Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certains pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde – terminologie historique.
L’Enquête sur le pipeline de la vallée du Mackenzie (EPVM), également appelée commission Berger, est ouverte il y a cinquante ans, en 1974, par le gouvernement du Canada. Elle consiste à faire enquête sur les répercussions possibles du pipeline et à présenter des conclusions, pour orienter la prise de mesures appropriées. Le rapport final (volume un et volume deux) est publié en 1977. Bibliothèque et Archives Canada (BAC) conserve la collection des documents originaux de l’enquête, qui sont gérés par la Division des archives gouvernementales.
Voici le deuxième de trois billets de blogue sur l’EPVM. Il met en lumière deux personnes qui ont joué un rôle central dans l’exécution rigoureuse du processus d’enquête, et propose des méthodes supplémentaires pour trouver des documents sur l’enquête.
La première partie décrivait les populations et les terres du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest touchées par le projet de pipeline de la vallée du Mackenzie, et les événements qui ont conduit le gouvernement du Canada à réclamer une enquête. La troisième et dernière partie présentera des techniques de recherche approfondies permettant de trouver des documents sur l’EPVM.
Le commissaire Thomas R. Berger et l’interprète et animateur inuit Abraham Okpik
L’enquête chargée d’étudier les incidences environnementales et socioéconomiques potentielles du projet de pipeline est menée par le juge Thomas R. Berger. Ancien juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, il possède une expérience juridique des questions relatives aux Premières Nations. Il vient de représenter les Nisga’a dans Calder et al. c. Procureur général de la Colombie-Britannique, [1973] R.C.S. 313. Cette affaire conduit à l’arrêt Calder de 1973 de la Cour suprême du Canada, qui reconnaît que les titres ancestraux sur des terres existaient avant la colonisation et que ceux des Nisga’a n’ont jamais été abolis.
Abraham « Abe » Okpik, né dans le delta du fleuve Mackenzie, sert d’interprète pendant l’enquête, en 1974. Il agit également à titre de représentant linguistique auprès de la CBC (le pendant anglophone de la Société Radio-Canada) pour qu’elle puisse rendre compte des audiences de l’enquête. Grâce aux compétences linguistiques et à l’expérience de vie de M. Okpik, la commission d’enquête arrive à établir une communication avec les différentes communautés de l’Arctique et à favoriser la compréhension.
En 1965, M. Okpik est le premier Inuit à siéger au Conseil des Territoires du Nord-Ouest. À l’époque, son nom de famille légal est « W3-554 », car le gouvernement du Canada identifie les résidents du Nord par des numéros de disque. M. Okpik finit par choisir son nouveau nom de famille et est chargé de diriger le projet « Noms de famille » en 1970. Il se rend alors dans des campements et des communautés inuit du nord du Québec et des Territoires du Nord-Ouest pour enregistrer les noms de famille qui remplaceront les numéros d’identification. En 1976, M. Okpik est nommé membre de l’Ordre du Canada en reconnaissance de sa contribution à la préservation du mode de vie inuit et de son travail dans le cadre de la commission Berger.

Abe Okpik, 1962 (e011212361).
Conclusions de la commission Berger
Le commissaire Berger résume ses réflexions dans son article de novembre 1978 sur l’EPVM (en anglais), qui inclut des commentaires sur l’industrialisation, le gaspillage énergétique, la création de parcs naturels et de sanctuaires pour les baleines, et la nécessité pour l’humanité de réfléchir à l’exploitation des ressources. Il reconnaît que le Nord constitue la dernière frontière et que ses territoires vierges et inhabités constituent un habitat essentiel pour de nombreuses créatures et leur survie. Il explique que son rapport sur l’EPVM fait état de deux ensembles d’attitudes et de valeurs contradictoires : « le pouvoir croissant des innovations techniques, l’exploitation des ressources naturelles et les répercussions des transformations rapides », opposés à « l’intensification de la conscience écologique et une préoccupation grandissante pour la nature sauvage, les ressources fauniques et la législation environnementale » (traduction).
L’enquête conclut qu’un pipeline longeant la vallée du Mackenzie jusqu’à l’Alberta est réalisable, mais qu’il faut d’abord mener une étude plus approfondie et régler les revendications territoriales autochtones. Par conséquent, un moratoire de dix ans est décrété sur la construction.
Des voix s’élèvent pour défendre la terre et la vie
La commission Berger adopte une approche des plus avant-gardistes en consultant directement la population, notamment en invitant les communautés touchées par le projet à participer à des audiences. Elles comprennent que le pipeline apportera des changements et perturbera leur relation avec les animaux et la terre. Elles parlent de leur mode de vie et des connaissances qui leur ont été transmises. Les enregistrements audio de ces témoignages oraux ont une valeur culturelle inestimable. Les connaissances de l’époque sont préservées et mises à la disposition des générations futures.

Des caribous visés par le projet canadien sur les caribous traversent le fleuve Mackenzie, 1936 (a135777).
Fred Betsina, un Déné de 35 ans du village de Detah, dans les Territoires du Nord-Ouest, explique lors de l’audience tenue dans la communauté de Detah pourquoi il s’oppose à la construction d’un pipeline. Il sait, pour avoir piégé et chassé le caribou, que ce dernier est incapable de sauter par-dessus un conduit de 48 pouces, car il ne peut sauter plus haut que 12 pouces, et qu’il doit donc contourner tout obstacle lui barrant la route. Il dit souhaiter que les revendications territoriales soient réglées avant la construction d’un pipeline. En conclusion, il dit ceci : « … nous, les Indiens. Nous n’avons pas d’argent à la banque… Notre argent à la banque, c’est ce qu’on tire de la nature… C’est là que nous trouvons notre viande, et le poisson, c’est notre argent… c’est ce qu’on appelle une banque ici… » Il défend la faune, son peuple et les besoins de sa famille.
Le rassemblement de personnes issues de communautés éloignées les unes des autres permet également de nouer de nouvelles amitiés et de renforcer les alliances. La commission Berger offre un espace de discussion informelle sur des sujets économiques et politiques.
Découvrir le matériel de la collection de l’EPVM
Les documents de l’EPVM ont été transférés aux archives publiques du Canada en février 1978. Tous les documents de l’EPVM sont accessibles au public à des fins de recherche, mais ils ne sont pas tous disponibles sous forme numérique.

Enquête sur le pipeline de la vallée du Mackenzie (supports multiples) R216-165-X-F, RG126. Date : 1970-1977 (MIKAN 799).
Autres sources et conseils pour la recherche de documents
Voici des conseils pratiques pour trouver des documents sur l’EPVM avec l’outil Recherche dans la collection.
La page d’information sur les documents Enquête sur le pipeline de la vallée du Mackenzie (référence : R216-165-X-F, RG126) comporte trois sections : Note descriptive – Brève, Note descriptive – Détails et Pour réserver ou commander des documents.
Si vous ouvrez la deuxième section (Note descriptive – Détails), vous trouverez un lien intitulé « Voir description(s) de niveau inférieur ». En cliquant sur ce lien, vous ouvrirez les trois principales séries de documents : Transcriptions des séances et des témoignages, Pièces justificatives présentées lors de l’enquête et Dossiers de travail et d’administration
En ouvrant l’une des trois séries de documents ci-dessus, vous accéderez à la page d’information sur les documents de la série en question. Pour consulter les notices de niveau inférieur de chaque série, ouvrez la section « Notice descriptive – Détails » et cliquez sur le lien « Voir description(s) de niveau inférieur ».
Dans le document Transcriptions des séances et des témoignages (R216-3841-6-F, RG126), vous trouverez deux descriptions de niveau inférieur :
- Transcriptions des audiences tenues auprès des collectivités (R216-169-7-F, RG126)
- Transcriptions des audiences officielles (R216-172-7-F, RG126)
Dans le document Pièces justificatives présentées lors de l’enquête (R216-3840-4-F, RG126), vous trouverez quatre descriptions de niveau inférieur :
- Pièces justificatives présentées lors des audiences tenues à Vancouver (R216-173-9-F, RG126)
- Pièces justificatives présentées lors des audiences tenues auprès des collectivités (R216-168-5-F, RG126)
- Mémoires sur le fond de l’enquête (R216-166-1-F, RG126)
- Pièces justificatives présentées lors des audiences officielles (R216-171-5-F, RG126)
Dans le document Dossiers de travail et d’administration (R216-174-0-F, RG126), vous trouverez six descriptions de niveau inférieur :
- Committee for Original People’s Entitlement (R216-174-0-E, RG126, numéro de volume : 72)
- Correspondence – General (R216-174-0-E, RG126, numéro de volume : 72)
- Canadian Broadcasting Corporation (R216-174-0-E, RG126, numéro de volume : 72)
- Canadian Arctic Gas Pipelines LTD (R216-174-0-E, RG126, numéro de volume : 72)
- Canadian Arctic Resources Committee – Northern Assessment Group (R216-174-0-E, RG126, numéro de volume : 72)
- Canadian Arctic Resources Committee (R216-174-0-E, RG126, numéro de volume : 72)
* Veuillez noter que certains documents de l’EPVM ne sont pas disponibles en ligne sous forme numérique. Les dossiers de l’EPVM qui ne sont pas accessibles numériquement en ligne doivent être demandés et consultés sur place à BAC. Dans le cas d’un document accessible numériquement, l’image numérisée du document s’affiche en haut de la page d’information connexe.
La troisième partie de cette série proposera des stratégies précises sur la recherche de documents.
Elizabeth Kawenaa Montour est archiviste à la Division des archives gouvernementales de la Direction générale des documents gouvernementaux de Bibliothèque et Archives Canada.




