Le logo du CN : le graphisme d’entreprise à son meilleur

English version

Par Andrew Elliott

« Notre troisième partenaire, c’est l’imagination. »
Allan Fleming, Cooper & Beatty Ltd., 1958

Introduction

Dans l’histoire du graphisme d’entreprise, un logo ressort du lot : celui de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, ou CN. On reconnaît au premier coup d’œil sa forme unique aux contours arrondis, bien visible sur les trains, les immeubles et le matériel promotionnel de la compagnie. Mariant tradition et innovation, il témoigne de la relation complexe entre image de marque, fierté nationale et culture de consommation. Il nous relie instantanément au CN, semblant presque se suffire à lui-même tout en donnant l’impression d’avoir toujours été là. Mais quelle est donc son histoire?

Marqueurs visuels et identitaires, les logos de chemins de fer sont là pour positionner les entreprises qu’ils représentent. Au cours du 19e siècle et pendant une bonne partie du 20e siècle, les compagnies ferroviaires canadiennes subissent l’influence des typographies britannique et américaine, comme en témoigne le graphisme de l’époque. Certains logos sont plus traditionnels, tel celui du Chemin de fer Canadien Pacifique, composé de castors et d’un bouclier. D’autres sont plus originaux et novateurs, comme le logo du Chemin de fer Canadien du Nord : d’allure moderne, voire futuriste, il combine des lettres de différentes tailles à l’intérieur d’un motif en zigzag.

Logo en forme de cercle comprenant les mots « Canadian Northern » et un motif en zigzag.

Logo du Chemin de fer Canadien du Nord, dépliant sur le trajet dans la vallée de la Saskatchewan. (No MIKAN 5751636)

Quant à la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, elle voit le jour en 1919, et côté graphisme, tout un éventail de possibilités s’offre à elle.

Le logo du CN : un peu de contexte

Entre 1919 et le début des années 1920, la Compagnie des chemins de fer nationaux ne réinvente pas la roue : elle se contente de reprendre l’ancien logo du Chemin de fer Canadien du Nord, en remplaçant le mot « Northern » par « National ». Affaire classée!

Logo du CN avec le motif en zigzag.

Gros plan du premier logo du CN sur le devant d’un wagon, avec le motif en zigzag, vers 1920. (No MIKAN 3349475)

Du milieu des années 1920 au milieu des années 1950, le CN adopte d’autres logos à l’allure plus traditionnelle, comme on le voit ici :

Les mots « Canadian National Railways » apparaissent dans un encadré sur fond noir, superposés et soulignés.

Gros plan du logo de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada datant des années 1920. (No MIKAN 5750861)

Feuille d’érable verte avec l’inscription « Canadian National Railways » au centre. Les mots sont superposés et soulignés.

Gros plan du logo de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada datant des années 1940. (No MIKAN 5752559)

À la recherche d’une nouvelle image : un vent de changement au CN

La fin des années 1950 est marquée par l’avènement des nouvelles technologies et le passage des locomotives à vapeur aux locomotives au diesel. Le CN cherche alors à se réinventer et à reconquérir l’imaginaire des voyageurs. Et les dirigeants décident d’y aller à fond en optant pour l’audace!

Divers facteurs expliquent cette décision. Un sondage réalisé par le CN vient de révéler que la population perçoit l’entreprise comme étant vieille et désuète, malgré une décennie d’investissements pour la moderniser et la rendre plus efficace. Parallèlement, l’équipe des relations publiques comprend l’intérêt de disposer d’un logo comme outil de marketing. Et la direction est prête à miser sur la nouveauté.

On confie donc à Dick Wright, responsable des relations publiques du CN, la tâche colossale de rajeunir l’image de la compagnie; un travail que poursuivra son successeur, Charles A. Harris. Dans l’ouvrage Designs for the Times: The Story of the CN Design Program, Lorne Perry, ancien employé ayant participé à cette refonte visuelle, écrit :

« Ce n’est pas évident pour quelqu’un de changer d’allure ou de personnalité, et ce n’est pas plus facile pour une entreprise. Mais parfois, ça en vaut le temps, les efforts et l’argent, par exemple si : (a) la nature des produits et des services de l’entreprise a radicalement changé; (b) l’entreprise s’est modernisée, mais les clients ne l’ont pas remarqué; ou (c) l’image de marque de l’entreprise ne convient plus, en raison de facteurs indépendants de sa volonté. Dans le cas du CN, la réponse était (b). »

Pour mener à bien cette tâche, le CN fait appel à une entreprise américaine de graphisme dirigée par James Valkus. Celui-ci engage à son tour Allan Fleming, un jeune génie créatif de Toronto. Les deux hommes sont d’accord : le CN a besoin de bien plus qu’une nouvelle marque de commerce. C’est toute son identité visuelle qui doit être repensée.

L’apport de l’extérieur : Allan Fleming

Allan Robb Fleming (7 mai 1929-31 décembre 1977) est un jeune graphiste canadien. À l’époque, il est vice-président et directeur des services créatifs de Cooper & Beatty Ltd., une société de typographie basée à Toronto. La société fait la mise en page de divers documents avant d’acheminer le tout aux imprimeurs.

C’est à Fleming qu’on doit le nouveau logo du CN. Au fil des ans, il imaginera aussi les logos de nombreuses entreprises et institutions canadiennes, dont l’Université Trent (1964), Ontario Hydro, le Conseil national de l’esthétique industrielle du ministère de l’Industrie et du Commerce ainsi que l’Orchestre symphonique de Toronto (1965), la Compagnie de la Baie d’Hudson (1969), ETVO (aujourd’hui TVOntario, 1970) et Gray Coach Lines (1971). En 1973-1974, alors qu’il travaille pour Burton Kramer Associates, il participera au projet qui aboutira au changement d’image de la Canadian Broadcasting Corporation.

(La plupart des documents relatifs à la vie et à la carrière d’Allan Fleming se trouvent aujourd’hui aux archives de l’Université York, à Toronto. Vous pouvez consulter en ligne le fonds Allan Robb Fleming et ses documents numérisés, en anglais.)

L’auteur de ces lignes s’est récemment entretenu avec Martha Fleming, la fille d’Allan Fleming, qui soulignait la nature complexe du partenariat entre son père et Valkus. Ce dernier supervisait la refonte de l’image de marque, tandis que Fleming était responsable du « joyau de la couronne » : le logo.

Martha Fleming s’est aussi exprimée sur le travail de son père lors d’une entrevue donnée sur Biblio File le 24 octobre 2022 (en anglais). Elle y déclarait que ce dernier savait créer des logos alliant tradition et modernité. Il s’intéressait également à la façon dont les époques unissaient les gens, les objets et les idées, et à la façon dont la typographie permet de fusionner l’image et l’objet. Il possédait toute une collection de cahiers de référence, et avait aussi conçu divers catalogues. Le projet de logo du CN lui a été confié alors qu’il travaillait chez Cooper & Beatty Ltd. Outre le logo, d’autres projets de typographie ont suivi : télégrammes, papeterie, billets et même véhicules (dont les locomotives). Au total, cinq personnes ont contribué au projet du logo. Aux dires de Martha Fleming, il s’agissait d’un travail très stressant.

Le logo du CN au fil du temps : l’expression d’une créativité commune

Bibliothèque et Archives Canada possède une splendide collection d’esquisses et d’illustrations diverses qui témoignent de la créativité ayant entouré la refonte du logo du CN. Ces documents sont conservés dans le fonds de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, dans la série « Designs relating to the CN logo » (projets graphiques concernant le logo du CN).

Les dossiers artistiques semblent avoir été reconstitués pour illustrer la progression du logo; il est néanmoins très difficile de se prononcer sur les dates exactes de chaque document, et sur le moment précis où le logo a atteint sa version définitive.

Cela dit, le tout témoigne d’un processus créatif remarquable. On peut y voir différentes variantes du logo, avec Valkus, Fleming et d’autres graphistes de l’équipe reprenant les idées des uns et des autres pour les faire évoluer.

Même sans chronologie exacte, on peut quand même retracer (au moins en partie) la progression du logo. Voici quelques esquisses où les graphistes tentent de saisir l’essence de la compagnie ferroviaire : le mouvement.

Logos du CN esquissés à la main et répétés maintes fois.

Esquisses préliminaires du logo du CN. (No MIKAN 6305308)

Fleming ayant demandé à Valkus si l’un de ces logos l’intéressait (« Any of these interest you? »), un autre exemple reprend ce concept et le fait évoluer.

Des logos du CN couvrent une page où l’on peut lire « Any of these interest you? » (L’un d’entre eux vous intéresse-t-il?)

Esquisses préliminaires du logo du CN. (No MIKAN 6316316)

Dans un autre exemple, Valkus écrit à Fleming pour lui dire de ne rien jeter de ces gribouillis (« Allan, save all this junk »).

Des logos du CN couvrent la surface d’une page où l’on peut lire la note « Allan, save all this junk » (Allan, conservez tout ce bazar).

Esquisses du logo du CN. (No MIKAN 6316312)

Dans les exemples suivants, on voit que les esquisses se concentrent sur des éléments plus précis; on peut aussi lire des encouragements de Valkus.

Des logos du CN couvrent une page comportant aussi deux notes manuscrites.

Esquisses préliminaires du logo du CN. (No MIKAN 6316355)

Des logos du CN couvrent une page où l’on peut lire la note suivante : « Allan, this one fits things beautifully. » (Allan, celui-ci convient parfaitement.)

Esquisses du logo du CN. (No MIKAN 6316325)

Deux autres personnes composent l’équipe de graphistes travaillant au logo du CN : Carl Ramirez et Arthur King.

Eux aussi contribuent à l’effort collectif… même si, 60 ans plus tard, quelques tangentes inhabituelles (pour ne pas dire hypnotiques) nous font nous demander si quelque chose a pu influencer leur créativité!

Voici deux exemples de logo plutôt étourdissants :

L’un des logos proposés pour le CN. Les lettres forment une spirale carrée.

Ébauche du logo du CN. (No MIKAN 6327284)

L’un des logos proposés pour le CN. Le côté gauche du C est allongé pour évoquer le coin d’un œil.

Ébauche du logo du CN. (No MIKAN 6341857)

Dans la version presque finale du logo, l’enthousiasme de Valkus est palpable. Il note : « Allan, Make thinner and we’ve got it! » (Allan, faites-le un peu plus mince et le tour sera joué!)

Proposition presque finale pour le logo du CN, qui ressemble beaucoup au logo définitif, mais avec un lettrage plus épais. Une note signée Jim dit : « Allan, Make thinner and we’ve got it! » (Allan, faites-le un peu plus mince et le tour sera joué!)

Ébauche du logo du CN. (No MIKAN 2887712)

Le logo est maintenant trouvé. Prochaine étape : Fleming doit obtenir l’adhésion de tous les niveaux de l’organisation, de la direction générale jusqu’aux simples employés. Dans une série de présentations sur papier, il explique en termes simples la signification et l’objectif du logo. Il soulève aussi des questions pertinentes :

  • Le logo est-il facile à reproduire?
  • S’imprimera-t-il facilement dans la mémoire du public?
  • Est-il lisible?
  • Communique-t-il rapidement ce qu’il doit communiquer?
  • Pourra-t-il bien traverser les époques?

Voici l’une des idées de présentation transmise par Fleming à Valkus.

Présentation sur papier avec des notes manuscrites, des dessins et le logo du CN.

Projet de présentation d’Allan Fleming. (No MIKAN 6341859)

En outre, Fleming (secondé par Valkus) explique que la nouvelle image de marque permettra de réaliser des économies grâce à un graphisme simplifié, de relier visuellement les divisions de l’entreprise et d’exprimer en un clin d’œil la somme de ses parties. Il décortique le nouveau logo pour qu’on puisse voir de quoi il aura l’air sur différents composants du CN : qu’il s’agisse de la signalisation ou des tout petits articles (comme la vaisselle) en passant par les éléments architecturaux, la décoration intérieure, les présentoirs et les véhicules.

Vers la fin de 1960, la direction du CN approuve le nouveau logo, et on procède progressivement à son déploiement. Le public en est informé dans divers journaux et magazines, dont Keeping Track (Au fil du rail), la publication officielle du CN, qui publie un article intitulé « A new look for the CNR » (Une nouvelle image pour le CN).

Photo montrant trois hommes travaillant sur des esquisses.

Photographie tirée de l’article « A new look for the CNR » (Une nouvelle image pour le CN) publié dans la revue Keeping Track (Au fil du rail). (No MIKAN 6026153)

Selon une publication spécialisée de 1960-1961, la légende voudrait que Fleming ait présenté son logo définitif à peine 15 minutes avant la fin du délai imposé par le CN, une anecdote qui ne rend pas justice à la complexité du processus de création.

Bref, après une année de travail, la collaboration entre la direction, le service de conception visuelle et les graphistes du CN débouche sur une toute nouvelle image à la fois innovante et accrocheuse, tellement simple dans sa forme qu’elle semble se fondre naturellement dans le paysage. Le nouveau logo du CN fait son entrée en force au début de l’année 1961; rapidement, il donne l’impression d’avoir toujours été là. L’année précédente, Allan Fleming avait déclaré : « Je pense que ce symbole va durer au moins 50 ans; on n’aura pas besoin de le refaire, parce qu’il est conçu pour l’avenir. Sa simplicité est un gage de durabilité. »

La suite lui a donné raison : depuis plus de 60 ans, le logo – aussi connu au Canada qu’à l’étranger – est toujours utilisé par l’entreprise!


Andrew Elliott est archiviste à la Direction générale des archives de Bibliothèque et Archives Canada.

Accéder aux plans et aux profils des chemins de fer grâce à l’Index sur les chemins de fer

Par Rebecca Murray

Plus tôt cette année, j’ai répondu à une demande d’un chercheur qui m’a obligée à passer beaucoup de temps de qualité en compagnie de l’acquisition RG12M 77803/17 – Index sur les chemins de fer. Il s’agit d’une série de 30 000 fiches offrant des listes détaillées et individuelles des plans et des profils des chemins de fer de l’ensemble du Canada, pour la période allant de 1866 à 1937. Bien que je travaille quotidiennement avec des acquisitions de documents cartographiques et leurs instruments de recherche, cette demande représentait un défi particulier. Elle révèle bien à quel point il peut être difficile d’organiser et de comprendre des séries de documents aussi vastes.

Pourquoi m’aventurer dans de telles recherches, me demanderez-vous? Pourquoi ne pas se fier à des sources publiées? Je prône toujours le recours aux sources primaires pour faire des recherches. En consultant les documents originaux et leur classement parmi les autres documents, vous pouvez tirer vos propres conclusions. Le plan que vous cherchez pourrait laisser transparaître un moment particulier qui échapperait à une source secondaire. Ou encore, vous pourriez étudier l’évolution d’une section précise d’un chemin de fer. Peu importe la raison, il est temps d’enfiler des gants blancs et de plonger dans nos archives!

Étape 1

D’abord, il faut consulter les fiches qui se trouvent sur des microfilms numérisés. Les fiches sont classées par ordre alphabétique, par compagnie de chemin de fer et par endroit.

Lorsque vous trouvez des plans intéressants, notez leur numéro. Par exemple, si vous vous intéressez au « Plan & profile showing the approach of the Bridge in the city of Montreal P.Q. as located », qui est énuméré sur la fiche ci-dessous, notez le numéro de plan 7457.

Fiche lignée avec du texte noir.

Extrait d’une fiche alphabétique d’une compagnie de chemin de fer tirée de la bobine C 6823 du fonds RG12.

Étape 2

Lorsque vous travaillez au 395, rue Wellington, à Ottawa (Ontario), vous pouvez consulter une série de fiches papier dans la salle de référence. Une fois que vous avez trouvé les numéros des plans que vous voulez consulter ou copier, utilisez une autre série de fiches. Celles-ci se trouvent avec les autres instruments de recherche liés aux cartes et aux plans et sont classées par numéro de plan. Vous pourrez ainsi découvrir le numéro d’article de Bibliothèque et Archives Canada (BAC) pour chacun des plans. Un membre de l’équipe de la salle de référence peut vous aider avec ces étapes, au besoin.

Photo couleur des tiroirs en métal contenant les fiches de l’acquisition RG12M 77803/17.

Photo des tiroirs contenant les fiches sur les chemins de fer de l’acquisition RG12M 77803/17, dans l’annexe de la salle de référence.

Photo couleur d’un tiroir de fiches; la fiche du plan 7457 est sortie.

Photo d’un tiroir de fiches montrant la fiche du plan 7457.

Photo couleur d’une fiche dont les numéros d’article sont encerclés en rouge.

Photo d’une fiche comprenant tous les renseignements de référence (dont les numéros d’article) pour le plan 7457.

Étape 3

Si vous n’êtes pas sur place, vous pouvez nous écrire au moyen de notre formulaire en ligne et nous demander de trouver les références relatives à chaque article. Par exemple, vous pourriez mentionner le plan 7457 de l’acquisition RG12M 77803/17 et nous demander de trouver le numéro d’article afin de compléter la référence. Un membre de notre équipe consultera alors les fiches pour confirmer le numéro d’article, puis trouvera le code à barres du contenant afin de simplifier votre demande de consultation ou de reproduction.

Bon nombre de ces articles se trouvent aussi sur microfiche, ce qui en facilite la consultation. Si vous êtes sur place, vous pouvez vous rendre directement à la salle de consultation des microformes, au troisième étage. Demandez de l’aide au personnel de BAC (pendant les heures de service) ou utilisez le tiroir de microfiches libre-service étiqueté RG12M 77803/17. N’oubliez pas de mettre des gants!

Saviez-vous que la salle de consultation des microformes contient de nouveaux numériseurs à plat qui produisent des copies de microfiches de grande qualité? Apportez votre clé USB!

Ce type d’instruments de recherche peut être intimidant, car il faut recueillir des renseignements à plusieurs endroits. Il est impossible de trouver toute l’information pertinente dans une seule ligne de texte. Il s’agit d’un bon défi pour les chercheurs (ou archivistes!) expérimentés, et la courbe d’apprentissage est abrupte pour les nouveaux chercheurs. N’hésitez surtout pas à demander de l’aide à notre équipe pour des recherches de ce type ou de toute autre nature. Nous sommes là pour vous aider à naviguer dans les fonds de BAC et notre passion consiste à faire des découvertes tous les jours!


Rebecca Murray est archiviste à la Division des services de référence de Bibliothèque et Archives Canada.

Qui agira en bon père de famille? Les documents relatifs au développement territorial des chemins de fer nationaux du Canada et les prédécesseurs de l’entreprise

Les chemins de fer ont longtemps joué un rôle prépondérant dans les histoires relatant l’émergence du Canada en tant que nation. La construction des lignes de chemin de fer était, à l’époque, perçue comme un élément déterminant dans la formation d’une identité nationale cohérente et se voulait un gage que les déplacements et les échanges commerciaux dans le vaste territoire du Canada allaient être simplifiés.

Les compagnies de chemin de fer ont également participé à la colonisation de l’Ouest canadien en agissant comme promoteurs et courtiers en immeuble pour les terres concédées par le gouvernement fédéral. Après la cession de la Terre de Rupert au Canada en 1870, les concessions de biens-fonds ferroviaires constituaient un important volet du plan gouvernemental visant à accroître la population des régions de l’Ouest déjà occupées par des communautés autochtones, des établissements métis et des postes avancés de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Même au début du vingtième siècle, on concédait des terres afin d’encourager les compagnies de chemin de fer à prolonger leurs rails partout sur le continent, et la construction du chemin de fer était partiellement financée par la location et la vente de ces terres.

Le bureau de Winnipeg des Services régionaux garde un précieux assortiment de documents à l’appui de la vente et de la location de terres agricoles et de terres en zones urbaines dans l’Ouest canadien par les Chemins de fer nationaux du Canada et les prédécesseurs de l’entreprise. Ces documents, provenant des diverses sociétés filiales vouées à l’immobilier rattachées aux Chemins de fer nationaux du Canada, le Chemin de fer Canadien du Nord et la Grand Trunk Pacific Railway, brossent un portrait vivant des colons établis dans l’Ouest canadien et présentent certains des nombreux défis qu’ils ont dû relever au début et au milieu du vingtième siècle.

Les dossiers liés à la vente et à la location de terres agricoles procurent des comptes rendus particulièrement intéressants sur les colons de l’Ouest canadien et leurs expériences. En général, on retrouve dans ces dossiers un formulaire de demande standard, décrivant brièvement les antécédents personnels du demandeur, ainsi qu’une évaluation de la demande rédigée par un représentant de l’entreprise, dont la tâche consistait à déterminer si le demandeur était susceptible d’agir en bon père de famille (« likely to make good »). Les demandes et évaluations procurent des profils détaillés de fermiers venus peupler les provinces des Prairies et la Colombie-Britannique.

Formulaire imprimé intitulé Applicant's Statement (bilan du demandeur) sur lequel apparaissent, écrites à la main, les réponses à des énoncés et à des questions visant à recueillir de l'information sur le demandeur. Le formulaire sert à colliger de l'information, telle que le nom, l'âge, l'état matrimonial et le lieu de naissance du demandeur; le nom de trois hommes d'affaires, d'un banquier et d'un membre du clergé (three businessmen, one banker, and one clergyman), qui pourraient servir de références pour le demandeur, et des précisions quant aux actifs et aux dettes du demandeu

« Applicant’s Statement » (bilan du demandeur) au nom de Charles Deffey, acquéreur éventuel de SW-17-28-26 W4 (e011172001)

Formulaire imprimé intitulé Appraiser's Report sur lequel apparaissent des notes manuscrites ajoutées par un évaluateur concernant l'acquéreur éventuel d'une terre agricole. Dans les notes de l'évaluateur se trouvent une évaluation de la réputation de l'acquéreur, l'état de toute terre agricole que l'acquéreur pourrait déjà posséder et l'avis de l'évaluateur à savoir s'il croit que le demandeur est un acquéreur susceptible d'agir en bon père de famille (a purchaser who is likely to make good).

« Appraiser’s Report » (rapport d’évaluation) au nom de Charles Deffey, acquéreur éventuel de SW-17-28-26 W4 (e011172002)

Naturellement, la majorité des autres documents qui se trouvent dans les dossiers servant à appuyer la vente d’une terre agricole sont de la correspondance portant sur les paiements à effectuer afin d’acheter la terre. Bien que ces échanges de courrier soient, en général, de nature courante, il arrive aussi qu’on y découvre des plaidoiries bien senties d’acquéreurs qui imploraient la clémence pour avoir omis d’effectuer un versement ou pour l’avoir remis en retard, plus particulièrement durant les années 1930. Parmi les explications souvent invoquées dans les lettres pour justifier les manquements, mentionnons les récoltes décevantes ou les épreuves subies par l’expéditeur pris en défaut et sa famille. Dans la lettre reproduite ci-dessous, par exemple, l’auteur renonce à sa demande d’obtenir un lopin de terre agricole en Saskatchewan après s’être cassé une jambe et avoir perdu la récolte annuelle à cause d’une tempête de grêle.

Lettre manuscrite adressée au commissaire des terres, aux Chemins de fer nationaux du Canada, et provenant de Charles Deffey qui fait part de son intention de renoncer à un lopin de terre agricole pour lequel il avait effectué des paiements. M. Deffey fournit une brève description de certains obstacles qu'il a rencontrés lors de ses travaux sur la terre et il informe le commissaire des terres qu'il enverra un acte de renonciation (quit claim) officiel dès qu'il aura assez d'argent pour payer un juge de paix (J.P.).

Lettre de Charles Deffey au commissaire des terres, Chemins de fer nationaux du Canada (e011172003)

Recherche de documents relatifs aux terres

On peut consulter les documents relatifs au développement territorial des Chemins de fer nationaux du Canada et des prédécesseurs de l’entreprise, des archives fort susceptibles de susciter un immense intérêt auprès des chercheurs en généalogie et de ceux qui se penchent sur des sujets comme l’agriculture, l’immigration et l’histoire locale, à partir de l’outil Recherche dans la collection sur le site Web de Bibliothèque et Archives Canada. D’abord, il faut sélectionner « Recherche avancée » et ensuite « Collections et fonds (Recherche de fonds d’archives) » dans le menu déroulant « Jeu de données ». Ensuite, sélectionner « No d’instrument de recherche » dans le menu déroulant de « Termes spécifiques » et taper « 30-130 » dans l’encadré à droite, et cliquer recherche. On peut préciser la recherche en ajoutant un mot-clé dans l’encadré « Tous les mots », comme le nom d’une famille particulière, ou les coordonnées d’arpentage des terres fédérales afin de trouver de l’information sur un lopin de terre donné.

Précisons toutefois que ces documents ne constituent pas un dossier exhaustif des activités de développement territorial menées par les Chemins de fer nationaux du Canada, les prédécesseurs de l’entreprise et leurs sociétés filiales. Les dossiers et registres, actuellement gardés au bureau de Winnipeg des Services régionaux de Bibliothèque et Archives Canada, ont été récupérés des entrepôts des Chemins de fer nationaux du Canada lorsque le quartier de Winnipeg maintenant connu sous le nom de The Forks devait faire l’objet d’une rénovation urbaine vers la fin des années 1980. Fort heureusement, nous avons pu récupérer suffisamment de registres et de dossiers pour avoir un riche aperçu de la colonisation dans l’Ouest canadien au début et au milieu du vingtième siècle.