Les Amis de BAC et les trésors trouvés à la librairie Le Recoin/Cubby

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Par Evan Dalrymple

Nombreux sont ceux qui connaissent l’Association des amis de la Bibliothèque publique d’Ottawa et ses librairies à Ottawa, mais les Amis de Bibliothèque et Archives Canada et leur librairie Le Recoin sont l’un des secrets les mieux gardés du 395, rue Wellington. Pour ceux qui connaissent, c’est un vrai trésor!

Deux fois l’image d’un livre représentant une personne. Le livre ouvert constitue la tête, et deux mains tiennent les coins inférieurs de la couverture. Au-dessus de l’image de gauche, on peut lire « The Cubby Friends of LAC BOOKSTORE gently used books ». Sous l’image de droite, on peut lire « Le Recoin LIBRAIRIE Les Amis de BAC livres légèrement usagés ».

Le logo de la librairie des Amis de Bibliothèque et Archives Canada, dérivé de la murale d’Alfred Pellan intitulée La Connaissance/Knowledge. La fresque originale se trouve dans la salle Pellan de l’édifice des Archives nationales et de la Bibliothèque nationale, au 395, rue Wellington, à Ottawa (MIKAN 4932244).

La librairie Le Recoin est ouverte tous les mardis de 10 h à 15 h dans la salle 185 au rez-de-chaussée de l’édifice des Archives nationales et de la Bibliothèque nationale. Je vous invite à visiter Le Recoin en personne ou en ligne pour trouver la prochaine perle à ajouter à votre bibliothèque personnelle.

Histoire des « Amis » à Ottawa

Du début des années 1980 jusqu’au milieu des années 1990, les associations d’amis prolifèrent dans les bibliothèques, les archives et les musées du Canada. À Ottawa en particulier, des associations d’amis voient le jour au Musée des beaux-arts du Canada (1958), au Musée canadien de la guerre (1988) et à la succursale principale de la Bibliothèque publique d’Ottawa (1982), laquelle est sans doute la plus connue de ces associations.

L’association des Amis de la Bibliothèque nationale du Canada est fondée en 1991 par Marianne Scott, ancienne bibliothécaire nationale du Canada (de 1984 à 1999) et actuelle présidente des Amis de Bibliothèque et Archives Canada.

En 2003, les Amis de la Bibliothèque nationale du Canada et les Amis des Archives nationales du Canada fusionnent pour former une seule organisation – les Amis de Bibliothèque et Archives Canada ou Amis de BAC – en prévision de la fusion des Archives nationales avec la Bibliothèque nationale, qui s’est produite en mai 2004 avec la proclamation officielle de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada.

Le bulletin des Amis de la Bibliothèque nationale du Canada, Entre Amis, publié de 1992 à 2008, montre clairement que les ventes de livres, les boutiques et les ventes aux enchères de livres anciens ont été des moyens extrêmement efficaces de communiquer avec le grand public et d’enrichir la collection de la Bibliothèque nationale.

Couvertures d’un bulletin et d’un dépliant comportant de l’écriture et un logo.

Le bulletin Entre Amis et le dépliant The Friends of the National Library of Canada (OCLC 1082162430 et OCLC 61127762).

La promotion des dons et des cadeaux de trésors et la collecte de fonds pour des acquisitions spéciales sont au cœur de la mission des Amis.

De son côté, l’association des Amis des Archives nationales est constituée en 1995, alors sous la direction de Jean-Pierre Wallot (de 1985 à 1997), et publie son propre bulletin aussi intitulé Entre Amis. Les Archives nationales disposent elles aussi d’une boutique, mais on en sait moins sur ses activités.

Les grandes ventes de livres et les ventes aux enchères de livres anciens des Amis de BAC

La vente gigantesque annuelle de livres de la Bibliothèque publique d’Ottawa est bien connue, mais saviez-vous que les Amis de Bibliothèque et Archives Canada organisaient jadis leur propre « grande vente de livres », qui connaissait un énorme succès? Ces ventes de livres, en plus de celles des associations d’amis de la Bibliothèque publique de Nepean, de la Bibliothèque publique de Kanata, de la Bibliothèque publique de Cumberland et de libraires locales, attirent les foules à Ottawa depuis plus d’une décennie. Même avant leur regroupement en 2003 pour créer l’Association des amis de la Bibliothèque publique d’Ottawa, les associations d’amis étaient florissantes dans plusieurs bibliothèques publiques du Grand Ottawa.

Photographie de personnes feuilletant des livres placés sur des tables dans un centre commercial.

La première vente de livres au centre commercial St. Laurent, photo tirée de la publication Entre Amis, volume 4, no 1, hiver 1995 (OCLC 1082162430).

La première grande vente de livres se déroule du 23 au 25 septembre 1995 au centre commercial St. Laurent. Selon le comité de vente de livres, l’événement connaît un succès retentissant à tous points de vue. Il permet de récolter 17 164,49 $, et 423 livres sont donnés à la Bibliothèque nationale. Les années suivantes, les Amis parviennent souvent à doubler, voire à tripler cette somme.

Les Amis de Bibliothèque et Archives Canada lancent leur première vente aux enchères de livres anciens à l’hiver 2000 et poursuivent cette activité jusqu’aux environs de 2008. Comme c’est le cas aujourd’hui, tous les dons de livres canadiens sont mis de côté et examinés par un membre du personnel de la Bibliothèque nationale avant d’être intégrés à la collection. Les Amis réservent leurs livres les plus rares pour les ventes aux enchères de livres anciens. Aujourd’hui, les Amis de BAC présentent une sélection de livres dans leur boutique en ligne. Les offres sont irrésistibles, alors, laissez-vous tenter!

L’histoire de la librairie Le Recoin

Initialement connue sous le nom de « Boutique des Amis », la librairie Le Recoin démarre en 1993 sous la forme d’une boutique éphémère dans le hall d’entrée de l’édifice des Archives nationales et de la Bibliothèque nationale. Elle était ouverte de 11 h à 15 h tous les jours du 1er juin à la fin du mois d’août.

Page d’un catalogue portant le titre « Boutique des Amis », une photo qui montre de la marchandise en haut à droite, des descriptions de la marchandise et un formulaire de commande dans le bas.

Merci d’être un Ami! Le catalogue de l’automne 1996 présente la nouvelle Boutique des Amis qui vend des articles intéressants (OCLC 1082162430).

La boutique est tenue par deux bénévoles qui font également des visites guidées de la Bibliothèque nationale en anglais et en français. La boutique propose un choix remarquable d’articles, notamment des cartes postales, des affiches, des CD de musiciens canadiens célèbres, ainsi que des bandes magnétiques de la Division de la musique de la Bibliothèque nationale. Les t-shirts et les sweatshirts portant l’inscription « WOW », pour Wellington Street West, sont particulièrement recherchés. Un grand nombre de ces articles populaires sont encore vendus à la librairie Le Recoin. De plus, des cartes de membre des Amis de Bibliothèque et Archives Canada sont disponibles – n’hésitez pas à devenir membre dès aujourd’hui!

En 2014, la division des ventes de livres des Amis déménage dans la salle 185 du 395, rue Wellington, attenante à la salle de réunion Morley-Callaghan. Le sous-sol abrite désormais un vaste espace d’entreposage dédié au tri d’une vaste collection de livres, ainsi qu’un bureau où le personnel de Bibliothèque et Archives Canada peut évaluer méticuleusement chaque don.

En 2017, la librairie des Amis de Bibliothèque et Archives Canada, affectueusement appelée Le Recoin, fait ses débuts. Le Recoin propose des livres d’occasion, et les recettes servent à financer l’acquisition de documents sur le Canada pour BAC. Le magasin, ouvert trois jours par semaine, renforce sa renommée en organisant une grande vente annuelle de livres et en ouvrant ses portes au public lors d’occasions spéciales, notamment la fête du Canada.

En 2019, la librairie Le Recoin dispose de plus de dix bénévoles et d’un fonds de 3 000 $, qui lui permet d’acheter des ouvrages importants comme l’édition rare du livre Adventures of a Field Mouse, de Catharine Parr Traill, et l’ouvrage le plus connu de Stephen Leacock, Sunshine Sketches of a Little Town, dans son édition américaine avec la jaquette d’origine.

En 2020, la pandémie de COVID-19 entraîne la fermeture de la librairie Le Recoin, mais qu’à cela ne tienne, les Amis de BAC se tournent vers la vente en ligne de livres anciens. Alors, soumettez vos offres!

Trésors trouvés à la librairie Le Recoin

Dans la salle principale de la librairie Le Recoin se trouve une section dédiée au Canada français, y compris un espace consacré à l’histoire du Canada français, dont une grande partie des ouvrages provient de Jean-Pierre Wallot, ancien archiviste national du Canada, de 1985 à 1997. Jean-Pierre Wallot était un bibliophile passionné qui avait lui-même constitué une impressionnante collection de livres.

À ma deuxième journée de travail à Bibliothèque et Archives Canada, j’ai découvert par hasard le livre Les imprimés dans le Bas-Canada, 1801-1810, par John Ellis Hare et Jean-Pierre Wallot (OCLC 231788329) à la librairie Le Recoin. L’exemplaire est même signé par Jean-Pierre Wallot! Cette trouvaille revêt pour moi une importance particulière, car elle s’ajoute à une autre édition que j’ai chez moi, annotée par John Ellis Hare.

Vous pouvez acheter un exemplaire du livre Les imprimés dans le Bas-Canada dès aujourd’hui à la boutique en ligne de la librairie Le Recoin.

Découverte incroyable, sur un chariot à l’extérieur de la librairie Le Recoin, j’ai trouvé Dollard est-il un mythe? autographié par le chanoine Lionel Groulx et dédicacé à Jean-Pierre Wallot (OCLC 299866171)! Cela a ajouté une nouvelle couche à ma compréhension de l’histoire du Canada français.

Couverture de livre portant le nom de l’auteur, « Chanoine Lionel Groulx », le titre Dollard est-il un mythe? et l’image du buste d’un homme aux cheveux longs.

Dollard est-il un mythe? autographié par le chanoine Lionel Groulx et dédicacé à Jean-Pierre Wallot (OCLC 299866171).

Les travaux de Jean-Pierre Wallot ont été fortement influencés par l’École historique de Montréal, et l’idéologie de Lionel Groulx témoigne de la richesse du discours historique de l’époque.

Enfin, dans la section de Jean-Pierre Wallot, j’ai depuis recueilli des livres de l’École historique de Montréal, des ouvrages de Michel Brunet, Maurice Séguin et Guy Frégault, qui tous portent la signature de Jean-Pierre Wallot et contiennent ses remarques et corrections personnelles.

Les imprimés dans le Bas-Canada a valu au duo Hare et Wallow la Médaille Marie-Tremaine de la Société bibliographique du Canada en 1973. Les deux historiens sont ainsi les premiers à avoir reçu ce prix prestigieux après celle qui lui a donné son nom, Marie Tremaine elle-même.

Photographie d’étagères remplies de livres.

La section Jean-Pierre Wallot, ancien archiviste national du Canada, dans la librairie Le Recoin. Photo gracieuseté de l’auteur, Evan Dalrymple.

Il existe des fonds d’archives à BAC portant sur John Ellis Hare et Jean-Pierre Wallot, ainsi que sur la conceptrice de la médaille Marie-Tremaine, Dora de Pédery-Hunt (MIKAN 4699607 / MIKAN 192150).

John Ellis Hare et Jean-Pierre Wallot n’étaient pas seulement de grands lecteurs et d’éminents collectionneurs de livres, mais aussi des historiens qui ont défendu l’idée que les imprimés, les journaux et les livres devaient être considérés comme des sources historiques primaires (se reporter aux articles « Reflexions on Making a Bibliography » et « Society and Imprints » [en anglais]).

Certains ouvrages de littérature canadienne-française de ma collection personnelle ne font pas partie des collections de BAC et ne sont pas disponibles dans d’autres librairies ou bibliothèques. Beaucoup de livres de ma collection sont des exemplaires idéaux; ils sont souvent signés ou marqués par l’auteur et sont en excellent état, souvent avec la jaquette d’origine ou une reliure de qualité.

Au Recoin, je trouve souvent des livres parfaits pour enrichir ma collection personnelle. La majeure partie des documents de ma collection d’histoire canadienne-française comprend des ex-libris de John Ellis Hare ou de Jean-Pierre Wallot.

Dons aux Amis de Bibliothèque et Archives Canada

Au fil des ans, j’ai fait don de livres à des bibliothèques de collections spéciales comme Archives et collections spéciales à l’Université d’Ottawa, et j’ai préservé ma collection avec l’aide de certains membres de Bibliothèque et archives Jean-Léon-Allie et de catalogueurs de l’Université d’Ottawa. De fait, de nombreux trésors de la salle des livres rares de Bibliothèque et Archives Jean-Léon-Allie contiennent également des ex-libris de John Ellis Hare.

J’achève le catalogage de ma collection et j’envisage de faire un don important à la Bibliothèque nationale et à la librairie Le Recoin des Amis de Bibliothèque et Archives Canada.

Le prochain chapitre de la librairie Le Recoin/Cubby

À Ādisōke, une installation partagée par la Bibliothèque publique d’Ottawa et Bibliothèque et Archives Canada, la construction avance à grands pas. Ādisōke est un mot anishinaabemowin qui signifie « raconter des histoires », et l’endroit promet d’être une plaque tournante pour notre communauté. La question est de savoir ce qu’il adviendra de notre librairie Le Recoin.

S’agira-t-il d’une charmante boutique éphémère comme elle l’a été autrefois, avec ses « grandes ventes de livre » et ses ventes aux enchères, ou tracera-t-on une nouvelle voie? Le regroupement de la Bibliothèque publique d’Ottawa et de Bibliothèque et Archives Canada pourrait voir renaître l’esprit de collaboration dont nous nous souvenons bien.

Alors qu’un nouveau chapitre s’ouvre pour les Amis de BAC et que nous découvrons le nouvel espace de rassemblement qui verra le jour à Ādisōke, nous avons hâte de découvrir les nouveaux trésors qui nous attendent.

Pour conclure, trouvez vos propres trésors lors de la grande vente de livres de la librairie Le Recoin qui aura lieu à BAC pendant l’événement Portes ouvertes Ottawa, les 1er et 2 juin 2024. Cela marquera également 31 ans de vente de livres – alors, rendez-vous au Recoin!

Pour communiquer avec la librairie Le Recoin, envoyez un courriel à amis-friends@bac-lac.gc.ca ou composez le 613-992-8304.

Pour en savoir plus


Evan Dalrymple est bibliothécaire de référence à la Direction générale de l’accès et des services de Bibliothèque et Archives Canada, au 395, rue Wellington, à Ottawa.

Insolite et fier de l’être : l’histoire méconnue du Musée des archives

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Par Geneviève Morin

Par une journée ordinaire de juin 2011, un mystère improbable atterrit sur les bureaux des archivistes en art documentaire de Bibliothèque et Archives Canada (BAC). Il s’agit d’une petite statuette en bronze représentant le général James Wolfe. Cette œuvre du sculpteur Vernon March vient tout juste d’être trouvée à l’hôtel Lord Elgin, à Ottawa, soigneusement emballée et discrètement laissée sans surveillance. Le seul indice est une note dans laquelle l’auteur anonyme exprime son regret d’avoir volé la statuette « dans un acte de folie » lors d’une visite aux Archives dans les années 1950. Arrivant au crépuscule de sa vie, le voleur souhaite faire amende honorable…

Les archivistes qui connaissent l’histoire des collections non textuelles de BAC se mettent immédiatement au travail, entreprennent des recherches et dénichent des documents. La provenance est confirmée : la représentation en bronze du général Wolfe avait en effet été ajoutée aux collections des Archives en 1914! La statuette, récupérée avec gratitude, est finalement envoyée au lieu qui l’abrite actuellement, le Musée canadien de l’histoire.

Une question demeure toutefois : à l’époque, pourquoi les Archives décident-elles d’inclure ce type de sculpture dans la collection? Ne se limitent-elles pas généralement aux documents bidimensionnels, notamment les ressources textuelles, les photographies, les cartes et les dessins? Bien entendu, même si de nombreux Canadiens savent que BAC et les institutions qui l’ont précédé (les Archives nationales du Canada, la Bibliothèque nationale du Canada et les Archives publiques du Canada) acquièrent des ressources non textuelles depuis plus de 130 ans, peu connaissent la raison pour laquelle nos collections étaient – et, dans certains cas, sont encore – si éclectiques.

L’audacieuse ambition d’Arthur Doughty

Disons les choses simplement : à BAC, la diversité des fonds d’archives d’hier et d’aujourd’hui est attribuable en grande partie au deuxième archiviste fédéral du Canada, Arthur Doughty. Comme il l’explique dans le Catalogue of Pictures des Archives de 1925, son ambition n’est alors rien de moins que de faire de l’institution un ministère national d’histoire où sont préservées les sources de toute nature ayant une valeur pour l’étude de l’histoire du Canada. Il s’agit d’un mandat important, c’est le moins que l’on puisse dire…

Photo noir et blanc d’un homme moustachu portant un costume sombre et des bottes. Il est assis sur une chaise de bois et lit un livre, près d’un bureau de bois recouvert de papiers. À l’arrière-plan, on voit de grandes plantes, un mur présentant de nombreuses images encadrées et un manteau de cheminée. Le fauteuil de campagne en cuir du général Wolfe est appuyé contre le mur, à la droite de l’homme.

Arthur G. Doughty, archiviste fédéral, vers 1920, studio Pittaway. (c051653)

Après sa nomination en 1904, Arthur Doughty exprime sa vision en diversifiant beaucoup les types d’acquisitions que font les Archives. L’un des exemples les plus frappants de ce changement dans les pratiques d’acquisition est sans nul doute la gargantuesque maquette de la ville de Québec préparée par Duberger (voir ci-dessous) et transférée du ministère de la Guerre britannique en 1908.

Photo noir et blanc d’une grande salle présentant des tables d’exposition de part et d’autre et des luminaires suspendus au plafond. À l’arrière-plan, on aperçoit une grande maquette de ville.

Salle Grey, édifice des Archives publiques du Canada, rue Sussex, Ottawa (Ontario), après 1926. (a066642) (La maquette a été construite à Québec par le dessinateur Jean-Baptiste Duberger et le lieutenant-colonel John By, membre des Royal Engineers, entre 1806 et 1808. Aujourd’hui, la maquette est sous la garde de Parcs Canada.)

Au fil des ans, les Archives deviennent les gardiennes de milliers d’articles divers, dont les artéfacts suivants :

  • la tunique rouge que portait Isaac Brock au moment de son décès lors de la bataille des hauteurs de Queenston
  • le fauteuil de campagne de cuir de James Wolfe (photographié ci-dessus dans le bureau de Arthur Doughty, à gauche)
  • une massue casse-tête qui aurait été utilisée pendant la guerre de 1812, ainsi que plusieurs autres armes
  • des lunettes, des armes et des vêtements autochtones
  • des miroirs, des chandeliers et diverses pièces de mobilier
  • les plus vastes collections de pièces de monnaie, de jetons, de papier-monnaie, de médailles et de décorations du pays
  • des curiosités, comme un pilon à pommes de terre en bois qui aurait été utilisé dans la cuisine de sir John Johnson, et un ensemble élaboré de cloches de traîneau en laiton ayant appartenu à la princesse Louise et au marquis de Lorne

Bref, rien ne semble alors être exclu pour les Archives, tant que cela peut permettre aux Canadiens d’apprendre quelque chose sur leur histoire.

Photo noir et blanc d’une armoire en bois avec un miroir. Sur le dessus de l’armoire se trouve une horloge de cheminée ornementée. De chaque côté de l’armoire, on voit deux candélabres représentant des grues se tenant sur le dos de tortues.

Pendule de cheminée des Frères Raingo exposée dans l’édifice des Archives publiques, date inconnue. (a066643)

Un incontournable, tant pour les gens du coin que pour les visiteurs

Considérées comme une maison aux trésors pour l’historien canadien par le magazine Saturday Night en 1910, les Archives élaborent au fil du temps un programme muséal très réussi, offrant aux Canadiens l’occasion de s’immerger dans des expositions diversifiées combinant des publications, des ressources textuelles et des produits spécialisés de diverses formes, comme des cartes, des photographies, des peintures, des gravures et des artéfacts tridimensionnels. Ce n’est peut-être qu’une coïncidence, mais on peut apercevoir la tristement célèbre statuette de Wolfe dans la photo ci-dessous, prise vers 1926, sous le tableau de Benjamin West La mort du général Wolfe, dans la salle Northcliffe des Archives.

Photo noir et blanc d’une salle où se trouvent des bibliothèques et des vitrines d’exposition. À l’arrière-plan, on voit des fenêtres et des plantes.

Salle Northcliffe, édifice des Archives publiques du Canada, rue Sussex, Ottawa (Ontario), vers 1926-1930. (a137713). On peut voir la statuette de Wolfe, sculptée par Vernon March, sur le dessus de la vitrine d’exposition se trouvant sous le grand tableau, le long du mur à droite.

Installées dans diverses aires, dont trois salles conçues sur mesure au rez-de-chaussée de l’édifice des Archives, au 330, rue Sussex, les expositions permanentes sont régulièrement complétées par des expositions spéciales soulignant des événements commémoratifs, l’arrivée d’acquisitions importantes ou la visite d’invités de marque. L’espace est restreint, mais sous la direction d’Arthur Doughty et des conservateurs MM. Weber et A.E.H. Petrie, presque chaque espace utilisable est considéré comme un endroit où mettre en valeur la collection, même les corridors et le bureau de Arthur Doughty.

Photo noir et blanc d’une grande salle où se trouvent des vitrines d’exposition, une statue, des drapeaux, des plantes, des images encadrées, des chaises et un trône.

Salle Minto, édifice des Archives publiques du Canada, aménagée pour une réception à l’intention des délégués participant à la Conférence impériale, Ottawa, août 1932 (c000029). À l’époque, le trône du monarque (au centre, à droite) est conservé au Musée des archives lorsqu’il n’est pas utilisé au Sénat du Canada.

Photo noir et blanc d’une salle longue et étroite. Il y a deux luminaires suspendus au milieu de la salle, et les murs sont couverts d’affiches.

Salle des affiches de guerre, édifice des Archives publiques du Canada, rue Sussex, Ottawa (Ontario), vers 1944 (a066638). Nous trouvons encore des trous de punaises dans certaines affiches de guerre des collections préservées à BAC. Les pratiques de conservation et d’exposition ont beaucoup évolué depuis l’époque de la Salle des affiches de guerre!

C’est ainsi qu’au fil du temps, le Musée des archives accueille d’innombrables groupes d’écoliers, d’universitaires, de passionnés d’histoire et de dignitaires en visite. On compte même la visite de la princesse Elizabeth et du duc d’Édimbourg, en 1951. Le couple royal semble grandement apprécier l’expérience. En effet, comme le rapportent fièrement les responsables des Archives, au moment où le groupe signe le registre des visiteurs et part pour Rideau Hall, une période beaucoup plus longue que celle prévue dans le programme officiel s’est écoulée.

Photo noir et blanc de quatre hommes et d’une femme regardant des articles dans une vitrine d’exposition. Un homme pointe du doigt un document dans la vitrine.

Leurs Altesses Royales la princesse Elizabeth et le duc d’Édimbourg, accompagnés de l’honorable F. Gordon Bradley, secrétaire d’État (à gauche), aux Archives publiques. Rapport sur les Archives publiques pour l’année 1951.

Au milieu des années 1960, la popularité du musée connaît une hausse fulgurante. Malheureusement, comme l’observe M. Petrie en 1960, ce grand succès a des effets négatifs : un seul gardien ne semble pas suffire pour les trois salles, car on note que des larcins et des actes de vandalisme mineurs sont commis sur des objets de la collection. La sécurité a du mal à assurer une surveillance suffisante étant donné que les visiteurs sont de plus en plus nombreux. Peut-être est-ce dans ces conditions que la statuette de Wolfe disparaît, malheureusement…

L’inévitable non-durabilité

Au bout du compte, l’approche bien intentionnée d’Arthur Doughty ne peut visiblement plus fonctionner. En près de 60 années d’existence, le Musée des archives accumule une telle collection tridimensionnelle que l’édifice des Archives est plein à craquer. L’espace devient si restreint qu’en 1965, les salles d’exposition de l’édifice de la promenade Sussex [la rue est devenue promenade en 1953] doivent être déménagées dans des locaux temporaires à l’édifice Daly, près du Château Laurier. Il en est de même pour les artéfacts excédentaires, jusque-là entreposés dans l’édifice Loeb sur la rue Besserer.

Photo noir et blanc de deux édifices. À gauche, on aperçoit des personnes et des voitures floues. Au premier plan, on peut voir des lignes électriques.

Hôtel G.T.R. [Château Laurier] et édifice Ria [Daly]. Photo : William James Topley, après 1911 (a009116). En 1921, le gouvernement fédéral achète et commence à occuper l’édifice Daly, un immeuble commercial.

La question épineuse du Musée des archives est évaluée par la Commission Massey en 1951 et la Commission Glassco en 1963; elle vient ajouter le poids nécessaire à l’argument en faveur de la réduction des collections. Bien qu’à l’époque, les Archives ne se limitent pas à leur rôle traditionnel à un moment où « aucune autre solution n’est disponible », il devient évident qu’il est impossible et qu’il n’est plus nécessaire de tenir à la fois le rôle d’archives nationales et de musée. Vient alors le moment de partager le fardeau de la responsabilité avec d’autres institutions existantes.

Un nouvel édifice, mais des collections réduites

En 1967, la Bibliothèque nationale et les Archives nationales du Canada déménagent dans de nouveaux locaux au 395, rue Wellington, à Ottawa. Cet immeuble moderne, conçu sur mesure, comprend des aires d’exposition. Toutefois, il n’est pas prévu que les expositions d’antan y soient reproduites; l’accent sera plutôt mis sur la richesse des ressources qui garnissent les fonds et les collections d’archives et de bibliothèque.

Les années qui suivent le déménagement sont donc consacrées à la répartition de la collection du Musée des archives. La plupart des artéfacts tridimensionnels sont transférés au futur Musée de l’homme (aujourd’hui le Musée canadien de l’histoire), tandis que les trophées de guerre et les artéfacts militaires demeurent à l’édifice de la promenade Sussex pour continuer à faire partie de la collection du Musée canadien de la guerre. Environ 16 000 pièces de monnaie et autres objets liés à la numismatique sont envoyés à la Banque du Canada. Les fonds philatéliques des Archives sont pour leur part transférés au ministère des Postes. Les Archives conservent leurs collections de quelque 6 000 médailles et jetons militaires, commémoratifs et ecclésiastiques. Ces dernières, ainsi que l’importante collection de peintures, continueront à faire partie des collections d’art documentaire et d’objets des Archives publiques. M. Petrie reste en poste à titre de conservateur du musée et de la numismatique, guidant les groupes dans les expositions de tableaux et autres, ainsi que dans la découverte des impressionnants éléments décoratifs et architecturaux du nouvel immeuble.

Un héritage permanent

À mesure que BAC progresse dans le 21e siècle, l’esprit ambitieux d’Arthur Doughty et l’héritage du Musée des archives se perpétuent à travers une approche purement canadienne des archives. Des documents gouvernementaux, des archives privées et des ressources non textuelles de toutes sortes ont été recueillis et conservés pendant plus de 100 ans. Cette approche est à l’origine de l’ensemble éclectique de compétences que possèdent encore aujourd’hui les professionnels de BAC. Plus important encore, elle fait en sorte qu’un patrimoine documentaire diversifié continue d’intriguer, d’informer et d’impressionner les Canadiens et les visiteurs, même si les règles de sécurité et d’accès sont devenues un peu plus strictes après l’affaire de la statuette de Wolfe.


Geneviève Morin est archiviste principale pour l’art documentaire, les objets et la photographie à la Division des archives gouvernementales, à Bibliothèque et Archives Canada.