Le New Princes’ Toronto Band

Par Margaret Ashburner

Dans les années 1920, la ville de Toronto est la mecque des musiciens actifs. Des orchestres de danse s’y produisent régulièrement, et les multi-instrumentistes y sont très recherchés. Un interprète de ce genre, Hal Swain, met sur pied son propre ensemble avec des musiciens locaux, dont Les Allen, un musicien aux talents variés. Ces musiciens ambitieux souhaitent connaître la célébrité. Selon Allen, le groupe est une « combinaison de gens, jeunes pour la plupart, à l’enthousiasme contagieux » [traduction] (Litchfield, p. 513)

Photo noir et blanc d’un jeune homme souriant

Les Allen, En remontant les années, p. 251.

Photo noir et blanc d’un jeune homme qui regarde vers le côté d’un air songeur

Hal Swain, En remontant les années, p. 251.

Découverts par un recruteur, les deux hommes se démarquent du lot par leurs fortes présences sur scène et ils sont invités à former un groupe qui se produirait au Rector’s Club, à Londres, en Angleterre. À l’époque, se souvient Swain, il entendait « […] mettre l’accent sur leur provenance canadienne et découvrir si les danseurs de la capitale de l’empire britannique allaient manifester le même engouement pour un orchestre de jazz de Toronto que pour un groupe de New York » [traduction] (Mark Miller, p. 112).

Suivant les directives du recruteur londonien, le groupe de fiers Canadiens monte à bord d’un transatlantique pour se rendre en Angleterre, mais à leur arrivée, le Rector’s Club a fermé ses portes. Le recruteur, éprouvant sans doute quelque culpabilité à leur égard, voit à ce que les Canadiens passent une audition au restaurant New Princes’. Ils y sont embauchés et y jouent pendant deux ans, nommant leur formation d’après le restaurant.

Photo noir et blanc d’un orchestre de danse, avec musiciens en tenue de soirée debout sur un podium devant leurs instruments de musique

Dave Caplan et son New Princes’ Toronto Band. De gauche à droite : inconnu, inconnu, Lorne Cole, inconnu, Laurie Day, Dave Caplan, Arthur Lousley, Arthur Calkin et Jack Collins (The British Dance Band Encyclopaedia)

Le New Princes’ Toronto Band regroupe des musiciens pigistes, et sa composition change donc souvent dès que de nouvelles occasions se présentent à eux. Au fil du temps, des membres arrivent et repartent. Le nom même du New Princes’ Toronto Band connaît plusieurs variations au gré des changements à la direction de l’orchestre ou de la formation de sous-ensembles par certains de ses musiciens. Hal Swain, Dave Caplan, Les Allen et Art Christmas ont tous été des membres canadiens importants du groupe.

C’est avec plaisir que Bibliothèque et Archives Canada a numérisé certains enregistrements d’une série de disques récemment acquis. On y trouve notamment des pièces ayant été principalement enregistrées entre septembre et novembre 1926 par le groupe sous l’appellation Dave Caplan’s Toronto Band.

« Up and At ‘Em »

Photographie couleur d’une pochette d’album avec le logo de Deutschen Grammophon-Aktiengesellschaft (un chien regardant à l’intérieur d’un phonographe)

« Up and At ‘Em » par le Dave Caplan’s Toronto Band, 1926 (AMICUS 45168615)

[Écoutez « Up and At ‘Em »] Enregistrée par le Dave Caplan’s Toronto Band en novembre 1926, cette pièce est un foxtrot endiablé, l’une des danses les plus populaires de l’époque. Son interprétation, comme la plupart des autres enregistrements jazz de cette période, comprend plusieurs solos, probablement improvisés, de divers membres du groupe. Le sautillement du trombone et les légers crépitements des percussions sont particulièrement agréables lors des solos.

« I Never See Maggie Alone »

Photographie couleur d’une pochette d’album de Polydor

« I Never See Maggie Alone » par le Dave Caplan’s Toronto Band, 1926 (AMICUS 45168601)

[Écoutez « I Never See Maggie Alone »] Cette chanson cocasse raconte la frustration d’un jeune homme à l’égard de la famille de sa petite amie, qui la chaperonne avec insistance. Au début, la famille se pointe lors des sorties du couple, puis, au fil de la chanson, elle surgit dans des situations de plus en plus incongrues : sous le capot de la voiture, dans le lac où le couple est en train de pêcher et en mystérieuses apparitions lorsque les lumières sont rallumées. Les paroles oscillent entre l’horreur et la comédie! Le chanteur, probablement Hal Swain ou Les Allen, fait preuve d’un sens impeccable de l’humour.

« While the Sahara Sleeps »

Photographie couleur d’une pochette d’album de Polydor.

« While the Sahara Sleeps » par le Dave Caplan’s Toronto Band, 1926 (AMICUS 45168382)

[Écoutez « While the Sahara Sleeps »] On y entend de fantastiques arrangements de cuivres et un excellent solo de trompette, le tout accompagné de coups de langue répétés caractéristiques du jeu des musiciens de jazz de cette époque.

« High Fever »

Photographie couleur d’une pochette d’album de Polydor.

« High Fever » par le Dave Caplan’s Toronto Band, 1926 (AMICUS 45168455)

[Écoutez « High Fever »] Un autre foxtrot du Dave Caplan’s Toronto Band, moins déchaîné qu’« Up and At ‘Em », mais tout de même joyeux et entraînant. Plusieurs envolées de piano solo sont exécutées par Laurie Day, le pianiste du groupe, tandis que quelques solos de trombone allègres ponctuent la fin de la chanson.

« Say That You Love Me »

Photographie couleur d’une pochette d’album avec le logo de Deutschen Grammophon-Aktiengesellschaft (un chien regardant à l’intérieur d’un phonographe)

« Say That You Love Me » par le Dave Caplan’s Toronto Band, 1926 (AMICUS 45168037)

[Écoutez « Say That You Love Me » de Deutschen Grammophon ou « Say That You Love Me » de Polydor] La seule valse de cette série! Comme son titre le suggère, cette composition exsude un romantisme à l’eau de rose qu’elle assume sans gêne, comme bien d’autres pièces de « big band ». Au milieu de l’enregistrement, on entend Les Allen improviser quelques vers se terminant par « Say that you love me – I love you! ». L’album a été distribué par Deutschen Grammophon-Aktiengesellschaft. Un deuxième enregistrement sans paroles, enregistré pour Polydor, a également été numérisé.

Photographie couleur d’une pochette d’album de Polydor.

Le disque « Say That You Love Me », enregistré pour Polydor par le Dave Caplan’s Toronto Band, 1926 (AMICUS 45168371)

Allez voir le Gramophone virtuel pour découvrir d’autres chansons de cette époque.

Sources


Margaret Ashburner est bibliothécaire des collections spéciales de musique à Bibiothèque et Archives Canada.

Oscar Peterson

Par Dalton Campbell

Ces photographies d’Oscar Peterson et de sa famille ont été prises en 1944. À la fin de l’adolescence, il est déjà un musicien professionnel expérimenté. Depuis 1942, il joue régulièrement avec le Johnny Holmes Orchestra, un orchestre de danse populaire qui fait danser les gens à Montréal et aux alentours. Oscar quitte l’orchestre en 1947 et s’installe à demeure à l’Alberta Lounge, un cabaret près de la gare Windsor, où il dirige son propre trio pendant deux ans.

Une photographie en noir et blanc montrant Oscar Peterson jouant du piano dans un cabaret.

Oscar Peterson, photographié par DC Langford [1944] (e010752610)

Étant donné la scène jazz dynamique de la ville, ce ne sont pas les possibilités de jouer qui manquent pour Oscar : il joue professionnellement, joue en direct pour des émissions radiophoniques de la CBC et rencontre des musiciens en visite dans la ville pour donner des concerts avec qui il fait des séances musicales improvisées. Il s’est gagné l’admiration de Count Basie, Woody Herman, Ella Fitzgerald, Coleman Hawkins, Dizzy Gillespie et d’autres. Oscar demeure au Canada jusqu’en 1949, lorsque Norman Granz le convainc de se joindre à la série de concerts « Jazz at the Philharmonic » à Los Angeles. Cela marque le début de sa carrière internationale.

Les parents d’Oscar sont des immigrants au Canada. Daniel Peterson, le père d’Oscar, vient des îles Vierges britanniques et travaille comme manœuvrier sur un navire marchand. Sa mère, Kathleen Olivia John, est originaire de Saint-Kitts dans les Antilles britanniques, et travaille comme cuisinière et aide ménagère. Ils se rencontrent et se marient à Montréal, puis s’installent dans la Petite-Bourgogne/St-Henri, quartier majoritairement habité par des Noirs. Comme beaucoup d’hommes qui demeurent dans ce quartier, Daniel obtient un emploi à la gare Windsor comme porteur sur les trains de passagers pour le Chemin de fer Canadien Pacifique.

Une photographie en noir et blanc montrant Oscar Peterson avec son père Daniel. Les deux hommes sont assis au piano, leurs mains sur le clavier, souriant et regardant le photographe vers le haut.

Oscar Peterson et son père Daniel, au piano [1944] (e011073129)

Grâce à l’enseignement et aux encouragements de leurs parents, les enfants Peterson deviennent des musiciens accomplis.

Fred, l’aîné des enfants, initie Oscar au ragtime et au jazz quand il en joue sur le piano familial. Fred meurt dans les années 1930, alors qu’il est encore adolescent. Oscar a déjà dit de Fred qu’il était le musicien le plus talentueux de la famille.

Une photographie en noir et blanc montrant Oscar Peterson assis, jouant du piano. Son frère Charles, vêtu de l'uniforme de l'Armée canadienne, est debout à côté de lui et joue de la trompette.

Oscar Peterson au piano, avec son frère Chuck, l’accompagnant à la trompette [1944] (e011073128)

Un autre frère, Charles, qui sert dans une batterie d’artillerie de l’Armée canadienne pendant la Seconde Guerre mondiale, joue dans la fanfare du régiment. Après la guerre, il continue comme trompettiste professionnel, travaillant en studio et se produisant dans plusieurs boîtes de nuit de Montréal dans les années 1950 et 1960. Comme ses frères et sœurs, il joue également du piano, mais est contraint d’y renoncer après avoir subi un accident de travail dans une usine à Montréal après la guerre.

Une photographie en noir et blanc d'Oscar Peterson et de sa sœur Daisy, assis au piano avec leurs mains sur le clavier. Ils regardent vers le photographe et sourient.

Oscar Peterson et sa sœur Daisy, au piano [1944] (e011073127)

Daisy, la sœur aînée d’Oscar, est aussi une pianiste virtuose. Elle obtient un diplôme en musique de l’Université McGill et a une carrière longue et influente comme professeure de musique à Montréal. Elle est la première professeure de piano de ses frères et sœurs et présente Oscar à son propre professeur de piano, Paul de Marky, un pianiste de concert qui joue dans la tradition de Franz Liszt. Daisy enseigne à Montréal pendant plusieurs années; ses élèves comprennent les futurs musiciens de jazz Milton Sealey, Oliver Jones, Reg Wilson et Joe Sealy.

Ressources connexes :


Dalton Campbell est archiviste à la section Science, environnement et économie dans la division des Archives privées.