Par Kelly Anne Griffin
Le baseball était déjà solidement implanté au Canada bien avant de faire vivre à ses amateurs des moments inoubliables, comme le coup de circuit gagnant de Joe Carter dans la Série mondiale, l’émotion et la fierté des Canadiens quand leur hymne national a été entonné pour la première fois lors d’une partie de la Ligue majeure de baseball, ou le célèbre lancer du bâton de José Bautista. Même s’il est considéré par plusieurs comme un sport nord-américain, le baseball tire en fait son origine d’un sport de balle et bâton appelé « rounders », pratiqué par les écoliers britanniques. Des variantes du baseball étaient déjà jouées au Canada une trentaine d’années avant la Confédération. Le premier compte rendu documenté d’une partie de baseball provient de Beachville, en Ontario, le 4 juin 1838; c’est dans le sud-ouest de l’Ontario que le sport était le plus populaire à cette époque.

Une partie de baseball de la Ligue internationale au parc Tecumseh en 1878, entre les Tecumsehs de London et les Stars de Syracuse. Ce parc, inauguré le 3 mai 1877, porte maintenant le nom de Labatt; c’est le plus ancien terrain de baseball au monde à avoir connu une activité ininterrompue. Il a été désigné site historique en 1994 (MIKAN 3261769)

Le stade de Hanlan’s Point sur l’île de Toronto en 1917, premier foyer du club de baseball les Maple Leafs de Toronto de la Ligue internationale. C’est là que Babe Ruth a frappé son premier coup de circuit professionnel alors qu’il jouait pour les Grays de Providence (MIKAN 3384487)

Vue de la tribune du champ extérieur au stade Maple Leaf à Toronto, construit en 1927 pour les Maple Leafs de Toronto de la Ligue internationale afin de remplacer le stade de Hanlan’s Point (MIKAN 3327476)
La première équipe officielle de baseball au Canada est mise sur pied grâce aux efforts de William Shuttleworth, connu comme le père du baseball canadien. Cette équipe pionnière, formée d’ouvriers des environs de Hamilton, s’appelle les Young Canadians. Pendant les vingt années qui suivent, on voit apparaître partout au Canada des équipes obéissant à toutes sortes de règles. Voyant la popularité du sport monter en flèche, des hommes d’affaires commencent à commanditer leurs équipes favorites pour mousser leurs produits. On assiste aussi à la création de la Canadian Association of Baseball Players. À l’époque, plutôt que de compétitionner entre eux, bon nombre de clubs de baseball canadiens préfèrent jouer contre leurs voisins américains, de l’autre côté de la frontière. En 1913, il y avait 24 équipes de ligues mineures au Canada.

Équipe de baseball des « pages » de la Chambre des communes, vers 1900. Au Canada, le baseball attirait des gens de tout âge. Ce sport était considéré comme un excellent moyen de développer l’esprit d’équipe, et il était fréquent que des entreprises et leur personnel forment des équipes, comme ces jeunes garçons qui travaillaient sur la colline du Parlement (MIKAN 3549043)
Première Guerre mondiale
Les sports occupent une place importante dans la vie quotidienne des soldats canadiens basés en Europe durant la Première Guerre mondiale. Ils leur permettent de rompre la monotonie des tâches et de diminuer le stress. Les chefs militaires voyaient dans le sport un bon moyen d’aider les hommes à s’éviter les ennuis et à garder le moral tout en demeurant en forme. Le baseball acquiert une telle popularité auprès des soldats qu’il est même subventionné par le gouvernement. En avril 1916, le gouvernement organise une collecte de fonds dont les profits servent à acquérir des équipements de baseball.

Un membre de l’équipe canadienne glisse vers le marbre sous les acclamations des soldats en 1917. Le baseball était immensément populaire au sein des troupes, et on organisait régulièrement des parties durant les temps morts (MIKAN 3384451)
Seconde Guerre mondiale
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le baseball demeure un des passe-temps favoris des soldats. Lorsque les Américains arrivent en 1942, il y a soudainement une multitude d’équipes à affronter. Comme c’était le cas dans les premières années du sport au pays, les parties Canada–États-Unis sont fréquentes. Une des plus mémorables a lieu au stade de Wembley le 3 août 1942, devant 6 000 amateurs enthousiastes massés dans les gradins. Les soldats canadiens remportent la victoire sur l’équipe de l’armée américaine au compte de 5 à 3.

Un match entre des soldats canadiens et américains en août 1942 au stade de Wembley à Londres (Angleterre), où se disputent de nombreuses parties de baseball durant la Seconde Guerre mondiale (MIKAN 3211157)

Ce n’était pas seulement les soldats participant aux opérations militaires outre-mer qui aimaient le baseball durant les années de guerre. Ici, une travailleuse d’une usine de munitions à Toronto profite de sa pause pour jouer au baseball (MIKAN 3626863)
De retour au Canada, plusieurs soldats évoquent leurs parties de baseball avec émotion; ils continuent à jouer au baseball et à assister à des parties, chez eux. Bien que les Canadiens aient pratiqué plusieurs sports durant les périodes de guerre, aucun ne l’a été aussi souvent et devant un public aussi enthousiaste que le baseball.
Jackie Robinson
En 1945, le jeune joueur des Negro Leagues Jackie Robinson est approché par Branch Rickey, le directeur général des Dodgers de Brooklyn. Peu de temps après cette première rencontre secrète, on annonce que Robinson a signé un contrat avec l’organisation. Le plan était de faciliter son entrée dans les ligues majeures en empruntant une voie où il rencontrerait le moins d’intolérance raciale. Robinson est d’abord envoyé dans un camp d’entraînement de printemps en Floride, avant de passer comme joueur professionnel à Montréal avec un club de la ligue Triple-A affilié aux Dodgers. Montréal n’a pas été choisie au hasard; c’est une ville où, croit Rickey, Robinson pourra s’acclimater au baseball tout en vivant une expérience moins négative que dans bien des villes américaines. Au cours de ce premier printemps, en 1946, Robinson est exposé à un racisme impitoyable. À Sanford, en Floride, le shérif fait irruption sur le terrain et annule une partie hors concours en déclarant que les Afro-Américains n’ont pas le droit de compétitionner avec des joueurs blancs.
Montréal est beaucoup plus accueillante pour Jackie et sa femme Rachel. Malgré quelques incidents, la ville et les amateurs des Royaux l’adoptent d’emblée. Durant sa première et unique saison à Montréal, Jackie mène l’équipe vers un record exceptionnel de 100 victoires contre seulement 54 défaites.
Découvrez d’autres facettes de la carrière exceptionnelle de Jackie Robinson.

Jackie Robinson en Floride lors du camp d’entraînement du printemps 1946. Les amateurs adoraient sa façon de courir autour du losange devant des foules médusées; il a volé un nombre remarquable de 40 buts durant son unique saison dans les ligues mineures, dont bon nombre au marbre (MIKAN 3574533)
Après de modestes débuts dans le sud-ouest de l’Ontario, le baseball devient une activité populaire en temps de guerre et marque l’histoire de Montréal en accueillant Jackie Robinson. Au milieu du 20e siècle, le baseball avait conquis le coeur de la nation. Mais l’amour du baseball allait atteindre de nouveaux sommets : avec l’arrivée d’équipes canadiennes au sein de la Ligue majeure de baseball, les Canadiens seront de plus en plus nombreux à s’éprendre de ce sport.
Autres ressources :
- Diamond of the North: A Concise History of Baseball in Canada par William Humber (AMICUS 14058982)
- Jackie Robinson: Breaking the Color Line in Baseball par Matt J. Simmons (AMICUS 42657081)
- “Keep-A-Fighting! Play the Game!” Baseball and the Canadian Forces during the First World War par Andrew Horrall
Kelly Anne Griffin est technicienne en archivistique dans la section Science, environnement et économie de la Division des archives à Bibliothèque et Archives Canada.