Phil Edwards, le docteur olympien surnommé l’homme de bronze

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Par Dalton Campbell

Le docteur Philip Aron « Phil » Edwards a remporté cinq médailles de bronze olympiques dans les années 1920 et 1930. Il s’agissait alors du plus grand nombre de médailles olympiques en carrière remportées par un athlète canadien, et un record canadien qui ne serait battu que 70 ans plus tard.

Un groupe de coureurs masculins pendant une épreuve.

Phil Edwards franchit la ligne d’arrivée (a150990)

Surnommé « l’homme de bronze », Phil Edwards se spécialise dans la course de demi-fond. Il monte sur le podium lors de trois Jeux olympiques : les Jeux de 1928 à Amsterdam (relais 4 x 400 m), les Jeux de 1932 à Los Angeles (800 m, 1 500 m et relais 4 × 400 m) et les Jeux de 1936 à Berlin (800 m).

En 1936, il remporte le premier trophée Lou-Marsh, remis à l’athlète canadien de l’année.

Phil Edwards naît au Guyana, à l’époque où ce pays s’appelle encore la Guyane britannique. Devenu un jeune homme, il émigre aux États-Unis, où il étudie à l’Université de New York et participe à des épreuves d’athlétisme. Sa citoyenneté britannique l’empêche cependant de se joindre à l’équipe olympique américaine. Il est donc invité à se joindre à la délégation canadienne pour les Jeux de 1928. En 1931, il déménage au Canada et s’inscrit à l’Université McGill, où il se joint à l’équipe d’athlétisme.

Un groupe de coureurs masculins pendant une épreuve.

Phil Edwards en première position d’une course aux Jeux olympiques de 1932 (a150989)

Phil Edwards est le premier Canadien noir à remporter une médaille olympique. Pendant la première moitié du 20e siècle, seule une poignée de Canadiens noirs participent aux Olympiques, dont John Armstrong Howard, Sam Richardson et Ray Lewis (qui remporte lui aussi une médaille de bronze aux Jeux de 1932, en tant que coéquipier de Phil à la course à relais).

Les années 1935 et 1936 sont particulièrement fastes dans la vie de Phil Edwards. À l’automne 1935, il mène l’équipe d’athlétisme de McGill à un cinquième championnat universitaire canadien consécutif. Avant les Jeux de 1936 à Berlin, il termine ses études, devenant l’un des premiers diplômés noirs du programme de médecine de l’Université McGill. The Globe and Mail rapporte qu’Edwards est nommé cocapitaine et médecin adjoint de l’équipe olympique canadienne aux Jeux de 1936. À la fin de l’année, il remporte une sorte de triple couronne : il est nommé athlète canadien de l’année, athlète amateur canadien de l’année, et athlète canadien masculin de l’année selon la Presse canadienne.

À Berlin, Phil Edwards remporte une médaille de bronze malgré l’hostilité déclarée du gouvernement nazi allemand, qui utilise l’événement sportif pour répandre sa propagande raciste. D’autres athlètes noirs sortent médaillés de ces jeux, dont les vedettes américaines de l’athlétisme Jesse Owens et Mackenzie « Mack » Robinson, frère aîné de Jackie Robinson.

Lors du voyage de retour au Canada, la délégation canadienne fait escale à Londres, en Angleterre. Phil se voit refuser une chambre à l’hôtel. Par solidarité, le reste de l’équipe quitte l’établissement pour en chercher un où leur coéquipier sera accepté.

En tant que médecin, Edwards se spécialise dans les maladies tropicales et respiratoires. En 1937, il est nommé chirurgien titulaire résident à l’Hôpital général de la Barbade. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il sert l’Armée canadienne en tant que capitaine. Après le conflit, il reprend ses études à McGill et exerce la médecine à l’hôpital Royal Victoria, à Montréal, où il devient le directeur du service de parasitologie. Il participe aussi à un programme de la Croix-Rouge au Congo en 1960.

Un groupe de coureurs masculins pendant une épreuve.

Phil Edwards, deuxième à partir de la gauche, pendant une épreuve des Jeux olympiques de 1932 (a150988)

Phil Edwards participe aussi aux Jeux de 1956 à Melbourne, en Australie, mais cette fois en tant que directeur de l’équipe olympique de la Guyane britannique (le Guyana actuel).

Son record du plus grand nombre de médailles olympiques remportées par un Canadien, soit cinq, tient pendant 70 ans. Ce n’est qu’en 2002 que le patineur de vitesse Marc Gagnon égalise sa récolte. En 2006, la patineuse de vitesse Cindy Klassen bat le record en remportant sa sixième médaille olympique. Quatre ans plus tard, la patineuse de vitesse et cycliste Clara Hughes gagne elle aussi sa sixième médaille.

Phil Edwards meurt en 1971, juste avant son 64e anniversaire. Il laisse dans le deuil son épouse, ses trois filles et ses deux sœurs. Depuis 1972, le trophée commémoratif Phil-A.-Edwards est remis chaque année en son honneur au meilleur athlète canadien en athlétisme. En 1997, Phil Edwards est intronisé au Panthéon des sports canadiens.

Autres ressources

  • Photo de Phil Edwards célébrant la victoire du sprinter canadien Percy Williams, 1928 (a150983)
  • Émission de radio Trans-Canada Matinee, mettant en vedette Phil Edwards (ISN 382550)
  • Entrevue avec Phil Edwards et d’autres athlètes canadiens, à l’émission de radio Crysdale and Company (ISN 382973)
  • Dossier sur Phil Edwards dans le fonds Stanley Grizzle (MIKAN 3728970)
  • Vidéo des Jeux de 1932 (ISN 385532, 331681)
  • Vidéo des Jeux de 1936 (ISN 191253, 300159)
  • Faits saillants des Jeux olympiques de 1932 (ISN 447089)
  • Séquences des Jeux olympiques de 1932 et 1936 (ISN 300321)
  • Faits saillants et séquences des Jeux olympiques de 1936 (ISN 191253, 300159, 33542)
  • Livre : Rapid Ray : The Story of Ray Lewis, par John Cooper (OCLC 49047597)

Dalton Campbell est archiviste à la section Sciences, Environnement et Économie de la Division des archives privées de Bibliothèque et Archives Canada.

Anne Heggtveit : rien comme une bonne nuit de sommeil pour remporter une médaille d’or olympique!

Par Dalton Campbell

Remontons le temps jusqu’en 1960 : Anne Heggtveit remporte la toute première médaille d’or olympique du Canada en ski alpin.

Elle participe alors aux VIIIe Jeux olympiques d’hiver à l’endroit nommé aujourd’hui Palisades Tahoe, en Californie. Elle termine 12e lors des deux premières épreuves, le slalom géant et la descente chez les femmes. La veille de la troisième épreuve, le slalom, les autres participantes tentent de se familiariser avec le parcours, mais Anne choisit plutôt de retourner dans sa chambre pour dormir. Elle dévoilera plus tard avoir eu l’impression que si elle avait étudié le parcours ce soir-là, elle se serait sentie nerveuse et n’aurait pas bien dormi. Sa décision est la bonne : elle termine au premier rang et remporte la médaille d’or au slalom, avec une avance de plus de trois secondes sur la médaillée d’argent.

Une jeune femme portant un manteau d’hiver tient une médaille dans sa main gauche.

Anne Heggtveit montrant fièrement sa médaille d’or olympique en ski alpin, remportée en 1960. Avec un diamètre de 55 mm, la médaille est l’une des plus petites ayant été décernées aux Jeux d’hiver. En comparaison, la plus petite médaille attribuée à ces jeux depuis 2000 avait un diamètre de 85 mm. (a209759)

À la suite d’une éclatante victoire aux Jeux olympiques, Anne Heggtveit surprend le monde du sport en annonçant sa retraite du ski en mars 1960. Lors d’une entrevue accordée au Globe and Mail plus tard la même année, elle mentionne que le sport et ses amitiés lui manqueront, mais précise que les années de préparation en vue de la participation aux Jeux olympiques de 1964 seraient pour elle une source de tension émotionnelle excessive. Elle parle aussi de l’importance de trouver un juste équilibre entre la confiance et l’imprudence en faisant du ski. Elle explique également que lorsqu’on se trouve au départ d’un parcours au sommet, on peut éprouver une peur bleue, avoir un sentiment d’indifférence à l’égard de ce qui peut arriver ou, encore, soudainement sentir le mélange parfait d’émotions qui peut mener à une descente de championnat.

Bien que surprenante, l’annonce de sa retraite n’est pas sans rappeler la situation similaire vécue par sa coéquipière Lucile Wheeler en 1958; cette dernière avait pris sa retraite la même année, après avoir remporté les titres mondiaux en slalom et en descente. Lors d’une entrevue accordée à L’Encyclopédie canadienne en 2019, Anne Heggtveit décrit le rôle de pionnière qu’a joué Lucile Wheeler en figurant parmi les premiers athlètes canadiens à s’entraîner en Europe. Anne s’est grandement inspirée de Lucile et a beaucoup appris de cette dernière aux Jeux olympiques d’hiver de 1956 à Cortina d’Ampezzo, en Italie. Lucile Wheeler avait remporté une médaille de bronze en descente; de son côté, Anne avait terminé parmi les 30 meilleures dans trois descentes.

Grâce à ses résultats aux Jeux olympiques de 1960, Anne Heggtveit remporte la médaille d’or de la Fédération internationale de ski (FIS) et la médaille d’or au combiné en ski alpin. À l’époque, la FIS ne tient pas de championnats distincts pendant une année olympique; elle remet plutôt des médailles selon les résultats obtenus aux Jeux olympiques. Il s’agit alors du deuxième titre d’Anne au combiné en ski alpin de la FIS, ayant également gagné en 1959.

En 1960, Anne reçoit le trophée Lou Marsh à titre d’athlète canadienne par excellence de l’année et est intronisée au Panthéon des sports canadiens. Sa victoire est aussi considérée comme l’histoire sportive de l’année au Canada. Sa médaille est l’une des quatre remportées par l’équipe canadienne.

Le père d’Anne Heggtveit immigre au Canada de la Norvège alors qu’il est encore jeune. Champion canadien de ski de fond en 1934, il n’est cependant pas en mesure de recueillir de l’argent pour participer aux Jeux olympiques de 1936 à Garmisch-Partenkirchen, en Allemagne. Anne commence à skier à l’âge de deux ans et participe à sa première course à cinq ans. Dès l’âge de huit ans, elle se fixe un but précis : remporter une médaille d’or olympique.

Au cours de sa carrière, Anne Heggtveit a reçu à deux reprises le prix Bobbie Rosenfeld remis à l’athlète féminine canadienne de l’année (1959 et 1960). Elle a été intronisée au Temple de la renommée olympique du Canada en 1971, puis décorée de l’Ordre du Canada en 1976. Après son départ à la retraite, elle s’est mariée, a fondé une famille et enseigné le ski, entre autres activités. En 1988, elle a été porte-drapeau du Canada aux Jeux olympiques de Calgary.

Recherches complémentaires


Dalton Campbell est archiviste à la section Sciences, environnement et économie dans la Division des archives privées.