Ce blogue fait partie de notre programme De Nations à Nations : voix autochtones à Bibliothèque et Archives Canada.
Par Karyne Holmes
Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certaines personnes pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde – terminologie historique.
Dans le livrel multilingue interactif De Nations à Nations : voix autochtones à Bibliothèque et Archives Canada, des employés des Premières Nations, Inuit et de la Nation Métisse présentent des centaines d’articles conservés à Bibliothèque et Archives Canada. L’élaboration du livrel a commencé en 2018, peu après mon arrivée à BAC en tant que chercheuse pour l’initiative Nous sommes là : Voici nos histoires. Celle-ci vise à chercher, numériser et décrire les documents relatifs aux Autochtones pour qu’ils soient plus faciles à consulter.
J’ai eu l’honneur d’être invitée à rédiger des essais, ainsi que l’introduction du livrel intitulée « Pidji-ijashig – Anamikàge – Pee-piihtikweek – Tunngasugit – ᑐᙵᓱᒋᑦ – Bienvenue ». Pour écrire l’introduction, j’ai songé à l’impact que peut avoir la découverte de documents familiaux historiques dans la vie d’une personne. Je me suis aussi demandé pourquoi le travail accompli dans le cadre de l’initiative Nous sommes là : Voici nos histoires était si important. Je voulais également faire connaître la valeur inestimable de certains projets, comme le livrel et cette initiative de BAC. L’introduction explique enfin que le livrel favorise la connaissance et la réappropriation des langues autochtones.

Des femmes et des enfants denesųłiné debout devant un cadre de tannage de peaux d’orignal, lac Christina (Alberta), 1918 (a017946). Cette photo est présentée dans l’essai « Tannage traditionnel de peaux de caribou et d’orignal dans les collectivités dénées du Nord » rédigé par Angela Code.
Le Comité directeur sur les archives canadiennes a récemment publié le cadre de réconciliation en réponse à l’appel à l’action no 70 lancé par la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Ce rapport reconnaît que « les archives coloniales […] ont largement contribué à la formation d’un récit historique canadien qui privilégie les réalisations de la société de colonisateurs eurocentrique au détriment des identités, expériences et histoires des Premières Nations, des [Inuit et de la Nation Métisse]. » Un des principaux messages transmis dans le cadre est que les archives doivent respecter la souveraineté intellectuelle des peuples autochtones sur les documents créés par ces derniers et les concernant. De plus, ces archives doivent intégrer les points de vue, les connaissances, les langues, les histoires, les noms de lieux et les interprétations des Autochtones.
Le cadre donne des pistes pour intégrer la réconciliation aux pratiques archivistiques qui témoignent du travail amorcé à BAC. Notre publication collaborative De Nations à Nations constitue une précieuse ressource éducative pour montrer l’importance de replacer les archives dans leur contexte afin de faire connaître la grande diversité des points de vue et des expériences des Premières Nations, des Inuit et de la Nation Métisse.
Pidji-ijashig – Anamikàge – Pee-piihtikweek – Tunngasugit – ᑐᙵᓱᒋᑦ – Bienvenue : introduction du livrel De Nations à Nations : voix autochtones à Bibliothèque et Archives Canada
Pour lire ce billet de blogue en anishinabemowin, visitez le livrel. De Nations à Nations : voix autochtones à Bibliothèque et Archives Canada est gratuit et peut être téléchargé sur Apple Books (format iBooks) ou sur le site Web de BAC (format EPUB). On peut aussi consulter une version en ligne au moyen d’un ordinateur, d’une tablette ou d’un navigateur Web mobile; aucun module d’extension n’est requis.
Les documents d’archives et les ressources documentaires des bibliothèques nous donnent un aperçu de la vie et des expériences de nos ancêtres. C’est le cas pour tous les peuples, mais de tels documents revêtent une signification particulière pour les peuples autochtones. Les politiques et les actions coloniales, encore courantes de nos jours, ont séparé nos familles et rompu les liens qui nous unissent aux cultures, aux communautés, aux connaissances et aux récits de nos peuples, tout en nous privant d’y accéder. Les documents d’archives facilitent la découverte de l’histoire des familles et des communautés. Ils contribuent également à raviver des souvenirs et à restaurer le savoir, des réalités que beaucoup de gens ont oubliées en partie pendant l’ère des pensionnats et le retrait forcé des enfants autochtones de leurs familles. Grâce aux documents historiques, chaque personne peut retrouver des pièces manquantes et découvrir de nouvelles informations sur son histoire personnelle et celle de sa communauté. Ces pièces nous permettent de raconter nos histoires dans nos propres mots et de les faire connaître au monde entier.

Michel Wakegijig et sa famille à l’extérieur de leur résidence, Première Nation Wiikwemkoong, vers 1916 (e011310537-040_s1).
Certes, la valeur des documents historiques est indéniablement reconnue. Toutefois, la majorité des documents conservés par Bibliothèque et Archives Canada (BAC) ont été créés, recueillis et interprétés selon une perspective coloniale. Par conséquent, de nombreux documents concernant les communautés autochtones ne rendent pas tous les détails et dressent un portrait inexact des faits. En outre, ils sont souvent présentés selon le point de vue et l’intérêt de l’auteur et l’importance qu’il leur accorde. Pour parvenir à mettre en contexte et à interpréter les documents qui concernent les Premières Nations, les Inuit et la Nation Métisse, il est essentiel de les jumeler aux connaissances autochtones.

Page de la déclaration de Lucie Bellerose pour demander un certificat des Métis, signée à Saint-Albert en 1885. Les certificats numérisés comprennent des renseignements biographiques sur les ancêtres de la Nation Métissse (e011358921).
Les initiatives en cours à BAC donnent aux Premières Nations, aux Inuit et à la Nation Métisse la priorité quant à la gestion du contenu lié aux peuples autochtones. L’initiative Nous sommes là : Voici nos histoires vient modifier les descriptions de documents d’archives en adoptant une perspective de décolonisation. Afin que les descriptions représentent fidèlement le contenu des documents d’archives, nous y intégrons des noms de lieux, de communautés et de personnes ainsi que des termes culturels. L’initiative Écoutez pour entendre nos voix apporte un soutien aux communautés qui souhaitent contrôler et préserver tout matériel propre aux langues autochtones qui a été créé et hébergé dans ces communautés.

Jeune femme inuk de Kinngait (anciennement Cape Dorset) portant un parka rouge de style qilapaaq (ourlet droit) ainsi que des kamiik (bottes) avec des ours polaires brodés sur les doublures de laine, Iqaluit, Nunavut (anciennement Frobisher Bay, Territoires du Nord-Ouest) (e011212600). Cette photo a été décrite dans le cadre de l’initiative Nous sommes là : Voici nos histoires.
Le présent livrel offre une collection d’archives et de documents publiés qui sont conservés à BAC et qui ont été sélectionnés par des membres de l’équipe de BAC s’identifiant comme faisant partie des Premières Nations, des Inuit ou de la Nation Métisse. Les documents choisis – tirés de transcriptions, photographies, cartes, matériel audiovisuel et publications – mettent en lumière l’importance de notre identité culturelle et reflètent nos expériences personnelles en matière d’apprentissage et de connaissance de notre propre histoire. Les essais du livrel présentent des voix différentes, des perspectives multiples et des interprétations personnelles des documents.

Pêche hivernale sur la glace des rivières Assiniboine et Rouge (à l’emplacement actuel de Winnipeg). Un fort se trouve à l’arrière-plan, Manitoba, 1821 (e011161354). Cette œuvre est présentée dans l’essai « Trois mille ans de pêche sur la rivière Rouge », par William Benoit.
Lorsque cela est possible, une traduction est fournie dans la langue parlée par les personnes dont il est question dans l’essai. Pour les Autochtones, la langue est inextricablement liée à la culture. Les langues autochtones sont exceptionnellement descriptives des objets, des expériences et des émotions, des éléments qui ne peuvent être entièrement expliqués ou traduits en français ou en anglais. Les langues des Premières Nations, des Inuit et de la Nation Métisse ont été transmises d’une génération à l’autre par les récits, les chants et les expériences liées au territoire. La langue est largement influencée par le paysage physique d’un lieu et ses ressources. Ces éléments ont façonné les vocabulaires autochtones et chaque peuple possède des représentations et des valeurs uniques, propres à sa culture. Partout au Canada, les Premières Nations, les Inuit et la Nation Métisse se réapproprient leurs langues pour renouer avec leur histoire, assurer la continuité culturelle et honorer leurs ancêtres en connaissant les langues par lesquelles ces derniers interprétaient le monde.
À noter que l’écriture des langues et des noms des peuples autochtones suit les désirs exprimés par les Premières Nations, les Inuit et la Nation Métisse. Les règles grammaticales du français et de l’anglais ne sont donc pas toujours respectées.
Autres ressources de Bibliothèque et Archives Canada
- Blogue : Les archives, une ressource précieuse pour la revitalisation des langues des Premières Nations, par Karyne Holmes
- Blogue : Explorer l’histoire des peuples autochtones dans un livrel multilingue – Partie 1, par Beth Greenhorn en collaboration avec Tom Thompson
- Blogue : Explorer l’histoire des peuples autochtones dans un livrel multilingue – Partie 2, par Beth Greenhorn en collaboration avec Tom Thompson
- Initiatives du patrimoine documentaire autochtone – Nous sommes là : Voici nos histoires
- Plan d’action pour le patrimoine autochtone
Karyne Holmes est conservatrice à la Division des expositions et des prêts. Elle a aussi été archiviste pour le projet Nous sommes là : Voici nos histoires, visant à numériser les documents relatifs aux Autochtones conservés à Bibliothèque et Archives Canada.
![À gauche, Tatânga Mânî [chef Walking Buffalo] [George McLean] monte à cheval et porte son costume traditionnel des Premières Nations. Au centre, Iggi et une fille échangent un « kunik », un baiser traditionnel dans la culture inuit. À droite, le guide métis Maxime Marion tient un fusil. À l’arrière-plan, il y a une carte du Haut et du Bas-Canada, ainsi qu’un texte de la collection Red River Settlement [colonie de la rivière Rouge].](https://ledecoublogue.com/wp-content/uploads/2022/09/image1f.jpg?w=584&h=366)