Les couvertures dans les traditions des Premières Nations

À la gauche de l’image, Tatânga Mânî (le chef Walking Buffalo, aussi appelé George McLean) est à cheval dans une tenue cérémonielle traditionnelle. Au centre, Iggi et une fillette font un kunik, une salutation traditionnelle dans la culture inuite. À droite, le guide métis Maxime Marion se tient debout, un fusil à la main. À l’arrière-plan, on aperçoit une carte du Haut et du Bas-Canada et du texte provenant de la collection de la colonie de la Rivière-rouge.

Par Elizabeth Kawenaa Montour

Pour les Premières Nations, les couvertures sont des symboles riches de sens et de traditions liés à la culture, à la naissance, à la vie et à la mort. Elles sont le signe de croyances et de luttes pour la survie qui transcendent le temps et l’espace. Elles ont aussi un côté sombre, car elles sont parfois utilisées pour décimer les populations des Premières Nations. Ainsi, le chef de l’armée britannique sir Jeffrey Amherst suggère en 1763 d’introduire la variole chez les Premières Nations ennemies en leur remettant des couvertures infectées.

Avant l’arrivée des matériaux tissés et industriels, les Premières Nations fabriquent les couvertures à l’aide de ressources naturelles. Les peaux de plusieurs animaux, surtout ceux de grande taille comme le cerf, le wapiti, l’ours, le caribou, le phoque, l’orignal et le bison, servent de couvertures. Il faut plusieurs jours et beaucoup de travail pour chasser les animaux, préparer leur peau et la tanner. La fourrure de l’animal peut être récupérée selon l’usage que l’on veut faire de sa peau. La peau tannée peut également être décorée si on dispose des matériaux nécessaires.

Une aquarelle sur crayon représentant deux hommes des Premières Nations en costume d’apparat qui se tiennent debout devant une rivière et un canot monté sur la rive.

Deux chefs Anishinaabek (Odawa) faisant partie d’un groupe venu de Michillimackinac, au lac Huron, pour discuter avec leur Grand Père le roi ou son représentant, vers 1813-1820. (c114384k)

On applique parfois de la résine de pin ou d’épinette sur la couche externe de la peau pour la rendre plus étanche à l’eau. Cette couverture est idéale pour recouvrir les habitations, comme les bâtiments en appentis et les tipis.

Lavis gris d’aquarelle sur crayon représentant un homme des Premières Nations, assis sur un billot, près d’un tipi muni d’une couverture placée au-dessus de l’ouverture. Il y a aussi un foyer et une bouilloire, ainsi qu’un canot accosté sur la rive d’une rivière.

Île Sugar, au nord de la baie Georgienne. Date inconnue. (e000996344)

Les Premières Nations ont mis au point leurs propres techniques de tissage; ils utilisent de l’écorce d’arbres ou des parties de plantes fibreuses, comme les quenouilles. Il faut au moins un an pour fabriquer une couverture chilkat de la côte Nord-Ouest, une importante couverture de cérémonie et de danse faite de poils de chèvre mélangés à de l’écorce de cèdre.

Photographie en noir et blanc d’une femme, drapée d’une couverture d’écorce, dont on ne voit que le visage.

Femme Nuu-chah-nult (Nootka) portant une couverture en écorce de cèdre, 1916 (a039478)

À l’arrivée des colons européens, les peuples des Premières Nations adaptent rapidement les nouveaux biens obtenus à leur mode de vie. Les artistes qui participent aux expéditions dans l’Ouest et le Nord consignent dans leurs dessins les nombreuses utilisations des couvertures. Certains membres des Premières Nations s’en servent comme manteau ou comme châle. Les capotes à capuchon sont fabriquées à partir de couvertures de troc dont on coud des pièces en forme de bloc à l’aide de tendons.

Photographie en noir et blanc d’un homme portant un manteau de la Baie d’Hudson.

Le chef cri Pi-a-pot, vers 1885. (c003863)

Les couvertures de troc les plus réputées sont celles de la Compagnie de la Baie d’Hudson, fournies et échangées pour la première fois en 1779. Les premières photos de rassemblements des Premières Nations sur la côte du Nord-Ouest montrent des couvertures de troc empilées pour symboliser la prospérité.

Lithographie en couleur représentant un homme des Premières Nations vêtu d’une capote et d’une couverture, trois femmes et un chien en hiver.

Homme, femmes et bébé des Premières Nations au Bas-Canada, 1848. (c041043k)

Les couvertures à boutons sont faites de couvertures de laine de qualité provenant de manufactures britanniques. Elles sont habituellement de couleur foncée et décorées d’écussons rouges qui ont un sens symbolique. Des lignes de boutons faits de nacre ou de coquille d’ormier encadrent les dessins. Les familles et les communautés utilisent ces couvertures pour les cérémonies et les danses.

Photographie en noir et blanc d’un homme des Premières Nations enveloppé dans une couverture à boutons et portant une parure de tête.

Couverture à boutons haïda portée par Tom Price, vers 1910. (a060009)

Photographie en noir et blanc d’une femme des Premières Nations à cheval devant un tipi.

Femme d’une Première Nation des Plaines à cheval, vers 1920-1930. (a041367)

Les membres des Premières Nations continuent d’utiliser des couvertures dans leurs pratiques traditionnelles et de leur accorder beaucoup de valeur. Par exemple, selon les croyances, vos ancêtres sont avec vous lorsque vous vous enveloppez dans une courtepointe en étoile conçue par les peuples dakota, lakota ou nakota. Des couvertures sont offertes en cadeau lors de mariages et à la naissance d’un enfant, ou pour récompenser les aînés et les personnes qui participent à des projets louables.

Certaines couvertures utilisées pour les pow-wow sont transformées en châles par l’ajout d’appliqués et de rubans de satin. L’utilisation des couvertures chez les peuples des Premières Nations revêt plusieurs dimensions façonnées par leurs expériences, et cette pratique pourra être transmise aux générations futures.

Découvrez d’autres images de couvertures dans la collection de photos et d’œuvres d’art de Bibliothèque et Archives Canada.

Ce blogue fait partie d’une série portant sur les Initiatives du patrimoine documentaire autochtone. Apprenez-en plus sur la façon dont Bibliothèque et Archives Canada (BAC) améliore l’accès aux collections en lien avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Voyez aussi comment BAC appuie les communautés en matière de préservation d’enregistrements de langue autochtone.


Elizabeth Kawenaa Montour est archiviste de projet à la Division des expositions et du contenu en ligne de Bibliothèque et Archives Canada.

A. P. Low et les multiples expressions de l’amour dans la culture inuite

À la gauche de l’image, Tatânga Mânî (le chef Walking Buffalo, aussi appelé George McLean) est à cheval dans une tenue cérémonielle traditionnelle. Au centre, Iggi et une fillette font un kunik, une salutation traditionnelle dans la culture inuite. À droite, le guide métis Maxime Marion se tient debout, un fusil à la main. À l’arrière-plan, on aperçoit une carte du Haut et du Bas-Canada et du texte provenant de la collection de la colonie de la Rivière-rouge.Par Heather Campbell

Albert Peter Low est géologue et explorateur. Ses expéditions au Québec et au Labrador, de 1893 à 1895, contribuent à tracer les frontières de ces territoires. Low cartographie l’intérieur du Labrador et y découvre d’importants gisements de fer menant à l’exploitation de la mine située près de l’actuelle ville de Labrador City. Sa carte du Labrador influence les expéditions suivantes, notamment celle de Mina Hubbard en 1905.

Portrait noir et blanc d’un homme debout dans un studio de photographie.

Portrait d’Albert Peter Low par William Topley, 1897. (a214276)

Low dirige deux expéditions en 1903 et 1904, longeant la côte ouest de la baie d’Hudson à bord du vapeur Neptune. Il prend officiellement possession de l’île Southampton, de l’île d’Ellesmere et d’autres îles environnantes au nom du Canada. Il décrira ses voyages dans Cruise of the Neptune, un rapport sur l’expédition du gouvernement du Dominion effectuée en 1903-1904 dans la baie d’Hudson et les îles de l’Arctique. Ses travaux de recherche contiennent des renseignements inestimables sur la culture inuite au Québec, au Nunavut et à Terre-Neuve-et-Labrador.

Le fonds Albert Peter Low comprend des photographies, des proclamations, deux journaux rédigés lors d’un voyage de prospection sur la côte est de la baie d’Hudson (aujourd’hui le territoire inuit du Nunavik, au Québec), et un carnet de notes tenu de 1901 à 1907. Ce carnet contient 40 pages dressant la liste des nombreux temps et terminaisons correspondantes du verbe aimer en inuktitut.

Dans la photo ci-dessous, nous voyons une page du carnet commençant par des accords simples du verbe aimer. Low conjugue ensuite, de façon moins détaillée, le verbe enseigner. À la fin, il énumère d’autres verbes transitifs, des verbes passifs et des adverbes, dont plusieurs sont liés au christianisme.

Une page manuscrite d’un carnet notant les conjugaisons en inuktitut du verbe aimer.

Page du carnet de notes tenu par Low durant ses expéditions le long des côtes de la baie d’Hudson. (e011304604)

En 1886, Low épouse Isabella Cunningham; ils auront trois enfants. Malheureusement, leur fils aîné décède à un très jeune âge, en 1898, et son frère meurt à 19 ans, victime de l’épidémie de grippe espagnole. Seule leur fille Estelle, née en 1901, atteint l’âge adulte; elle prendra soin de son père malade jusqu’à son décès en 1942.

En 1943, Estelle offre la collection de Low aux Archives publiques du Canada. Celle-ci est ensuite transférée au Musée de l’Homme (qui deviendra le Musée canadien de l’histoire) en 1962. Elle comprend des œuvres d’art inuit, principalement des sculptures en ivoire représentant des scènes de chasse. La majorité d’entre elles sont des miniatures en ivoire réalisées par Harry Teseuke, chef des Aivilingmiuts et ami du capitaine Comer.

Le bateau de Comer, l’Era, a passé l’hiver à Fullerton Harbour (près de Chesterfield Inlet, au Nunavut actuel) en 1903-1904. Low a sans doute consulté Teseuke, qui a possiblement recruté d’autres personnes pour l’aider dans ses recherches.

Bien que le journal de Low soit une étude approfondie de la structure des phrases et de la grammaire inuktitutes, il éclaire aussi certaines facettes de la culture inuite. Remarquons que les participes passés ne s’accordent pas en genre, et que les pronoms personnels ne sont ni masculins ni féminins. Cette particularité découle du mode d’attribution des noms aux enfants : chez les Inuits, les noms traditionnels sont unisexes.

Cette coutume est reliée à une autre, un peu complexe, qui consiste à établir une relation spéciale entre homonymes (sauniq). Par exemple, si un garçon reçoit le nom d’une mère décédée, les enfants de celle-ci appelleront le garçon ma mère ou ma petite mère, reconnaissant ainsi cette relation. Cela permet de tisser des liens entre des personnes qui ne sont pas apparentées, une belle façon de renforcer le sentiment d’appartenance et les relations au sein d’une communauté. Les Inuits croient que certains traits de caractère propres à une personne décédée peuvent se transmettre à son homonyme. Bien entendu, tous ces concepts se ramènent à l’amour.

Photographie noir et blanc d’un bateau entouré de neige et de glace, avec des gens construisant un abri de neige à proximité.

L’expédition du Neptune dans ses quartiers d’hiver à Cape Fullerton, baie d’Hudson, Territoires du Nord-Ouest. (a053569)

Je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi ce mot exerçait une telle fascination sur Albert Peter Low. Avec ses intérêts variés, dont la géologie, la botanique, la photographie et le hockey, il apparaît comme un homme cultivé, un esprit curieux. Est-ce uniquement la curiosité qui motive sa soif de connaître la nature de l’amour inuit?

Même s’il étudie beaucoup les mots inuktituts associés au christianisme, il sait que les Inuits pratiquent la polygamie. Dans son rapport, Cruise of the Neptune, Low défend cette coutume, faisant valoir que les missionnaires font fausse route en essayant de l’abolir. Tout ceci donne l’idée d’un homme libéral, allié des Inuits. Aucune correspondance ni aucun écrit personnel de Low n’a survécu; par conséquent, nous ne saurons jamais ce qui lui a inspiré cette fascination pour la culture inuite et ses multiples expressions de l’amour.

Photo noir et blanc d’une femme cousant des bottes en peau, alors qu’une enfant joue avec ses tresses.

Rosie Iggi, aussi appelée Niakrok (à gauche), et Kablu (à droite). Kablu coud des kamiks (bottes) pendant que Niakrok joue avec ses tresses. Photographie de Richard Harrington, 1950. (a147246)

Ce blogue fait partie d’une série portant sur les Initiatives du patrimoine documentaire autochtone. Apprenez-en plus sur la façon dont Bibliothèque et Archives Canada (BAC) améliore l’accès aux collections en lien avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Voyez aussi comment BAC appuie les communautés en matière de préservation d’enregistrements de langue autochtone.


Heather Campbell est chercheuse pour le projet Nous sommes là : Voici nos histoires à Bibliothèque et Archives Canada.