Créez votre propre exposition sur le patrimoine militaire!

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Par Sacha Mathew

Saviez-vous qu’avec les outils et les documents numérisés du site de Bibliothèque et Archives Canada (BAC), vous pouvez facilement créer votre propre exposition sur le patrimoine militaire? Je vous présente ici la marche à suivre pour réaliser votre projet, à l’école ou à la maison!

Pour les besoins de la cause, j’utiliserai l’exposition conçue pour les portes ouvertes de BAC, tenues en mai dernier. Lors de l’événement, qui a connu un franc succès, plus de 3 000 personnes ont visité nos édifices à Gatineau et admiré des trésors habituellement cachés dans nos chambres fortes.

Ces quelques photos et documents textuels, choisis avec soin dans notre vaste collection militaire, ont retenu l’attention des visiteurs. Beaucoup ont d’ailleurs voulu savoir comment nous avions fait nos choix.

Vitrine d’exposition en verre comprenant des photos et des documents textuels sur l’histoire militaire.

Exposition militaire organisée pour les portes ouvertes de BAC. Photo gracieuseté d’Alex Comber, archiviste.

Une exposition peut porter sur une personne, un anniversaire ou une unité militaire. Nous avons choisi de souligner le centenaire de l’Aviation royale canadienne (ARC), célébré en 2024, mais il fallait circonscrire le sujet afin de construire un récit. Les documents communiquent des faits, mais ils ne racontent pas une histoire. C’est à nous de les interpréter!

L’événement se tenant à Gatineau, nous avons pensé que le public s’intéresserait à des militaires de la région. Nous avons choisi une unité de l’ARC : le 425e Escadron (les Alouettes). Cet escadron de bombardement composé de Canadiens français a été créé au début de la Deuxième Guerre mondiale. En comparant la liste du personnel du 425e avec une liste des pertes subies par l’ARC, fournie par l’Association de l’ARC, nous avons réussi à trouver un aviateur de Montréal et un d’Ottawa.

Au bord d’une piste d’atterrissage, en Angleterre, trois officiers de la Force aérienne planifient les opérations en examinant des cartes sur une table.

Le sous-lieutenant d’aviation J. W. L. Tessier; le sous-lieutenant d’aviation J. A. Longmuir (Croix du service distingué dans l’Aviation), de la Royal Air Force (RAF), affecté à l’escadron des Alouettes en tant qu’officier de l’instruction de la section des bombardiers; et le capitaine d’aviation Claude Bourassa (Croix du service distingué dans l’Aviation), commandant de la section des bombardiers de l’escadron canadien-français. 425e Escadron, 24 avril 1945, PL-43647, e011160173.

Pour votre exposition, vous pouvez choisir un militaire qui a vécu dans votre ville ou fréquenté votre école. Plus simple encore : vous pourriez choisir un membre de votre famille qui pique votre curiosité. Le dossier du personnel du militaire choisi est un bon point de départ, puisqu’il contient une foule d’information et de renseignements personnels. Par exemple, aimeriez-vous connaître l’adresse de votre arrière-grand-père en 1914?

Vous trouverez les dossiers du personnel de la Première Guerre mondiale sur le site Web de BAC. Tous ont été numérisés et peuvent être consultés librement. En ce qui concerne la Deuxième Guerre mondiale, seuls les dossiers des membres qui sont morts en service sont ouverts et peuvent être consultés en ligne. Pour les dossiers des militaires qui ont survécu à la Deuxième Guerre mondiale ou qui ont participé à des conflits ultérieurs, vous devrez soumettre une demande d’accès à l’information.

Maintenant que vous avez trouvé le dossier de service, vous devez choisir ce qui vous intéresse. Pour notre exposition, nous étions limités par l’espace disponible dans la vitrine. Tant mieux si vous n’avez pas les mêmes contraintes : vous pourrez sélectionner tous les documents que vous voulez!

Un dossier de service contient toutes sortes de documents. Dans celui du sous-lieutenant d’aviation J. Dubois, nous avons choisi quelques ressources particulièrement intéressantes : une lettre de recommandation de son employeur (T. Eaton & Co), ses feuilles d’engagement, sa fiche de médailles, son livret de solde, la correspondance (en français) avec ses parents et le rapport de son décès. Après avoir parcouru le dossier de service numérisé, vous pourrez choisir ce que vous voulez présenter. N’oubliez pas de citer vos sources, notamment les numéros de référence des archives.

Comme je le disais plus haut, en interprétant des documents, vous racontez une histoire. Vous ne vous contentez pas d’exposer les résultats de vos recherches. Dans le cas du sous-lieutenant d’aviation Dubois, nous avons fouillé les documents de son escadron remplis le jour de son décès afin de mieux comprendre le contexte de son dernier vol. Chacune des trois armées documente officiellement ses opérations quotidiennes :

  • l’Armée de terre a des journaux de guerre (War Diaries)
  • la Marine a des journaux de bord (Ship’s Logs)
  • l’ARC a des registres des opérations (Operations Record Books)

Le dossier du personnel donne des renseignements biographiques, tandis que le journal de l’unité explique le contexte et aide à comprendre le rôle d’un militaire dans les opérations collectives. Examinez les deux ressources pour obtenir un portrait général de la situation. Ce portrait est l’histoire que vous raconterez, oralement ou par écrit.

Il ne vous reste plus qu’à ajouter des photos pour rendre l’exposition attrayante. Certains dossiers de service comprennent une photo du militaire, mais c’est plutôt rare en ce qui concerne les guerres mondiales. Pour étoffer vos résultats, je recommande de chercher des images avec Recherche dans la collection. Entrez le nom de l’unité et choisissez des photos correspondant à l’époque qui vous intéresse. Pour notre exposition, nous n’avons eu aucun mal à trouver des photos du 425e Escadron en Angleterre dans les années 1940. À l’instar des documents textuels, les photos exigent une mention de source précise.

Capture d’écran du site Web de BAC montrant une recherche du terme "425 squadron" dans la catégorie "Images".

Recherche dans la collection, sur le site Web de BAC.

En exploitant les outils et les ressources dans la collection en ligne de BAC, vous pourrez créer votre propre exposition sur une personne ou une unité. Libre à vous d’en déterminer le format : vous pouvez imprimer les documents et les photos pour les encadrer ou les insérer dans un album de coupures, ou vous pouvez concevoir une exposition numérique. C’est un excellent moyen d’apprendre à connaître ses ancêtres et d’étudier le patrimoine militaire canadien à sa manière. C’est aussi un projet de recherche idéal pour des élèves, par exemple à l’occasion du jour du Souvenir.


Sacha Mathew est archiviste à la Division des archives gouvernementales de Bibliothèque et Archives Canada.

Sélection d’archives portant sur le jour J et la campagne de Normandie (6 juin – 30 août 1944)

Par Alex Comber

Dans la première partie de cet article, nous avons souligné le 75e anniversaire du jour J et revisité la participation du Canada à l’invasion du Nord-Ouest de l’Europe et au reste de la campagne de Normandie, du 6 juin au 30 août 1944. Dans la deuxième, nous allons explorer des collections exceptionnelles de Bibliothèque et Archives Canada (BAC) qui concernent ce pan d’histoire, et présenter des archives que les internautes peuvent consulter facilement, notamment grâce à des activités de sensibilisation, à des projets de numérisation ciblés de grande envergure et aux nouveaux Numéri-Lab et Co-Lab de BAC.

Image en noir et blanc, tirée d’un film, où l’on voit des soldats sortir d’une péniche de débarquement.

Image des actualités filmées de l’Armée canadienne no 33, qui comprennent une séquence sur le débarquement des Canadiens le 6 juin 1944, dit le jour J.

Nous recevons souvent des demandes de référence concernant nos collections de photos, comme celles de l’Unité de film et de photographie de l’Armée canadienne, qui ont immortalisé le débarquement des troupes lors du jour J, il y a 75 ans. Au fil de la campagne de Normandie, l’Unité a continué de produire des documents visuels qui donnent une meilleure idée des opérations au front que ne le faisaient les photographies officielles des conflits précédents. Les séquences de tournage étaient intégrées aux actualités filmées que l’Armée canadienne diffusait sur son territoire, et certaines d’entre elles, comme celle du jour J ci-dessus, ont aussi été présentées dans d’autres pays.

Les photographes de l’Armée et de la Marine utilisaient des appareils noir et blanc et des appareils couleur. Leurs splendides images en couleur sont réunies dans les séries ZK (Armée de terre) et CT (Marine).

Photographie couleur d’un véhicule blindé armé d’un gros canon.

Un Centaur (char britannique de soutien rapproché armé d’un obusier) appuyant les Canadiens pendant la campagne de Normandie. (e010750628)

Certaines des images les plus célèbres de militaires canadiens en Normandie ont été intégrées à la série de l’Armée classée par ordre numérique, qui comptait plus de 60 000 photos au terme des hostilités. Les albums photo créés pendant la Seconde Guerre mondiale pour répondre aux demandes de reproduction peuvent aider à s’orienter dans cette montagne de documents. En feuilletant ces « albums rouges », comme les surnomment les chercheurs à nos locaux d’Ottawa, les visiteurs découvriront un compte rendu journalier, sous forme visuelle, des activités de l’Armée canadienne durant le conflit. Nous avons récemment numérisé les albums imprimés 74, 75, 76 et 77, qui montrent les événements qui se sont déroulés en France du 6 juin à la mi-août 1944.

Une page de photographies noir et blanc montrant une péniche de débarquement, des défenses ennemies détruites, des habitations et des sites de débarquement sur la plage.

Une page du 74e des 110 albums imprimés de l’Armée, où l’on voit des photographies prises tout juste après le débarquement (e011217614).

BAC possède également quantité de documents textuels sur la période allant de juin à août 1944. L’une des collections les plus importantes est composée des journaux de guerre d’unités canadiennes ayant participé à la campagne. Les unités outremer, alors tenues de consigner leurs activités quotidiennes aux fins de documentation, y résumaient habituellement leurs entraînements, leurs préparatifs, leurs opérations et les événements d’importance. Les journaux de la Seconde Guerre mondiale contiennent souvent le nom des soldats tués ou grièvement blessés. Les officiers ajoutaient en annexe de l’information supplémentaire : rapports, cartes de campagne, bulletins de leur unité et autres documents importants.

Nous avons d’ailleurs commencé à numériser et à mettre en ligne certains de ces journaux. Celui du 1er Bataillon canadien de parachutistes (MIKAN 928089, divisé en deux fichiers PDF) est particulièrement fascinant; les soldats de ce bataillon, qui ont pris part à l’opération Tonga avec la 6e Division aéroportée britannique, ont été les premiers Canadiens à entrer en action lors du jour J.

Image numérisée en couleur d’un compte rendu tapuscrit des opérations du jour J.

: Rapport du 6 juin 1944 dans le journal de guerre du 1er Bataillon canadien de parachutistes, où il est question des objectifs de l’unité pendant l’opération Overlord du jour J (e011268052).

Les journaux de guerre des unités de commandement et de quartiers généraux sont eux aussi d’importantes sources d’information, car ils expliquent la réussite ou l’échec d’une opération militaire. Ils contiennent en outre des documents d’unités subalternes. Parmi les journaux dont la numérisation est en cours figure celui du quartier général de la 3e division d’infanterie canadienne pour la période de juin et juillet 1944.

Image numérisée en couleur d’un compte rendu tapuscrit des opérations du jour J.

Première partie d’un long passage sur les opérations du jour J dans les rapports quotidiens d’un journal de guerre pour le début du mois de juin 1944 (e999919600).

BAC entrepose également tous les dossiers du personnel de l’Armée active du Canada (Armée canadienne outremer), de la Marine royale du Canada et de l’Aviation royale du Canada pour la période de la Seconde Guerre mondiale. Les dossiers de service de quelque 44 000 hommes et femmes morts en service de 1939 à 1947, dont plus de 5 000 pendant la campagne de Normandie, sont accessibles au public. Dans le cadre d’un partenariat avec Ancestry.ca, une partie de chacun des dossiers a été numérisée, puis mise en ligne sur ce site, où tous les Canadiens peuvent les consulter. Pour savoir comment vous inscrire gratuitement et accéder aux documents, suivez les instructions sur notre site Web.

Ces archives revêtent une grande valeur sur les plans généalogique et historique. Comme le montrent les documents suivants, elles gardent toute leur pertinence et constituent des témoignages touchants sur les hommes et les femmes qui ont servi pendant le conflit et leur famille.

Document médical présentant un schéma des dents supérieures et inférieures, avec des notes indiquant les dents manquantes et les interventions effectuées.

Le soldat Ralph T. Ferns, de Toronto, a disparu le 14 août 1944, victime d’un tir ami. Son unité d’infanterie, le Régiment Royal du Canada, a été ciblée accidentellement par l’aviation alliée alors qu’elle se déplaçait pour participer à l’opération Tractable, au sud de Caen. Soixante ans plus tard, les ossements du soldat Ferns ont été découverts près du Haut Mesnil, en France. Le ministère de la Défense nationale, grâce à son Programme d’identification des pertes militaires, a pu confirmer l’identité du défunt. Les documents médicaux dans son dossier de service, notamment son dossier dentaire, ont été très utiles à cette fin. Ralph T. Ferns a été inhumé avec tous les honneurs militaires au cimetière de guerre canadien de Bretteville-sur-Laize, en 2008, en présence de sa famille.

Réponse officielle, écrite en français en juillet 1948, à la demande soumise par la famille d’Alexis Albert, du North Shore (New Brunswick) Regiment, dans le but de communiquer avec ceux qui entretenaient la tombe du défunt soldat.

Le soldat Alexis Albert, du North Shore (New Brunswick) Regiment, est tombé au combat en France le 11 juin 1944. Quatre ans plus tard, son père Bruno, qui vivait à Caraquet (Nouveau-Brunswick), a demandé l’adresse de la famille qui entretenait soigneusement sa tombe au cimetière militaire canadien de Bény-sur-Mer, en Normandie, pour l’en remercier. Le directeur des Archives des services de guerre (ministère des Anciens Combattants) a fourni cette réponse, qui a permis aux proches du défunt de communiquer avec la famille française.

Ce ne sont là que quelques exemples des archives de BAC portant sur l’action des militaires canadiens en France entre le 6 juin et la fin août 1944. Notre outil Recherche dans la collection vous aidera à trouver bien d’autres sources précieuses pour explorer la planification et la logistique derrière les opérations militaires des Canadiens en France, approfondir vos recherches sur les événements eux-mêmes et découvrir des histoires personnelles d’adversité, de triomphe, de souffrance et de perte.

Photographie en noir et blanc montrant la grande Croix du Sacrifice et plusieurs rangées de pierres tombales de la Commission de l’Empire pour les tombes de guerre (Imperial War Graves Commission).

Cimetière de guerre canadien de Bény-sur-Mer, qui abrite les tombes de 2 000 soldats canadiens ayant péri au début de la campagne de Normandie (e011176110).


Alex Comber est un archiviste militaire au sein de la Division des archives gouvernementales.