Une nouvelle vocation pour le pensionnat autochtone de St. Eugene

Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certains pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde — terminologie historique.

Par Katrina Swift

Situé à moins de 10 kilomètres de Cranbrook, en Colombie-Britannique, le pensionnat autochtone de St. Eugene était le plus petit établissement du genre dans la province. Ouvert de 1898 à 1970, il a longtemps été dirigé par les Sœurs de la Providence de l’Institut de la Charité et les Oblats de Marie-Immaculée. Le bâtiment principal a été achevé en 1912.

Un peu d’histoire

Fruit d’une collaboration entre le gouvernement canadien et les Églises catholique, anglicane, unie et presbytérienne, le régime des pensionnats autochtones a existé de 1892 à 1969. Précisons néanmoins que les premiers pensionnats pour les enfants autochtones sont antérieurs à la Confédération, et que le tout dernier, administré par le gouvernement fédéral, a fermé ses portes en 1996.

Les enfants qui résidaient à St. Eugene étaient âgés de 6 à 15 ans. Issus des communautés et des réserves environnantes, ils étaient retirés de leurs familles, parfois de force, et retenus 10 mois par année au pensionnat, où bon nombre subissaient des violences physiques, émotionnelles, culturelles et sexuelles. Au plus fort de son activité, à la fin des années 1950, le pensionnat de St. Eugene hébergeait 150 enfants; lors de sa dernière année, il en comptait encore 56.

Photo noir et blanc légèrement floue, montrant le côté et la façade d’un bâtiment avec l’entrée principale.

Pensionnat autochtone de St. Eugene (Kootenay), bâtiment principal vu du sud, Cranbrook (Colombie-Britannique). Photo prise le 11 septembre 1948. (e011080318)

Les souffrances infligées par ce régime se perpétuent d’une génération à l’autre. La chef Sophie Pierre peut en témoigner, elle qui est entrée à St. Eugene à l’âge de 6 ans et qui y est restée jusqu’à ses 16 ans. Dans un article de Rick Hiebert publié en 2002 dans le Report Newsmagazine, et dont nous traduisons ici un extrait, elle raconte : « Tout le monde avait le goût de faire sauter le pensionnat. De le démolir. Nous voulions tous le voir disparaître. » Mais, ajoute-t-elle, l’aînée Mary Paul leur a transmis un puissant message, que sa communauté a entendu : « Elle nous a dit que c’est dans ce pensionnat que les Autochtones de Kootenay avaient été dépouillés de leur culture, et que c’est dans ce pensionnait qu’ils devaient se la réapproprier. »

Dessin technique d’un bâtiment de trois étages avec un haut toit à double pente. Un pignon coiffé d’une croix surplombe l’entrée principale au centre.

Dessin technique montrant la façade du pensionnat de St. Eugene à Cranbrook (Colombie-Britannique). (e010783622)

Cap sur l’avenir

En 1996, le Conseil tribal des Ktunaxa-Kinbasket a soumis une demande pour faire du pensionnat autochtone de St. Eugene un lieu historique national. Mais sa requête a été rejetée pour plusieurs raisons, comme nous l’apprend Geoffrey Carr dans un périodique universitaire de 2009 : tout d’abord, cela aurait exigé une transformation du site jugée excessive; ensuite, l’école ne répondait pas aux critères pour pouvoir être désignée lieu historique national; et finalement, on hésitait à honorer un endroit pouvant être perçu comme une source de honte pour le gouvernement canadien.

Deux ans plus tard, Coast Hotels & Resorts et les cinq bandes du Conseil tribal des Ktunaxa-Kinbasket (St. Mary’s, Columbia Lake, Lower Kootenay, Tobacco Plains et Shuswap) ont annoncé leur intention de convertir le site du pensionnat en centre de villégiature et d’en accorder le bail aux cinq bandes, qui contrôleraient la totalité des actions de la société d’aménagement – un investissement de 30 millions de dollars.

L’aînée Mary Paul a été une grande source d’inspiration pour cette initiative : « Tout ce que vous pensez avoir perdu à cet endroit, vous ne l’avez pas vraiment perdu. On perd quelque chose seulement lorsqu’on refuse de le retrouver. » Des paroles qui font écho aux souvenirs de la chef Sophie Pierre, principale coordonnatrice du projet, qui rappelle la grande solitude ayant marqué son séjour à St. Eugene : « Nous étions séparés de nos frères et sœurs et nous n’avions pas le droit de leur parler », raconte-t-elle dans un article d’Ian Cruickshank paru en 2003 dans le Toronto Star.

Se basant sur des études, le Conseil a déterminé la solution la plus rentable pour conserver le bâtiment de l’ancien pensionnat : le convertir en centre de villégiature. Bien que l’essentiel du financement soit venu de prêts et de subventions fédérales, le Conseil a déployé de grands efforts pour exploiter l’entreprise sans assistance gouvernementale.

Cette initiative est la seule du genre au Canada. Selon le site Web du centre de villégiature, c’est la première fois qu’une Première Nation transforme de la sorte un sombre vestige de son histoire en puissant moteur économique, et la rénovation de l’ancien pensionnat en fait une destination internationale qui profitera aux générations à venir.

Certains détracteurs avancent que le projet privilégie les intérêts économiques aux dépens de la mémoire collective. Selon Geoffrey Carr, St. Eugene symbolise la contrition nationale autant qu’il incarne la violence de la colonisation et ses répercussions aussi énormes que tenaces. Malgré tout, la chef Sophie Pierre se réjouit des effets positifs que le projet aura sur sa communauté à long terme.

En 2001, le terrain de golf du centre de villégiature a été classé troisième au pays par le Golf Digest Magazine. Selon les statistiques d’Aboriginal Tourism BC, la clientèle se compose majoritairement de baby-boomers de la classe moyenne supérieure.

En 2004, à la suite de difficultés financières, le projet a été repris par la Première Nation ontarienne de Mnjikaning, la Première Nation crie de Samson (en Alberta) et le Conseil tribal des Ktunaxa-Kinbasket, conformément à une ordonnance de la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Le centre de villégiature continue donc d’être entièrement géré par des Premières Nations, même si le Conseil n’en est plus le propriétaire à part entière.

Bibliothèque et Archives Canada joue un rôle important dans la collecte et la préservation des documents sur les pensionnats autochtones du Canada. Ces documents sont essentiels aux chercheurs, qu’il s’agisse d’étudier des revendications, des plans architecturaux ou des rapports sur l’administration des pensionnats et leurs élèves. Ils démontrent que le régime des pensionnats autochtones a été instauré délibérément par le gouvernement canadien pour traiter ce qu’on désignait alors comme le « problème indien » dans de nombreux documents gouvernementaux de l’époque.

Sources connexes

Sources

  • Affaires autochtones et du Nord Canada. Pensionnats autochtones de la Colombie-Britannique : historiques d’une page, Gouvernement du Canada, 2013.
  • Carr, Geoffrey. « Atopoi of the Modern : Revisiting the Place of the Indian Residential School », English Studies in Canada, vol. 35, no 1 (mars 2009), p. 109-135. (En anglais)
  • Cruickshank, Ian. « Indian chief brains behind resort », Toronto Star, 5 juillet 2003, p. J16. (En anglais)
  • Hiebert, Rick. « Holidaying in Auschwitz : a BC indian band is turning an old residential school into a new resort casino [St. Eugene Mission residential school] », Report Newsmagazine, vol. 29, no 1 (7 janvier 2002), p. 54. (En anglais)
  • St. Eugene Golf Resort and Casino, www.steugene.ca. (En anglais)
  • Davis, Ted. « B.C.’s First Nations welcome the world; Baby boomers are now joining international travellers in exploring the province’s aboriginal-based attractions », CanWest News, 17 juin 2008. (En anglais)

Katrina Swift, étudiante à la maîtrise à l’École des études autochtones et canadiennes de l’Université Carleton, a fait un stage à la Division des archives gouvernementales de Bibliothèque et Archives Canada.

La collection d’archives Web sur la Commission de vérité et réconciliation de Bibliothèque et Archives Canada est maintenant disponible

Bibliothèque et Archives Canada (BAC) est heureux d’annoncer le lancement de sa collection d’archives Web sur la Commission de vérité et réconciliation.

Cette collection a été créée en collaboration avec le Centre national pour la vérité et la réconciliation et les bibliothèques de l’Université de Winnipeg et de l’Université du Manitoba, qui ont toutes les deux lancé leurs propres collections d’archives Web.

La collection d’archives Web sur la Commission de vérité et réconciliation (CVR) de BAC donne accès aux archives des sites Web anglais et français d’organismes liés à la CVR, à titre de partenaires actifs aux activités nationales ou au moyen d’initiatives appuyant la commémoration.

Même si la majorité des éléments de cette collection ont été recueillis au moment du rapport final de la CVR, en 2015, la collection est un projet en cours auquel nous continuerons à ajouter de nouvelles ressources. Elle renferme actuellement environ 300 ressources, notamment des versions intégrales ou partielles de sites Web, des vidéos, des journaux et du contenu média, ainsi que des blogues.

Vous trouverez d’autres détails et aurez accès à toutes les collections sur le site Web du Centre national pour la vérité et la réconciliation.

Pensionnats autochtones : collections de photos

Bibliothèque et Archives Canada présente des galeries de photos prises dans des pensionnats autochtones, des externats fédéraux et d’autres établissements fréquentés par les enfants des Premières nations, des Inuits et des Métis du Canada de la fin du XIXe siècle aux années 1990.

Les images sont classées par province et territoire. Elles proviennent de nombreuses collections – gouvernementales et privées – conservées à Bibliothèque et Archives Canada et sont représentatives de l’ensemble de nos fonds documentaires. La plupart des photos ont été prises par des fonctionnaires de l’ancien ministère fédéral des Affaires indiennes et du Développement du Nord. Vous trouverez des photos de pensionnats et d’externats fédéraux dans les acquisitions no 1973 357, RG85 et RG10. La fonction Recherche de fonds d’archives – Recherche avancée permet de trouver des images qui n’ont pas été insérées dans les galeries.

À titre d’exemple, mentionnons le groupe d’élèves du pensionnat autochtone de Cross Lake, au Manitoba, et une page comprenant six photographies du pensionnat autochtone de Lejac et d’autres édifices à Fraser Lake (Colombie‑Britannique).

Photographie noir et blanc de filles autochtones assises à leur pupitre; une sœur est debout derrière elles.

Un groupe d’écolières avec une sœur dans une salle de classe du pensionnat autochtone de Cross Lake (Manitoba), en février 1940 (MIKAN 4673899)

Page beige comprenant six photographies noir et blanc de divers édifices.

Le pensionnat autochtone de Lejac et d’autres édifices à Fraser Lake (Colombie Britannique) vus sous différents angles en août 1941 (MIKAN 4674042)

Certaines images font partie des collections d’autres ministères, comme le ministère de l’Intérieur (acquisition 1936‑271), le ministère des Mines et des Relevés Techniques (acquisition 1960‑125) et l’Office national du film du Canada (acquisition 1971‑271).

Un certain nombre de collections privées comprennent des photographies d’élèves, de membres du personnel et d’écoles, dont les fonds Henry Joseph Woodside, Joseph Vincent Jacobson, Kryn Taconis, Charles Gimpel et bien d’autres.

Photographie noir et blanc d’un groupe composé de filles et de garçons autochtones, de sœurs et de deux hommes devant un édifice

Foyer fédéral de Port Harrison (Inukjuak); un groupe d’élèves, des sœurs et des hommes autochtones, Québec, vers 1890; photo prise par Henry Joseph Woodside (MIKAN 3193392)

Photo couleur d’un groupe de garçons inuits accroupis sur un rocher plat; deux d’entre eux ont un fusil dans les mains

Groupe d’adresse au tir, école de Coppermine (foyer Tent), à Kugluktuk (Nunavut), vers 1958; photographe inconnu, fonds Joseph Vincent Jacobson (MIKAN 3614170)

Vous pouvez trouver d’autres photos d’élèves et d’écoles autochtones à l’aide de la fonction Recherche dans la collection. Pour savoir comment chercher dans la base de données, consultez la sous‑section Photos en ligne et non numérisées de la section Ce qui se trouve à Bibliothèque et Archives Canada, sur la page Ressources pour la recherche des pensionnats autochtones.

Si vous avez de l’information sur une photographie, veuillez nous la transmettre pour que nous puissions l’ajouter dans la base de données. N’oubliez pas d’indiquer le numéro de référence de l’image, par exemple PA‑102543, e011080332 ou e011080332_s3, ou le numéro MIKAN – 3614170.

Les pages Flickr et Facebook de Bibliothèque et Archives Canada fournissent des échantillons de photos.