La vie du soldat Marcel Gauthier (partie 1)

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Par Ariane Gauthier

J’ai appris l’existence de Marcel Gauthier il y a quelques années, alors que je visitais le cimetière militaire canadien de Bény-sur-Mer, en France. Bien que nous ayons le même nom de famille, Marcel n’est pas mon ancêtre. J’ai cependant toujours conservé le souvenir de ce jeune homme – l’unique Gauthier reposant dans ce grand cimetière. Avec le lancement du recensement de 1931, j’ai enfin eu l’occasion d’en apprendre plus sur lui. Je souhaite maintenant vous faire découvrir comment les multiples ressources de Bibliothèque et Archives Canada (BAC) permettent de reconstituer la vie d’une personne, par exemple un ancêtre ou encore un soldat!

Cette première partie du blogue traitera de la vie de Marcel Gauthier, de son enfance à son enrôlement militaire.

Photo noir et blanc d’un jeune homme vêtu de son uniforme militaire.

Photo du soldat Marcel Gauthier alors âgé de 21 ans, publiée dans un journal d’Ottawa pour annoncer son décès outremer (Mémorial virtuel de guerre du Canada).

Le soldat Marcel Gauthier (Joseph Jean Marcel Gauthier)

  • C/102428
  • Le Régiment de la Chaudière, R.C.I.C.
  • Date de naissance : 18 novembre 1922
  • Date de décès : 15 juillet 1944
  • Âge au moment du décès : 21 ans

Son dossier militaire est disponible à BAC dans la base de données des Dossiers de service des victimes de guerre, 1939 à 1947.

Né le 18 novembre 1922 à Ottawa, en Ontario, Marcel Gauthier est le septième enfant d’une grande famille canadienne-française qui en compte neuf. En cherchant les Gauthier dans les recensements, on apprend qu’Henri, le père de famille, est originaire de Rigaud, au Québec. Lorsqu’il arrive à Ottawa, il s’établit dans la Basse-Ville avec sa famille. C’est donc là que Marcel bâtit sa vie avant de s’enrôler.

À cette époque, la Basse-Ville d’Ottawa attire de nombreux Franco-Ontariens. Le recensement de 1931 démontre justement que les maisons et logements du sous-district Quartier By – Quartier Saint Georges sont en grande partie habités par des Canadiens français. Certains d’entre eux sont nés en Ontario, d’autres sont venus du Québec. Plusieurs études historiques indiquent que la population de la Basse-Ville se compose alors principalement de francophones et que la présence d’Irlandais y est également significative. C’est l’une des raisons pour lesquelles ce lieu a été le théâtre de beaucoup d’enjeux linguistiques dans l’histoire des Franco-Ontariens, notamment sur la question du règlement 17, adopté en 1912.

Capture d’écran du recensement de 1931, avec une flèche indiquant où se trouve l’information de Marcel Gauthier.

Capture d’écran du recensement de 1931. On retrouve Marcel Gauthier à la 48e ligne du sous district Quartier By – Quartier Saint Georges, n° 74 (Basse-Ville), soit à la 7e page du document (article 8 de 13). Il est alors âgé de 9 ans (MIKAN 81022015).

La Basse-Ville d’Ottawa est alors considérée comme un quartier défavorisé avec une population majoritairement ouvrière. On présume donc que Marcel n’est pas né dans le luxe et l’opulence. Sa grande famille a vécu à l’étroit dans des appartements, d’abord au 199, rue Cumberland, avec au moins sept enfants (recensement de 1921), puis au 108, rue Clarence, avec neuf enfants (recensement de 1931).

L’absence de sa mère, Rose Blanche Gauthier (née Tassé), du recensement de 1931 indique qu’elle était probablement décédée à ce moment. Nous pouvons supposer, en nous référant à la 8e page du document (ou à l’article 9 de 13), qu’elle serait décédée entre 1928 et 1931. C’est l’inscription du petit dernier de la famille, Serge Gauthier, alors âgé de 3 ans, qui nous permet d’émettre cette hypothèse. Le dossier militaire de Marcel valide cette théorie et confirme le décès de Mme Gauthier en date du 6 octobre 1928, peut-être dû à des complications liées à la naissance de son dernier enfant. Elle repose aujourd’hui au cimetière Notre-Dame, à Carleton Place, en Ontario, où elle est née.

En 1931, le père de Marcel et huit de ses enfants habitent dans un appartement de neuf chambres au 108 ½, rue Clarence. N’eût été l’aide des plus vieux, le salaire de porteur de courrier d’Henri n’aurait pas été suffisant pour subvenir aux besoins de ses enfants et assumer leurs frais de scolarité. On suppose donc qu’Yvette (âgée de 24 ans et célibataire), la plus vieille de la maisonnée, s’occupait d’entretenir la maison et de veiller sur les plus jeunes. On sait aussi que Léopold (âgé de 22 ans) travaillait comme chauffeur et que Marie-Anne (âgée de 21 ans) était vendeuse. Il est fort probable qu’ils aidaient financièrement leur père, tout comme l’avait surement fait leur sœur aînée, Oraïda (âgée de 27), dix ans plus tôt. Celle-ci était maintenant déménagée et mariée à un monsieur Homier.

En 1931, Marcel est donc étudiant à son tour et sait lire, écrire et communiquer en anglais. À 16 ans, il a terminé son éducation. Il fait son entrée sur le marché du travail comme cuisinier, puis déménage seul au 428, rue Rideau.

Photo d’un bâtiment à deux étages. Le restaurant Bowles Lunch est situé au rez-de-chaussée.

Restaurant Bowles Lunch où Marcel Gauthier a travaillé avant de s’enrôler dans l’armée en 1943 (a042942).

En Europe, les tensions avec l’Allemagne d’Hitler s’accentuent et aboutissent au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, en 1939. Contrairement à beaucoup de jeunes hommes, Marcel ne ressent pas immédiatement le besoin de se joindre au conflit, probablement parce qu’il est satisfait de son emploi comme cuisinier chez Bowles Lunch. Il attend jusqu’au 11 janvier 1943 avant de se présenter au bureau d’enrôlement n° 3, à Ottawa. On peut penser qu’il voulait aider à changer le cours de la guerre ou suivre l’exemple de deux de ses frères, Conrad et Georges Étienne.

Peu de temps après, le 29 janvier 1943, il quitte Ottawa pour commencer son entraînement à Cornwall, sans se douter qu’il quittait sa ville natale pour toujours.

Autres ressources


Ariane Gauthier est archiviste de référence au sein de la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.

Trouver Royalton : une recherche dans le Recensement de 1921

Par Julia McIntosh

Si vous souhaitez en apprendre davantage sur la recherche dans les recensements du Canada, ce blogue vous fournira quelques bons conseils et techniques à utiliser dans vos recherches.

Contexte

Alors que je travaillais au comptoir de référence, on m’a posé une question concernant la population de Royalton au Nouveau-Brunswick, soit le nombre d’hommes qui y résidaient entre les deux guerres mondiales, pour une recherche sur le recrutement. « Rien de plus simple », me suis-je dit. « Ça ne sera pas difficile à trouver ». Étant bibliothécaire, mon premier réflexe a été de consulter une publication sur le sujet. À ma grande surprise, j’ai constaté que Royalton était un trop petit village pour être mentionné dans les sources imprimées habituelles qui s’intéressent davantage aux grandes villes qu’aux petites localités rurales ou aux villages non constitués en municipalités. Je devais repenser ma stratégie de recherche.

Deux recensements ont été effectués pendant l’entre-deux-guerres : en 1921 et en 1931. J’ai choisi de consulter le premier parce qu’il était déjà numérisé; mon client pourrait donc examiner les documents en ligne (voir le Recensement de 1921).

Difficultés rencontrées

Il fallait d’abord trouver la localisation exacte de Royalton, selon les districts et sous-districts de recensement. Pour ce faire, je devais trouver une carte contemporaine et la comparer avec les districts et sous-districts du recensement de 1921 au Nouveau-Brunswick. Je devais également découvrir dans quel comté et dans quelle paroisse était situé Royalton et ensuite déterminer le bon sous-district à partir de la description fournie. Malheureusement, les sites de cartes sur Internet ne fournissent pas en général les renseignements dont j’avais besoin sur les comtés, et ne donnent pas non plus facilement accès aux cartes de la région. C’est aux Archives provinciales du Nouveau-Brunswick que j’ai trouvé ces informations. Leur site Web m’a informée que Royalton était « situé à l’est de la frontière du Nouveau-Brunswick et du Maine, 3,16 km au sud-ouest de Knoxford, paroisse de Wicklow, comté de Carleton. »

De retour aux districts et sous-districts du recensement, j’ai cherché Carleton, en faisant l’hypothèse que le district serait relié au nom du comté. Mais c’est bien connu, les hypothèses peuvent être trompeuses! Le district n’était pas classé sous la lettre « C », mais plutôt sous la lettre « V » comme dans District 48 – Victoria et Carleton. Qui aurait pu deviner?

Je n’étais pas au bout de mes peines. Pour compliquer les choses, il y a trois sous-districts dans la paroisse de Wicklow, dont la description ne mentionne pas Royalton :

  • Sous-district 11 Wicklow (paroisse)
    « Pour toute cette portion de la paroisse de Wicklow, au nord et à l’est de la ligne suivante ainsi décrite : commençant à la rivière Saint-Jean à la ferme de Hugh Tweedie; de là vers l’ouest le long de la route connue sous le nom de « chemin Carr » jusqu’au chemin Greenfield, et de là vers le nord le long dudit chemin Greenfield vers le chemin Summerfield; de là le long dudit chemin Summerfield jusqu’au chemin Knoxford, et de là vers le nord le long dudit chemin Knoxford et du prolongement de celui-ci vers le nord jusqu’à la ligne entre Carleton et Victoria et pour inclure tous ceux qui bordent lesdits chemins.
  • Sous-district 12 Wicklow (paroisse)
    « Pour toute cette partie de la paroisse de Wicklow, au sud et à l’est de la ligne suivante, commençant à la rivière Saint-Jean à la ferme de Hugh Tweedie, de là vers l’ouest le long de la route connue sous le nom de « chemin Carr » jusqu’au chemin Greenfield, puis vers le sud le long dudit chemin Greenfield jusqu’à la frontière sud de la paroisse de Wicklow, et pour inclure ceux qui bordent ledit chemin Greenfield, au sud dudit « chemin Carr ».
  • Sous-district 13 Wicklow (paroisse)
    « Commençant à l’endroit où le chemin Knoxford croise la ligne du comté entre Carleton et Victoria, de là vers l’ouest le long de ladite ligne du comté jusqu’à la frontière américaine, de là vers le sud le long de ladite frontière jusqu’à la paroisse de Wilmot, de là vers l’est le long de la frontière de la paroisse jusqu’au chemin Greenfield, de là vers le nord le long dudit chemin Greenfield jusqu’au chemin Summerfield, allant du chemin Summerfield au chemin Knoxford, de là suivant le chemin Summerfield vers l’ouest, jusqu’au chemin Knoxford; de là vers le nord le long du chemin Knoxford jusqu’à l’endroit du début. »

Quelle carte utiliser? Comme le temps pressait, je ne pouvais pas me payer le luxe d’attendre de pouvoir consulter une carte du recensement de 1921; j’ai alors vérifié dans notre collection de cartes numérisées. La plus récente carte disponible était une carte démographique du Recensement de 1891. À l’époque, Royalton se trouvait dans le district électoral de Carleton. Espérant qu’il n’y avait pas eu trop de changements en 30 ans, j’ai comparé la carte avec les descriptions et j’en ai déduit que Royalton se trouvait dans le sous-district 13, paroisse de Wicklow. Inquiète qu’une carte de 1895 pût être trop ancienne, j’ai consulté l’Atlas électoral du Dominion du Canada (1915), lequel a confirmé l’existence du district électoral de Victoria et Carleton, mais, étonnamment, Royalton n’y était pas indiqué. Au moins, le comté n’avait pas modifié ses frontières dans l’intervalle!

Une carte en noir et blanc du district électoral de Carleton (Nouveau-Brunswick); les frontières sont indiquées par un gros trait rouge.

Carte du district électoral de Carleton (N.-B.) tirée de la base de données de l’Atlas électoral du Dominion du Canada (1895). La source originale se lit comme suit : Electoral atlas of the Dominion of Canada: according to the Redistribution Act of 1914 and the Amending Act of 1915 (OCLC 1004062506)

Une autre difficulté s’est présentée au moment d’identifier, parmi les personnes dénombrées, celles qui résidaient dans le village de Royalton. La tâche aurait dû être facile, mais j’ai vite constaté que ce serait tout aussi compliqué. J’ai consulté la version imprimée du Volume I – Population of the Sixth Census of Canada, 1921, et trouvé le tableau 8 Population par districts et sous-districts. Sous Victoria et Carleton, puis comté de Carleton, j’ai trouvé Wicklow – 1 689 habitants. Cependant, il n’y avait pas d’inscription pour Royalton sous la rubrique Villes, ni de répartition par sexe. Mais le tableau 16 – Classification par sexe m’a donné la répartition pour Wicklow – 900 hommes et 789 femmes. J’étais vraiment près du but, mais rappelez-vous, la paroisse de Wicklow a trois sous-districts, dont un seul, le no 13, inclut Royalton. Il fallait que je m’approche le plus près possible des résultats du recensement pour le village.

Résultats

Ma seule option à cette étape était de consulter les données brutes recueillies lors du recensement, ce qui signifiait que je devais consulter la version numérisée du Recensement de 1921 sur notre site Web. Une recherche avec les mots-clés Royalton et Province : Nouveau-Brunswick n’a donné aucun résultat. Toutefois, Wicklow et Province : Nouveau-Brunswick a donné 1 600 résultats, ce qui correspond à peu près au nombre que j’avais trouvé pour la paroisse. La perspective de consulter toutes ces inscriptions était décourageante, c’est le moins qu’on puisse dire.

Par chance, après avoir ouvert quelques pages et parcouru le document, j’ai découvert une Page titre pour le recensement du district 48, sous-district 13, paroisse de Wicklow, pages 1-14 pour le recensement du district 48, sous-district 13, paroisse de Wicklow, pages 1-14. Et voilà!

Une page écrite à la main à l’encre noire contenant les informations suivantes : 1921, N.B. Dist. 48, Carleton, Sous Dist. 13, paroisse de Wicklow. Pages 1–14.

Page titre pour le recensement du sous-district 13, paroisse de Wicklow, district 48 – Carleton, Nouveau-Brunswick, Recensement de 1921.

Il me restait à résoudre le problème de la répartition par sexe. Même si les nombres étaient plus petits que pour l’ensemble de la paroisse de Wicklow, je devrais quand même faire pas mal de calculs. Heureusement, le recenseur avait indiqué les nombres totaux sur la dernière page de la section pour le sous-district 13, Wicklow :

hommes – 340; femmes – 316

Espérant toujours trouver des données spécifiques pour Royalton, j’ai vu que la colonne 5 était intitulée « Municipalité ». Alors, remplie d’espoir, je m’apprêtais à faire le décompte précis.

Vous souvenez-vous des difficultés que j’avais éprouvées précédemment? J’en rencontrais encore pour trouver le nombre précis de résidents à Royalton. Royalton apparaît pour la première fois à la page 3, ligne 39 pour le sous-district 13. Le recenseur commence par inscrire Royalton dans la colonne « Municipalité », puis il rature ces inscriptions et remplace le nom de Royalton par Carleton, qui est, comme nous le savons, le nom du comté! Par la suite, le recenseur inscrit systématiquement Carleton en tant que municipalité à la page 4.

Première page du recensement de 1921 montrant les inscriptions pour Royalton.

Recensement de 1921, Province du Nouveau-Brunswick, district no 48, sous-district no 13. Voir colonne 5, Municipalité, Royalton.

À cette étape, j’ai reconnu que je ne trouverais pas le nombre d’hommes à Royalton et j’ai transmis l’information à mon client, qui a peut-être réussi à découvrir cette information par les noms de famille.

Pour en savoir plus sur la recherche dans le recensement de 1921, consultez la section intitulée Enjeux au sujet de ce recensement et de cette base de données. Vous y trouvez des conseils très utiles pour passer d’une image à l’autre.

Bonne chance à tous ceux qui sont à la recherche de leur propre Royalton. Amusez-vous bien!

 

Julia McIntosh est bibliothécaire de référence à la division des Services de référence.