Le Cercle Molière : une institution franco-manitobaine centenaire à découvrir dans les archives de BAC!

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Par Théo Martin

Saviez-vous que Le Cercle Molière, l’une des plus anciennes institutions canadiennes en arts de la scène, célèbre son centenaire cette année? Bibliothèque et Archives Canada (BAC) souligne cet anniversaire en publiant deux billets de blogue mettant en lumière certains éléments de nos fonds d’archives et collections qui témoignent des débuts et de l’évolution de cette compagnie de théâtre franco-manitobaine.

Le Cercle Molière est fondé en 1925 à Saint-Boniface, au Manitoba, par le professeur belge André Castelein de la Lande, le fonctionnaire et administrateur manitobain Raymond Bernier, ainsi que le traducteur et administrateur Louis-Philippe Gagnon, qui en est le premier président. À ses débuts, Le Cercle Molière est un organisme de théâtre amateur qui vise à promouvoir la culture et la langue françaises au Manitoba. Il cherche aussi à faire connaitre la dramaturgie française à la population de langue anglaise de Winnipeg et des environs pour ainsi rapprocher les deux communautés linguistiques. Sa première production, Le monde où l’on s’ennuie d’Édouard Pailleron, présentée au Dominion Theatre de Winnipeg en 1925, a conquis les spectateurs et spectatrices. Tout au long des années 1920, Le Cercle Molière maintient son élan et offre une à plusieurs productions par année, affirmant progressivement sa place dans le paysage culturel.

Les couvertures de deux programmes côte à côte.

À gauche, une image du programme de la production L’échelle cassée de George Berr, 1926. Collection des arts du spectacle, MG28 I 139, volume 18, dossier 14. À droite, une image du programme de la production L’Arlésienne d’Alphonse Daudet, 1928. Collection des arts du spectacle, MG28 I 139, volume 28, dossier 14. (MIKAN 4705232)

Dès ses premières années, Le Cercle Molière dépasse les frontières de Saint-Boniface en organisant des tournées à travers le Manitoba, offrant aux communautés francophones de la province un accès précieux au théâtre. En 1934, la renommée de la compagnie de théâtre franchit un cap important lorsque le 14e gouverneur général du Canada, lord Bessborough, l’invite à participer au Festival national d’art dramatique. La même année, Le Cercle Molière remporte le prix de la meilleure pièce en français, tant au niveau régional que national, pour sa production de Blanchette d’Eugène Brieux.

Cette reconnaissance nationale marque le début d’une longue participation au Festival, jalonnée de nombreux trophées régionaux et nationaux. En démontrant qu’il est possible de faire du théâtre en français en dehors du Québec, où les institutions théâtrales rivalisaient déjà, Le Cercle Molière affirme son rôle d’ambassadeur du théâtre francophone et contribue à son rayonnement à l’échelle canadienne.

Images côte à côte d’un programme du Festival national d’art dramatique ainsi qu’une page qui contient des informations sur une pièce de théâtre intitulée Blanchette.

À gauche, une image du programme de la deuxième finale annuelle du Festival national d’art dramatique, avril 1934. À droite, une page présentant la pièce Blanchette, produite par Le Cercle Molière, qui remportera le prix de la meilleure pièce en français. Collection des arts du spectacle, MG28 I 139, dossier 14. (MIKAN 4705232)

Photographie de 4 personnes debout sur une scène au milieu d’un décor.

Des comédiens du Cercle Molière dans la production Le voyage à Biarritz lors du Festival national d’art dramatique, à Ottawa, en 1937. Cette année-là, Joseph Plante recevait le trophée du meilleur acteur français. Photo : Yousuf Karsh, fonds Yousuf Karsh, 1987-054 NPC. (MIKAN 4332367)

Faire du théâtre en français ne sera cependant pas de tout repos pour Le Cercle Molière et d’autres troupes de théâtre francophones hors Québec. Durant le festival de 1936, certains journalistes et critiques québécois, sans doute heurtés que Le Cercle Molière ait remporté cette année-là le trophée de la meilleure pièce en français, lui reprochent la piètre qualité du français parlé dans ses productions :

« Les acteurs québécois ayant pris part au Festival d’art dramatique d’Ottawa sont de mauvais perdants. C’est du moins sous ce jour que nous les montre une dépêche de la Presse Canadienne parue dans les journaux. Ils ont critiqué la décision de M. Granville-Barker, qui a décerné la place d’honneur au Cercle Molière. Les artistes de l’Ouest, assurent-ils, n’ont pas le pur accent français. Quant au juge il serait incompétent, faute de connaitre suffisamment notre langue […] »
     La Liberté (Saint-Boniface, Manitoba), le 6 avril 1936. (1)

Toutefois, et heureusement, ces reproches s’estompent au cours des décennies suivantes.

Dans les années 1930, un couple dynamique d’origine française, Arthur et Pauline Boutal, produit d’une main de maître les spectacles du Cercle Molière, acclamés partout au Canada français et à l’échelle internationale. Après le décès d’Arthur, Pauline continue de porter le flambeau jusque dans les années 1960. Le Cercle Molière présente un plus grand nombre de productions, dont plusieurs pièces de théâtre jeunesse. En 1961, il lance l’Atelier, un premier volet de formation destiné aux artistes de la relève théâtrale du Manitoba.

À partir des années 1970, Le Cercle Molière devient une compagnie professionnelle sous la direction artistique de Roland Mahé, offrant davantage de place à la dramaturgie contemporaine de langue française, à la dramaturgie expérimentale et au théâtre jeunesse (notamment avec la création du Festival théâtre jeunesse (1970) et du Théâtre du Grand Cercle (1985). Peu à peu, Le Cercle Molière devient un véritable lieu de diffusion de la dramaturgie franco-manitobaine et franco-canadienne. Il présente notamment des œuvres écrites par les artistes et dramaturges Roger Auger, Claude Dorge, Irène Mahé, Jean-Guy Roy, Jean-Pierre Dubé, Janine Tougas et Marc Prescott.

Affiche d’une pièce de théâtre avec des ombrages de mains en haut de la page et de l’écriture occupant le reste de l’espace.

Affiche de la pièce Montserrat, d’Emmanuel Robles, présentée par Le Cercle Molière au Festival national d’art dramatique, en 1971, à Ottawa. Fonds The Dominion Drama Festival – Theatre Canada. R5415 1980-058 NPC. (MIKAN 2979533)

Deux couvertures de pièces de théâtre côte à côte. La première présente une femme tenant un sac, debout devant un magasin à grande surface sur une rue achalandée. La deuxième montre une personne assise sur une chaise, un sac sur la tête, avec des lumières colorées de la tête aux pieds.

À gauche, la pièce Suite manitobaine, du dramaturge Roger Auger. Les Éditions du Blé, Saint-Boniface, 2007. ISBN 9782921347969. (OCLC 86226189) À droite, la pièce Sex, lies et les Franco-manitobains du dramaturge Marc Precott. Les Éditions du Blé, Saint-Boniface, 2013. ISBN 9782923673837, 2923673832. (OCLC 842523879)

Aujourd’hui connue sous le nom de Théâtre Cercle Molière, la compagnie centenaire, dirigée depuis 2012 par la comédienne et metteuse en scène métisse Geneviève Pelletier (qui conclura son mandat le 31 juillet 2025), continue d’explorer de nouveaux horizons artistiques. Œuvrant à promouvoir la diversité culturelle, la compagnie fait fièrement rayonner la dramaturgie franco-canadienne au Manitoba, au Canada et ailleurs dans le monde.

BAC est fier de conserver des traces documentaires de ce joyau incontestable des arts de la scène au pays. La collection nationale comporte des publications imprimées d’œuvres de dramaturges québécois et franco-canadiens qui ont été jouées sur la scène du Cercle Molière. Les fonds d’archives et collections de BAC comptent également plusieurs documents promotionnels (affiches, programmes, feuillets, coupures de presse) du Cercle Molière, notamment le fonds du Festival d’art dramatique du Canada (R5415) et la collection des arts de la scène (R3376). Par ailleurs, BAC conserve les archives de personnalités qui ont œuvré au sein du Cercle Molière dans leur jeunesse, notamment celles de la romancière Gabrielle Roy (R11799) et du journaliste Henri Bergeron (R10049). À cela s’ajoute un certain nombre de photographies prises dans les années 1930 par le photographe de renom Yousuf Karsh (R613) dans le cadre du Festival national d’art dramatique à Ottawa. Au sein de ce corpus photographique se trouvent quelques clichés d’une jeune comédienne alors inconnue, originaire de Saint-Boniface, au Manitoba, qui deviendra l’une des autrices franco-manitobaines les plus célébrées de sa génération (mais cela sera le sujet d’un autre billet de blogue).

Autres ressources

Fonds et collections de BAC :

Autres centres d’archives :

  • Les fonds d’archives du Cercle Molière et de Pauline Boutal se trouvent au Centre du patrimoine (Société historique de Saint-Boniface, Manitoba).

Sources imprimées :

  • Dubé, Jean-Pierre, Lynne Champagne. Le Cercle Molière : 75 ans de théâtre. [Édition] Le Cercle, Winnipeg, Manitoba. [2001] (OCLC 46629181)
  • Le Cercle Molière : cinquantième anniversaire. Éditions du Blé, Saint-Boniface, Manitoba, 1975. (OCLC 2877379)
  • Lee, Betty. Love and Whisky: the story of the Dominion Drama Festival. McClelland and Stewart, Toronto, 1973. (OCLC 786525)
  • The Oxford Companion to Canadian Theatre. Oxford University Press, Toronto, 1989. (OCLC 21293755)

Sites Web (ou publications en ligne) :

Référence

  1. Le Cercle Molière : cinquantième anniversaire. Éditions du Blé, Saint-Boniface, Manitoba, 1975. (OCLC 2877379)

Théo Martin est archiviste des arts de la scène au sein de la Division des archives culturelles à Bibliothèque et Archives Canada.