Un visage, un nom voit plus grand!

Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certains pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde — terminologie historique.

Le projet Un visage, un nom a vu le jour au début de 2002, quand Bibliothèque et Archives Canada s’est associé au programme de formation Nunavut Sivuniksavut et au ministère de la Culture, de la Langue, des Aînés et de la Jeunesse du gouvernement du Nunavut. Son but? Numériser des photos d’Inuits conservées par Bibliothèque et Archives Canada pour tenter d’identifier les personnes sur ces clichés. (Les photos ont été prises sur le territoire du Nunavut actuel.) On croyait alors que le projet durerait une année. C’était sans compter son succès auprès du public!

Pour souligner en juin le Mois national de l’histoire autochtone, Bibliothèque et Archives Canada est heureux d’annoncer le lancement du nouveau site Un visage, un nom. En plus des communautés du Nunavut, ce projet élargi englobe maintenant les Inuits d’Inuvialuit, dans les Territoires-du-Nord-Ouest; ceux du Nunavik, dans le nord du Québec; et ceux du Nunatsiavut, au Labrador; s’y ajoutent aussi les Premières Nations et les Métis du reste du Canada. Du contenu tout neuf sera versé sur le nouveau site; quant au projet original Un visage, un nom, il demeurera tel quel sur le Web.

Le projet Un visage, un nom : 2002-2012 a commencé par la numérisation d’environ 500 photos du fonds Richard Harrington. Depuis, Bibliothèque et Archives Canada a numérisé environ 8 000 photos provenant de divers ministères et de collections privées. Grâce à l’enthousiasme et au soutien des chercheurs inuits et non inuits, près du quart des personnes, des activités et des événements représentés sur les photos ont pu être identifiés. Toute l’information recueillie a été ajoutée à la base de données du projet.

Au fil des ans, Bibliothèque et Archives Canada a reçu plusieurs photos et entendu de touchants récits de personnes qui ont pu renouer avec leur famille et leurs amis grâce à Un visage, un nom. Par exemple, Mona Tigitkok, une aînée de Kugluktuk, s’est reconnue sur un portrait de jeunesse alors qu’elle assistait, à l’hiver 2011, à une rencontre de la Société patrimoniale Kitikmeot (site en anglais). La Société avait organisé plusieurs de ces rencontres, où l’on présentait des photos de personnes non identifiées.

Photographie en couleur prise dans une salle communautaire à Kugluktuk, au Nunavut, en février 2011. On y voit une femme âgée inuite, vêtue d’un long parka à motif floral bordé de fourrure; elle se tient devant une toile où est projetée une diapositive d’elle-même quand elle était jeune femme.

Mona Tigitkok devant une photo d’elle-même prise plus de 50 ans auparavant (Kugluktuk, Nunavut, février 2011). Crédit : Société patrimoniale Kitikmeot

Pour l’auteure et historienne Deborah Kigjugalik Webster, Un visage, un nom a été utile tant sur le plan personnel que professionnel. Elle raconte :

Je travaille dans le domaine de l’histoire et du patrimoine inuits, et c’est comme ça que j’ai découvert le projet Un visage, un nom il y a quelques années. Mais le projet a aussi une signification personnelle pour moi. En faisant une recherche dans la base de données, j’ai découvert des photos de parents et de gens de ma communauté.

Les photographes d’autrefois n’identifiaient pas souvent les gens qu’ils prenaient en photo. Ils se contentaient d’indiquer « groupe d’Esquimaux » ou « femmes autochtones », par exemple. Un après-midi où je prenais le thé avec ma mère, Sally Qimmiu’naaq Webster, je lui ai montré des photos dans la base de données d’Un visage, un nom. Ensemble, nous avons pu identifier quelques visages de notre communauté de Baker Lake (Qamanittuaq). Quelle satisfaction! En redonnant leurs noms à ces personnes, réduites à l’anonymat dans les légendes des photographes, nous nous réapproprions notre histoire et notre patrimoine. 

Photographie d’une jeune femme inuite vêtue d’un col roulé et regardant vers le bas, Baker Lake (Qamanittuaq), Nunavut, 1969

Photo de feu Betty Natsialuk Hughson (identifiée par sa parente Sally Qimmiu’naaq Webster), prise à Baker Lake (Qamanittuaq), Nunavut, 1969 (MIKAN 4203863)

Avec Un visage, un nom, on peut bien sûr identifier des gens sur des photos, mais aussi ajouter ou corriger de l’information dans la base de données, comme corriger l’orthographe d’un nom. On n’a qu’à utiliser le formulaire en ligne. Ça vaut vraiment la peine d’aller voir les photos dans la base de données, surtout avec un aîné : ça débouche toujours sur des conversations intéressantes.

Au travail, je m’occupe d’une page Facebook qui s’appelle Inuit RCMP Special Constables from Nunavut [en anglais seulement]. On y rend hommage à nos gendarmes spéciaux inuits de la Gendarmerie royale du Canada. L’année dernière, j’y ai publié un portrait de Jimmy Gibbons, pris à Arviat en 1946. Je l’avais trouvé dans la base de données d’Un visage, un nom. Le gendarme spécial Gibbons était un homme remarquable. Il s’est joint à la GRC en 1936 et a pris sa retraite en 1965. Plusieurs personnes ont « aimé », partagé et commenté sa photo, dont certains de ses descendants : fils, neveux, petits-fils. Des gens ont tout simplement écrit « Merci ». Shelley Ann Voisey Atatsiaq a fièrement commenté : « Pas étonnant que j’aie déjà écrit à quel point je respecte la GRC : j’ai du sang de la GRC qui coule dans mes veines! Merci d’avoir partagé cette photo avec nous! »

Photographie noir et blanc prise de près d’un homme Inuit portant un veston et une cravate debout à l’extérieur.

Jimmy Gibbons, Gendarme spéciale de la Gendarmerie royale du Canada, Arviat (Nunavut), 1 août 1946 (MIKAN 4805042)

Envie d’en savoir plus sur le projet? Lisez l’article Project Naming/Un visage, un nom, paru en anglais dans le International Preservation News (aux pages 20 à 24 du no 61, publié en décembre 2013).

BAC aimerait aussi connaître votre opinion sur le deuxième volet du projet Un visage, un nom. Exprimez-vous grâce au formulaire « Le projet Un visage, un nom se poursuit ».

Histoire autochtone : Commencez votre recherche

La Résistance du Nord-Ouest (Résistance de la Saskatchewan)

English version

Peu d’événements célèbres dans notre histoire nationale suscitent autant de débats et d’opinions aussi tranchées que les conflits de 1870 et de 1885 entre les Métis de l’Ouest canadien et le gouvernement du Canada. Divers noms sont associés à ces deux épisodes, et leur mention reflète souvent les allégeances, les opinions, voire la partialité de l’auteur. Aujourd’hui, nous nous penchons sur l’application de termes tels que rébellion, résistance, insurrection et conflits.

Sans doute que le débat sur les événements de 1870 et de 1885, sur Louis Riel et sur la place qu’occupent les Métis dans notre histoire et la société canadienne contemporaine a eu un effet durable sur notre conscience nationale. En mars 1885, on peut lire dans un article paru dans le Globe de Toronto : « Rares sont les hommes à avoir été la cause de deux rébellions. Dans l’histoire du Dominion, Sir John Macdonald et son ami Riel sont les deux seuls à avoir mérité cette distinction. » [traduction]

Reproduction en noir et blanc d’une coupure de journal du Globe de Toronto en 1885. Il s’agit d’un article sur la Rébellion du Nord-Ouest.

Coupure de journal du Globe de Toronto, 1885 (MIKAN 521291)

Afin de nous situer en contexte, on assiste, durant les années 1870, à la disparition des troupeaux de bisons, beaucoup de Premières Nations sont au bord de la famine. Quant aux Métis, l’extinction des bisons desquels ils dépendaient eux aussi leur apporte un lot d’épreuves, alourdies, par la suite, par la fin du commerce de la fourrure.

Les Métis des Territoires du Nord-Ouest étaient d’avis que le Conseil du Nord-Ouest en place ne représentait pas leurs intérêts. Ils désiraient obtenir d’Ottawa la garantie que les titres de leurs lots de colonisation riverains et de leurs fermes seraient protégés advenant l’arrivée de vagues de colons.

Les Métis ont envoyé plus de 70 pétitions à Ottawa afin de leur faire part de leurs doléances, sans jamais recevoir de réponse. Aux yeux des Métis, le gouvernement fédéral était indifférent à leur tentative de régler les différends territoriaux et de protéger les droits des occupants.

Arrivés depuis peu dans les Territoires du Nord-Ouest, des colons blancs frustrés attendaient aussi leurs titres de propriété, car ils en avaient besoin pour obtenir des prêts et apporter des améliorations à leurs fermes. Entre-temps, un sentiment généralisé d’insatisfaction au regard des traités des Premières Nations et la pauvreté croissante ont poussé le chef Big Bear, de la tribu des Cris des plaines, à vouloir renégocier les modalités des traités. De fait, les problèmes et les doléances des Premières Nations étaient nettement différents de ceux des Métis et des colons blancs, hormis leur impression commune que le gouvernement d’Ottawa était indifférent, distant et impérialiste.

En conséquence, les Métis ont décidé de résister aux mesures prises ultérieurement par le gouvernement fédéral. Lorsque Louis Riel a organisé un gouvernement provisoire « illégal », cela a incité Ottawa à affirmer sa souveraineté dans les Territoires du Nord-Ouest.

Gravure en noir et blanc tirée du Illustrated London News, 1885. L’esquisse montre une colonne de soldats qui marchent dans un paysage hivernal.

Résistance dans les Territoires du Nord-Ouest du Canada : Des troupes coloniales marchant sur les glaces de la baie Nipigon, dans le lac Supérieur, tiré du Illustrated London News, 1885 (MIKAN 2933970)

La Résistance du Nord-Ouest (ou Résistance de la Saskatchewan), un violent soulèvement contre le gouvernement canadien qui dura cinq mois, menée surtout par des militants métis et des Premières Nations alliées.

Dessin à la plume (recouvrant les traits de crayon) illustrant un combat en forêt, les Métis se trouvant derrière une barricade et tirant sur l’armée britannique en approche. Les Métis sont bien moins nombreux.

Bataille de Batoche, 1885, par Charles William Jefferys (MIKAN 2899639)

Les Métis essuieront une défaite à la bataille de Batoche (aujourd’hui la Saskatchewan), mettant pratiquement fin à la Résistance du Nord-Ouest. Pour bien des personnes, dont Louis Riel et le chef Big Bear, les conséquences ont été immédiates et directes.

Photographie en noir et blanc d’un homme assis, enveloppé d’une couverture. Il regarde directement le viseur.

Chef Big Bear, 1886, par William Topley (MIKAN 3358338)

Les communautés métisses et celles des Premières Nations allaient souffrir des conséquences graves et durables des événements de 1885. De plus, les relations entre les francophones et les anglophones et les peuples autochtones et non autochtones allaient rester tendues pendant quelques années.

Photo de Louis Riel maintenant sur Flickr