Une collection qui fait bonne mine : photographies de la Commission géologique du Canada

Par Martha Sellens

Il y a plusieurs années, j’ai été approchée par un chercheur qui voulait trouver la première photographie prise lors d’une expédition d’arpentage de la Commission géologique du Canada (CGC). Il savait que cette image était conservée par Bibliothèque et Archives Canada (BAC), mais il n’arrivait pas à la trouver. À l’époque, mes connaissances sur les archives de la CGC conservées par BAC étaient très limitées. Lorsque j’ai commencé à examiner la collection de photographies de la CGC, j’ai immédiatement compris pourquoi le chercheur éprouvait des difficultés. La collection comportait beaucoup de renseignements, mais ils n’étaient pas tous accessibles au public sur notre site Web, et ceux qui l’étaient n’étaient pas faciles à consulter.

En creusant un peu, et après quelques faux départs, j’ai finalement trouvé la photographie que le chercheur souhaitait obtenir, en plus d’autres photos. Nous avons examiné ensemble des négatifs sur plaque de verre et des albums de photos fragiles au Centre de préservation de BAC à Gatineau (les documents délicats comme ceux-ci ne doivent pas quitter le lieu d’entreposage).

Ma curiosité a immédiatement été piquée, car la collection de photographies de la CGC renferme une multitude d’images prises d’un océan à l’autre du Canada dans le cadre d’expéditions d’arpentage menées au XIXsiècle et au début du XXe siècle. Bien évidemment, la collection contient de nombreuses photos de roches (il fallait s’y attendre, il s’agit après tout de géologues en expédition), mais aussi des photos de paysages, d’Autochtones, d’animaux sauvages, d’établissements européens, d’immigrants chinois, du chemin de fer du Canadien Pacifique et plus encore.

La première photographie de la CGC a été prise par James Richardson lors de son expédition le long de la rive nord du golfe du Saint-Laurent jusqu’au détroit de Belle Isle en 1860. Sur l’image, on voit l’un des membres de l’expédition assis sur une crête rocheuse. La collection de photographies de la CGC est numérotée en ordre séquentiel, et les photos prises par Richardson et son assistant, M. Reeves, lors de cette expédition, portent les numéros de négatif 1 à 28 de la CGC. BAC possède également certains négatifs sur plaque de verre originaux ainsi que quelques épreuves.

Une photographie en noir et blanc d’un homme assis sur une crête rocheuse.

Négatif no 1 de la CGC, James Richardson, photo prise lors de son expédition au Québec et au Labrador en 1860 (a038063)

Après avoir découvert ces images et en avoir appris davantage sur la collection de photographies de la CGC, j’étais résolue à améliorer la description des images pour qu’un plus grand nombre de personnes puissent en profiter. Mais comment allais-je faire? La majorité de ces photographies avaient été confiées aux services d’archives dans les années 1970, soit bien avant l’utilisation de nos systèmes informatiques et bases de données actuels. Au fil des ans, beaucoup de mes prédécesseurs avaient amélioré les descriptions de la collection, et il était regrettable de constater que le public ne pouvait plus comprendre leur travail ou y accéder pour des raisons techniques.

Photographie en noir et blanc d’une locomotive couchée dans une rivière. On voit des ouvriers sur les voies ferrées surélevées. En arrière-plan, on distingue des arbres et des montagnes.

Déraillement de la locomotive no 6 du Grand Trunk Pacific Railway à la rivière Fiddle, D. B. Dowling, 1911, négatif no 18883 de la CGC (a045437)

Dans un premier temps, j’ai passé en revue les informations existantes sur la collection de photographies de la CGC. Cette collection renferme près de 30 000 images. L’instrument de recherche fourni en ligne, soit un document au format PDF de 150 pages, comportait un rapport, une liste de boîtes et un certain nombre de légendes originales dans un seul et même document géant. À la fin des années 1990, le personnel de BAC a créé une base de données spécialisée pour faciliter la recherche d’épreuves et de négatifs individuels, mais elle n’a jamais été accessible en ligne. De plus, cette base a dû être migrée vers un nouveau logiciel en 2016, et une partie de ses fonctionnalités a été perdue.

Photographie en noir et blanc de huit arpenteurs assis à gauche d’un feu de camp.

Groupe de personnes autour d’un feu de camp, D. B. Dowling, 1911, négatif no 18916 de la CGC (a045420)

L’analyse et la comparaison de toutes ces données sont devenues l’un de mes projets à domicile durant la pandémie. Compte tenu du volume de la collection, je n’ai pas pu examiner ses éléments un par un. J’ai plutôt axé mes efforts sur deux composantes de la collection : les albums de photos et les instruments de recherche.

Lorsque j’ai entrepris ce travail, seuls deux des 78 albums de photos étaient décrits dans notre base de données. Maintenant, chaque album de photos est décrit dans la base de données en ligne de BAC et on y trouve en plus des renseignements sur le photographe, les lieux géographiques, les dates, l’expédition correspondante de la CGC et les numéros de négatif des photographies attribués par la CGC. J’ai également pu trier de nombreuses descriptions de photos individuelles se trouvant dans des albums.

Photographie en noir et blanc d’un trois-mâts carré entouré de glace. Une personne est debout sur la glace, à gauche de la poupe.

Le S.S. Diana dont le gouvernail est pris dans la glace au large de Big Island, dans le détroit d’Hudson, A.P. Low, 1897, négatif no 2198 de la CGC (a038232)

J’ai également inclus, quand c’était possible, des renseignements sur les expéditions de la CGC figurant dans chaque album, et j’ai créé un renvoi aux carnets de notes d’arpentage originaux qui se trouvent également dans la collection de BAC (consultez R214-65-1-F). James Richardson indique même dans ses notes d’arpentages quand lui ou son assistant ont pris les photos (voir « Québec – Manitou River and Île des Esquimaux regions and locations on Newfoundland »).

En regroupant les informations de trois ou quatre sources différentes, j’ai même créé un nouvel instrument de recherche. Ainsi, les chercheurs et les archivistes n’ont pas eu à consulter plusieurs ressources pour tout savoir sur le sujet. J’ai également pu relever les incohérences et les erreurs durant ce travail, et les informations sont donc le plus à jour possible.

Photographie en noir et blanc d’un paysage. Une rivière tranquille coule au centre de la photo et des arbres bordent les deux côtés. On distingue une personne sur le littoral rocheux à une distance moyenne.

Rapides inférieurs de la rivière Brokenhead, au Manitoba, J. B. Tyrrell, 29 septembre 1891 (a051459)

Maintenant, si vous cherchez une photographie dans la collection de la CGC, vous pouvez consulter l’un des nouveaux instruments de recherche que j’ai créés pour trouver des négatifs (45-36 Geological Survey of Canada Negatives – négatifs de la Commission géologique du Canada), des albums (45-36 Geological Survey of Canada Albums – albums de la Commission géologique du Canada) ou des épreuves (45-36 Geological Survey of Canada Prints – épreuves de la Commission de géologique du Canada). Ces listes ne sont pas exhaustives, mais elles fournissent des informations sur près de la moitié des photographies de la collection, et la lecture et la recherche en sont facilitées grâce à ce nouveau support mis à jour. La plupart des photographies de cette collection sont répertoriées selon un numéro de négatif de la CGC, comme le négatif no 1 de la CGC réalisé par James Richardson. Parfois, nous avons à la fois le négatif original et une ou plusieurs épreuves de la même photographie, mais pour d’autres photos, il ne reste que le négatif ou une épreuve.

Photographie en noir et blanc de chiens de traîneau attelés et de personnes portant des parkas. On aperçoit des arbres enneigés en arrière-plan.

Des chiens se reposent près du lac Split, dans les Territoires du Nord-Ouest, J.M. Macoun, 1910, négatif no 14917 de la CGC (a045274)

BAC possède également de nombreuses fiches catalographiques originales qu’a utilisées la CGC pour classer les négatifs dans sa photothèque. Les fiches présentent souvent le numéro de négatif de la CGC, le nom du photographe, la date, le lieu et la légende. Parfois, les fiches catalographiques mentionnent les dommages ou les cassures sur les négatifs. Certaines fiches sont classées par lieu, par sujet ou par numéro de négatif. Elles peuvent donc être utilisées de différentes façons pour retrouver des photos précises. Cependant, comme les fiches ont été créées par la CGC, elles ne comportent pas d’informations sur les contenants de BAC. Il faut donc utiliser ces fiches conjointement avec d’autres instruments de recherche pour repérer chaque article. Toutefois, les fiches sont aussi utiles pour obtenir de l’information contextuelle qui n’a pas encore pu être ajoutée à la base de données de BAC. Si vous avez trouvé une photographie intéressante et souhaitez en savoir plus sur celle-ci, vous pouvez consulter les fiches catalographiques et vérifier s’il y a d’autres renseignements.

Je suis loin d’avoir accompli mon travail d’optimisation de la collection de la CGC, mais j’espère que les nouveaux instruments de recherche et les nouvelles descriptions permettront à davantage de personnes d’explorer cette collection fascinante.

Autres ressources

  • Photographies de la CGC : Geological Survey of Canada Photographs (R214-419-X-F)
  • Album photo : Quebec and Labrador 1860, James Richardson (R214-2999-9-E)

Martha Sellens est archiviste à la Division des archives gouvernementales de Bibliothèque et Archives Canada.

Des montagnes de mouches noires

Par Martha Sellens

Toutes les facettes de mon travail d’archiviste me passionnent, mais la plus palpitante est la résolution de mystères, surtout quand le résultat est tout à fait imprévu. Un récent mystère que j’ai résolu combine œuvre d’art et mouches noires – et je ne parle pas ici de visiteurs inattendus (ou indésirables!) dans une chambre forte de Bibliothèque et Archives Canada (BAC).

Le point de départ : deux estampes de la Commission géologique du Canada (pièces 5067117 et 5067118). Je travaillais à améliorer leur description dans notre base de données pour qu’on puisse les trouver plus facilement au moment d’effectuer une recherche dans la collection. Les estampes datent de 1883, et leur acquisition remonte à si loin – avant 1925! – qu’il n’y avait presque aucun renseignement à leur sujet dans nos dossiers.

Je me suis donc mise à prospecter. Il s’agissait d’images panoramiques aussi hautes qu’un livre format standard et presque aussi larges que l’envergure de mes bras. Toutes deux étaient des copies d’un même dessin montrant les monts Notre Dame ou Shickshock [aujourd’hui, les monts Chic-Chocs] dans la péninsule de la Gaspésie, au Québec. Mon enquête était simplifiée du fait que le titre, le nom de l’artiste et le nom de l’imprimeur figuraient sur les estampes. J’ai donc aussitôt pu faire le lien avec le rapport préparé par A. P Low au terme de son expédition pour la Commission géologique du Canada (CGC), en 1883.

Estampe noir et blanc d’un dessin montrant une série de monts arrondis. On peut voir des arbres et de l’herbe à l’avant-plan. L’estampe porte un titre, et les points cardinaux sont indiqués en petits caractères le long du bord supérieur.

Photolithographie panoramique des monts Notre Dame ou Shickshock [Chic-Chocs], péninsule de la Gaspésie, Québec. Dessin de L. Lambe réalisé à partir d’une esquisse d’A. P. Low tirée du rapport qu’il a préparé en 1883 pour la Commission géologique du Canada. Les exemplaires conservés par BAC (R214-2887-9) n’ont pas encore été numérisés. Image reproduite avec l’aimable autorisation de Ressources naturelles Canada (GEOSCAN).

À l’été 1883, A. P. Low dirige une petite équipe d’arpenteurs dans la péninsule de la Gaspésie pour étudier la géologie de la région, ainsi que pour améliorer les cartes du coin et en créer de nouvelles. À l’époque, la CGC est souvent la première à envoyer des équipes d’arpentage dans une région, et elle réalise très vite que la documentation des caractéristiques géographiques passe nécessairement par la création de cartes. Dans son rapport, A. P. Low décrit certaines des tâches quotidiennes et des découvertes scientifiques de son équipe. Le rapport a été publié dans un ouvrage de 800 pages réunissant tous les rapports des activités de la CGC de 1882 à 1884. On peut télécharger une version numérique de l’ouvrage sur le site Web de Ressources naturelles Canada ou consulter l’exemplaire papier détenu par BAC.

BAC détient aussi de nombreux carnets de terrain dans lesquels les arpenteurs notaient quotidiennement leurs trouvailles et les résultats de leurs recherches. Ma curiosité étant piquée, j’ai fait venir les carnets d’A. P. Low pour y jeter un œil. N’étant pas géologue, je n’étais pas certaine de pouvoir comprendre ses notes, mais ça fait partie du plaisir! La plupart des carnets étaient remplis de chiffres et d’esquisses, mais vers la fin de l’un d’eux, j’ai décroché le gros lot.

Les gens s’imaginent souvent que les documents gouvernementaux sont synonymes de bureaucratie et d’ennui – et nos archives attestent que c’est souvent le cas. Il arrive toutefois qu’on découvre un élément passionnant qui prouve que le travail des fonctionnaires du 19e siècle pouvait être drôle et intéressant!

Vers la fin d’un des carnets d’A. P. Low, j’ai trouvé l’esquisse qu’il avait dessinée des monts Shickshock. Il s’agissait précisément de celle ayant servi à créer l’illustration qui accompagnait son rapport et dont les estampes étaient à l’origine de mon enquête. C’est un croquis plutôt simple, réparti sur deux pages lignées, mais dont les lignes et les ombres commencent à s’estomper à peu près au milieu des pages.

Pourquoi le dessin n’est-il pas terminé? Comble de chance, A. P. Low nous fournit la réponse dans son carnet de terrain [traduction] : « Incapable de terminer à cause des mouches noires »! Son commentaire s’accompagne d’une tache suspecte et d’un griffonnage représentant trois petites mouches noires à côté de la description de l’esquisse.

Photographie d’un carnet de notes en cuir rouge, ouvert à la page 98. Les pages sont lignées, et l’on voit un dessin au crayon représentant des montagnes et trois petites mouches. Il y a une note au bas de la page qui dit [traduction] : « Croquis de certains des monts qu’on peut voir en regardant vers le nord depuis le mont Albert ». À droite, une autre note indique [traduction] : « Incapable de terminer à cause des mouches noires ».

Croquis des monts Shickshock à la page 98 du carnet de terrain no 2276 d’A. P. Low, péninsule de la Gaspésie, Québec. Commission géologique du Canada (RG45, vol. 142). Photo : Martha Sellens

Je m’imagine les arpenteurs cuisant sous les rayons brûlants du soleil de juin au sommet d’un mont de la Gaspésie et maudissant le minuscule prédateur le plus agaçant du Canada! On peut facilement oublier que derrière chaque document, même le plus bureaucratique et ennuyeux, il y a des gens qui ont travaillé ensemble à sa création. Ce carnet de terrain, comme les estampes officielles qui m’ont menée à sa découverte, ramène en mémoire les personnes – et les mouches noires – qui ont laissé leur trace dans l’histoire.

Ressources connexes de BAC :

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Martha Sellens est archiviste pour le portefeuille sur les ressources naturelles de la Division des archives gouvernementales, à Bibliothèque et Archives Canada.

Conservatrice invitée : Andrea Kunard

Bannière pour la série Conservateurs invités. À gauche, on lit CANADA 150 en rouge et le texte « Canada: Qui sommes-nous? » et en dessous de ce texte « Série Conservateurs invités ».Canada : Qui sommes-nous? est une nouvelle exposition de Bibliothèque et Archives Canada (BAC) qui marque le 150e anniversaire de la Confédération canadienne. Une série de blogues est publiée à son sujet tout au long de l’année.

Joignez-vous à nous chaque mois de 2017! Des experts de BAC, de tout le Canada et d’ailleurs donnent des renseignements additionnels sur l’exposition. Chaque « conservateur invité » traite d’un article particulier et en ajoute un nouveau — virtuellement.

Ne manquez pas l’exposition Canada : Qui sommes-nous? présentée au 395, rue Wellington à Ottawa, du 5 juin 2017 au 1er mars 2018. L’entrée est gratuite.


L’île Blacklead, dans le golfe de Cumberland, aux abords de l’île de Baffin, dans les Territoires du Nord-Ouest (le Nunavut actuel), par Albert Peter Low, vers 1903-1904

Panorama en noir et blanc d'un gros iceberg à proximité d'une île rocheuse, photographié depuis un bateau.

Entrée de l’île Blacklead, dans le golfe de Cumberland, aux abords de l’île de Baffin, dans les Territoires du Nord-Ouest (le Nunavut actuel), par Albert Peter Low, 1903-1904 (MIKAN 3203732)

En 1904, le Canada affirme sa souveraineté dans l’Arctique : les forces de l’ordre migrent vers le nord, accompagnées d’arpenteurs étudiant le territoire. Le Canada se définit de nouveau comme un pays nordique.


Parlez-nous de vous.

Lorsque j’ai commencé à effectuer de la recherche historique en photographie dans le cadre de mon programme de maîtrise à l’Université Carleton, j’ai pratiquement vécu à Bibliothèque et Archives Canada. La collection est fantastique, et c’était pour moi l’expérience la plus fascinante que celle de regarder des photographies prises il y a plus de 150 ans. J’ai ensuite poursuivi ma recherche sur les photographies historiques, tout en étant conservatrice de la photographie contemporaine au Musée canadien de la photographie contemporaine et, maintenant, au Musée des beaux-arts du Canada. Je me suis toujours intéressée à la photographie de l’exploration ou aux utilisations gouvernementales de cette technique. Les photographies de Humphrey Lloyd Hime sont particulièrement intéressantes en ce qu’elles sont les premières connues, sur support papier, qui représentent l’intérieur de l’Amérique du Nord. L’appareil photo était un outil utile pour divers intérêts, mais également une façon d’englober de nombreuses préoccupations de l’époque, en particulier les virages dans le domaine de la religion à la suite de découvertes scientifiques. Beaucoup de photographies dites objectives de l’époque reflètent également des croyances spirituelles et la moralité. En outre, les valeurs esthétiques de l’Ouest jouent un rôle dans la communication des idéaux, et les meilleurs photographes d’alors, comme Alexander Henderson, sont très compétents pour manier le ton, la ligne, la forme et la texture, afin de combiner le sublime du paysage et la foi fervente de la période avec les progrès scientifiques et technologiques.

Les Canadiens devraient-ils savoir autre chose à ce sujet selon vous?

Bien que cette photographie présente un paysage aride et apparemment désert, l’endroit était loin de l’être. Albert Peter Low (1861-1942), agent principal de la Commission géologique du Canada, a pris cette photographie à l’entrée de l’île Blacklead lors d’une expédition en 1903-1904, financée par le gouvernement canadien. Il a publié le récit de son voyage dans son livre célèbre, The Cruise of the Neptune. Par le passé, l’île Blacklead était une importante station baleinière; toutefois, au temps de Low, la population de baleines avait presque complètement disparu du secteur. De plus, les stations baleinières avaient radicalement changé le style de vie, les cycles de chasse et l’économie des Inuits. La raison d’être de l’expédition de Low était d’établir la souveraineté canadienne dans le Nord, au moyen de proclamations et dans le respect de la primauté du droit. Toutefois, la photographie de Low ne révélait rien de ce programme politique. Elle présente plutôt un aperçu paisible, tirant avantage d’un panorama étendu et d’éléments classiques du paysage sublime. L’iceberg semble gigantesque et insurmontable, attrayant dans sa blancheur. Par contre, l’île est sombre et plus détaillée. Les deux sujets, glace et roc, semblent être en opposition, suspendus entre un ciel nuageux et une mer ondoyante et glacée.

Parlez-nous d’un élément connexe que vous aimeriez ajouter à l’exposition.

Représentation aux teintes sépia d'herbes des prairies qui s'élancent vers le ciel, avec un crâne et un os à l'avant-plan.

La Prairie regardant vers l’ouest par Humphrey Lloyd Hime, 1858 (MIKAN 4631344)

La prairie, regardant vers l’ouest (1858), de Humphrey Lloyd Hime, est une des images les plus énigmatiques de l’histoire de la photographie canadienne. Elle montre un paysage austère, dans lequel paraissent un crâne et un os (humains?). La photographie a été prise près de la colonie de la rivière Rouge, maintenant la ville de Winnipeg. Hime travaillait pour l’expédition de l’Assiniboine et de la Saskatchewan, envoyée par le gouvernement afin d’évaluer le potentiel agricole de la région ainsi que la pertinence de celle-ci pour le peuplement. Elle contient le territoire désert, qui attend apparemment l’occupation humaine. Toutefois, la présence du crâne est provocatrice. Hime a fort probablement organisé la photographie en se servant du crâne d’une femme autochtone, trouvé plus tôt dans un secteur du Sud manitobain. Comme il l’écrivait dans son journal le 28 juin 1858, « […] trouvé un crâne près d’une tombe de la prairie – il avait été sorti par des loups – conservé le crâne […] » Cette rencontre permet d’expliquer l’image de diverses façons. La photographie peut évoquer l’expérience vécue par Hime ou être une façon d’ajouter un élément dramatique à un paysage par ailleurs vague. La présence du crâne est également liée à la fascination de la société du XIXe siècle pour les méthodes d’inhumation autochtones. Toutefois, comme la légende n’explique pas qu’il s’agissait d’un crâne autochtone, les personnes qui regardent peuvent comprendre avec angoisse que le territoire comporte la possibilité de leurs propres épreuves et décès. L’intérieur du pays était alors en grande partie inconnu, et nombreux étaient ceux qui pensaient qu’il s’agissait d’un désert aux proportions bibliques.

Biographie

Photo en couleur d'une femme portant des lunettes regardant directement dans la caméra.Andrea Kunard est conservatrice associée des photographies au Musée des beaux-arts du Canada. Elle a présenté plusieurs expositions collectives et monographiques axées sur la photographie contemporaine, notamment Mouvance et mutation (2000), Susan McEachern : Multiplicité de sens (2004), Regards d’acier : Portraits par des artistes autochtones (2008), Scott McFarland : La réalité aménagée (2009), Fred Herzog (2011), Collision : Le conflit et ses conséquences (2012), et Michel Campeau : Icônes de l’obsolescence (2013). Elle est actuellement co-conservatrice d’une rétrospective majeure sur une artiste qui vit et travaille à Terre-Neuve, Marlene Creates, ainsi que d’une exposition bilan, La photographie au Canada : 1960-2000, pour 2017. Elle a enseigné l’histoire de la photographie, l’art canadien et la théorie culturelle à l’Université Carleton et à l’Université Queen’s. De plus, elle a codirigé The Cultural Work of Photography in Canada, ouvrage publié par McGill-Queen’s University Press. Elle a présenté des exposés sur la photographie au Canada et rédigé des articles sur la photographie contemporaine et historique dans diverses publications, dont The Journal of Canadian Art History, International Journal of Canadian Studies, Early Popular Visual Culture, Muse, BlackFlash, ETC Montréal. Elle travaille actuellement à un projet Web majeur portant sur la photographie documentaire, projet qui est centré sur la collection du Service de la photographie de l’Office national du film, au Musée des beaux-arts et à Bibliothèque et Archives Canada.