Les gardiennes de phare, ces héroïnes côtières : défi Co-Lab

Leah Rae

Imaginez le quotidien d’un gardien de phare : veiller à ce que toujours la lumière brille, en dépit de la solitude et de l’isolement, des sombres nuits et des tempêtes. Maintenant, ajoutez à cela le rôle de veuve éplorée, de conjointe soignante ou de mère attentionnée. C’est là la réalité des gardiennes de phare au Canada, à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle.

À cette époque, ce sont les hommes qui exercent officiellement le métier de gardien de phare, mais dans les faits, toute la famille est mise à contribution. Comme c’est alors une charge que l’on gardera toute sa vie durant, quelqu’un doit reprendre le flambeau sans tarder lorsqu’un gardien décède. La plupart du temps, c’est la femme ou l’enfant qui prend la relève, y étant déjà établi et possédant l’expérience et le savoir requis. À la charnière des 19e et 20e siècles, le Canada compte donc plusieurs gardiennes de phare.

Mary Croft – Phare de l’île Discovery, île Discovery, Colombie-Britannique

Mary Croft est, dit-on, la toute première gardienne de phare du Canada. Si elle se voit officiellement confier la garde du phare de l’île Discovery en 1902, cela fait déjà cinq ans qu’elle joue ce rôle : son père, le gardien officiel, mène alors un long combat contre la maladie. Lorsqu’elle reçoit le titre, cette mère de deux filles doit donc également s’occuper de toute sa famille de même que de son père mourant. Elle veillera sur le phare de l’île Discovery durant plus de 30 ans, avant de partir pour Victoria, en Colombie-Britannique, à 67 ans. Elle reçoit la Médaille du service impérial en 1934 pour son travail de gardienne de phare.

Texte dactylographié bleu sur du papier à lettres blanc cassé.

Lettre de recommandation pour Mme Mary Croft [Note : Le nom du gardien de phare était en fait Brinn, et non Dunn.] (e011435495)

Carte postale en couleur illustrant un large bâtiment jaune et brun et un phare.

Hôtel et phare Inch Arran (e011435492).

Denise Arsenault – Phare Inch Arran, Dalhousie, Nouveau-Brunswick

Le phare Inch Arran (parfois appelé phare de la pointe Bon Ami) est construit en 1870. Cette magnifique structure unique en son genre prend la forme d’une salière couronnée d’une cage d’oiseau. Surplombant la baie des Chaleurs, au Nouveau-Brunswick, ce phare fait toujours office de balise lumineuse. À la fin des années 1800, il consiste en un lieu de villégiature abritant le grand hôtel Inch Arran. La famille Arsenault aura gardé le phare durant 65 ans. En 1913, le gardien de l’époque, James Arsenault, décède, laissant la charge à son épouse Denise. Celle-ci s’occupera du phare jusqu’en 1927, année où elle se fracture le bras en tombant dans les escaliers glissants de la tour. Elle devient alors incapable d’assumer ses fonctions.

Maisie Adams – Phare de New London, Île-du-Prince-Édouard

Maisie Adams est la seule femme gardienne de phare dans l’histoire de l’Île-du-Prince-Édouard. Elle garde le phare de New London de 1943 à 1959, succédant ainsi à son époux Claude, mort du cancer à l’âge de 40 ans. Maisie Adams a alors 30 ans et doit également s’occuper de ses trois enfants, âgés d’un an à sept ans. Elle veille déjà sur le phare depuis un an et demi, en raison de la maladie de son époux. Mme Adams vit dans une maison près du phare. Chaque printemps, elle allume la lumière du phare, qu’elle éteint avant l’arrivée de l’hiver, une fois tous les bateaux de pêche rentrés au port et remisés pour la saison hivernale.

Trois pages de texte manuscrit à l’encre bleue sur du papier à lettres blanc cassé. Le coin supérieur droit de la première page porte les sceaux officiels.

Lettre de recommandation pour Maisie Adams (e044435793-058)

Trois pages de texte manuscrit à l’encre bleue sur du papier à lettres blanc cassé. Le coin supérieur droit de la première page porte les sceaux officiels.

La vie de gardien de phare n’avait rien de facile. Il fallait vivre dans l’isolement, composer avec les intempéries et exercer une vigilance de tous les instants. Les femmes qui assumaient ce rôle travaillaient sans relâche et étaient souvent recluses. Elles devaient assurer non seulement le bien-être de leur famille, mais aussi la sécurité des marins.

Bibliothèque et Archives Canada possède une vaste collection de documents sur les phares et les gardiens de phare. Pour célébrer la Journée internationale des femmes, le 8 mars, nous mettons en lumière le travail des gardiennes de phare du Canada et vous invitons à explorer quelques documents et images qui font briller leur quotidien difficile et leur apport à la vie maritime au pays. Vous pouvez utiliser Co-Lab pour transcrire, étiqueter, traduire et décrire ces fichiers numérisés de notre collection.


Leah Rae est archiviste au bureau d’Halifax de la Division des services de référence de Bibliothèque et Archives Canada.

Images de l’Île-du-Prince-Édouard maintenant sur Flickr

Des trois provinces maritimes du Canada, l’Île-du-Prince-Édouard est la plus petite. Elle est séparée du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse par le détroit de Northumberland. Lorsque Jacques Cartier y accoste, en 1534, les Micmacs et leurs ancêtres y vivent déjà depuis très longtemps. Cartier revendique le territoire en tant que partie de l’Acadie (l’une des colonies françaises d’Amérique du Nord). Au cours du 18e siècle, la guerre qui fait rage entre la France et l’Angleterre touche directement les insulaires, constamment menacés; plusieurs seront même déportés.

Une carte en couleur de l’Île du Prince-Édouard montrant les routes et les sites récréatifs sur l’île.

Carte de l’Île-du-Prince-Édouard indiquant les routes et les sites récréatifs (MIKAN 4125513)

En vertu d’un traité signé en 1763, l’Angleterre prend officiellement possession de l’île et la renomme St. John’s Island; par la suite, celle-ci connaîtra une importante vague d’immigration écossaise. En 1798, elle prend le nom d’Île-du-Prince-Édouard en l’honneur du prince Édouard, duc de Kent. Aux débuts de la Confédération canadienne, en 1867, elle hésite à se joindre au dominion en raison des conditions défavorables qui lui sont offertes, préférant plutôt examiner d’autres options pour son avenir. Quelques années plus tard, dans l’espoir de freiner l’expansion coloniale américaine, le Canada accepte de bonifier ces conditions et, en 1873, l’Île-du-Prince-Édouard devient la septième province canadienne.

Le saviez-vous?

  • C’est à l’Île-du-Prince-Édouard que se déroule le célèbre roman Anne… la maison aux pignons verts, de Lucy Maud Montgomery, native de l’endroit. Cette œuvre met en vedette une petite fille à la chevelure rousse, devenue l’un des personnages les plus célèbres de la littérature canadienne.
  • L’agriculture est le pivot de l’économie de l’Île-du-Prince-Édouard depuis ses débuts comme colonie. La province est reconnue pour ses abondantes récoltes de pommes de terre, qui subviennent au tiers des besoins du Canada.
  • Parce qu’elle a accueilli la conférence de Charlottetown en 1864 ‒ première étape vers la création de la Confédération canadienne ‒, l’Île-du-Prince-Édouard est considérée comme le berceau de la Confédération.

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Gardiens de phare recherchés!

De la fin du 19e siècle au début du 20e siècle, les phares faisaient partie intégrante de la vie dans le Canada atlantique : la région en comptait à elle seule plus de 135. C’est au gardien de phare qu’incombait la tâche de garder la lumière allumée coûte que coûte – un engagement qui reposait souvent sur les épaules de toute sa famille.

Bibliothèque et Archives Canada conserve des dossiers sur de nombreux phares érigés dans le Canada atlantique.

L’un deux, le phare de Cape Bear, sur l’Île-du-Prince-Édouard, est particulièrement intéressant. Il est situé tout près du poste de radiotélégraphie Marconi qui a reçu l’un des premiers signaux de détresse transmis par le Titanic.

Mais qui sont donc les gardiens qui ont séjourné au phare de Cape Bear, veillant sur sa lumière? Lire la suite