devient un homme d’affaires prospère et le premier conseiller financier noir canadien employé par l’Investors Group. Il mène une carrière de 32 ans au sein de cette entreprise, qui crée en 2003 un prix en son honneur : le Herbert H. Carnegie Community Service Award (en anglais). Carnegie était bien plus qu’un modèle de réussite en affaires. Il était un leader communautaire et un brillant entrepreneur. Il a fondé l’une des premières écoles de hockey au Canada, inventé un tableau magnétique et conçu un jeu de société destiné à aider les gens à mieux comprendre le hockey et à accroître leur connaissance de ce sport. Carnegie a aussi fondé la fondation Future Aces (en anglais), ainsi qu’une philosophie éducative portant le même nom, avec sa femme Audrey et leur fille Bernice. On peut constater son influence dans de nombreux domaines : il a été représenté dans des bandes dessinées, intronisé dans plusieurs temples de la renommée, et des prix portent son nom. De plus, de nombreuses écoles ont adopté le credo des Future Aces, et il y a même une école qui porte fièrement son nom.

Deux photographies couleur de documents liés à Herb Carnegie. La première est une feuille encadrée d’un motif bleu complexe, sur laquelle est imprimée une série d’affirmations commençant par « Je ». La seconde est une carte professionnelle verte verticale portant le logo en relief Investors Millionaire, le nom Herbert H. Carnegie imprimé au centre, et les coordonnées de l’entreprise au bas.

Credo des Future Aces et carte Investors Millionaire (Bibliothèque et Archives Canada/e011897005 et e011897007).

Qu’y a-t-il dans un nom?

Je ne suis pas de l’avis de Shakespeare. Du moins, pas dans ce cas précis. Je crois que les noms possèdent une force intrinsèque. Ils portent en eux des histoires, des legs, et peuvent même s’apparenter à des points de repère sur une carte. Le nom Carnegie résonne avec force dans les domaines du sport, de l’entrepreneuriat, des affaires, du travail et des soins infirmiers.

Herb Carnegie, dont l’agilité, le style de jeu distinctif et l’origine ethnique ont attiré l’attention, peut nous apprendre bien plus encore si l’on prend le temps de se poser quelques questions :

  • En quoi l’expérience de Herb Carnegie dans le hockey reflète-t-elle les dynamiques sociales et les défis propres à la société canadienne de l’époque?
  • Si des joueurs noirs pratiquaient le hockey dès 1895, pourquoi la Ligue nationale de hockey (LNH) n’a-t-elle éliminé la barrière raciale qu’en 1958 avec Willie O’Ree?
  • Sur quels fondements repose aujourd’hui l’ascension des joueurs de hockey issus de communautés de couleur?

S’il est vrai que Herb Carnegie est souvent célébré pour ses compétences exceptionnelles au hockey et considéré comme le meilleur joueur noir à n’avoir jamais accédé à la LNH, son impact en dehors de la glace a été tout aussi considérable. Il mérite d’être honoré non seulement pour ses exploits sportifs, mais aussi pour toutes ses contributions et pour toutes les façons dont lui et sa famille ont travaillé pendant des générations pour améliorer leur communauté.

Nous n’avons qu’à nous tourner vers sa sœur, Bernice Isobel Carnegie Redmon, pour découvrir une autre figure pionnière. En effet, elle est devenue en 1945 la première infirmière de santé publique noire au Canada, et a été la première femme noire nommée dans l’Ordre des infirmières de Victoria au Canada (VON). Pour mieux comprendre le contexte des soins infirmiers et de la question raciale au Canada, posons-nous ces quelques questions :

  • Comment Bernice Redmon est-elle devenue la première infirmière de santé publique noire au Canada en 1945?
  • Qu’est-ce qui empêchait les femmes noires d’entrer dans ce domaine avant la Deuxième Guerre mondiale?
  • À quel moment le premier programme canadien de formation en soins infirmiers a-t-il vu le jour?

Une recherche rapide nous apprend que Bernice Redmon a dû se rendre aux États-Unis pour devenir infirmière, car il a été interdit aux femmes noires de suivre cette formation au Canada jusqu’au milieu des années 1940. Et si l’organisme Les infirmières de l’Ordre de Victoria du Canada est fondé en 1897, le premier programme canadien de formation infirmière ne voit le jour qu’en 1919.

Bernice Redmon ne reste toutefois pas seule longtemps (en anglais). Dans les années qui suivent, d’autres pionnières comme Ruth Bailey, Gwen Barton, Colleen Campbell, Marian Overton, Frieda Parker-Steele, Cecile Wright-Lemon, Marisse Scott (en anglais) et Clotilda Douglas-Yakimchuk (en anglais) viennent ajouter leur nom aux rangs des infirmières noires au Canada. Malgré les obstacles, comme des quotas ou des politiques discriminatoires, le visage de la médecine et des soins infirmiers évolue progressivement dans les années 1940 et 1950. Cette année marque le 80ᵉ anniversaire de l’exploit de Bernice Redmon.

Une affiche promotionnelle en noir et blanc montre un chapeau d’infirmière et un sac de matériel médical.

Affiche des Infirmières de l’Ordre de Victoria (Bibliothèque et Archives Canada/e011897008).

En passant à la génération suivante des Carnegie, nous faisons la connaissance de Bernice Yvonne Carnegie, la fille de Herb. Historienne autoproclamée de sa famille et fervente leader dans le monde du hockey, Bernice a cofondé la Future Aces Foundation avec ses parents et lancé l’Initiative Carnegie (en anglais) en 2021. À l’instar de son père, elle œuvre avec dévouement pour soutenir sa communauté et promouvoir une plus grande diversité dans le monde du hockey. Depuis plus de dix ans, elle y contribue au moyen de programmes éducatifs basés sur la philosophie des Future Aces, de bourses et par son travail de conférencière. Elle a également été membre du groupe BIPOC qui a acquis l’équipe de hockey des Six de Toronto (en anglais).

En 2019, Bernice a enrichi les mémoires de son père, A Fly in a Pail of Milk, en y ajoutant ses propres réflexions sur la vie de Herb, les leçons qu’elle en a tirées et la manière dont elle poursuit le travail qu’il a commencé. Il est difficile de s’arrêter à la lecture des mémoires de Herb Carnegie et des ajouts de Bernice. À mon avis, ces mémoires révèlent des liens profonds entre la famille Carnegie et l’histoire du Canada, et cette réflexion m’amène à me poser de nouvelles questions :

  • Quels métiers étaient accessibles aux hommes noirs entre 1900 et 1950?
  • Quel était le salaire moyen dans une entreprise minière? Qu’en était-il pour les joueurs de hockey?
  • Comment peut-on définir l’héritage multigénérationnel de la famille Carnegie?

L’innovation est exaltante, mais il est essentiel de se rappeler que ceux qui ont fait tomber les barrières raciales et la ségrégation dans les institutions et qui ont plaidé pour leur propre inclusion étaient avant tout des êtres humains. Au-delà de leurs réalisations exceptionnelles se trouvaient des obstacles importants, du racisme omniprésent et souvent des traumatismes infligés par les mêmes institutions qu’ils admiraient. Tenter d’évoluer dans des institutions majoritairement blanches n’était jamais chose facile, et le coût personnel était considérable. Être le premier, ou l’un des rares, représentait un défi constant.

Nous ne prenons pas suffisamment le temps de réfléchir à la manière dont l’histoire collective s’entrelace dans nos vies et nos propres récits familiaux. Je ne doute pas qu’il existe d’autres familles au Canada dont le parcours et les racines généalogiques tracent un sillon tout aussi unique dans le paysage national que celui des Carnegie. Des noms comme les Nurse, les Grizzle, les Crowley et les Newby me viennent immédiatement à l’esprit.

Alors, qu’y a-t-il dans un nom? Une tapisserie complexe. Une histoire riche. Une archive précieuse.

Ressources supplémentaires


Sali Lafrenie est archiviste au sein de la Direction générale des archives privées et du patrimoine publié à Bibliothèque et Archives Canada.

Perspectives des porteurs noirs : l’éclairage des documents militaires

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Par Rebecca Murray

Bibliothèque et Archives Canada (BAC) possède plus de 30 millions d’images sur divers supports, comme des images numériques, des négatifs et des photographies. Une seule photo d’archives peut en dire long sur la mode, le climat, la technologie, les coutumes et la culture d’une époque! Pourtant, ces thèmes importants sont souvent négligés dans les descriptions archivistiques, la priorité étant accordée aux principaux sujets photographiés.

Chaque fois que je vois une image dans les collections, je constate qu’elle vaut effectivement 1000 mots. Prenons l’exemple de cette photo relativement simple montrant deux personnes sur un fond pratiquement noir. On y trouve néanmoins une foule de détails et de renseignements historiques qui portent à réfléchir. Que nous révèlent les uniformes des deux hommes? Un bâtiment ou un paysage à l’arrière-plan nous aurait-il permis de déterminer où la photo a été prise?

Un porteur de voitures-lits (à gauche) serre la main d’un soldat.

1967-052, pièce Z-6244-4 : Arrivée des membres du Royal Canadian Regiment au fort Lewis : des unités de la Force spéciale de l’Armée canadienne équivalant à une brigade viennent de déménager au fort Lewis (Washington) et commenceront bientôt leur instruction. Parmi les nouveaux arrivants se trouve un des nombreux membres de la Force spéciale venant de Halifax. Ci-dessus, le porteur Jim Jones de Calgary souhaite bonne chance au soldat Harry Adams. (e011871942)

J’ai vu cette image pour la première fois en parcourant l’acquisition 1967-052 du ministère de la Défense nationale à la recherche de femmes militaires, qui sont très peu représentées dans les photos de l’armée (il n’y en a d’ailleurs aucune ici). Les documents visuels, en effet, ne nous renseignent pas seulement sur leur sujet principal : ils peuvent apporter un éclairage sur de nombreux éléments secondaires ou moins connus, comme l’histoire des porteurs de voitures-lits. Malgré mon diplôme en histoire canadienne, c’est dans des livres comme Bluebird, de Genevieve Graham, et Le porteur de nuit, de Suzette Mayr, que j’ai récemment découvert l’existence des porteurs et leurs réalités.

Pour trouver des images de porteurs de voitures-lits à BAC, vous ne commenceriez probablement pas par les fonds du ministère de la Défense nationale, mais par ceux du ministère des Transports (RG12) ou de la Compagnie des chemins de fer nationaux (RG30). Dans le cas qui nous occupe, ni les porteurs ni le chemin de fer (ni même la guerre de Corée) ne sont mentionnés dans la description de la sous-sous-série « préfixe Z – CA ». Ce n’est pas étonnant, car on y trouve environ 7 500 images documentant des événements au fil de plusieurs décennies, dont la Deuxième Guerre mondiale. Moins de 15 % des images de cette sous-sous-série sont décrites au niveau de la pièce (ou photographie) dans la base de données. La plupart sont cependant décrites en détail dans les instruments de recherche (c’est-à-dire des listes de pièces) joints à la description en format numérisé au niveau de la sous-sous-série.

La description complète de l’image Z-6244-4 n’existe que sur l’enveloppe originale; elle doit être commandée et consultée en personne. Elle fait état de la présence du porteur et, à ma grande surprise, donne même son nom : il s’agit de Jim Jones, de Calgary. J’ai rarement vu ce type de renseignements au sujet des images consultées au cours de ma recherche. Je me demande d’ailleurs pourquoi cette photo est beaucoup mieux décrite que les autres. N’ayant pas de liste complète des légendes et des notes des photographes, nous ne pouvons pas tirer de grandes conclusions.

Il ne faut pas hésiter à s’éloigner temporairement de nos intentions de recherche quand on peut jumeler des images à leurs descriptions complètes, surtout si elles comprennent les noms et d’autres renseignements sur les personnes photographiées. Les histoires méconnues que cachent ces photos méritent bien plus qu’une courte description de base.

Ce processus s’appelle la description réparatrice. Il consiste à rectifier les pratiques et à corriger les données qui ont pour effet d’exclure, de réduire au silence ou de mal décrire des personnes ou des récits dans les archives. Il peut être mené à grande échelle ou sur une seule photographie à la fois et se poursuivra indéfiniment. Quand j’ai découvert des images de porteurs et d’autres employés noirs des chemins de fer de l’époque de la Deuxième Guerre mondiale, j’ai transmis mes notes à mes collègues du balado de Bibliothèque et Archives Canada Voix dévoilées : Confidences de porteurs. Nous avons ensuite pu compter sur la collaboration d’autres collègues s’intéressant à cette période, à la présence de porteurs sur des photos du ministère de la Défense nationale et à la façon dont ils sont représentés dans la collection.

Ne manquez pas la suite de cette série de blogues!


Rebecca Murray est conseillère en programmes littéraires au sein de la Direction générale de la diffusion et de l’engagement à Bibliothèque et Archives Canada.

Le logo du CN : du quai de départ à la destination – deuxième partie

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Par Andrew Elliott

Dans la première partie, nous avons mentionné qu’après l’adoption du logo des Chemins de fer nationaux du Canada (CN), le travail d’Allan Fleming pour la compagnie consistait surtout à offrir des services-conseils. L’équipe de la refonte visuelle a commencé par choisir le design des différents objets du chemin de fer, puis Valkus a trouvé des moyens d’intégrer le logo sur ces objets. L’information était ensuite transmise à des agences de publicité pour qu’elles produisent le matériel promotionnel du CN.

McConnell Eastman était responsable de la publicité sur le marché canadien. La Canadian Advertising Agency s’occupait du marché francophone au Québec, et Maclaren Advertising, du marché international. Ces trois sociétés créent les slogans accrocheurs qui sont imprimés sur les affiches et dans les journaux.

Utilisation du logo

Le logo est appliqué sur divers produits : les locomotives, les voitures, les billets, les sous-verres, les emporte-restes, les signets, les enveloppes, les cartes professionnelles, les en-têtes, les calendriers, les publicités, etc.

Onze affiches, produits et publicités.

Produits ornés du nouveau logo du CN. (No MIKAN 6026153)

Uniformisations du logo : le manuel de l’affichage

L’équipe de la refonte visuelle devait établir des normes sur l’utilisation du logo pour l’ensemble du personnel. Elle a commencé par produire un livret bilingue (Voir c’est croire / Seeing is believing) facile à distribuer, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la compagnie.

La couverture et trois pages de texte d’un livret.

Le livret Voir c’est croire. (No MIKAN 6026153)

De 1963 à 1967, le CN a aussi recours aux services de Jean Morin (par le biais de Valkus Inc.). Ce talentueux graphiste est né à Québec le 2 mars 1938. Il étudie les arts publicitaires à l’École des beaux-arts de Québec de 1956 à 1960. Il est l’un des premiers Canadiens français à étudier le design graphique, une discipline qui commence à s’implanter au début des années 1960. Pendant le semestre d’hiver 1960-1961, il est étudiant libre à la Kunstgewerbeschule à Zurich. Il a aussi la chance de visiter plusieurs ateliers en Suisse, à une époque où le design graphique est en plein essor en Europe.

À son retour au Canada, Jean Morin commence par travailler pour la Commission des expositions du gouvernement canadien en 1961 et 1962. Ses projets ultérieurs, dont celui pour le compte du CN, portent sur les images de marque. Dans le cadre de ses fonctions, il prépare le premier manuel de normalisation de l’affichage au Canada.

Ce manuel écrit en 1965 se trouve dans le fonds de Jean Morin, qui est conservé à BAC (MIKAN 160277, volume 1, R2725). Ce guide, d’une simplicité étonnante, est axé sur le design esthétique, notamment en ce qui a trait à la typographie et à l’harmonisation des couleurs.

Une page avec le logo du CN dans le coin inférieur gauche et les mots « Manuel d’affichage » écrits en anglais dans le coin inférieur droit. Dans le coin supérieur droit, le texte mentionne que le manuel est publié avec l’autorisation du vice-président à la direction.

Première page d’un manuel du CN sur l’affichage. (No MIKAN 162289)

Le manuel établit clairement son intention, décrivant en peu de mots le programme de refonte visuelle du CN. Un guide explique comment tracer convenablement les lettres C et N sur une grille pour qu’elles aient toujours la même forme, peu importe leur taille. Le manuel mentionne quelles sont les couleurs standards et explique comment les agencer. Le type de police et l’espacement entre les lettres optimisent l’effet visuel. Il y a aussi plusieurs exemples de maquettes pour des impressions sur de la papeterie, sur des bureaux ou sur les enveloppes extérieures des bâtiments. Des codes permettent au personnel de commander des gabarits pour des lettres ou des couleurs particulières auprès du service des fournitures du CN.

Cinq pages comprenant des instructions et des logos.

Extraits du manuel d’affichage du CN. (No MIKAN 162289)

Le manuel de Morin est remarquable, car il décrit les atouts esthétiques de l’image de marque créée par des designers graphiques professionnels, mais dans un langage à la portée de tous, notamment du personnel du CN.

Au printemps de 1968, la société de Valkus et le CN mettent fin à leur collaboration en raison d’un conflit sur les paiements pour les services rendus l’année précédente. Le CN embauche alors ARC Corporation, une autre société de design montréalaise. Heureusement, son personnel comprend d’anciens employés de Valkus, ce qui assure une certaine continuité. Les documents dans le fonds du CN montrent qu’une relation stable se poursuit jusqu’à la fin des années 1970.

À partir des années 1960, personne n’ose toucher au logo ou au manuel des normes. En 1996, soit quelques années après sa retraite, Lorne Perry se voit confier la révision du manuel. Il ne s’agit pas de tout revoir, mais d’épurer l’identité visuelle et d’éliminer tout élément superflu. « J’ai consulté des sociétés qui descendaient directement des créateurs. Tout a été mis à jour, simplifié, uniformisé et organisé de manière à prendre la forme d’un manuel. Le logo du CN demeure simple et marquant, exempt de toute fioriture. »

La version mise à jour est publiée en 2001. Elle explique entre autres comment utiliser les couleurs officielles :

La couleur constitue une caractéristique importante du logo. Tout comme les autres éléments de conception du logo, la couleur utilisée doit toujours être la même pour que le message soit clairement transmis.

La couleur officielle du CN est le rouge (Pantone 485). Lorsque la méthode d’utilisation ou le véhicule de communication le permettent, le logo CN doit apparaître en rouge sur une surface blanche, ou en blanc sur une surface rouge. Si le rouge n’est pas disponible, le logo doit alors apparaître en noir sur une surface en blanc, ou en blanc sur une surface en noir. Il doit toujours y avoir un contraste suffisant.

Il peut arriver que le logo soit utilisé dans un contexte plus commercial et que l’arrière-plan ne soit pas d’une seule couleur. Dans les cas où l’on doit s’éloigner de la combinaison de couleurs approuvées par le CN, l’utilisation d’autres couleurs devra être justifiée et approuvée par les Affaires publiques.

Évolution du programme de refonte visuelle

Lorne Perry contribue grandement à maintenir la cohérence du programme de refonte visuelle, car il occupe un poste influent pendant plusieurs décennies, en plus d’agir comme traducteur en chef. Il a le don de construire des ponts entre les designers graphiques et le reste de la compagnie.

Dans les années 1970, le programme de refonte visuelle devient le programme d’identification organisationnelle. Au milieu de la décennie, la division des services aux passagers du CN accuse un déficit annuel de 70 millions de dollars. Le CN cherche une stratégie pour que le gouvernement pallie le manque à gagner du service public, et conclut qu’une nouvelle image de marque est nécessaire afin que l’ampleur du besoin frappe les imaginations. Le CN retient les services de Corporation Arc dans ce but.

La société ne présente qu’un logo, une combinaison de couleurs (bleu et jaune) et un nom : VIA. Lorne Perry se rappelle que le tout fut présenté au comité de direction du CN, présidé par le président-directeur général Robert Bandeen. Il a eu l’agréable surprise d’apprendre que les couleurs choisies, le doré et le bleu saphir, étaient aussi celles de l’Université Duke, l’alma mater de Bandeen. Il a été d’autant plus facile de le convaincre.

Quelque 65 ans après son dévoilement, le logo du CN continue de faire partie intégrante de son image de marque.

Pour en savoir plus à son sujet, découvrez le projet Allan Fleming, piloté par sa fille Martha :

Autres ressources pour approfondir la question :


Andrew Elliott est archiviste à la Direction générale des archives de Bibliothèque et Archives Canada.

 

Le logo du CN : du quai de départ à la destination – première partie

English version

Par Andrew Elliott

Rares sont les personnes qui ont étudié le processus de conception du logo des Chemins de fer nationaux du Canada (le CN). Pourtant, ce bouillonnement créatif a mené au dévoilement d’un véritable emblème en 1960. Comme nous l’avons mentionné dans un précédent blogue, Bibliothèque et Archives Canada conserve de nombreux documents concernant la création de ce logo d’entreprise.

Après la Première Guerre mondiale, la compagnie cherche son identité. Elle essaie un certain nombre de logos et de slogans, dont le mémorable « The National Way » (La voie nationale; voir l’image ci-dessous tirée d’un numéro de 1920 de la revue Canadian National Railways). Ce slogan est utilisé dans un logo de 1919 à 1921, et son usage se répand tout au long des années 1920.

Page d’une revue avec le slogan « The National Way ».

Le logo et le slogan du CN dans le numéro de janvier 1920 de Canadian National Railways. (No OCLC : 933318325)

De 1959 à 1969, le CN se réinvente. Il faut dire qu’une bonne partie du travail avait été fait dans les années 1950 : mise à niveau du matériel roulant, amélioration des services aux passagers et retrait progressif des locomotives à vapeur en faveur du diesel. Mais la création du nouveau logo, en 1960, n’est pas une mince affaire : il faut trouver un motif attrayant tant pour les voyageurs que pour le personnel du CN. Nous verrons ici comment le nouveau logo s’est implanté dans l’ensemble de la compagnie, puis au sein du grand public. Les répercussions à long terme de cet extraordinaire travail de graphisme sont particulièrement intéressantes.

La refonte de l’identité visuelle : l’implantation concrète du nouveau logo

Comment implanter un nouveau logo dans une grande compagnie? L’équipe de la refonte visuelle commence par mettre le logo du CN dans le rapport annuel de 1960. Peu après, des articles sur le logo et son importance dans le domaine du graphisme paraissent dans des numéros de la revue interne Keeping Track (Au fil du rail), qui a pris la place du Canadian National Railways Magazine.

Les honneurs reçus facilitent le processus. Un ancien employé du CN, Lorne Perry, rapporte que l’équipe de la refonte visuelle a reçu de nombreux prix prestigieux de la part d’organisations de design graphique au Canada, aux États-Unis et outremer. L’organisateur d’un séminaire sur le graphisme au Canada loue publiquement le CN pour avoir été l’une des premières grandes compagnies à faire parvenir le design des grandes villes dans « l’arrière-pays canadien ».

De plus, la compagnie déploie d’énormes efforts pour rajeunir son image. Par exemple, elle améliore le design intérieur des trains et modernise leur apparence extérieure. Pour le prix d’un billet, les passagers peuvent profiter de meubles et d’un design dernier cri. Les trains deviennent alors des salles d’exposition mobiles accessibles à tous. Ce n’est pourtant qu’une petite partie du chantier lancé par la compagnie.

Pour mener à bien ce projet colossal, l’équipe de la refonte visuelle collabore étroitement avec la société Valkus Incorporated. Rappelons que James Valkus était l’un de ces designers graphiques dans le vent à New York. Il avait déjà participé aux premiers efforts de conception du logo.

Un homme assis sur une chaise de bois.

James Valkus, vers 1963. (No MIKAN 162289)

De 1960 au début de l’année 1968, le CN a recours aux services de sa société de design pour obtenir des conseils généraux sur le déploiement des divers aspects du logo. Le contrat prévoit que, la première année, le CN paiera jusqu’à 60 000 $ à la société si son approche est choisie, puis 120 000 $ par année pour contribuer au déploiement. Ce sont des montants tout à fait substantiels pour l’époque, et le tarif a peu varié au fil des années.

Voyons comment Valkus s’y est pris. Il commence par diviser les divers types de matériel promotionnel en catégories : images dans les trains; objets dans les trains; images dans les hôtels; objets dans les hôtels; images dans les gares; et objets dans les gares. Puis, il subdivise le tout pour relever précisément ce qui doit changer. Le contrat conclu entre le CN et Valkus en 1962 énumère les éléments suivants :

  • Équipement des locomotives et des voitures
  • Véhicules à moteur
  • Équipement pour l’entretien des voies
  • Signalisation
  • Manuels
  • Formulaires et documents imprimés
  • Revue Keeping Track
  • Uniformes
  • Matériel promotionnel
  • Affichage publicitaire

Valkus et l’équipe de la refonte visuelle demandent aux services du CN de fournir une liste complète d’objets à modifier. Par exemple, le service des voitures-lits et des voitures-restaurants fournit une liste de quatre pages :

Quatre pages tapuscrites.

Quatre pages décrivant en détail les changements nécessaires dans le service des voitures-lits et des voitures-restaurants du CN. (No MIKAN 5891012)

La refonte visuelle touche aussi les filiales du CN. Central Vermont et le Grand Tronc adoptent à leur tour une image de marque épurée rappelant le logo du CN. À la fin des années 1960, même les hôtels du CN obtiennent leur propre logo : une clé rouge.

Pendant cette période, Allan Fleming ne participe pas vraiment au travail de terrain, offrant plutôt des services-conseils en coulisses. L’équipe de la refonte visuelle commence par dessiner les divers objets du chemin de fer, puis Valkus trouve des moyens d’y intégrer le logo. L’information est ensuite transmise aux agences de publicité pour qu’elles produisent le matériel promotionnel de la compagnie.

C’est à suivre dans la prochaine partie de ce billet!

Pour en savoir plus sur le logo du CN, découvrez le projet Allan Fleming, mené par sa fille Martha :

Autres ressources pour approfondir la question :


Andrew Elliott est archiviste à la Direction générale des archives de Bibliothèque et Archives Canada.

Roulé au chocolat enneigé des années 1930

English version

Bannière Cuisinez avec Bibliothèque et Archives Canada

Par Ariane Gauthier

Alberta Sugar Makes Delicious Things to Eat (titre qu’on pourrait traduire par « Les délicieuses choses à manger qu’on peut faire avec du sucre de l’Alberta ») est un livret publié par l’entreprise Canadian Sugar Factories dans les années 1930 afin de promouvoir son sucre de betterave « pur » de l’Alberta. Ce sucre est raffiné à partir du produit de milliers d’exploitations betteravières de la province, et le livret comprend un texte de deux pages sur les particularités de cette culture agricole. L’accent est mis sur les techniques de pointe de l’époque en agriculture à grande échelle, sans doute pour faire l’éloge de la culture de la betterave à sucre, nouvelle et en concurrence féroce avec le sucre de canne, très prisé et largement préféré.

Couverture d’un livre avec l’image d’une femme versant du sucre dans une cuillère au-dessus d’un chaudron. Trois bocaux entourent le chaudron posé sur un comptoir, et un sac de sucre se trouve à l’avant-plan.

La couverture du livret Alberta Sugar Makes Delicious Things to Eat. (OCLC 1007785982)

Ce livret est disponible dans Aurora, le catalogue des collections publiées de Bibliothèque et Archives Canada : OCLC 1007785982.

S’il est vrai que l’histoire du sucre en Alberta est passionnante, ce qui m’a attirée dans cet ouvrage, c’est le contexte historique de sa publication : la Grande Dépression. Le livret mentionne que l’entreprise Canadian Sugar Factories a commencé ses activités en 1925, ce qui signifie qu’environ cinq ans seulement ont passé avant que l’effondrement économique ne fasse dérailler à la fois la production et la rentabilité. C’est peut-être la raison pour laquelle les auteurs, à la fin du texte explicatif, tentent avec l’énergie du désespoir de dissiper les idées fausses entourant le sucre de betterave :

Page du livret comportant sept points qui expliquent pourquoi « le sucre de betterave est identique au sucre de canne » et deux dessins qui montrent un train et une usine.

Un détail de deuxième page de la section The Story of Alberta Sugar, montrant la sous-section « Beet sugar is the same as cane sugar » (le sucre de betterave est identique au sucre de canne), tirée du livret Alberta Sugar Makes Delicious Things to Eat. C’est sur cette note que se termine l’historique de l’entreprise. Remarquez que les points 1, 3, 4 et 7 soutiennent essentiellement la même chose : il est impossible de distinguer le sucre de betterave des autres types de sucre. (OCLC 1007785982)

Comme bien des livres de cuisine publiés pendant la Grande Dépression, les recettes mettent l’accent à la fois sur le caractère abordable et la préservation : la nourriture devait être bon marché et elle devait se garder longtemps. Cependant, comme ce livret fait la promotion du sucre de l’Alberta, la plupart des recettes sont des sucreries et des pâtisseries, qui ne possèdent aucune de ces deux qualités.

Néanmoins, j’ai choisi ce livret pour son esthétique et parce que la recette du roulé au chocolat enneigé avait l’air si délicieuse!

L’image présente les ingrédients et les étapes à suivre pour réaliser la recette du roulé au chocolat enneigé.

La recette du roulé au chocolat enneigé du livret Alberta Sugar Makes Delicious Things to Eat. Fait remarquable, on donne même la température du four et la durée de cuisson! (OCLC 1007785982)

En feuilletant les pages du livret, j’ai remarqué qu’il y avait une section réservée aux glaçages et aux garnitures. Dans l’esprit de la cuisine d’antan, j’ai choisi une recette de chaque type pour agrémenter mon gâteau : la garniture à la crème montagnarde pour fourrer le gâteau – et produire le tourbillon « enneigé » –, et le glaçage au fudge pour le recouvrir.

Un contour bleu indique les recettes de garniture à la crème montagnarde et de glaçage au fudge choisies pour le roulé au chocolat enneigé.

Page de recettes de glaçages et de garnitures du livret Alberta Sugar Makes Delicious Things to Eat. (OCLC 1007785982)

Dans les deux cas, j’ai été agréablement surprise par la quantité de détails fournis pour me guider dans les recettes que j’avais l’intention d’entreprendre. On me donnait non seulement la température du four, mais aussi le temps de cuisson! La seule chose qui manquait était une indication en degrés Fahrenheit ou Celsius du stade de la « boule molle », mais mon thermomètre à bonbons bien pratique m’a permis de combler cette lacune (la réponse est environ 240 °F ou 115 °C). J’étais donc prête à me lancer dans l’aventure!

J’ai commencé par rassembler tous les ingrédients.

Trois photos côte à côte des ingrédients nécessaires aux trois recettes : le sucre, la farine, le cacao, les œufs, le lait, etc.

Tous les ingrédients nécessaires pour réaliser le roulé au chocolat enneigé (image de gauche), le glaçage au fudge (image du milieu) et la garniture à la crème montagnarde (image de droite). Crédit photo : Ariane Gauthier.

J’ai décidé de commencer par le roulé au chocolat, car il avait besoin de temps pour refroidir, ce qui me permettrait de préparer la garniture et le glaçage. La première étape a consisté à tamiser à trois reprises tous les ingrédients secs. Ensuite, j’ai séparé les jaunes des blancs d’œufs et j’ai monté les blancs en neige. C’est là que j’ai fait une petite incartade : au lieu d’incorporer le sucre aux blancs d’œufs après les avoir fouettés, je l’ai incorporé pendant que je les fouettais, car cela permet de leur donner plus de volume.

Quatre photos des étapes à suivre pour réaliser le roulé au chocolat.

J’ai cassé soigneusement les quatre œufs en me servant des coquilles pour séparer les jaunes des blancs. Une fois cela accompli, j’ai fouetté les blancs d’œufs au batteur électrique avec le sucre jusqu’à ce qu’ils forment des pics mous. Crédit photo : Dylan Roy.

J’ai ensuite commis une petite erreur : j’ai mélangé les jaunes d’œufs et la vanille aux ingrédients secs plutôt qu’au mélange de blancs d’œufs montés en neige. Cela a fini par annuler le tamisage des ingrédients secs, mais voici comment j’ai remédié à cette situation : j’ai ajouté environ la moitié du mélange de blancs d’œufs et j’ai mélangé le tout vigoureusement jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de grumeaux. Cela a eu pour effet d’annuler le montage des blancs en neige, dont le but était d’obtenir une préparation aérée et légère pour le gâteau. Cependant, comme je n’ai utilisé qu’une partie du mélange de blancs d’œufs, j’ai pu incorporer délicatement ce qui restait et conserver une partie de la légèreté que j’avais obtenue en battant les blancs d’œufs.

Six photos côte à côte de tous les ingrédients incorporés dans un bol pour faire le roulé au chocolat.

Voici comment j’ai annulé l’effet du tamisage des ingrédients secs en y ajoutant prématurément certains des ingrédients humides. De gauche à droite, l’ordre dans lequel j’ai mélangé les ingrédients secs et humides. Les deux dernières images montrent comment j’ai réussi à récupérer le mélange : j’ai mis la moitié du mélange de blancs d’œufs dans les ingrédients secs et j’ai mélangé vigoureusement jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de grumeaux, puis j’ai incorporé délicatement ce qui restait. Crédit photo : Ariane Gauthier.

Une fois cette étape réalisée, on doit verser le mélange sur une plaque de cuisson avec rebords pour faire cuire le gâteau. Le gâteau peut sembler un peu mince au début, mais il faut se rappeler qu’il sera roulé. Je l’ai donc mis au four à 400 °F pendant 13 minutes. Il ne restait plus qu’à le garnir et à le décorer!

Chaque recette ancienne présente un nouveau défi, qui m’oblige à faire quelque chose que je n’avais encore jamais fait. Dans ce cas-ci, je n’avais jamais utilisé de thermomètre à bonbons, bien que j’en possède un depuis des années. C’est à la fois complexe et stressant, mais dans une telle situation, il vaut mieux faire confiance au processus et croire que l’entreprise Canadian Sugar Factories savait ce qu’elle faisait dans les années 1930!

Deux images côte à côte d’un thermomètre pour la préparation de la garniture à la crème montagnarde et du glaçage au fudge. Une troisième image montre le glaçage au fudge mélangé à l’aide d’un fouet.

Utilisation d’un thermomètre à bonbons pour réaliser la garniture à la crème montagnarde et le glaçage au fudge. Dans les deux cas, j’ai dû tenir le thermomètre, car l’extrémité ne devait pas toucher le fond du chaudron, sous peine de donner une fausse indication de la température. Dans les deux cas, la vapeur produite par les deux mélanges a nui à la lecture du thermomètre, ce qui a rendu encore plus difficile ce qui constituait déjà un défi. Crédit photo : Dylan Roy.

J’ai le regret de dire que je n’ai pas très bien réussi ma garniture à la crème montagnarde. Je ne sais pas si je l’ai retirée du feu trop tôt ou si j’ai simplement laissé trop d’eau s’évaporer, mais je me suis retrouvée avec une garniture sèche et friable qui ne s’étalait pas bien du tout. Malgré tout, la garniture avait plutôt bon goût.

En comparaison, je m’en suis sortie beaucoup mieux avec le glaçage au fudge, car j’avais déjà appris de mes erreurs. J’avoue cependant avoir été désagréablement prise de court par deux ingrédients non mentionnés dans la liste : le beurre et la vanille. Je conseille aux personnes qui tentent cette recette d’avoir les deux ingrédients, déjà mesurés, à portée de main.

Treize minutes plus tard, le gâteau à rouler était prêt. Là encore, je dois admettre que je me suis écartée des instructions. J’avais déjà réalisé des bûches de Noël, et les instructions étaient très claires : enrouler immédiatement le gâteau plat dans un linge à vaisselle propre saupoudré de sucre en poudre et laisser refroidir. Ne pas ajouter la garniture immédiatement, car la chaleur du gâteau la fera fondre. On n’obtiendra alors qu’une masse gluante! J’ai donc misé sur mon expérience et j’ai attendu que le gâteau refroidisse avant d’y étaler la garniture.

Sept photos des étapes requises pour rouler le gâteau, le garnir de crème montagnarde et le recouvrir de glaçage au fudge.

Le gâteau est roulé et la garniture et le glaçage y sont ajoutés. Il est plus facile qu’on ne le pense de rouler le gâteau; la difficulté consiste à savoir combien de temps il faut le laisser refroidir. Je l’ai laissé un peu trop sécher, mais la beauté du glaçage, c’est qu’il masque les fissures! Crédit photo : Dylan Roy.

L’astuce pour réussir ce genre de gâteau consiste à le laisser refroidir suffisamment pour ne pas faire fondre le glaçage, mais pas trop non plus pour éviter qu’il se dessèche. Malheureusement pour moi, j’ai attendu un peu trop longtemps et le gâteau s’est quelque peu fissuré lorsque je l’ai déroulé. J’ai étalé un peu de garniture pour colmater les fissures et j’ai heureusement pu recouvrir le reste de glaçage au fudge. Comme on le dit si bien : ni vu ni connu!

Deux photos côte à côte d’une coupe transversale du roulé au chocolat enneigé.

Coupe transversale du roulé au chocolat enneigé. Comme vous pouvez le constater, je n’avais pas assez de garniture à la crème montagnarde pour remplir complètement l’intérieur. Crédit photo : Ariane Gauthier.

Alors, qu’en pensez-vous?

Je peux vous dire que le gâteau avec sa garniture et son glaçage était délicieux! Je l’ai apporté au bureau et mes collègues ont été agréablement surpris. Tout le monde était plus ou moins d’accord pour dire que la meilleure partie était le glaçage au fudge – il aurait presque pu constituer un dessert à lui tout seul!

Si vous essayez cette recette, n’hésitez pas à partager les photos de vos résultats avec nous en utilisant le mot-clic #CuisinezAvecBAC et en étiquetant nos médias sociaux : FacebookInstagramX (Twitter)YouTubeFlickr et LinkedIn.


Traduction du texte des recettes :

Gâteau roulé au chocolat enneigé

  • 6 cuillères à soupe de farine à gâteaux
  • 6 cuillères à soupe de cacao en poudre
  • 1/2 cuillère à thé de poudre à pâte
  • 1 cuillère à thé de vanille
  • 1/4 cuillère à thé de sel
  • 3/4 tasse de sucre de l’Alberta tamisé
  • 4 blancs d’œufs, battus jusqu’à consistance ferme
  • 4 jaunes d’œufs, bien battus

Tamiser la farine une première fois, mesurer, ajouter le cacao, la poudre à pâte et le sel, puis tamiser le tout trois fois. Incorporer le sucre aux blancs d’œufs, une petite quantité à la fois, en pliant. Ajouter les jaunes d’œufs et la vanille. Incorporer la farine graduellement. Verser le mélange sur une plaque de cuisson de 13,5 po sur 8,5 po, tapissée de papier graissé, puis cuire au four préchauffé à 400 °F pendant 13 minutes. Retourner d’un coup sur un linge soupoudré de sucre en poudre. Retirer le papier. Couper et retirer rapidement le contour sec du gâteau. Étendre la garniture sept-minutes sur le gâteau, puis rouler. Envelopper dans le linge jusqu’à ce que le tout ait refroidi. Recouvrir de crème fouettée ou de glaçage au chocolat.

Garniture à la crème montagnarde

  • 1 tasse de sucre de l’Alberta
  • 1/3 tasse d’eau
  • 1/8 cuillère à thé de crème de tartre
  • 1 blanc d’œuf
  • Arôme [au choix]

Faire bouillir les 3 premiers ingrédients jusqu’au stade de « boule molle ». Verser lentement sur le blanc d’œuf battu, ajouter l’arôme et battre jusqu’à consistance assez épaisse pour pouvoir étendre. Des noix, des dattes, etc. peuvent être ajoutés à une partie du mélange si on l’emploie comme garniture.

Glaçage au fudge

  • 1 tasse de sucre de l’Alberta
  • 1/8 cuillère à thé de crème de tartre
  • 1/3 tasse de lait
  • 2 onces de chocolat

Faire bouillir tous les ingrédients mélangés, jusqu’au stade de « boule molle ». Ajouter 2 cuillères à soupe de beurre et 1 cuillère à thé de vanille. Laisser refroidir. Battre jusqu’à consistance assez épaisse pour pouvoir étendre.


Pour d’autres recettes d’antan, consultez les liens suivants :


Ariane Gauthier est archiviste de référence à la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.

Salade de légumes en gelée : moins, c’est mieux!

English version

Bannière Cuisinez avec Bibliothèque et Archives Canada

Par Rebecca Murray

Quand j’ai feuilleté le livre de recettes de l’armée canadienne, je n’ai pas seulement cherché les desserts, mes yeux se sont également posés sur une variété de recettes savoureuses de pains, de pâtés à la viande et de salades. C’est là que la salade de légumes en gelée entre en scène!

Couverture de livre bleue, légèrement usée, qui porte le titre « Canadian Army Recipe Book » en lettres majuscules. Au-dessus du titre figure l’insigne de l’armée canadienne surmonté d’une couronne de saint Édouard. L’insigne représente trois feuilles d’érable sur une même tige et une paire d’épées croisées, le tout en gris argenté.

Couverture d’un livre de recettes de l’Armée canadienne, publié par le ministère de la Défense nationale, 1961 (OCLC 299227447).

Vous avez peut-être déjà vu des salades en gelée ou étagées dans des émissions de cuisine télévisées ou des téléromans qui se déroulent dans les années 1960 ou 1970. Ou peut-être avez-vous eu le « plaisir » d’en faire l’expérience à la maison. Quand on m’a invitée à un barbecue familial l’été dernier, je me suis dit que c’était l’occasion idéale pour préparer cette salade de légumes en gelée. Je devais tout d’abord rassembler les ingrédients et me préparer à cuisiner. Oui, à cuisiner, car cette salade nécessite de la cuisson, ce qui n’est pas toujours agréable dans la chaleur de l’été, mais c’est essentiel pour réussir cette recette!

Page de texte qui présente une recette de salade de légumes en gelée.

Recette de salade de légumes en gelée tirée du livre de recettes de l’Armée canadienne (OCLC 299227447).

Comme la recette originale était destinée à nourrir un grand nombre de personnes, j’ai dû faire des calculs pour ajuster les quantités. Cette fois, j’ai suivi mon propre conseil et j’ai vérifié mes mesures PLUSIEURS fois avant de me mettre aux fourneaux.

Ingrédients Recette originale entière Quart de recette
Gélatine (A) 12 oz 3 oz (90 ml)
Eau froide (A) 2,5 tasses 0,625 tasse (150 ml)
Sucre (A) 12 oz 3 oz (90 ml)
Sel (A) 6 oz 1,5 oz (45 ml)
Vinaigre (A) 3 tasses 3/4 tasse (180 ml)
Eau bouillante (A) 7 pintes 1,75 pinte ou 7 tasses (1,75 litre)
Poivre de Tasmanie (A) 6 1,5
Clous de girofle entiers (A) 4 1
Oignons hachés (A) 6 oz 1,5 oz (45 ml)
Feuilles de céleri hachées (A) 6 oz 1,5 oz (45 ml)
Chou râpé (B) 2 lb 1/2 lb (250 g)
Carottes râpées (B) 2 lb 1/2 lb (250 g)
Pois verts cuits (B) 2 lb 1/2 lb (250 g)
Haricots verts en dés, cuits (B) 2 lb 1/2 lb (250 g)
Piments rouges coupés en petits dés (B) 2 oz 1/2 oz (15 ml)
Poivrons verts coupés en petits dés (B) 4 oz 1 oz (30 ml)
Ingrédients frais et secs présentés sur un linge à vaisselle vert.

Préparation des ingrédients, de gauche à droite : haricots verts, chou, poivron vert, carottes, sachets de gélatine, petits pois surgelés et ingrédients secs (sucre et sel). Photo : Rebecca Murray.

Prochaine étape : les ingrédients! Après avoir calculé les quantités, je devais rassembler les ingrédients. La plupart se trouvaient déjà dans mon garde-manger ou étaient faciles à trouver en épicerie. La seule exception? Le poivre de Tasmanie (pepperberry, en anglais), une épice australienne aux notes fruitées et épicées (à ne pas confondre avec les grains de poivre). Je n’ai pas trouvé de poivre de Tasmanie et j’ai omis les piments rouges, mais j’ai été agréablement surprise de constater que le plat n’en avait pas pâti. Un voisin TRÈS serviable m’a sauvée à la dernière minute en me fournissant des clous de girofle entiers. J’ai également remplacé le chou vert par du chou rouge, ce qui a donné une touche vibrante au plat final. Il n’est donc pas seulement délicieux, mais il a aussi belle allure!

La structure de cette recette m’a vraiment interpellée (ce qui sera peut-être le cas pour d’autres archivistes ou cuisiniers!). En regroupant les ingrédients de chaque catégorie, « A » et « B », il m’a été plus facile de me préparer et de tout garder séparé au fur et à mesure que je travaillais. J’ai hésité à modifier la méthode, même si j’avais modifié les quantités, mais j’ai fait tremper la gélatine plus longtemps que les 10 minutes recommandées et j’ai fait mijoter les autres ingrédients « A » 5 minutes en les surveillant de près (ça sentait vraiment bon!).

J’aurais bien aimé avoir une estimation de la durée de refroidissement, à l’étape 4. J’ai laissé le mélange sur le comptoir environ 45 minutes avant de passer à l’étape suivante, qui était franchement un peu intimidante, mais aussi amusante!

Voici ce à quoi ressemblaient les légumes après que j’ai filtré le bouillon (dans lequel j’ai ajouté la gélatine dissoute) et l’avoir versé dans « B ». J’ai l’habitude d’égoutter les choses au-dessus de l’évier, et non dans un autre bol, et j’ai donc frôlé la catastrophe lorsque je me suis dirigée vers l’évier. Heureusement, j’ai dévié vers le comptoir à temps pour le premier de deux transferts qui risquaient d’être périlleux!

Un bol rempli de légumes colorés dans un liquide vu du dessus.

Une photo de la deuxième partie de l’étape 4. Photo : Rebecca Murray.

Il n’y a eu qu’un seul vrai pépin, comme le montre la photo ci-dessous. Étonnamment, ce n’est pas le transfert risqué du bouillon chaud (ou des ingrédients « A ») dans les ingrédients « B » qui a provoqué un déversement, mais plutôt une tentative maladroite de réarranger les portions pour une photo.

Trois coupes de salade gélifiée violette sur fond vert, à côté d’un plus grand bol du même plat. Une petite partie du liquide et de la garniture s’est répandue sur le fond vert et le comptoir gris.

Ne soyons pas trop tristes d’avoir renversé de la salade en gelée – ça ressemble presque à de l’art abstrait! Photo : Rebecca Murray.

Dans l’ensemble, les réactions ont été positives, mais je retiens surtout qu’avec ce plat, moins c’est mieux! Il s’agit d’un plat relativement facile, qu’on prépare à l’avance, idéal pour toute réunion de famille, quel que soit le temps de l’année.

Une main tient une petite coupe en verre remplie de salade en gelée.

Une portion parfaite de salade en gelée! Photo : Rebecca Murray.

Bon appétit!

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Traduction française de la recette

Méthode

  1. Faire tremper la gélatine dans l’eau froide pendant 10 minutes.
  2. Combiner les autres ingrédients de la liste « A ». Porter à ébullition et laisser mijoter 5 minutes.
  3. Passer au tamis. Ajouter la gélatine trempée [au bouillon obtenu] et mélanger jusqu’à ce que la gélatine soit dissoute.
  4. Laisser tiédir. Ajouter les ingrédients de la liste « B ».
  5. Placer dans des moules humectés d’eau. Réfrigérer.

Vous trouverez les autres recettes de cette série sous #CuisinezAvecBAC.


Rebecca Murray est conseillère en programmes littéraires au sein de la Direction générale de la diffusion et de l’engagement à Bibliothèque et Archives Canada.

La collection de chartes syndicales de BAC

English version

Par Dalton Campbell

Bibliothèque et Archives Canada (BAC) possède une collection d’environ 300 chartes syndicales datant des années 1880 aux années 1980. Un échantillon des chartes a été numérisé, et l’on peut accéder aux images à l’aide de l’outil Recherche dans la collection.

Ces chartes étaient des documents officiels que les syndicats remettaient aux sections locales au moment de les accueillir officiellement au sein du syndicat. En fait, les chartes que contient la collection de BAC peuvent nous en apprendre beaucoup sur les syndicats, leurs membres, les travailleurs canadiens et la vie au travail au 20e siècle.

Par exemple, la charte de la Fraternité des préposés à l’entretien des voies contient une illustration détaillée de l’éventail des tâches effectuées par ses membres, notamment l’entretien des trains à l’arrêt, l’inspection et l’entretien des rails, de la signalisation, des châteaux d’eau et des bâtiments, ainsi que le retrait des wagons déraillés.

Document textuel portant le titre « International Brotherhood of Maintenance of Way Employes », qui comporte dans le haut le dessin d’une gare remplie de personnes et de wagons.

Charte accordée par la Fraternité internationale des préposés à l’entretien des voies à la section locale no 447 de Parry Sound, en Ontario, avril 1909. (e011893857)

Cette charte, comme de nombreuses autres de la collection de BAC, comprend les noms des membres de la section locale. Ainsi, les chartes peuvent constituer un petit élément de documentation dans le cadre d’une recherche sur l’histoire familiale. Certaines chartes offrent aussi un aperçu de l’histoire sociale. Par exemple, les noms des membres figurant dans les chartes du Congrès du travail du Canada montrent les industries et les entreprises qui employaient des femmes dans les années 1920, 1930 et 1940.

Les chartes comportent souvent des illustrations de syndiqués au travail et de leur lieu de travail. La charte de l’Amalgamated Society of Carpenters and Joiners (association unie des charpentiers et menuisiers) comprend une série d’illustrations de travailleurs sur différents lieux de travail ainsi que de travailleurs qui tirent des avantages de leur syndicat.

La charte de l’Association internationale des machinistes présente une scène d’atelier sans aucun travailleur. On y voit seulement un tour, des perceuses, des établis, des pinces et des outils à main, ce qui laisse au lecteur le soin d’imaginer les tâches effectuées à chaque poste de travail.

Document dont le titre est « International Association of Machinists », qui comprend du texte et des dessins de machines.

Charte accordée par l’Association internationale des machinistes à la section locale no 574 de Brandon, au Manitoba, en juillet 1910. (e011893856)
Cette charte est très différente de celle accordée par le même syndicat 20 ans plus tôt, en 1890, à la Pioneer Lodge no 103, à Stratford, en Ontario. (Voir : MIKAN 4970006)

L’Union internationale des travailleurs de l’industrie chimique reprend le même thème : on observe au premier plan les béchers, les flacons et les tubes de verre d’un laboratoire, et à l’arrière-plan, une vue extérieure d’une usine de produits chimiques. La Brotherhood of Painters, Decorators and Paperhangers (fraternité des peintres, décorateurs et tapissiers) a adopté une approche différente, en énumérant plutôt qu’en illustrant les nombreux métiers et secteurs dans lesquels travaillent les membres du syndicat.

De nombreuses chartes de la collection de BAC consacrée au travail reposent principalement sur du texte et présentent peu ou pas d’illustrations. Certaines comprennent une petite illustration telle que le sceau ou le logo du syndicat, un élément visuel associé à l’industrie ou représentatif de l’affiliation syndicale en général (tel qu’une poignée de main). Dans certains cas, des figures emblématiques comme Benjamin Franklin ou un pygargue à tête blanche montrent clairement que la section locale canadienne faisait partie d’un syndicat international basé aux États-Unis.

Certaines chartes qui ne comptent que du texte comportent du lettrage raffiné, coloré et accrocheur, comme celles de l’Union typographique internationale et de la Hotel and Restaurant International Employees’ Association (association internationale des employés d’hôtel et de restaurant).

Document textuel portant le titre "International Typographical Union Charter".

Charte accordée par l’Union typographique internationale (UTI) à la section no 102 de l’Union typographique d’Ottawa, en Ontario, 1883. La charte indique que la section locale se trouve à « Ottawa, Canada-Ouest »; le Canada-Ouest avait été rebaptisé « Ontario » en 1867. (e011893860)

La charte la plus ambitieuse et sans doute la plus réussie sur le plan artistique de la collection est celle du Congrès du travail du Canada (CTC), conçue par l’artiste Harry Kelman du CTC dans les années 1950.

Document textuel dont le titre est "Congrès du travail du Canada".

Charte accordée par le Congrès du travail du Canada aux Quebec Leathers Workers (travailleurs du cuir du Québec), section locale no 1609 du CTC, Québec, Québec, en novembre 1963. (e011893870)
Pour une explication détaillée des illustrations de cette charte, veuillez consulter MIKAN 2629372.
Le CTC a imprimé cette même charte dans une palette de couleurs différentes : voir, par exemple Buckingham Plastic Workers’ Union (syndicat des travailleurs du plastique de Buckingham), section locale no 1551, Buckingham, Québec. (e011537977)

L’illustration de cette charte utilise des figures et des symboles réalistes pour présenter une brève histoire du mouvement ouvrier canadien, du 19e siècle aux années 1950. Le panneau du bas montre les conditions de travail au 19e siècle. C’était l’époque où, comme l’a relaté l’historien Desmond Morton, il y avait la dure réalité marquée par des taux effroyables de maladies, de décès et de blessures dans les dortoirs des camps de bûcherons, des taux élevés de décès dans les mines et un bilan effroyable de pertes de vie et d’amputations dont les victimes étaient souvent de jeunes enfants dans les usines et les scieries.

Les panneaux verticaux à gauche et à droite de la charte montrent la vie au 20e siècle. Les travailleurs entrent dans la lumière pour travailler dans un Canada industrialisé, où ils fabriquent des voitures et raffinent des minerais; ils passent ensuite à l’ « ère spatiale », où ils construisent et font fonctionner des fusées, des avions, des gratte-ciel et des systèmes de télécommunication. Le panneau horizontal du haut montre la convention fondatrice du CTC en 1956. La charte du CTC adopte un ton optimiste. Les travailleurs contribuent au progrès économique et technologique et en partagent les bénéfices. Le présent est lumineux, et l’avenir le sera encore plus.

En examinant la collection de chartes de BAC, il est également intéressant de découvrir ce qui se cache sous la surface et ce que cela peut nous montrer de la vie au début et au milieu du 20e siècle.

Les travailleurs représentés dans les chartes n’ont que peu ou pas d’équipement de sécurité, ce qui reflète les normes de l’époque. Les chartes présentent peu d’images d’employés de bureau, mais il semble que seul un petit pourcentage de sections locales au début et au milieu du 20e siècle représentait le personnel administratif et d’autres employés de bureau.

En outre, le drapeau figurant dans les chartes des unions de machinistes, de peintres et d’autres syndicats était l’ancien Red Ensign. Les syndicats ont conçu ces chartes des années, voire des décennies avant l’adoption de l’actuel drapeau du Canada en 1965.

Les cheminées industrielles illustrées dans la charte du CTC sont des symboles de progrès et de richesse et non de pollution et de dommages environnementaux.

En outre, les travailleurs représentés dans les chartes sont presque exclusivement des hommes blancs. La charte du CTC montre quelques travailleuses; les seules autres représentations de femmes dans les chartes sont des clientes ou des veuves éplorées. Aucun travailleur racisé ni travailleur en situation de handicap ne figure sur les illustrations.

Selon les dossiers du fonds consacré au travail, il semble que de nombreuses chartes de la collection de BAC aient été retournées au syndicat, puis données à BAC lorsque la section locale s’est dissoute, les membres de la section locale ont voté en faveur de l’adhésion à un autre syndicat, le syndicat a fusionné avec un autre syndicat ou le syndicat a demandé à la section locale de partir.

Dans certains cas, les sections locales en règle conservent parfois d’anciennes chartes dans leurs bureaux. En 1972, le CTC a demandé à ses sections locales de renvoyer toutes les vieilles chartes au siège social, puis le CTC a fait don des vieilles chartes à BAC.

Créées à l’origine comme des documents officiels pour marquer l’affiliation entre les sections locales et les syndicats, ces chartes ont également favorisé un sentiment d’identité et d’appartenance communes, tout en constituant un complément visuellement attrayant dans les bureaux et les salles de réunion des sections locales. Aujourd’hui, les chartes revêtent une valeur secondaire en offrant un aperçu des syndicats, des travailleurs, des lieux de travail et de la vie au travail au 20e siècle, et en tant qu’introduction à la collection d’archives de BAC sur le travail.

Recherche complémentaire :

  • Chartes du Congrès du travail du Canada (CTC) (MIKAN 107969)
    • Charte du Congrès du travail du Canada, élaboration et interprétation de ses aspects visuels (MIKAN 2629372)
  • Chartes du Congrès canadien du travail (CCT) (MIKAN 107924)
  • Chartes du Congrès pancanadien du travail (MIKAN 107906)
  • Chartes du Congrès des métiers et du travail (CMTC) (MIKAN 107903)
  • Chartes de l’Association internationale des machinistes (AIM) (MIKAN 5058290)
  • Chartes des Ouvriers unis de l’électricité, de la radio et de la machinerie d’Amérique (MIKAN 130940)

Sources publiées sur l’histoire du travail au Canada :

  • Titres disponibles en ligne :
    • Carmela Patrias et Larry Savage, Union power: solidarity and struggle in Niagara (OCLC 806034399)
    • David Frank et Nicole Lang, Labour landmarks in New Brunswick = Lieux historiques ouvriers au Nouveau-Brunswick (OCLC 956657952)
    • Eric Strikwerda, The wages of relief: cities and the unemployed in prairie Canada, 1929-39 (OCLC 847132332)
  • Autres titres :
    • Desmond Morton, Working people: an illustrated history of the Canadian labour movement (OCLC 154782615)
    • Steven C. High, One job town: work, belonging, and betrayal in Northern Ontario (OCLC 1035230411)

Dalton Campbell est archiviste à la section Science, environnement et économie de la Division des archives privées de Bibliothèque et Archives Canada.

La Commission Abella : un pas de plus vers l’égalité sur le marché du travail

English version

Par Mathieu Rompré

L’année 2024 marque les 40 ans du dépôt du rapport final de la Commission d’enquête sur l’égalité en matière d’emploi, aussi appelée Commission Abella. Celle-ci doit son nom à la juge Rosalie Silberman Abella, qui l’a présidée. (Vous pouvez consulter le rapport en version électronique en trois parties.) Cette commission d’enquête fédérale avait été instaurée en 1983 par l’honorable Lloyd Axworthy, ministre de l’Emploi et de l’Immigration dans le gouvernement libéral de l’époque.

Photographie d’une jeune fille vue de face, en gros plan. Le texte en caractères gras au-dessus de la photo dit : « Les filles? Autant de chances que les garçons? Pourquoi pas? ».

Publicité pour l’Année internationale de la Femme, 1975, Bibliothèque et Archives Canada (e010753405).

Le contexte social au début des années 1980 et les perspectives de l’époque sur le marché du travail expliquent la création de la Commission Abella. En effet, on prévoyait déjà que les femmes et les personnes issues d’autres groupes cibles représenteraient la majorité de la main-d’œuvre arrivant sur le marché du travail au cours des années à venir. La Commission était mandatée pour enquêter et faire rapport sur les moyens les plus efficaces et équitables de promouvoir les chances d’emploi, d’éliminer la discrimination systémique et d’assurer à tous les mêmes possibilités de prétendre à un emploi. Elle devait d’abord examiner les méthodes d’emploi en usage dans les principales sociétés d’État fédérales (la Société Petro-Canada, Air Canada, les Chemins de fer nationaux du Canada, la Société canadienne d’hypothèques et de logement, la Société canadienne des postes, la Société Radio-Canada, Énergie atomique du Canada Limitée, la Société pour l’expansion des exportations, Téléglobe Canada, la Société de Havilland Aviation du Canada Limitée et la Banque fédérale de développement). Dans un second temps, elle enquêterait sur les moyens de remédier aux lacunes de certaines méthodes d’emploi, ce qui comprenait l’étude d’un programme obligatoire d’action positive.

Caricature du Vancouver Sun de 1981 montrant un homme, assis à son bureau, qui parle à une employée.

Caricature du Vancouver Sun, 24 novembre 1981, Bibliothèque et Archives Canada, fonds Leonard Matheson Morris (cr0016620). 
Traduction de la caricature : « Madame Justegenre, je voulais vous dire que je suis tout à fait d’accord avec les demandes d’un salaire égal pour un travail égal, à condition de tenir compte de la différence dans notre égalité. »

La Commission tient des audiences dans 17 villes canadiennes entre les mois d’août 1983 et de mars 1984, recevant au total 274 mémoires. Bien qu’elle soit peu connue du grand public de nos jours, la Commission Abella a eu un impact considérable sur la société canadienne. Le gouvernement fédéral a profité de l’établissement de la Commission pour étendre à l’ensemble de la fonction publique du Canada un programme d’action positive. Au cours des années suivantes, de nombreuses entreprises privées ont mis en place des programmes similaires, et aujourd’hui les programmes destinés à favoriser l’embauche des femmes ou de certains groupes minoritaires sont devenus chose courante.

Même s’il reste beaucoup de travail à faire en ce qui concerne l’égalité sur le marché de l’emploi, la Commission Abella aura contribué à améliorer de façon significative la situation des femmes et de plusieurs groupes minoritaires au Canada. C’est dans le cadre de la Commission qu’ont été créés le concept d’ « équité en matière d’emploi » et les théories sur l’égalité et la discrimination qui constituent les fondements du rapport final. Les recommandations du rapport ont d’ailleurs été appliquées non seulement au Canada, mais aussi en Nouvelle-Zélande, en Irlande du Nord et en Afrique du Sud. Compte tenu de cette influence, il n’est pas étonnant que la juge Abella ait été nommée à la Cour suprême du Canada en 2004.

Portrait de l’honorable juge Rosalie Silberman Abella, vue de face, en gros plan, vêtue de sa toge de juge de la Cour suprême du Canada.

Portrait officiel de l’honorable juge Rosalie Silberman Abella à la Cour suprême du Canada.
© Cour suprême du Canada. Crédit : Philippe Landreville.

Pour en savoir plus sur la Commission et ses critiques, vous pouvez consulter le fonds de la Commission d’enquête sur l’égalité en matière d’emploi (RG33-133, R1066-0-3-F, comprenant environ 5,5 mètres de documents textuels) conservé à Bibliothèque et Archives Canada, ainsi que les ouvrages ci-dessous.

Autres ressources

  • Rapport de la Commission sur l’égalité en matière d’emploi, Rosalie Silberman Abella (n° OCLC 16024519)
  • Research Studies of the Commission on Equality in Employment, Rosalie Silberman Abella (n° OCLC 503015915)
  • Focus on Employment Equity. A Critique of the Abella Royal Commission Report, Walter Block et Michael A. Walker (n° OCLC 300593021)

Mathieu Rompré est archiviste à la Division des archives gouvernementales de Bibliothèque et Archives Canada.

Mon cher ami : des lettres de la Normandie pour nos soldats canadiens

English version

Par Ariane Gauthier

Dans le cadre de mon travail comme archiviste de référence à Bibliothèque et Archives Canada (BAC), je me retrouve souvent à creuser les multiples documents de la collection portant sur la Deuxième Guerre mondiale. De nombreuses personnes à travers le monde s’intéressent à l’histoire des Canadiens dans ce conflit et, plus précisément, aux expériences de nos soldats. Ce que je trouve d’autant plus fascinant, c’est la manière dont commence la quête des chercheurs avec qui j’ai la chance de travailler. Le point de départ est souvent une histoire intime, transmise au sein d’une famille ou encore d’une petite communauté : « J’ai découvert que ma mère a servi avec l’Aviation royale canadienne. » ou « Il paraît que mon village aurait caché un espion canadien pendant la Seconde Guerre mondiale. ». Cela suffit à alimenter la flamme des chercheurs, qui fouillent alors pour trouver des preuves ou enrichir leurs récits de nouveaux détails.

Mes collègues et moi figurons dans cette quête de manière ponctuelle, principalement pour faciliter l’accès aux documents de la vaste collection de BAC. Lorsque les circonstances le permettent, nous creusons l’information contenue dans ces documents à la recherche de détails pertinents pouvant aider les chercheurs à reconstituer l’histoire qu’ils cherchent à comprendre.

C’est ainsi que j’ai trouvé trois lettres en provenance de Normandie adressées à nos soldats canadiens. Malheureusement, le contexte des lettres, notamment l’identité du destinataire, demeure un mystère. J’ai repéré ces lettres dans un dossier du quartier général de l’Aviation royale canadienne (Référence : R112, RG24-G-3-1-a, Numéro BAN : 2017-00032-9, Numéro de boîte : 30, Numéro de dossier : 181.009 [D0624]) Ce dossier documente notamment les expériences de soldats canadiens ayant été capturés et internés dans des camps de prisonniers pendant la Seconde Guerre mondiale. Il contient aussi des transcriptions d’interviews sur les expériences vécues par les soldats.

Dans ce cas-ci, les trois lettres ne sont pas liées à des entretiens particuliers et figurent dans ce dossier comme des feuilles libres. Il n’y a pas de correspondance qui explique la raison pour laquelle elles ont été placées dans ce dossier. On ne sait pas non plus s’il s’agit de lettres adressées à des soldats ayant été faits prisonniers pendant la guerre. L’information contenue dans ces lettres est vraiment la seule information dont nous disposons. En réalité, même si cela peut sembler bien peu, ces trois lettres en disent long sur l’expérience des soldats en Normandie et sur celle des Français, surtout sur les risques encourus par ceux qui résistaient aux Allemands.

Voici les lettres en question :

Lettre à un soldat canadien de la part de Mme Morel, écrite le 8 octobre. L’année n’est pas indiquée sur la lettre. On sait seulement qu’elle a été écrite et postée une fois la guerre terminée.

Lettre à un soldat canadien de la part de Mme Morel, datée du 8 octobre. (MIKAN 5034948)

Dans cette première lettre, nous découvrons une partie de l’histoire de Mme Morel, qui aurait hébergé un de nos soldats après qu’il eut sauté d’un avion près de Villers-sur-Mer. Nous apprenons que ce soldat était parachutiste et qu’il se serait réfugié dans le restaurant de Mme Morel avec deux de ses compagnons d’armes, M. Cooper et Len Martin, alors que le village était encore sous occupation allemande.

Lettre écrite par Mme J. Cottu témoignant de son désir d’avoir des nouvelles du soldat qu’elle a hébergé en novembre 1943.

Lettre à un soldat canadien de la part de Mme J. Cottu. (MIKAN 5034948)

Cette deuxième lettre nous donne un aperçu de l’histoire de Mme J. Cottu et pourrait possiblement faire écho à celle du soldat parachutiste mentionné dans la lettre de Mme Morel. Faute d’informations plus précises, il est difficile de valider cette hypothèse, mais la deuxième lettre fait référence à un certain sergent Martin (possiblement Len Martin?) et situe son départ au mois de novembre. Mme Morel avait indiqué avoir hébergé le soldat à la fin octobre, sans toutefois préciser l’année, donc le tout pourrait concorder chronologiquement.

Mme J. Cottu mentionne avoir hébergé trois soldats dans sa maison, à Ruffec, en novembre 1943 : le destinataire de la lettre, le sergent Martin et le capitaine Ralph Palm. Bien que cet épisode semble s’être bien déroulé, elle indique avoir été arrêtée par la Gestapo en 1944 en raison des activités de son mari. On comprend la gravité de la situation avec cette confession : « I was arrested by the Gestapo, and have suffered very much. » (Je me suis fait arrêter par la Gestapo et j’ai beaucoup souffert.)

Lettre écrite par Mme Noel pour prendre des nouvelles de Harry et lui donner des nouvelles des Français qu’il a connus lors de son passage à Saint-Martin-aux-Chartrains.

Lettre à Harry de la part de Mme Andre Noel, datée du 13 novembre 1945. (MIKAN 5034948)

Dans cette troisième lettre, Mme Noel illustre très bien les dangers auxquels les membres de la Résistance étaient exposés. Elle porte le fardeau d’annoncer le décès de monsieur Baudol, membre de la Résistance, tué alors qu’il était en patrouille. Elle nous montre également les liens forts qu’Harry semble avoir tissés avec les habitants de Saint-Martin-aux-Chartrains. Bien que cette lettre exprime la souffrance, le chagrin et la peur, elle met aussi en lumière la bravoure et les sacrifices de trois familles pour venir en aide à un soldat canadien.


Ariane Gauthier est archiviste de référence à la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.