Diplomate, premier ministre et érudit : souvenons-nous de Lester B. Pearson

Par Mariam Lafrenie

Il va sans dire que le très honorable Lester B. Pearson a accompli bien des choses dans sa vie. Et il a toujours excellé sur les plans politique, académique et, même, athlétique. L’héritage et l’influence de Lester B. Pearson se sont fait sentir avant qu’il devienne le 19e premier ministre du Canada, alors qu’il était président du conseil de l’OTAN (1951) et président de l’Assemblée générale des Nations Unies (1952), et quand il a reçu le prix Nobel de la paix (1957).

« Après cinq ans, il laisse néanmoins un héritage impressionnant : un nouveau drapeau, le Régime de pensions du Canada, une assurance-maladie universelle, une nouvelle loi sur l’immigration, un fonds de développement économique rural et la Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme, qui amènera la mise en place d’une fonction publique bilingue. »

Extrait de « Premier parmi ses pairs »

Photographie en noir et blanc d’un couple en tenue soignée. L’homme tient une boîte contenant une médaille.

Lester B. Pearson et son épouse, Maryon, à la cérémonie de remise du prix Nobel de la paix tenue à Oslo, en Norvège, en décembre 1957. Photographie par Duncan Cameron (MIKAN 3209893)

Photographie en noir et blanc d’un homme debout devant une salle pleine de gens auxquels il s’adresse.

Lester B. Pearson à la Conférence des Nations Unies sur l’Organisation internationale, San Francisco, Californie, États-Unis, 1945 (MIKAN 3623018)

Grimpant les échelons rapidement et passant d’un portefeuille à un autre, Lester B. Pearson montre qu’il est talentueux et digne d’être diplomate. Après 20 ans de carrière aux Affaires étrangères, il poursuit son chemin jalonné de réussites en devenant chef du Parti libéral (1958-1968) au cours de la décennie suivante. Sans aucun doute, il accomplit certaines de ses réalisations les plus formidables – sinon les plus importantes – alors qu’il est premier ministre.

Un drapeau pour le Canada

La quête d’un drapeau canadien – représentant ce que le Canada est devenu au cours du siècle écoulé et ce que Lester B. Pearson espère qu’il deviendra – suscite la controverse et d’âpres débats. De fait, comme plusieurs s’en souviendront, le débat sur le drapeau occupe une bonne partie de l’année 1964, année au cours de laquelle des Canadiens jeunes et vieux soumettent environ 3 000 suggestions de drapeau.

« Puisse ce drapeau inspirer à nos jeunes un sentiment nouveau de loyauté envers le Canada, un patriotisme fondé, non pas sur le nationalisme mesquin et étroit, mais sur l’égale et profonde fierté de tous les Canadiens pour chaque région de ce beau pays. »

Discours prononcé à l’occasion de l’inauguration du drapeau national du Canada,
le 15 février 1965

Ces mots, prononcés par Lester B. Pearson lors de l’inauguration de l’unifolié (en anglais), le 15 février 1965, sur la colline du Parlement, mettent précisément l’accent sur ce qu’il souhaite réaliser : une identité uniquement canadienne. Peu de premiers ministres ont laissé un héritage aussi grand que Lester B. Pearson, créateur d’un tout nouveau symbole culturel pour son pays.

Photographie en noir et blanc d’un homme tenant une illustration de l’unifolié.

Conférence de presse de Lester B. Pearson sur le nouveau drapeau, décembre 1964. Photographie par Duncan Cameron (MIKAN 5012164)

Une année de célébration

Non seulement Lester B. Pearson est-il responsable de plaider pour un nouveau drapeau canadien, mais il est assez chanceux pour conserver son poste pendant l’année du centenaire du Canada. Dans le discours qu’il prononce le 1er juillet 1967, à l’occasion de la fête du Dominion, il demande aux Canadiens de célébrer leur passé et leurs accomplissements, mais il leur demande aussi de songer à l’avenir et à l’héritage qu’ils pourraient laisser à la prochaine génération de Canadiens. L’année 1967 a été remplie de célébrations, un peu comme 2017 : nous célébrons le 150e anniversaire de la Confédération et pensons à l’avenir de notre nation.

Les célébrations du centenaire ont deux objectifs : organiser des activités mémorables pour les Canadiens et laisser un héritage tangible dont les générations actuelle et future pourront jouir. De fait, les gouvernements provincial et fédéral encouragent les Canadiens à célébrer en créant leurs propres projets pour le centenaire – films, défilés et festivals, tatouages, centres récréatifs, stades – et ils acceptent de leur donner plus de financement. L’une des célébrations les plus mémorables est celle de l’Exposition universelle de 1967 ou Expo 67, son diminutif. Expo 67, ouverte du 27 avril au 29 octobre, est l’une des expositions universelles les plus réussies. Elle marque un tournant pour le Canada.

Photographie en couleurs d’un groupe d’hommes debout devant l’agrandissement d’une carte de la Nouvelle-France.

Jour d’ouverture à Expo 67 avec le commissaire général, Pierre Dupuy; le gouverneur général du Canada, Roland Michener; le premier ministre du Canada, Lester Bowles Pearson; le premier ministre du Québec, Daniel Johnson père; et le maire de Montréal, Jean Drapeau. (MIKAN 3625029)

Pour beaucoup de Canadiens, le summum de la nostalgie constitue l’une des caractéristiques de l’année 1967, mais cette année est aussi remplie d’optimisme. Grâce à cet optimisme et aux dépenses gouvernementales plus élevées, la popularité de Lester B. Pearson augmente rapidement, ce qui renforce ses réalisations comme premier ministre et permet d’étendre le soutien des Canadiens au Parti libéral.

Conclusion

Le 27 décembre 1972, il y a 45 ans, après une carrière politique longue et réussie, Lester B. Pearson s’éteint. Son décès touche de nombreux Canadiens : plus de 1 200 personnes assistent à son service funèbre pour lui rendre un dernier hommage. Lester B. Pearson est toujours présent de nos jours grâce aux multiples prix et édifices portant son nom. Ayant jeté les bases de ce que de nombreux Canadiens et la collectivité internationale aiment au sujet du Canada, il a contribué à façonner le Canada actuel.

Photographie en noir et blanc d’un homme debout près d’un édifice doté d’une architecture intéressante.

Le premier ministre du Canada Lester B. Pearson devant le Katimavik (lieu de réunion) du pavillon du Canada, à Expo 67 (MIKAN 3626376)

Le fonds Lester B. Pearson conservé par Bibliothèque et Archives Canada comprend 435,71 mètres de documents textuels, plus de 3 500 photographies, 315 enregistrements audio de divers formats, trois films totalisant 47 minutes, 54 œuvres documentaires et 98 médailles.

Liens connexes


Mariam Lafrenie est une étudiante de premier cycle et chercheuse attachée à l’Université Queen’s qui a travaillé à la Direction générale des archives privées de Bibliothèque et Archives Canada à l’été 2017.

 

Conservatrice invitée : Katie Cholette

Bannière pour la série Conservateurs invités. À gauche, on lit CANADA 150 en rouge et le texte « Canada: Qui sommes-nous? » et en dessous de ce texte « Série Conservateurs invités ».Canada : Qui sommes-nous? est une nouvelle exposition de Bibliothèque et Archives Canada (BAC) qui marque le 150e anniversaire de la Confédération canadienne. Une série de blogues est publiée à son sujet tout au long de l’année.

Joignez-vous à nous chaque mois de 2017! Des experts de BAC, de tout le Canada et d’ailleurs donnent des renseignements additionnels sur l’exposition. Chaque « conservateur invité » traite d’un article particulier et en ajoute un nouveau — virtuellement.

Ne manquez pas l’exposition Canada : Qui sommes-nous? présentée au 395, rue Wellington à Ottawa, du 5 juin 2017 au 1er mars 2018. L’entrée est gratuite.


Texte norvégien en rouge et en noir sur fond crème indiquant que le prix est décerné à Lester Bowles Pearson. Le texte est surmonté d’un lion rouge qui tient une hache au sommet d’une montagne bleue et ceinturé de vagues bleues comportant une étoile encerclée au sommet.

Le prix Nobel de la paix attribué au premier ministre Lester B. Pearson pour son rôle dans la création des Casques bleus de l’ONU, 1957. Conçu par Gerhard Munthe pour le Comité Nobel (MIKAN 4900031)

Pearson a remporté le prix Nobel pour avoir créé une force militaire neutre chargée de stabiliser les zones de conflit. Bien des Canadiens considèrent que le maintien de la paix est une caractéristique fondamentalement canadienne.


Parlez‑nous de vous.

Le graphisme m’a toujours intéressée. J’ai d’abord occupé un poste de graphiste et de typographe. Je me suis ultérieurement dirigée vers l’histoire de l’art, puis l’enseignement et maintenant l’archivistique. Bien que les documents textuels constituent l’essentiel de mon travail ces jours‑ci, je suis fréquemment fascinée par la gamme d’éléments attrayants sur le plan esthétique dans la collection de BAC.

Y a‑t‑il autre chose que, selon vous, les Canadiens devraient savoir à propos de cet élément?

Lester B. Pearson a remporté le prix Nobel pour son rôle dans la négociation du règlement pacifique de la Crise du canal de Suez en 1956. Cette crise est survenue lorsque Gamel Abdel Nasser, président de l’Égypte, a saisi puis nationalisé le canal de Suez (lequel à cette époque appartenait conjointement à la France et à la Grande-Bretagne), ce qui menaçait l’approvisionnement de l’Europe en pétrole. En représailles, la France, la Grande-Bretagne et Israël ont collaboré en secret pour attaquer la péninsule du Sinaï. Les États‑Unis et l’Union soviétique ont ensuite été entraînés dans le conflit, l’Union soviétique menaçant de recourir aux armes nucléaires contre les assaillants. M. Pearson, alors secrétaire d’État pour les Affaires extérieures et chef de la délégation du Canada aux Nations Unies, est intervenu pour contribuer à la création de la Force d’urgence des Nations Unies, laquelle a joué un rôle fondamental dans la désescalade du conflit.

Au cours de la cérémonie de remise le 10 décembre 1957 à Oslo (Norvège), le président du Comité Nobel Gunnar Jahn a déclaré que le prix était décerné à M. Pearson en raison de son sens de l’initiative, de sa vigueur et de sa persévérance dans les tentatives d’empêcher ou de limiter les opérations de guerre et de rétablir la paix dans des situations où il fallait agir avec rapidité, tact et sagesse pour empêcher l’agitation de se répandre et de dégénérer en une conflagration mondiale.

Bien que M. Pearson ait reçu le prix Nobel en 1957, le graphisme du certificat date du milieu du XXe siècle. Outre la calligraphie à la main, ce prix montre une lithographie réalisée par Gerhard Munthe en 1901, première année à laquelle le prix Nobel de la paix a été décerné. Peintre, dessinateur d’ornement et illustrateur norvégien, M. Munthe s’est inspiré d’un grand nombre des motifs artistiques de son pays natal. Ses œuvres s’inscrivent dans le Style romantique national, la version scandinave de l’Art nouveau de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Le Style romantique national, né en réaction contre l’industrialisation, a favorisé l’expression d’un nationalisme nordique fondé sur un intérêt renouvelé envers la mythologie nordique et les sagas norvégiennes. L’illustration au haut du certificat montre un lion qui tient une hache, symbole de pouvoir et de courage apparu dans l’art folklorique norvégien dès le XIIIe siècle. Ce symbole figure également dans les armoiries de la Norvège. Au sommet d’une frise ornementale de sapins stylisés, le lion se dresse fièrement au milieu d’un paysage nordique sauvage. Des aurores boréales tournoient au-dessus de sa tête, et l’image est surmontée de l’étoile Polaire. Le graphisme dans l’ensemble témoigne d’une délicatesse et d’une retenue, mais l’image n’en demeure pas moins très évocatrice.

Détail du certificat montrant un lion rouge qui tient une hache, au sommet d’une montagne bleue et ceinturé de vagues bleues et d’une étoile dans un cercle.

Détail du prix Nobel de la paix décerné à M. Pearson, révélant le lion sur le certificat (MIKAN 4900031)

Parlez‑nous d’un élément connexe que vous aimeriez ajouter à l’exposition.

Pearson porte un complet avec nœud papillon et tient un crayon dans sa main levée.

Lester B. Pearson tient un crayon prise le 11 août 1944 (MIKAN 3607934)

Un homme souriant, s’entretient avec un autre homme devant une fenêtre avec rideaux, les stores tirés. Les deux hommes sont en complet cravate.

Anthony Eden. Photo prise par le Studio Alexandra (MIKAN 3215249)

Une photographie de Lester B. Pearson en compagnie d’un autre des principaux protagonistes de la crise de Suez – sir Anthony Eden, premier ministre de la Grande-Bretagne – m’a tout particulièrement fascinée. Cette photo a été prise le 6 février 1956 à l’extérieur des édifices du Parlement à Ottawa par Duncan Cameron, un photographe d’Ottawa au service de Capital Press Limited (et le seul photographe contractuel canadien de Time Life Inc.). Le premier ministre Eden, qui connaissait M. Pearson depuis les années 1930, était en visite au Canada et venait tout juste de prononcer un discours à la Chambre des communes. Politicien de longue date réputé pour ses compétences dans les affaires publiques, M. Eden a succédé à Winston Churchill comme premier ministre du Royaume-Uni en 1955. Sur la photographie, les deux hommes semblent détendus et heureux; rien ne laisse présager l’éclosion d’un désaccord entre le Canada et la Grande-Bretagne quelques mois plus tard, après la collaboration de M. Eden avec la France et Israël pour envahir l’Égypte. Par la suite, M. Pearson allait remporter le prix Nobel de la paix, devenir le 14e premier ministre du Canada, et se forger une réputation en matière de diplomatie internationale, tandis que la popularité de M. Eden allait dégringoler, après quoi ce dernier, malade, remettrait sa démission en février 1957. Remarque intéressante : le photographe, Duncan Cameron, allait ultérieurement entrer au service des Archives publiques du Canada, où il est devenu conservateur des photographies de la collection de photographies des Archives nationales. BAC détient son fonds, lequel comporte 175 000 imprimés, négatifs et diapositives.

Biographie

Katie Cholette est archiviste à la section Gouvernance et affaires politiques. Elle œuvre actuellement dans les secteurs des établissements militaires privés et extérieurs à la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada. Elle possède un grade de premier cycle en histoire de l’art, un grade de maîtrise en histoire de l’art du Canada, et un grade de doctorat en études canadiennes. Auparavant, elle a occupé le poste de conservatrice des acquisitions et de la recherche et conservatrice des expositions au Musée du portrait du Canada (2007‑2008; 2011). Mme Cholette fut également titulaire de deux chaires de recherche en art canadien au Musée des beaux‑arts du Canada (2006; 2012‑2013), puis elle a donné des cours en histoire de l’art et en études canadiennes au Collège des sciences humaines de l’Université Carleton (depuis 2003). Elle a rédigé et publié des articles sur divers aspects de l’art, de l’architecture, de la culture et de l’identité; de plus, elle a collaboré à plusieurs projets de conservation et de recherche en tant que pigiste. Durant ses études à l’Université Carleton, Mme Cholette allait souvent au pub Mike’s Place, fréquenté par les étudiants de cycle supérieur et nommé en l’honneur de Lester B. Pearson.