La préservation numérique à la croisée des chemins

 par Faye Lemay

Saviez-vous que Bibliothèque et Archives Canada (BAC) possède, en plus de photos, livres, peintures et manuscrits, toute une collection de matériel numérique? En effet, en tant que gardiens du patrimoine documentaire canadien, nous devons veiller à ce que notre contenu numérique et analogique soit accessible et utilisable.

Imaginez que vous avez créé un fichier en WordPerfect en 1996, que vous l’avez sauvegardé sur une disquette et que vous souhaitez ouvrir ce fichier aujourd’hui. Trois scénarios sont possibles : 1) vous n’avez pas de lecteur de disquette, 2) vous avez un lecteur de disquette, mais il ne fonctionne plus, ou 3) vous n’avez pas le logiciel nécessaire pour ouvrir le fichier en WordPerfect. Maintenant, imaginez cela à une échelle bien plus grande, soit des milliers de types de fichiers créés par des fonctionnaires du gouvernement fédéral, de simples citoyens canadiens, des éditeurs, etc., qui ont été sauvegardés sur une multitude de types de systèmes, disquettes et ordinateurs.

Photographie en couleur d’une enveloppe contenant divers types de disquettes.

Disquettes de la collection Patrimoine publié.

C’est le lot quotidien de BAC.

Les collections numériques sont vulnérables par nature à la dégradation et à la décomposition, à un rythme bien plus rapide que le papier. Pour garantir que le matériel durera des centaines d’années, les spécialistes de la préservation numérique doivent surveiller le matériel numérique utilisé et intervenir pour prévenir les pertes. Ils surveillent les types de formats de fichier qu’utilisent les gens (PDF ou WPD, par exemple), planifient en vue des changements de technologie et créent de multiples copies qui sont sauvegardées dans des chambres fortes à température ambiante contrôlée. Nous vérifions également que le contenu des fichiers n’a pas changé au fil du temps. Étant donné la rapidité des changements technologiques, nous devons toujours prévoir bien à l’avance afin de prévenir la perte de ces collections précieuses.

Photographie en couleur d’un tiroir de classeur contenant des centaines de boîtiers de CD.

Un petit échantillon de la collection de musique sur CD, qui compte plus de 70 000 titres.

Pour BAC, la croisée des chemins numériques a lieu maintenant. Nous vivons dans une ère où la taille des collections numériques dépasse celle des collections analogiques. Un inventaire récent de notre matériel numérique a révélé que nous avions une collection vaste et variée, tant en ligne que sur des supports matériels tels que des disquettes, des CD et des DVD. Cet inventaire nous a aussi appris que le nombre de copies numériques de thèses universitaires détenues par BAC est similaire à celui des copies analogiques, bien que nous n’ayons commencé à acquérir ces thèses en formats numériques PDF qu’en 1998. Depuis 2014, BAC acquiert ces thèses seulement en format numérique. Les publications fédérales officielles sont également principalement en format numérique, puisque la réglementation gouvernementale sur la publication n’autorise que les formats en ligne depuis 2013. De plus, pour la première fois dans toute son histoire, BAC a reçu en don une collection privée formée à 90 % de fichiers en format numérique.

La division des archives numériques au Centre de préservation sert de dépôt central pour les collections numériques de BAC. Nous préservons à l’heure actuelle plus de cinq (5) pétaoctets de matériel numérique, composé principalement de matériel audiovisuel, des Archives du Web du gouvernement du Canada, et de copies numérisées de dossiers papier. Si l’on empilait des DVD équivalent à cinq pétaoctets de données, ils formeraient une tour de 1 338 mètres de hauteur (4 390 pieds)!

En dépit du travail considérable entrepris pour préserver le contenu numérique aujourd’hui, nous reconnaissons que d’encore plus grands efforts sont nécessaires pour garantir que toutes les collections numériques de BAC soient protégées.
Le 30 novembre 2017 marquera la première Journée internationale de la préservation numérique. En tant que membre de la Digital Preservation Coalition, nous célébrons cette journée en lançant la Stratégie pour un programme de préservation numérique. Cette stratégie décrit les étapes supplémentaires nécessaires pour continuer de préserver les trésors numériques de BAC pour les générations futures et garantir que nous sommes sur la bonne voie.

Photographie en couleur d’une longue étagère blanche contenant des milliers de bandes magnétiques sur la gauche et d’éléments de stockage à haute densité à droite.

Bandes magnétiques au format ouvert de la bibliothèque du patrimoine documentaire numérique, qui sont préservées à la division des archives numériques de BAC au Centre de préservation.


Faye Lemay est gestionnaire de la préservation numérique à la Direction générale des opérations numériques et de la préservation de Bibliothèque et Archives Canada.

Les archives Web sur la Commission de vérité et réconciliation

Par Russell White

Nous vivons à l’époque du Web, un moyen de communication majeur et une source indispensable pour quiconque s’intéresse au patrimoine documentaire canadien. Cependant, les sites Web n’ont pas la durabilité des documents analogiques, et leur durée de vie est limitée.

Le cas de la Commission de vérité et réconciliation, née en 2008, en témoigne. Les travaux de la Commission s’étant terminés à la fin de 2015, la communauté archivistique craignait que les précieux renseignements historiques publiés sur le Web depuis la formation de l’organisme soient perdus. Bibliothèque et Archives Canada est alors intervenu : l’archiviste Emily Monks‑Leeson et l’équipe chargée de l’archivage du Web ont commencé à collecter les sites de portée nationale relatifs à la Commission. Ils ont uni leurs efforts à ceux d’archivistes de l’Université de Winnipeg et de l’Université du Manitoba, qui s’affairaient déjà à préserver les sites Web de la Commission touchant le Manitoba.

Offert à tous

Cette collaboration a mené à la création des archives Web sur la Commission de vérité et réconciliation (en anglais), lancées conjointement avec le Centre national pour la vérité et réconciliation, l’Université de Winnipeg et l’Université du Manitoba en juillet 2017. L’objectif : permettre au public d’accéder à un vaste éventail de témoignages relatifs à la Commission en particulier et à la réconciliation en général. On y trouve notamment les contenus Web officiels de la Commission et du Centre, des documents connexes, des blogues et des sites personnels sur le régime des pensionnats autochtones et des articles de presse, ainsi que des sites axés sur les survivants, la commémoration, la guérison et la réconciliation.

Les sites archivés ont été décrits et rendus accessibles par l’intermédiaire d’Archive-It (en anglais), une plateforme d’archivage sur Internet. À ce jour, Bibliothèque et Archives Canada a recueilli environ 260 ressources qui s’avéreront utiles aux chercheurs, aux étudiants, aux survivants et aux familles, ainsi qu’à tous ceux qui veulent en savoir plus sur la Commission, sur son héritage et sur la façon dont ses travaux ont été accueillis par les particuliers, les organisations et les médias.

Voici quelques exemples de sites Web archivés dans cette collection :

  • Le blogue âpihtawikosisân (« demi-fils ») de l’écrivaine et éducatrice métisse Chelsea Vowel (en anglais). L’auteure y aborde des sujets comme l’éducation, le droit autochtone et la langue crie, et partage ses observations sur les conséquences des pensionnats autochtones et la perception qu’en a le public.
  • L’exposition virtuelle Nous étions si loin : L’expérience des Inuits dans les pensionnats, qui présente les témoignages touchants de survivants inuits ayant fréquenté les pensionnats autochtones ainsi qu’un portrait de la vie dans ces établissements.
  • Le document La Commission de vérité et de réconciliation relative aux pensionnats indiens du Service d’information et de recherche parlementaires du Parlement du Canada, qui examine le contexte historique de la Commission, donne un aperçu de son mandat et aborde certains thèmes tirés de commissions de vérité antérieures et d’autres initiatives internationales de justice transitoire.
Saisie d’écran du site Web d’Affaires autochtones et du Nord Canada sur les excuses présentées par le premier ministre Stephen Harper aux anciens élèves des pensionnats indiens en 2008. Tiré des archives Web de la Commission de vérité et réconciliation.

Présentation d’excuses aux anciens élèves des pensionnats indiens par le premier ministre Stephen Harper, tiré des archives Web sur la Commission de vérité et réconciliation, juin 2008.

À propos de la Commission

Les travaux de la Commission de vérité et réconciliation ont commencé en 2008. Pendant six ans, cette dernière a recueilli les témoignages de plus de 7 000 anciens élèves des pensionnats autochtones au Canada afin de révéler les conséquences néfastes de ce régime. Ses travaux ont pris fin en décembre 2015, avec la publication de son rapport final et la création du Centre national pour la vérité et réconciliation à l’Université du Manitoba. Le rapport comprenait 94 appels à l’action en vue de favoriser la réconciliation et la guérison partout au Canada.

Consultez les rapports de la Commission et les appels à l’action sur le site Web du Centre national pour la vérité et réconciliation.

Élèves en uniformes debout devant le pensionnat indien (école des métiers) de Battleford (Saskatchewan), 1895.

Pensionnat indien (école des métiers) de Battleford, Saskatchewan, 1895. (MIKAN 3354528)

Prochaines étapes

Bibliothèque et Archives Canada continue d’ajouter des ressources aux archives Web de la Commission, un projet en constante évolution. Inspiré par l’appel à l’action no 88 du rapport final de la Commission, qui recommandait d’appuyer le développement des athlètes autochtones, il a créé une collection d’archives en ligne axée sur les Jeux autochtones de l’Amérique du Nord. L’événement, tenu en 2017 à Toronto, a réuni plus de 5 000 athlètes de partout en Amérique du Nord.

Les contributions du public sont également bienvenues. Vous connaissez un site traitant de la Commission, de réconciliation ou de questions autochtones plus générales, qui nous permettrait d’enrichir notre collection? Envoyez un courriel à notre équipe de l’archivage du Web, à mailto:bac.archivesweb-webarchives.lac@canada.ca, et nous évaluerons votre proposition.

Bibliothèque et Archives Canada souhaite que l’archivage des pages Web sur la Commission de vérité et réconciliation constitue un patrimoine documentaire favorisant le respect et la sensibilisation, à l’instar de la Commission dont elles préserveront l’histoire.

Ressources connexes


Russell White est agent principal de projet, intégration numérique à Bibliothèque et Archives Canada.