Par Alex Comber
Les infirmières militaires du Canada devaient s’acquitter de leurs tâches dans des circonstances pénibles et dangereuses. Quelque 40 infirmières membres du Corps expéditionnaire canadien (CEC) sont mortes à la Première Guerre mondiale de maladies contractées durant leur service actif. D’autres sont décédées après l’Armistice de maladies attribuables à ce service. Ce qui a toutefois révolté le plus les Canadiens, c’est le sort des 21 infirmières tuées directement par l’ennemi. Le présent billet décrit brièvement ces événements et aide les lecteurs à explorer une sélection d’archives sur les infirmières militaires.

Les funérailles de l’infirmière militaire G.M.M. Wake, qui a succombé à ses blessures à la suite d’un raid aérien allemand sur l’hôpital où elle travaillait, (a002562)
Les infirmières militaires servaient dans les hôpitaux du Corps médical de l’armée canadienne (CMAC) et les postes d’évacuation sanitaire, et dans d’autres installations censées être hors de portée de l’artillerie ennemie. Cependant, l’introduction d’une artillerie de précision à longue portée et de nouvelles techniques, comme les guerres aérienne et sous-marine, exposent directement ces femmes au feu de l’ennemi. Plusieurs fois, à compter de mai 1918, des infirmières sont tuées dans l’exercice de leurs fonctions lors d’attaques ennemies. Au Canada, les médias s’empressent d’exploiter ces terribles événements pour mousser la propagande en faveur de l’effort de guerre et promouvoir de nouvelles campagnes de recrutement.

Affiche d’obligations de la Victoire illustrant de manière saisissante les suites du naufrage du navire-hôpital Llandovery Castle (e010697267)
En mai 1918, deux hôpitaux canadiens sont bombardés par l’aviation allemande. Katherine Macdonald, de Brantford, en Ontario, devient la première infirmière militaire canadienne à périr aux mains de l’ennemi pendant la Grande Guerre, lors du bombardement par un avion allemand de l’Hôpital général canadien no 1 situé à Étaples, en France, le 19 mai 1918. Deux de ses collègues blessées meurent peu après.

Vue de l’Hôpital général canadien no 1, à Étaples, en France, après le bombardement qui a coûté la vie à trois infirmières militaires canadiennes, (a003747)
Des photographes officiels ont capté les scènes de dévastation et les sinistres cortèges funèbres derrière les cercueils d’infirmières et d’autres membres du personnel médical et de patients tués lors des raids. À la fin du mois, l’Hôpital militaire fixe canadien no 3, à Doullens, en France, est à son tour bombardé. Trois autres infirmières meurent. Deux d’entre elles, les infirmières Agnes MacPherson et Eden Pringle sont tuées ainsi que des médecins, des préposés aux soins médicaux et un patient lors d’une intervention chirurgicale.

Scène après le bombardement de l’Hôpital militaire fixe canadien no 3 à Doullens, en France, dans lequel trois infirmières militaires canadiennes ont trouvé la mort, (a003746)
Moins d’un mois plus tard, le 27 juin, au large de la côte méridionale d’Irlande, le sous-marin allemand U-86 torpille le navire-hôpital canadien Llandovery Castle, qui rentre en Angleterre avec seulement du personnel médical à bord. Cet ancien paquebot naviguait de nuit avec des feux spéciaux pour illuminer sa coque blanche et ses grandes croix rouges distinctives, signes manifestes d’un navire-hôpital et donc, d’une cible interdite à tout belligérant. Après avoir été frappé, le navire gîte dangereusement, ce qui gêne la mise à l’eau des bateaux de sauvetage. Un grand nombre d’infirmières dormaient au moment de l’impact, et elles ont du mal à évacuer le navire en train de sombrer. Tout le groupe d’infirmières monte à bord d’un bateau de sauvetage en compagnie du sergent Arthur Knight, du CMAC. Tragiquement, le tourbillon causé par la violence du naufrage engloutit leur bateau. Seul Knight réussit tant bien que mal à gagner un autre bateau de sauvetage.

Le sergent A. Knight, du Corps médical de l’armée canadienne, se rétablit sur un lit d’hôpital après le naufrage du NHSM Llandovery Castle, (a007471)
Les agissements de l’équipage du sous-marin ont aggravé cette tragédie. Des survivants ont témoigné avoir vu le sous-marin poursuivre des bateaux de sauvetage et tirer sur leurs occupants, tuant encore plus de membres d’équipage et de personnel médical. Un seul bateau a pu échapper aux événements de la nuit. Les corps des 14 infirmières militaires n’ont jamais été retrouvés, et aujourd’hui, le monument commémoratif de Halifax rend hommage à ces femmes courageuses. Des documents contenus dans leurs dossiers de service militaire révèlent que certaines infirmières, par exemple Christina Campbell, de Victoria, en Colombie-Britannique, étaient des infirmières d’expérience qui avaient été soignées auparavant pour des problèmes de neurasthénie (choc consécutif à un bombardement), de débilité nerveuse, d’insomnie et d’épuisement général à la suite de leur service près des lignes de front.

L’infirmière militaire Christina Campbell, qui a péri avec le reste du contingent d’infirmières dans le torpillage du Llandovery Castle le 27 juin 1918 (a008112)
Canada ainsi que des inscriptions dans les Livres du Souvenir qu’abrite la Tour de la Paix, à Ottawa, rendent hommage aux infirmières de la Première Guerre mondiale qui ont perdu la vie au service du Canada en soignant les blessés.
Découvrez la vie des infirmières militaires canadiennes de la Première Guerre mondiale
Grâce à la numérisation des dossiers de service du Corps expéditionnaire canadien (CEC), les visiteurs du site Web de Bibliothèque et Archives Canada (BAC) peuvent consulter rapidement et facilement une mine de renseignements généalogiques et historiques, et se faire une idée par eux-mêmes du service de ces femmes et de tous les membres du CEC durant la Première Guerre mondiale. Les liens ci-dessous vous permettront de consulter les dossiers de service récemment rendus accessibles en ligne. Ils s’accompagnent, le cas échéant, du lien vers les registres de circonstances du décès.
Tableau d’honneur : infirmières militaires du CMAC tuées par l’ennemi durant la Première Guerre mondiale
Hôpital général canadien no 1, Étaples, France, bombardé le 19 mai 1918
- Katherine M. Macdonald (Brantford, Ontario) : tuée au combat le 19 mai 1918
Fiche des circonstances du décès - Gladys Wake (Esquimalt, Colombie-Britannique) : décédée des suites de blessures le 21 mai 1918
Pas de fiche des circonstances du décès - Margaret Lowe (Binscarth, Manitoba) : décédée des suites de blessures le 28 mai 1918
Fiche des circonstances du décès
Hôpital militaire fixe canadien no 3, Doullens, France, bombardé le 30 mai 1918
- Dorothy Baldwin (Toronto, Ontario) : tuée au combat
Fiche des circonstances du décès - Agnes MacPherson (Lakeland, Manitoba) : tuée au combat
Fiche des circonstances du décès - Eden Pringle (Vancouver, Colombie-Britannique) : tuée au combat
Fiche des circonstances du décès
Navire-hôpital de Sa Majesté Llandovery Castle, coulé le 27 juin 1918
- Christina Campbell (Victoria, Colombie-Britannique)
- Carola Josephine Douglas (Toronto, Ontario)
- Alexina Dussault (Saint-Hyacinthe, Québec)
- Minnie Follette (Wards Brook, Nouvelle-Écosse)
- Margaret Jane Fortescue (Montréal, Québec)
- Infirmière en chef Margaret Marjory (Pearl) Fraser (New Glasgow, Nouvelle-Écosse)
- Minnie Katherine Gallaher (Kingston, Ontario)
- Jessie Mabel McDiarmid (Ashton, Ontario)
- Mary Agnes McKenzie (Toronto, Ontario)
- Rena McLean (Souris, Î.-P.-É.)
- Mae Belle Sampson (Duntroon, Ontario)
- Gladys Irene Sare (Montréal, Québec)
- Anna Irene Stamers (Saint John, Nouveau-Brunswick)
- Jean Templeman (Ottawa, Ontario)
Navire de la poste royale Leinster, coulé le 10 octobre 1918
- Henrietta Mellett, de London, en Ontario, est décédée en mer le 10 octobre 1918 lors du naufrage du NPR Leinster alors qu’elle retournait à l’Hôpital général canadien no 15 au terme d’une permission militaire. Infirmière militaire d’expérience, elle avait auparavant servi avec la Croix-Rouge en France, en Égypte et en Angleterre. Elle a péri avec plus de 500 autres passagers en mer d’Irlande lors du torpillage du Leinster par le sous-marin allemand UB-123.
Ressources connexes
- Dossiers du Personnel de la Première Guerre mondiale
- Registres de circonstances du décès, Première Guerre mondiale
- Des exemples de sources sur les infirmières militaires se trouvant dans la collection de BAC ou d’autres institutions sont mentionnés dans 100 histoires : Les Canadiens à la Première Guerre mondiale, dans le billet de blogue Les infirmières militaires, publié le 28 juillet 2015, et sur la page Web L’appel du devoir : Les infirmières militaires canadiennes.
- Journaux de guerre de la Première Guerre mondiale
- Entrée pour l’Hôpital général canadien no 1 du 19 mai 1918 (anglais seulement)
- Entrée pour l’Hôpital général canadien no 3 du 30 mai 1918 (anglais seulement)
- Le préfixe « O » et le préfixe « M » sont des sous-sous-séries de la collection de photographies du Bureau canadien des archives de guerre qui documentent les activités du CEC pendant la Première Guerre mondiale. Cette riche collection comprend diverses images relatives aux infirmières militaires, dont des portraits et des photos illustrant leurs hébergements, leurs loisirs et leurs funérailles.
- Le texte « Soigner au front : l’expérience des infirmières militaires canadiennes pendant la Première Guerre mondiale », de Geneviève Allard, publié dans Sans frontières : quatre siècles de soins infirmiers canadiens, de Christina Bates, Dianne Dodd et Nicole Rousseau (dir.), Les Presses de l’Université d’Ottawa, 2005 (chapitre 10, p. 153-167).
- Sister Soldiers of the Great War: The Nurses of the Canadian Army Medical Corps (anglais seulement) de Cynthia Toman, Vancouver, UBC Press, 2016.
En avril dernier, Bibliothèque et Archives Canada a lancé le nouvel outil de collaboration Co-Lab qui vous permet de contribuer en transcrivant, étiquetant et interagissant avec des documents historiques. Voici maintenant un nouveau défi, où l’on met en lumière les dossiers personnels de quelques-unes des infirmières militaires ayant servi lors de la Première Guerre mondiale. Commencez dès maintenant!
Alex Comber est un archiviste militaire au sein de la Division des archives gouvernementales.