La cuisinière canadienne, paru en 1840, est un des premiers livres de cuisine, peut-être même le tout premier, écrit et publié au Canada. Son auteur le destinait autant aux cuisiniers professionnels qu’au grand public. Ce livre marque le début de la cuisine canadienne-française proprement dite. Pour ce qui est du style et du contenu, il vise l’efficacité, cherchant à encourager « une sage économie domestique […] proportionnée aux moyens des familles Canadiennes [sic] ».
Ce livre est accessible en ligne par le biais du catalogue Aurora de Bibliothèque et Archives Canada (OCLC 1140071596). Vous n’avez qu’à cliquer sur le bouton « Accès en ligne » à droite de la page, dans la case « Options de retrait ».

La page titre de La cuisinière canadienne (OCLC 1140071596).
Pour accompagner l’ouvrage, j’ai trouvé très utile le compte rendu de Yannick Portebois sur La cuisinière canadienne (qui peut être lu gratuitement sur Érudit). Il aide à comprendre les mesures employées à l’époque et le langage technique qui n’est plus utilisé aujourd’hui. Il présente également le contexte historique dans lequel ce livre s’inscrit. C’était un moment clé pour la formation de l’identité culturelle québécoise, à cheval entre son passé français et la nouvelle réalité d’une population anglophone toujours grandissante. Yannick Portebois note la francisation de certains mots anglais ainsi que l’emploi de termes bourgeois qui marqueront entre autres le vocabulaire de la cuisine québécoise naissante.
Le défi
À titre de cuisinière amateure, j’ai décidé de relever le défi de cuisiner une recette d’antan proposée dans ce livre.
Ce qu’il faut d’abord comprendre, c’est que les recettes d’autrefois, surtout celles qui remontent au milieu du 19e siècle, ne sont pas rédigées comme dans les livres actuels. Il n’y a pas de listes complètes des ingrédients, les quantités sont approximatives et les recettes sont présentées sous forme de texte suivi. La cuisinière canadienne fournit des ingrédients de substitution, au besoin. Le but n’était pas de créer des recettes comme le désirent les lecteurs d’aujourd’hui, mais de communiquer les principes de base afin que les cuisiniers puissent se débrouiller seuls. D’une certaine manière, La cuisinière canadienne établit la destination, mais c’est à nous de choisir le chemin pour y arriver, c’est-à-dire les ingrédients, les quantités et la technique.

Les pages de La cuisinière canadienne qui m’ont été les plus utiles dans la préparation de ma recette (OCLC 1140071596).
Mon premier défi était de composer la recette puisque La cuisinière canadienne ne fournit aucune recette complète de tarte à la citrouille. Le chapitre X contient une recette de pâte à tarte (ou pâte brisée) n’offrant que l’indication vague d’y ajouter de la confiture de notre choix pour cuisiner une tarte.
Pour ce faire, il fallait lire le chapitre XI sur les confitures. Originellement, j’espérais faire une bonne tarte au sucre, mais La cuisinière canadienne ne donne aucune recette de sucre à la crème ou de garniture à l’érable. Je me suis donc contentée d’une tarte à la citrouille, un bon remplacement à mes yeux.

Ingrédients et matériel utilisés par l’auteure pour faire la tarte à la citrouille du livre La cuisinière canadienne. Crédit : Ariane Gauthier.
Une fois la recette composée, il fallait réunir les ingrédients. La pâte à tarte nécessitait de la farine, du beurre (fondu) et du lait (chaud). La cuisinière canadienne indique de mélanger le tout jusqu’à l’obtention d’une pâte. À défaut d’informations plus spécifiques, je me suis fiée à mes connaissances. Dans les recettes que j’ai suivies antérieurement, les pâtes à tarte étaient très sèches. Donc, à une tasse de beurre fondu et une tasse de lait chaud, j’ai ajouté de la farine jusqu’à l’obtention d’une pâte sèche.
J’avoue ne pas avoir mesuré la quantité. L’idée est que la pâte doit à peine tenir ensemble.
Ensuite, j’ai travaillé la pâte pour que le tout soit bien incorporé. Je l’ai laminée, c’est-à-dire que je l’ai aplatie avec un rouleau avant de la replier sur elle-même, et j’ai répété la manœuvre encore et encore jusqu’à ce que la pâte devienne lisse et uniforme. Après quoi, j’ai délicatement déposé la pâte dans un moule à tarte et découpé l’excès. D’habitude, il faut perforer la pâte pour s’assurer qu’elle ne gonfle pas et la cuire un peu pour éviter que la garniture ne la détrempe. C’est ce que j’ai fait avant de la mettre au four pendant cinq minutes à 350 °F.

Assemblage des ingrédients pour la confiture à la citrouille. Il faut faire bouillir des cubes de citrouille dans du sirop avec de la pelure d’orange pendant trois heures. Crédit : Ariane Gauthier.
Entre-temps, j’ai suivi les indications de La cuisinière canadienne pour une confiture à la citrouille. En gros, je devais faire mariner de la citrouille dans une quantité égale de sirop (ou de mélasse) pendant trois heures. Je pouvais aussi ajouter de la pelure d’orange ou de citron pour enrichir le goût. Malheureusement, comme ce n’était pas la saison des citrouilles à tartes, je me suis contentée d’une courge. J’ai choisi du sirop d’érable, car c’était l’option abordable pour les cuisiniers de l’époque. Ce n’est qu’après 1885 et l’adoption de la Tariff Act que le sirop d’érable est devenu un produit de luxe, le prix du sucre de canne ayant soudainement chuté. Dans les années qui ont suivi, des lois et mesures protégeant l’industrie des produits d’érable et la pureté de la qualité ont également eu des répercussions sur le prix du sirop.
Grâce aux avancées technologiques survenues depuis la publication de La cuisinière canadienne, je n’ai eu qu’à attendre à peu près une heure et demie avant que la courge soit tendre. J’ai malaxé le tout pour obtenir une confiture plus uniforme, gardant la pelure d’orange pour le goût. C’était pour le meilleur ou pour le pire, selon les goûts, car ce choix a fait en sorte que la tarte goûtait plus l’orange qu’autre chose. Mise en garde pour les braves qui vont tenter de cuisiner leur propre tarte à la citrouille de 1840 : il vaut peut-être mieux enlever les pelures!

Assemblage de la tarte. Une fois que la pâte a été précuite pendant quelques minutes, on y ajoute la confiture à la citrouille et on remet le tout au four pour terminer la cuisson. Crédit : Ariane Gauthier.
Enfin, j’ai versé la confiture sur la pâte et j’ai mis la tarte au four, toujours à 350 °F. Pour savoir quand la pâte était cuite, je me suis fiée à mon nez et mes yeux. Voici le résultat final. Qu’en pensez-vous?

La tarte une fois cuite. Après son passage aux Services de référence le lendemain, il n’en restait plus une miette. Crédit : Ariane Gauthier.
Mes collègues l’ont manifestement aimée, surtout mon superviseur qui en a pris trois pointes. Cette recette, bien que très différente de nos recettes contemporaines, semble toujours appréciée!
The New Galt Cook Book – 1898

Page couverture du livre de cuisine The new Galt cook book (OCLC 1049883924).
Bien que j’aie traité d’une recette tirée de La cuisinière canadienne, son équivalent canadien anglais est également digne de mention. The new Galt cook book était un incontournable dans les cuisines canadiennes-anglaises. C’est une nouvelle édition d’un livre populaire, surtout aux environs de Galt, dans le sud-ouest de l’Ontario. Les éditeurs affirmaient que des exemplaires du livre ont été envoyés en Chine, en Égypte, en Inde, en Afrique du Sud, en Australie et aux États-Unis. Comme plusieurs anciens livres de cuisine, ce recueil présente des recettes, des suggestions visant à simplifier le travail ménager et une liste de remèdes pour les maladies courantes.
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Autres ressources de Bibliothèque et Archives Canada
- Blogue : Des découvertes onctueuses à Bibliothèque et Archives Canada
- Blogue : Jehane Benoît, grande dame de la cuisine canadienne
- Chaîne YouTube : 12 jours de cuisine d’antan – Aspic rapide (1959) – Recette du Globe and Mail
- Balado : Éplucher la collection des livres de recettes de BAC
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Ariane Gauthier est archiviste de référence au sein de la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.
