Fergie Jenkins : un long parcours semé d’embûches vers Cooperstown

Par Kelly Anne Griffin

Dans des conditions favorables, il est possible de parcourir les 700 km qui séparent Chatham (en Ontario) à Cooperstown (dans l’État de New York) en à peine huit heures. Mais pour un jeune Canadien, ce trajet fut une longue lutte contre la discrimination raciale et les meilleurs frappeurs des ligues majeures de baseball. Ce n’est qu’après un long parcours semé d’embûches et rempli d’exploits que Fergie Jenkins a été intronisé au Temple de la renommée du baseball.

Enfant unique de Ferguson Jenkins père et de Delores Jackson, Ferguson Jenkins est né à Chatham en 1942. Son père a immigré au Canada de la Barbade. Quant à sa mère Delores, elle est une descendante d’esclaves qui ont fui le sud des États-Unis par le célèbre chemin de fer clandestin pour se rendre dans le sud-ouest de l’Ontario.

Il était naturel que le fils de deux parents qui ont fait de l’athlétisme durant leur enfance se passionne pour le sport. Son père, un boxeur amateur qui a aussi joué pour les Coloured All-Stars de Chatham, une équipe de baseball amateur, dans les années 1930, lui a servi de modèle. Pendant son enfance, Fergie Jenkins fils se démarque en athlétisme, au hockey et au basketball. Il est si polyvalent que, de 1967 à 1969, il fait partie de l’équipe de basketball des Harlem Globetrotters pendant la saison morte au baseball.

Ce n’est qu’à son adolescence qu’il commence à pratiquer le sport qui le rendra célèbre. Fergie joue d’abord au premier but, mais la force de son bras finit par attirer l’attention. Il décide alors de s’entraîner en lançant des morceaux de charbon dans un parc à charbon local. Pour travailler sa précision, il vise des cibles étroites comme une chute à glace ou l’espace entre deux wagons d’un train en marche. À 15 ans, il se fait remarquer par un recruteur des Phillies de Philadelphie, Gene Dziadura, avec qui il s’entraînera jusqu’à la fin de ses études secondaires.

Une ville avec des maisons et des bâtiments de chaque côté d'une rivière, avec un pont reliant les deux côtés.

Vue aérienne de Chatham, une ville multiculturelle du sud-ouest de l’Ontario, 1919 (a030462)

De Chatham aux ligues majeures

Comme beaucoup de jeunes Canadiens, Fergie Jenkins rêve de devenir joueur de hockey. Il faut dire que, dans les années 1960, les Canadiens sont rares dans les ligues majeures. Toutefois, après avoir terminé ses études et son travail avec Gene Dziadura, Jenkins est clairement destiné à faire carrière au baseball. Même les majeures semblent être un rêve atteignable. Il signe un contrat avec les Phillies de Philadelphie en 1962 et fait ses débuts dans les majeures en 1965, en tant que lanceur de relève. Il devient lanceur partant peu avant d’être échangé aux Cubs de Chicago, en avril 1966.

Fergie Jenkins n’avait que quatre ans lorsque, le 15 avril 1947, Jackie Robinson est devenu le premier joueur noir de l’ère moderne dans les ligues majeures, ouvrant ainsi la voie à de futures vedettes comme Jenkins. Dans les années 1960, la situation s’était nettement améliorée, mais il restait beaucoup de chemin à faire. Ainsi, quand Jenkins est cédé aux mineures, il doit jouer dans des États du Sud où la ségrégation est appliquée dans les toilettes, et même dans les stades. L’artilleur canadien vit alors un véritable choc culturel, ayant grandi dans un pays que la femme de Jackie Robinson a qualifié de paradis après avoir passé un an à Montréal en 1946.

Fergie Jenkins passe la plus grande partie de sa carrière de 19 ans avec les Cubs de Chicago. À la fin des années 1960 et au début des années 1970, il s’impose comme l’un des meilleurs partants des majeures. Il atteint le plateau des 20 victoires — le seuil d’excellence pour les lanceurs à l’époque — à sept reprises, dont six fois de suite de 1967 à 1972. Le lanceur droitier maîtrise parfaitement tous ses tirs, mais il possède surtout une qualité essentielle pour un partant : la constance. Sa balle rapide, très précise, terrorise les frappeurs adverses. Enfin, à l’instar de plusieurs lanceurs de son époque, il possède un bras très résistant selon les standards actuels, comme le montrent ses cinq saisons avec plus de 300 manches lancées.

Un lanceur noir en plein élan s’apprête à effectuer un tir. Il y a un tableau indicateur en arrière-plan.

Baseball. Ferguson Jenkins, lanceur des Cubs de Chicago, contre les Expos de Montréal.
Date : le 19 septembre 1970. Source : Montreal Star/Bibliothèque et Archives Canada (Mikan 3195251)

En 1982, Fergie Jenkins est agent libre et décide de retourner à Chicago, après un brillant passage avec les Rangers du Texas. Il enregistre cette année-là son 3 000e retrait au bâton. Il devient ainsi le premier lanceur de l’histoire à retirer 3 000 frappeurs sur des prises tout en accordant moins de 1 000 buts sur balles. Au cours des 40 dernières années, seuls Greg Maddux, Curt Schilling, Pedro Martinez, Justin Verlander et Max Scherzer ont réussi l’exploit.

Encore aujourd’hui, Fergie Jenkins détient les records d’équipe chez les Cubs pour les retraits sur trois prises (2 038) et les départs (347).

Trophées et records

Fergie Jenkins a établi de nombreux records des majeures au cours de sa magnifique carrière. En 1971, il devient le premier lanceur canadien à remporter le Cy Young. Ce trophée, qui porte le nom d’un légendaire lanceur du début des années 1900 intronisé au panthéon du baseball, est décerné chaque année au meilleur lanceur de la Ligue américaine et à celui de la Ligue nationale. Le vainqueur est choisi à l’aide d’un vote de l’Association des chroniqueurs de baseball d’Amérique.

Fergie Jenkins domine sa ligue pour le nombre de victoires à deux reprises (la Nationale en 1971 et l’Américaine en 1974) et pour la moyenne de buts sur balles accordés par 9 manches à cinq occasions (trois fois dans l’Américaine et deux fois dans la Nationale). En 1969, il trône au sommet de la Ligue nationale avec un impressionnant total de 273 retraits au bâton. De 1967 à 1972, il enchaîne six saisons de suite avec au moins 20 victoires.

Fergie Jenkins est considéré comme le pilier des Black Aces, un groupe de lanceurs afro-américains ayant obtenu au moins 20 victoires en une saison. Aucun lanceur noir n’a remporté plus de parties que lui en carrière (284).

Un héritage digne d’être souligné

Le 3 mai 2009, les Cubs de Chicago ont hissé le numéro 31 de Fergie Jenkins au champ gauche du Wrigley Field, confirmant sa place parmi les grandes légendes de l’équipe fondée 138 ans plus tôt. En mai 2022, l’organisation a dévoilé une statue à l’effigie de Jenkins à l’extérieur du stade où il a obtenu tant de succès. Pat Hughes, commentateur des matchs de l’équipe à la radio depuis 1996, qualifie alors Jenkins de meilleur lanceur de la longue et légendaire histoire des Cubs de Chicago.

Le 17 décembre 1979, Fergie Jenkins est décoré de l’Ordre du Canada. En 1987, il est intronisé au Temple de la renommée du baseball canadien, à St. Marys (Ontario). En 1991, il obtient enfin l’honneur suprême pour un joueur de baseball : l’intronisation au Temple de la renommée à Cooperstown. Il était le seul Canadien au Temple jusqu’à ce que Larry Walker le rejoigne en 2020.

En décembre 2010, Postes Canada annonce qu’un timbre à l’effigie de Fergie Jenkins sortira au mois de février suivant pour souligner le Mois de l’histoire des Noirs. En 2011, Jenkins se rend dans 46 villes du Canada pour faire la promotion du timbre auprès des Canadiens et parler des projets visant à mettre en valeur l’histoire des Noirs.

Timbre montrant un joueur de baseball qui lance une balle, à gauche, et un homme qui regarde en direction de l’appareil photo, à droite.

Timbre commémoratif de Fergie Jenkins émis par Postes Canada à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs. (e011047401-v8)

Après sa retraite en 1983, Fergie Jenkins est demeuré très actif dans le milieu du baseball au Canada. En 1999, il a établi la fondation Fergie Jenkins à St. Catharines, en Ontario. Celle-ci a inauguré le Fergie Jenkins Baseball and Black History Museum en 2011. Toujours active, elle recueille des millions de dollars au profit d’organismes de bienfaisance de partout en Amérique du Nord.

Fergie Jenkins est toujours présent pendant la fin de semaine des intronisations au Temple de la renommée du baseball canadien. Il en profite pour discuter avec les partisans et les jeunes joueurs canadiens qu’il a su inspirer, en partie grâce à ses exploits sur le terrain. Il demeure un grand pilier de la promotion du baseball au Canada.

Autres ressources


Kelly Anne Griffin est archiviste adjointe pour l’équipe Médias spécialisés et description à la Division des archives gouvernementales de Bibliothèque et Archives Canada.

Insolite et fier de l’être : l’histoire méconnue du Musée des archives

Par Geneviève Morin

Par une journée ordinaire de juin 2011, un mystère improbable atterrit sur les bureaux des archivistes en art documentaire de Bibliothèque et Archives Canada (BAC). Il s’agit d’une petite statuette en bronze représentant le général James Wolfe. Cette œuvre du sculpteur Vernon March vient tout juste d’être trouvée à l’hôtel Lord Elgin, à Ottawa, soigneusement emballée et discrètement laissée sans surveillance. Le seul indice est une note dans laquelle l’auteur anonyme exprime son regret d’avoir volé la statuette « dans un acte de folie » lors d’une visite aux Archives dans les années 1950. Arrivant au crépuscule de sa vie, le voleur souhaite faire amende honorable…

Les archivistes qui connaissent l’histoire des collections non textuelles de BAC se mettent immédiatement au travail, entreprennent des recherches et dénichent des documents. La provenance est confirmée : la représentation en bronze du général Wolfe avait en effet été ajoutée aux collections des Archives en 1914! La statuette, récupérée avec gratitude, est finalement envoyée au lieu qui l’abrite actuellement, le Musée canadien de l’histoire.

Une question demeure toutefois : à l’époque, pourquoi les Archives décident-elles d’inclure ce type de sculpture dans la collection? Ne se limitent-elles pas généralement aux documents bidimensionnels, notamment les ressources textuelles, les photographies, les cartes et les dessins? Bien entendu, même si de nombreux Canadiens savent que BAC et les institutions qui l’ont précédé (les Archives nationales du Canada, la Bibliothèque nationale du Canada et les Archives publiques du Canada) acquièrent des ressources non textuelles depuis plus de 130 ans, peu connaissent la raison pour laquelle nos collections étaient – et, dans certains cas, sont encore – si éclectiques.

L’audacieuse ambition d’Arthur Doughty

Disons les choses simplement : à BAC, la diversité des fonds d’archives d’hier et d’aujourd’hui est attribuable en grande partie au deuxième archiviste fédéral du Canada, Arthur Doughty. Comme il l’explique dans le Catalogue of Pictures des Archives de 1925, son ambition n’est alors rien de moins que de faire de l’institution un ministère national d’histoire où sont préservées les sources de toute nature ayant une valeur pour l’étude de l’histoire du Canada. Il s’agit d’un mandat important, c’est le moins que l’on puisse dire…

Photo noir et blanc d’un homme moustachu portant un costume sombre et des bottes. Il est assis sur une chaise de bois et lit un livre, près d’un bureau de bois recouvert de papiers. À l’arrière-plan, on voit de grandes plantes, un mur présentant de nombreuses images encadrées et un manteau de cheminée. Le fauteuil de campagne en cuir du général Wolfe est appuyé contre le mur, à la droite de l’homme.

Arthur G. Doughty, archiviste fédéral, vers 1920, studio Pittaway. (c051653)

Après sa nomination en 1904, Arthur Doughty exprime sa vision en diversifiant beaucoup les types d’acquisitions que font les Archives. L’un des exemples les plus frappants de ce changement dans les pratiques d’acquisition est sans nul doute la gargantuesque maquette de la ville de Québec préparée par Duberger (voir ci-dessous) et transférée du ministère de la Guerre britannique en 1908.

Photo noir et blanc d’une grande salle présentant des tables d’exposition de part et d’autre et des luminaires suspendus au plafond. À l’arrière-plan, on aperçoit une grande maquette de ville.

Salle Grey, édifice des Archives publiques du Canada, rue Sussex, Ottawa (Ontario), après 1926. (a066642) (La maquette a été construite à Québec par le dessinateur Jean-Baptiste Duberger et le lieutenant-colonel John By, membre des Royal Engineers, entre 1806 et 1808. Aujourd’hui, la maquette est sous la garde de Parcs Canada.)

Au fil des ans, les Archives deviennent les gardiennes de milliers d’articles divers, dont les artéfacts suivants :

  • la tunique rouge que portait Isaac Brock au moment de son décès lors de la bataille des hauteurs de Queenston
  • le fauteuil de campagne de cuir de James Wolfe (photographié ci-dessus dans le bureau de Arthur Doughty, à gauche)
  • une massue casse-tête qui aurait été utilisée pendant la guerre de 1812, ainsi que plusieurs autres armes
  • des lunettes, des armes et des vêtements autochtones
  • des miroirs, des chandeliers et diverses pièces de mobilier
  • les plus vastes collections de pièces de monnaie, de jetons, de papier-monnaie, de médailles et de décorations du pays
  • des curiosités, comme un pilon à pommes de terre en bois qui aurait été utilisé dans la cuisine de sir John Johnson, et un ensemble élaboré de cloches de traîneau en laiton ayant appartenu à la princesse Louise et au marquis de Lorne

Bref, rien ne semble alors être exclu pour les Archives, tant que cela peut permettre aux Canadiens d’apprendre quelque chose sur leur histoire.

Photo noir et blanc d’une armoire en bois avec un miroir. Sur le dessus de l’armoire se trouve une horloge de cheminée ornementée. De chaque côté de l’armoire, on voit deux candélabres représentant des grues se tenant sur le dos de tortues.

Pendule de cheminée des Frères Raingo exposée dans l’édifice des Archives publiques, date inconnue. (a066643)

Un incontournable, tant pour les gens du coin que pour les visiteurs

Considérées comme une maison aux trésors pour l’historien canadien par le magazine Saturday Night en 1910, les Archives élaborent au fil du temps un programme muséal très réussi, offrant aux Canadiens l’occasion de s’immerger dans des expositions diversifiées combinant des publications, des ressources textuelles et des produits spécialisés de diverses formes, comme des cartes, des photographies, des peintures, des gravures et des artéfacts tridimensionnels. Ce n’est peut-être qu’une coïncidence, mais on peut apercevoir la tristement célèbre statuette de Wolfe dans la photo ci-dessous, prise vers 1926, sous le tableau de Benjamin West La mort du général Wolfe, dans la salle Northcliffe des Archives.

Photo noir et blanc d’une salle où se trouvent des bibliothèques et des vitrines d’exposition. À l’arrière-plan, on voit des fenêtres et des plantes.

Salle Northcliffe, édifice des Archives publiques du Canada, rue Sussex, Ottawa (Ontario), vers 1926-1930. (a137713). On peut voir la statuette de Wolfe, sculptée par Vernon March, sur le dessus de la vitrine d’exposition se trouvant sous le grand tableau, le long du mur à droite.

Installées dans diverses aires, dont trois salles conçues sur mesure au rez-de-chaussée de l’édifice des Archives, au 330, rue Sussex, les expositions permanentes sont régulièrement complétées par des expositions spéciales soulignant des événements commémoratifs, l’arrivée d’acquisitions importantes ou la visite d’invités de marque. L’espace est restreint, mais sous la direction d’Arthur Doughty et des conservateurs MM. Weber et A.E.H. Petrie, presque chaque espace utilisable est considéré comme un endroit où mettre en valeur la collection, même les corridors et le bureau de Arthur Doughty.

Photo noir et blanc d’une grande salle où se trouvent des vitrines d’exposition, une statue, des drapeaux, des plantes, des images encadrées, des chaises et un trône.

Salle Minto, édifice des Archives publiques du Canada, aménagée pour une réception à l’intention des délégués participant à la Conférence impériale, Ottawa, août 1932 (c000029). À l’époque, le trône du monarque (au centre, à droite) est conservé au Musée des archives lorsqu’il n’est pas utilisé au Sénat du Canada.

Photo noir et blanc d’une salle longue et étroite. Il y a deux luminaires suspendus au milieu de la salle, et les murs sont couverts d’affiches.

Salle des affiches de guerre, édifice des Archives publiques du Canada, rue Sussex, Ottawa (Ontario), vers 1944 (a066638). Nous trouvons encore des trous de punaises dans certaines affiches de guerre des collections préservées à BAC. Les pratiques de conservation et d’exposition ont beaucoup évolué depuis l’époque de la Salle des affiches de guerre!

C’est ainsi qu’au fil du temps, le Musée des archives accueille d’innombrables groupes d’écoliers, d’universitaires, de passionnés d’histoire et de dignitaires en visite. On compte même la visite de la princesse Elizabeth et du duc d’Édimbourg, en 1951. Le couple royal semble grandement apprécier l’expérience. En effet, comme le rapportent fièrement les responsables des Archives, au moment où le groupe signe le registre des visiteurs et part pour Rideau Hall, une période beaucoup plus longue que celle prévue dans le programme officiel s’est écoulée.

Photo noir et blanc de quatre hommes et d’une femme regardant des articles dans une vitrine d’exposition. Un homme pointe du doigt un document dans la vitrine.

Leurs Altesses Royales la princesse Elizabeth et le duc d’Édimbourg, accompagnés de l’honorable F. Gordon Bradley, secrétaire d’État (à gauche), aux Archives publiques. Rapport sur les Archives publiques pour l’année 1951.

Au milieu des années 1960, la popularité du musée connaît une hausse fulgurante. Malheureusement, comme l’observe M. Petrie en 1960, ce grand succès a des effets négatifs : un seul gardien ne semble pas suffire pour les trois salles, car on note que des larcins et des actes de vandalisme mineurs sont commis sur des objets de la collection. La sécurité a du mal à assurer une surveillance suffisante étant donné que les visiteurs sont de plus en plus nombreux. Peut-être est-ce dans ces conditions que la statuette de Wolfe disparaît, malheureusement…

L’inévitable non-durabilité

Au bout du compte, l’approche bien intentionnée d’Arthur Doughty ne peut visiblement plus fonctionner. En près de 60 années d’existence, le Musée des archives accumule une telle collection tridimensionnelle que l’édifice des Archives est plein à craquer. L’espace devient si restreint qu’en 1965, les salles d’exposition de l’édifice de la promenade Sussex [la rue est devenue promenade en 1953] doivent être déménagées dans des locaux temporaires à l’édifice Daly, près du Château Laurier. Il en est de même pour les artéfacts excédentaires, jusque-là entreposés dans l’édifice Loeb sur la rue Besserer.

Photo noir et blanc de deux édifices. À gauche, on aperçoit des personnes et des voitures floues. Au premier plan, on peut voir des lignes électriques.

Hôtel G.T.R. [Château Laurier] et édifice Ria [Daly]. Photo : William James Topley, après 1911 (a009116). En 1921, le gouvernement fédéral achète et commence à occuper l’édifice Daly, un immeuble commercial.

La question épineuse du Musée des archives est évaluée par la Commission Massey en 1951 et la Commission Glassco en 1963; elle vient ajouter le poids nécessaire à l’argument en faveur de la réduction des collections. Bien qu’à l’époque, les Archives ne se limitent pas à leur rôle traditionnel à un moment où « aucune autre solution n’est disponible », il devient évident qu’il est impossible et qu’il n’est plus nécessaire de tenir à la fois le rôle d’archives nationales et de musée. Vient alors le moment de partager le fardeau de la responsabilité avec d’autres institutions existantes.

Un nouvel édifice, mais des collections réduites

En 1967, la Bibliothèque nationale et les Archives nationales du Canada déménagent dans de nouveaux locaux au 395, rue Wellington, à Ottawa. Cet immeuble moderne, conçu sur mesure, comprend des aires d’exposition. Toutefois, il n’est pas prévu que les expositions d’antan y soient reproduites; l’accent sera plutôt mis sur la richesse des ressources qui garnissent les fonds et les collections d’archives et de bibliothèque.

Les années qui suivent le déménagement sont donc consacrées à la répartition de la collection du Musée des archives. La plupart des artéfacts tridimensionnels sont transférés au futur Musée de l’homme (aujourd’hui le Musée canadien de l’histoire), tandis que les trophées de guerre et les artéfacts militaires demeurent à l’édifice de la promenade Sussex pour continuer à faire partie de la collection du Musée canadien de la guerre. Environ 16 000 pièces de monnaie et autres objets liés à la numismatique sont envoyés à la Banque du Canada. Les fonds philatéliques des Archives sont pour leur part transférés au ministère des Postes. Les Archives conservent leurs collections de quelque 6 000 médailles et jetons militaires, commémoratifs et ecclésiastiques. Ces dernières, ainsi que l’importante collection de peintures, continueront à faire partie des collections d’art documentaire et d’objets des Archives publiques. M. Petrie reste en poste à titre de conservateur du musée et de la numismatique, guidant les groupes dans les expositions de tableaux et autres, ainsi que dans la découverte des impressionnants éléments décoratifs et architecturaux du nouvel immeuble.

Un héritage permanent

À mesure que BAC progresse dans le 21e siècle, l’esprit ambitieux d’Arthur Doughty et l’héritage du Musée des archives se perpétuent à travers une approche purement canadienne des archives. Des documents gouvernementaux, des archives privées et des ressources non textuelles de toutes sortes ont été recueillis et conservés pendant plus de 100 ans. Cette approche est à l’origine de l’ensemble éclectique de compétences que possèdent encore aujourd’hui les professionnels de BAC. Plus important encore, elle fait en sorte qu’un patrimoine documentaire diversifié continue d’intriguer, d’informer et d’impressionner les Canadiens et les visiteurs, même si les règles de sécurité et d’accès sont devenues un peu plus strictes après l’affaire de la statuette de Wolfe.


Geneviève Morin est archiviste principale pour l’art documentaire, les objets et la photographie à la Division des archives gouvernementales, à Bibliothèque et Archives Canada.

Les débuts de la poste aérienne

Par Dalton Campbell

Le 25 décembre 1927, un avion Fairchild survolait la rive nord du Saint-Laurent, de La Malbaie à Sept-Îles (Québec). Chaque fois que l’avion s’approchait d’une collectivité, le pilote faisait descendre son avion et laissait tomber un paquet rempli de courrier attaché à un parachute. Le maître de poste récupérait le parachute et le courrier postal pendant que le pilote poursuivait son vol vers la municipalité suivante.

Il s’agissait de la première livraison officielle par poste aérienne effectuée par le ministère des Postes afin de desservir les collectivités sises le long de la rive nord du Québec. En hiver, ces municipalités — comme bien d’autres ailleurs au Canada — étaient auparavant isolées et recevaient le courrier sur une base irrégulière, après un transport plutôt lent par bateau ou traîneau à chiens.

Une photographie en noir et blanc d’un groupe d’hommes debout devant un avion monomoteur. Les hommes sont placés en demi-cercle autour de nombreux sacs de courrier empilés sur le sol.

Pilote renomé Roméo Vachon devant les portes de l’avion Fairchild FC-2W de la Canadian Transcontinental Airways Ltd. lors de l’inauguration du service postal aérien entre Montréal et Rimouski (Québec), le 5 mai 1928. À Rimouski, le courrier était transféré des navires transatlantiques à bord d’un avion qui s’envolait pour Montréal, puis vers Toronto. Ainsi, la livraison se faisait 24 heures plus vite. (MIKAN 3390347)

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