John Armstrong Howard, premier athlète olympique noir à représenter le Canada

Par Judith Enright-Smith

Les Jeux olympiques d’été de 1912, tenus du 5 mai au 27 juillet à Stockholm, en Suède, sont le théâtre de plusieurs « premières ». En effet, cette cinquième olympiade, qui rassemble 2 408 athlètes provenant de 28 pays, est la première à présenter des compétitions féminines de nage et de plongeon, ainsi que le pentathlon masculin. Ce sont les premières olympiades à faire appel au chronométrage électronique; c’est aussi la première fois qu’une équipe de l’Asie (le Japon) participe aux jeux. Pour le Canada, ces Olympiques d’été 1912 marquent l’histoire pour une autre raison : c’est la première fois qu’un athlète noir représente le Canada à des Jeux olympiques.

John Armstrong Howard est né à Winnipeg, au Manitoba, le 6 octobre 1888. Howard est un mécanicien spécialisé et un joueur de baseball pour le club Crescent Creamery de Winnipeg; avec ses 6 pieds 3 pouces, c’est aussi un remarquable sprinteur. Il se qualifie facilement pour les Olympiques de 1912 et on le considère, tant dans les milieux sportifs que les médias canadiens, comme le meilleur espoir du Canada pour remporter une médaille d’or.

Walter Knox est alors l’entraîneur de l’équipe olympique canadienne d’athlétisme. Pendant l’entraînement, Knox et Howard sont souvent en désaccord et se confrontent à plusieurs reprises. Knox disait d’Howard qu’il était emporté et désobéissant et, à une époque où la discrimination envers les athlètes noirs était courante, il recommande son expulsion de l’équipe pour « insubordination ». Ce n’est que grâce à l’intervention de l’Amateur Athletic Union of Canada qu’Howard a pu demeurer au sein de l’équipe.

En route pour la Suède, Howard est traité de manière discriminatoire et préjudiciable, un affront que subissaient régulièrement les personnes de couleur à l’époque. Avant de quitter Montréal par bateau, on lui interdit l’accès à l’hôtel où logeaient les autres athlètes, et lorsqu’il est à bord du navire, il doit prendre ses repas à l’écart de ses coéquipiers.

Une fois rendu à Stockholm, il souffre de graves maux d’estomac, sans doute causés par le stress accumulé en raison de sa relation difficile avec Knox. Pendant les Jeux, les problèmes de santé d’Howard compromettent sérieusement ses efforts et il est éliminé en demi-finale du 100 mètres et du 200 mètres. Cependant, de retour au pays, Howard se rachète lors des Canadian Outdoor Championships de 1913 : il remporte toutes les courses auxquelles il participe.

Après le déclenchement de la Première Guerre mondiale, Howard est envoyé outre-mer en 1917 au sein du Corps expéditionnaire canadien. Il travaille comme brancardier dans divers hôpitaux militaires britanniques. Son dossier de service montre qu’il a souffert d’affections pulmonaires chroniques. Lorsqu’il est en Europe, Howard fait la connaissance d’Edith Lipscomb. En 1920, ils rentrent ensemble à Winnipeg, où ils se marient. Ils tentent de s’établir à Sainte-Rose du Lac, mais ils se heurtent à beaucoup d’hostilité et de préjugés parce qu’ils forment un couple interracial. La petite-fille d’Howard, Valerie Jerome, raconte comment des gens lançaient des pierres sur leur automobile pour les faire partir. Ils finissent par s’installer près de la réserve indienne de Crane River, sur la rive nord-ouest du lac Manitoba. Le couple aura trois filles, mais leur mariage ne durera pas. Howard mourra d’une pneumonie à l’âge de 48 ans.

Une photographie noir et blanc d’un groupe de coureurs à la ligne de départ. Un d’entre eux porte un maillot blanc orné d’une feuille d’érable sur le devant.

John Armstrong Howard aux Jeux interalliés, stade Pershing, Paris, juillet 1919 (a006650)

Une photographie noir et blanc d’un homme portant une tenue d’athlétisme, entouré d’autres hommes vêtus de la même manière ou en uniformes, recevant une médaille d’un homme âgé vêtu d’un uniforme militaire.

Le roi du Monténégro remet à John Armstrong Howard la médaille de bronze qu’il a remportée à l’épreuve du 100 mètres aux Jeux interalliés, stade Pershing, Paris, juillet 1919 (a006626)

L’héritage sportif de John Armstrong Howard se perpétue. Deux de ses petits-enfants sont des athlètes canadiens. Valerie Jerome est une sprinteuse qui a participé aux Jeux olympiques d’été de 1960. Son frère, Harry Jerome, a participé aux Olympiques d’été de 1960, de 1964 et de 1968, remportant une médaille de bronze en 1964 à l’épreuve du 100 mètres.


Judith Enright-Smith est archiviste adjointe à la Division des affaires autochtones et sociales, Direction des archives privées, Bibliothèque et Archives Canada.

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