Salade à l’ananas et au fromage des années 1950

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Par Ariane Gauthier

Les années 1950 ont été une décennie déterminante pour le consumérisme dans le monde occidental, en particulier dans les Amériques. La croissance économique, les progrès technologiques et les médias de masse ont joué un rôle central dans la formation d’une culture axée sur la consommation qui s’est imposée dans l’après-guerre. Cette transformation a jeté les bases de la société de consommation moderne et de l’économie mondiale qui allaient continuer d’évoluer au cours des décennies suivantes.

Dans les années 1950, l’essor des conserves aux États-Unis a marqué un changement clé dans la culture alimentaire américaine et, par extension, canadienne. À mesure que de plus en plus de femmes entraient sur le marché du travail et que les horaires familiaux chargés devenaient la norme, les produits en conserve comme les légumes, les soupes et les viandes offraient une solution rapide et fiable pour la préparation des repas. Ce boum a été alimenté par les progrès des technologies de conservation des aliments, qui ont rendu les produits en conserve abordables et accessibles au ménage moyen. Avec l’avantage supplémentaire d’une longue durée de conservation, ces produits ont contribué à redéfinir la cuisine maison, pour la rendre plus simple et plus efficace, tout en répondant à l’appétit croissant des consommateurs pour des produits pratiques.

C’est dans ce contexte historique que la Kraft Foods Limited a publié le livret 40 famous menus from O.K. Economy & Shop-rite (Quarante menus populaires des magasins O.K. Economy et Shop-rite), une recette duquel fera l’objet de cet article de blogue.

La couverture de 40 famous menus from O.K. Economy & Shop-rite. On y voit des images de certains plats préparés suivant les recettes du livret.

40 famous menus from O.K. Economy & Shop-rite. (OCLC 1006679567)

On y trouve une multitude de recettes mettant en valeur les divers produits Krafts. Mais je m’intéressais surtout aux recettes à base d’aspic ou de gélatine. Ce qui me fascinait, entre autres, c’était que le but premier de plusieurs recettes avec de la gélatine n’était pas tant d’être appétissantes que de vouloir impressionner. À la base, les recettes avec gélatine cherchaient surtout à mettre en valeur la beauté des moules qu’on pouvait se procurer et l’art esthétique d’y figer des crudités. Dans les années 1950, les choses ont changé un peu, il y avait un désir de manger de l’aspic pour le plaisir de son goût, mais l’idée d’impressionner demeurait, comme on peut le voir avec la recette que j’ai choisie.

La recette comprend des images des étapes de cuisson à la droite et une suggestion de menu au haut de la page.

Recette de salade à l’ananas et au fromage. (OCLC 1006679567)

Les ingrédients témoignent d’une volonté sincère de vouloir créer un plat goûteux. En théorie, les saveurs devraient bien se mélanger. Le seul intrus, quelque peu suspect, est le fromage cheddar râpé. Cela dit, on remarque, dans l’avant-dernière phrase de la première étape, le désir d’impressionner que j’ai soulevé plus tôt : Add to lime jelly, then pour a small amount (enough to make a thin layer on the bottom) into a 6-cup star mold, or other fancy-shaped mold. qu’on peut traduire par « Ajouter à la gelée à la lime, ensuite verser une petite quantité (assez pour former une fine couche) dans un moule en forme d’étoile de 6 tasses, ou tout autre moule de forme de fantaisie. »

La précision au sujet du style du moule trahit, à un certain degré, l’intention de créer quelque chose d’impressionnant.

Sur ce, je me suis lancée dans la confection de cette recette en espérant avoir trouvé là quelque chose qui serait savoureux.

Les ingrédients sont les ananas broyés en conserve, le paquet de poudre de gelée à la lime, la brique de fromage à la crème, et le bloc de fromage cheddar.

Les ingrédients pour la recette de salade à l’ananas et au fromage, avec le moule. (Photo par Ariane Gauthier)

Une fois les ingrédients réunis, la recette se fait assez rapidement. Pour commencer, il fallait dissoudre le jello à la lime dans une tasse d’eau chaude, ensuite le mélanger avec le jus d’ananas, puis verser une fine couche du liquide dans le moule. Une fois fait, il fallait laisser reposer le moule au réfrigérateur pour que la gelée fige un peu.

Il faut commencer par égoutter les ananas broyés pour en tirer le jus. Ensuite, mélanger le sachet de poudre de gelée dans une tasse d’eau chaude et y ajouter le jus réservé.

La première étape de la recette, soit la préparation du jello à la lime. (Photos par Ariane Gauthier)

Une fois la première étape accomplie, il faut verser une fine couche du jello liquide dans le moule et laisser figer au réfrigérateur.

Versage à la louche de la première couche de jello dans le moule. (Photo par Ariane Gauthier)

En attendant, j’ai passé à la prochaine étape. J’ai combiné le reste du mélange liquide de jello à la lime et jus d’ananas avec le fromage à la crème. J’ai malaxé le tout jusqu’à ce que ce soit bien lisse et j’ai ensuite mis le bol au réfrigérateur pour une trentaine de minutes.

Il faut combiner le restant du mélange liquide jello-jus avec le fromage à la crème. Une fois bien incorporé, le laisser dans son bol et l’envoyer au frigo pour qu’il épaississe.

La deuxième étape de la recette de salade à l’ananas et au fromage. (Photos par Ariane Gauthier)

Ceci a permis d’épaissir le liquide et de pouvoir intégrer les ananas broyés et le fromage cheddar râpé de manière homogène. Après, il était question d’ajouter ce mélange dans le moule puis qu’il repose au frigo quelques heures.

Une fois le mélange épaissi, il faut intégrer l’ananas et le cheddar râpé avant de tout déposer dans le moule.

La quatrième étape de la recette de salade à l’ananas et au fromage. (Photos par Ariane Gauthier)

Le lendemain, j’ai apporté le produit fini au travail et j’ai eu le plaisir de révéler le plat à mes collègues. Voici le résultat :

La salade à l’ananas et au fromage en trois temps.

Salade à l’ananas et au fromage. (Photos par Mélanie Gauthier)

Au moment de retourner le moule dans une assiette, la révélation s’est faite au son de « oh! » et de « ah! » inquiets, voire quelque peu dégoûtés. Je ne sais pas pourquoi, mais je m’attendais à ce que le produit fini soit plutôt jaunâtre et non vert. Sous le regard de mes collègues, j’ai pris la première bouchée et j’ai été en mesure d’en encourager un autre à essayer ladite « salade ». Son commentaire englobe bien mes propres impressions. Il a dit : « C’est la trinité maudite : température, texture et saveur écœurantes. »

À la fin, nous n’étions que cinq à avoir osé essayer le plat. Les autres se sont contentés de l’odeur intense du fromage à la crème et de l’expérience émétique de trancher la gélatine.

C’est la première recette que je ne vous recommande pas d’essayer. Cependant, je continue à croire malgré cet échec qu’il est possible de créer une recette de gélatine ou d’aspic savoureuse.

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Autres ressources


Recette – Salade à l’ananas et au fromage

1 paquet de gelée en poudre à saveur de lime
1 tasse d’eau chaude
1 tasse d’ananas broyés en conserve
1 paquet de 8 oz de fromage à la crème Philadelphia
1 paquet de 8 oz de fromage cheddar fort de marque Cracker Barrel
Chicorée frisée ou laitue

  1. Dissoudre la gelée en poudre à la lime dans l’eau chaude. Égoutter l’ananas; mesurer le jus et ajouter de l’eau froide pour obtenir 1 tasse. Ajouter à la gelée à la lime, puis verser une petite quantité (assez pour faire une fine couche au fond) dans un moule en étoile de 6 tasses, ou tout autre moule de forme de fantaisie. Laisser refroidir au réfrigérateur.
  2. Pendant ce temps, ramollir le fromage à la crème. Ajouter graduellement le reste du mélange de gelée au fromage à la crème, en mélangeant jusqu’à l’obtention d’une consistance lisse. Réfrigérer jusqu’à ce que le mélange épaississe légèrement.
  3. Râper le fromage cheddar de marque Cracker Barrel.
  4. Intégrer le fromage râpé et l’ananas broyé au mélange de fromage à la crème légèrement épaissi. Verser sur la couche de gelée ferme dans le moule. Laisser refroidir au réfrigérateur jusqu’à ce que la gelée soit ferme.
  5. Démouler sur un plat de service. Garnir avec de la chicorée frisée ou de la laitue.

Donne 6 portions.


Ariane Gauthier est archiviste de référence à la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.

Roulé au chocolat enneigé des années 1930

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Par Ariane Gauthier

Alberta Sugar Makes Delicious Things to Eat (titre qu’on pourrait traduire par « Les délicieuses choses à manger qu’on peut faire avec du sucre de l’Alberta ») est un livret publié par l’entreprise Canadian Sugar Factories dans les années 1930 afin de promouvoir son sucre de betterave « pur » de l’Alberta. Ce sucre est raffiné à partir du produit de milliers d’exploitations betteravières de la province, et le livret comprend un texte de deux pages sur les particularités de cette culture agricole. L’accent est mis sur les techniques de pointe de l’époque en agriculture à grande échelle, sans doute pour faire l’éloge de la culture de la betterave à sucre, nouvelle et en concurrence féroce avec le sucre de canne, très prisé et largement préféré.

Couverture d’un livre avec l’image d’une femme versant du sucre dans une cuillère au-dessus d’un chaudron. Trois bocaux entourent le chaudron posé sur un comptoir, et un sac de sucre se trouve à l’avant-plan.

La couverture du livret Alberta Sugar Makes Delicious Things to Eat. (OCLC 1007785982)

Ce livret est disponible dans Aurora, le catalogue des collections publiées de Bibliothèque et Archives Canada : OCLC 1007785982.

S’il est vrai que l’histoire du sucre en Alberta est passionnante, ce qui m’a attirée dans cet ouvrage, c’est le contexte historique de sa publication : la Grande Dépression. Le livret mentionne que l’entreprise Canadian Sugar Factories a commencé ses activités en 1925, ce qui signifie qu’environ cinq ans seulement ont passé avant que l’effondrement économique ne fasse dérailler à la fois la production et la rentabilité. C’est peut-être la raison pour laquelle les auteurs, à la fin du texte explicatif, tentent avec l’énergie du désespoir de dissiper les idées fausses entourant le sucre de betterave :

Page du livret comportant sept points qui expliquent pourquoi « le sucre de betterave est identique au sucre de canne » et deux dessins qui montrent un train et une usine.

Un détail de deuxième page de la section The Story of Alberta Sugar, montrant la sous-section « Beet sugar is the same as cane sugar » (le sucre de betterave est identique au sucre de canne), tirée du livret Alberta Sugar Makes Delicious Things to Eat. C’est sur cette note que se termine l’historique de l’entreprise. Remarquez que les points 1, 3, 4 et 7 soutiennent essentiellement la même chose : il est impossible de distinguer le sucre de betterave des autres types de sucre. (OCLC 1007785982)

Comme bien des livres de cuisine publiés pendant la Grande Dépression, les recettes mettent l’accent à la fois sur le caractère abordable et la préservation : la nourriture devait être bon marché et elle devait se garder longtemps. Cependant, comme ce livret fait la promotion du sucre de l’Alberta, la plupart des recettes sont des sucreries et des pâtisseries, qui ne possèdent aucune de ces deux qualités.

Néanmoins, j’ai choisi ce livret pour son esthétique et parce que la recette du roulé au chocolat enneigé avait l’air si délicieuse!

L’image présente les ingrédients et les étapes à suivre pour réaliser la recette du roulé au chocolat enneigé.

La recette du roulé au chocolat enneigé du livret Alberta Sugar Makes Delicious Things to Eat. Fait remarquable, on donne même la température du four et la durée de cuisson! (OCLC 1007785982)

En feuilletant les pages du livret, j’ai remarqué qu’il y avait une section réservée aux glaçages et aux garnitures. Dans l’esprit de la cuisine d’antan, j’ai choisi une recette de chaque type pour agrémenter mon gâteau : la garniture à la crème montagnarde pour fourrer le gâteau – et produire le tourbillon « enneigé » –, et le glaçage au fudge pour le recouvrir.

Un contour bleu indique les recettes de garniture à la crème montagnarde et de glaçage au fudge choisies pour le roulé au chocolat enneigé.

Page de recettes de glaçages et de garnitures du livret Alberta Sugar Makes Delicious Things to Eat. (OCLC 1007785982)

Dans les deux cas, j’ai été agréablement surprise par la quantité de détails fournis pour me guider dans les recettes que j’avais l’intention d’entreprendre. On me donnait non seulement la température du four, mais aussi le temps de cuisson! La seule chose qui manquait était une indication en degrés Fahrenheit ou Celsius du stade de la « boule molle », mais mon thermomètre à bonbons bien pratique m’a permis de combler cette lacune (la réponse est environ 240 °F ou 115 °C). J’étais donc prête à me lancer dans l’aventure!

J’ai commencé par rassembler tous les ingrédients.

Trois photos côte à côte des ingrédients nécessaires aux trois recettes : le sucre, la farine, le cacao, les œufs, le lait, etc.

Tous les ingrédients nécessaires pour réaliser le roulé au chocolat enneigé (image de gauche), le glaçage au fudge (image du milieu) et la garniture à la crème montagnarde (image de droite). Crédit photo : Ariane Gauthier.

J’ai décidé de commencer par le roulé au chocolat, car il avait besoin de temps pour refroidir, ce qui me permettrait de préparer la garniture et le glaçage. La première étape a consisté à tamiser à trois reprises tous les ingrédients secs. Ensuite, j’ai séparé les jaunes des blancs d’œufs et j’ai monté les blancs en neige. C’est là que j’ai fait une petite incartade : au lieu d’incorporer le sucre aux blancs d’œufs après les avoir fouettés, je l’ai incorporé pendant que je les fouettais, car cela permet de leur donner plus de volume.

Quatre photos des étapes à suivre pour réaliser le roulé au chocolat.

J’ai cassé soigneusement les quatre œufs en me servant des coquilles pour séparer les jaunes des blancs. Une fois cela accompli, j’ai fouetté les blancs d’œufs au batteur électrique avec le sucre jusqu’à ce qu’ils forment des pics mous. Crédit photo : Dylan Roy.

J’ai ensuite commis une petite erreur : j’ai mélangé les jaunes d’œufs et la vanille aux ingrédients secs plutôt qu’au mélange de blancs d’œufs montés en neige. Cela a fini par annuler le tamisage des ingrédients secs, mais voici comment j’ai remédié à cette situation : j’ai ajouté environ la moitié du mélange de blancs d’œufs et j’ai mélangé le tout vigoureusement jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de grumeaux. Cela a eu pour effet d’annuler le montage des blancs en neige, dont le but était d’obtenir une préparation aérée et légère pour le gâteau. Cependant, comme je n’ai utilisé qu’une partie du mélange de blancs d’œufs, j’ai pu incorporer délicatement ce qui restait et conserver une partie de la légèreté que j’avais obtenue en battant les blancs d’œufs.

Six photos côte à côte de tous les ingrédients incorporés dans un bol pour faire le roulé au chocolat.

Voici comment j’ai annulé l’effet du tamisage des ingrédients secs en y ajoutant prématurément certains des ingrédients humides. De gauche à droite, l’ordre dans lequel j’ai mélangé les ingrédients secs et humides. Les deux dernières images montrent comment j’ai réussi à récupérer le mélange : j’ai mis la moitié du mélange de blancs d’œufs dans les ingrédients secs et j’ai mélangé vigoureusement jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de grumeaux, puis j’ai incorporé délicatement ce qui restait. Crédit photo : Ariane Gauthier.

Une fois cette étape réalisée, on doit verser le mélange sur une plaque de cuisson avec rebords pour faire cuire le gâteau. Le gâteau peut sembler un peu mince au début, mais il faut se rappeler qu’il sera roulé. Je l’ai donc mis au four à 400 °F pendant 13 minutes. Il ne restait plus qu’à le garnir et à le décorer!

Chaque recette ancienne présente un nouveau défi, qui m’oblige à faire quelque chose que je n’avais encore jamais fait. Dans ce cas-ci, je n’avais jamais utilisé de thermomètre à bonbons, bien que j’en possède un depuis des années. C’est à la fois complexe et stressant, mais dans une telle situation, il vaut mieux faire confiance au processus et croire que l’entreprise Canadian Sugar Factories savait ce qu’elle faisait dans les années 1930!

Deux images côte à côte d’un thermomètre pour la préparation de la garniture à la crème montagnarde et du glaçage au fudge. Une troisième image montre le glaçage au fudge mélangé à l’aide d’un fouet.

Utilisation d’un thermomètre à bonbons pour réaliser la garniture à la crème montagnarde et le glaçage au fudge. Dans les deux cas, j’ai dû tenir le thermomètre, car l’extrémité ne devait pas toucher le fond du chaudron, sous peine de donner une fausse indication de la température. Dans les deux cas, la vapeur produite par les deux mélanges a nui à la lecture du thermomètre, ce qui a rendu encore plus difficile ce qui constituait déjà un défi. Crédit photo : Dylan Roy.

J’ai le regret de dire que je n’ai pas très bien réussi ma garniture à la crème montagnarde. Je ne sais pas si je l’ai retirée du feu trop tôt ou si j’ai simplement laissé trop d’eau s’évaporer, mais je me suis retrouvée avec une garniture sèche et friable qui ne s’étalait pas bien du tout. Malgré tout, la garniture avait plutôt bon goût.

En comparaison, je m’en suis sortie beaucoup mieux avec le glaçage au fudge, car j’avais déjà appris de mes erreurs. J’avoue cependant avoir été désagréablement prise de court par deux ingrédients non mentionnés dans la liste : le beurre et la vanille. Je conseille aux personnes qui tentent cette recette d’avoir les deux ingrédients, déjà mesurés, à portée de main.

Treize minutes plus tard, le gâteau à rouler était prêt. Là encore, je dois admettre que je me suis écartée des instructions. J’avais déjà réalisé des bûches de Noël, et les instructions étaient très claires : enrouler immédiatement le gâteau plat dans un linge à vaisselle propre saupoudré de sucre en poudre et laisser refroidir. Ne pas ajouter la garniture immédiatement, car la chaleur du gâteau la fera fondre. On n’obtiendra alors qu’une masse gluante! J’ai donc misé sur mon expérience et j’ai attendu que le gâteau refroidisse avant d’y étaler la garniture.

Sept photos des étapes requises pour rouler le gâteau, le garnir de crème montagnarde et le recouvrir de glaçage au fudge.

Le gâteau est roulé et la garniture et le glaçage y sont ajoutés. Il est plus facile qu’on ne le pense de rouler le gâteau; la difficulté consiste à savoir combien de temps il faut le laisser refroidir. Je l’ai laissé un peu trop sécher, mais la beauté du glaçage, c’est qu’il masque les fissures! Crédit photo : Dylan Roy.

L’astuce pour réussir ce genre de gâteau consiste à le laisser refroidir suffisamment pour ne pas faire fondre le glaçage, mais pas trop non plus pour éviter qu’il se dessèche. Malheureusement pour moi, j’ai attendu un peu trop longtemps et le gâteau s’est quelque peu fissuré lorsque je l’ai déroulé. J’ai étalé un peu de garniture pour colmater les fissures et j’ai heureusement pu recouvrir le reste de glaçage au fudge. Comme on le dit si bien : ni vu ni connu!

Deux photos côte à côte d’une coupe transversale du roulé au chocolat enneigé.

Coupe transversale du roulé au chocolat enneigé. Comme vous pouvez le constater, je n’avais pas assez de garniture à la crème montagnarde pour remplir complètement l’intérieur. Crédit photo : Ariane Gauthier.

Alors, qu’en pensez-vous?

Je peux vous dire que le gâteau avec sa garniture et son glaçage était délicieux! Je l’ai apporté au bureau et mes collègues ont été agréablement surpris. Tout le monde était plus ou moins d’accord pour dire que la meilleure partie était le glaçage au fudge – il aurait presque pu constituer un dessert à lui tout seul!

Si vous essayez cette recette, n’hésitez pas à partager les photos de vos résultats avec nous en utilisant le mot-clic #CuisinezAvecBAC et en étiquetant nos médias sociaux : FacebookInstagramX (Twitter)YouTubeFlickr et LinkedIn.


Traduction du texte des recettes :

Gâteau roulé au chocolat enneigé

  • 6 cuillères à soupe de farine à gâteaux
  • 6 cuillères à soupe de cacao en poudre
  • 1/2 cuillère à thé de poudre à pâte
  • 1 cuillère à thé de vanille
  • 1/4 cuillère à thé de sel
  • 3/4 tasse de sucre de l’Alberta tamisé
  • 4 blancs d’œufs, battus jusqu’à consistance ferme
  • 4 jaunes d’œufs, bien battus

Tamiser la farine une première fois, mesurer, ajouter le cacao, la poudre à pâte et le sel, puis tamiser le tout trois fois. Incorporer le sucre aux blancs d’œufs, une petite quantité à la fois, en pliant. Ajouter les jaunes d’œufs et la vanille. Incorporer la farine graduellement. Verser le mélange sur une plaque de cuisson de 13,5 po sur 8,5 po, tapissée de papier graissé, puis cuire au four préchauffé à 400 °F pendant 13 minutes. Retourner d’un coup sur un linge soupoudré de sucre en poudre. Retirer le papier. Couper et retirer rapidement le contour sec du gâteau. Étendre la garniture sept-minutes sur le gâteau, puis rouler. Envelopper dans le linge jusqu’à ce que le tout ait refroidi. Recouvrir de crème fouettée ou de glaçage au chocolat.

Garniture à la crème montagnarde

  • 1 tasse de sucre de l’Alberta
  • 1/3 tasse d’eau
  • 1/8 cuillère à thé de crème de tartre
  • 1 blanc d’œuf
  • Arôme [au choix]

Faire bouillir les 3 premiers ingrédients jusqu’au stade de « boule molle ». Verser lentement sur le blanc d’œuf battu, ajouter l’arôme et battre jusqu’à consistance assez épaisse pour pouvoir étendre. Des noix, des dattes, etc. peuvent être ajoutés à une partie du mélange si on l’emploie comme garniture.

Glaçage au fudge

  • 1 tasse de sucre de l’Alberta
  • 1/8 cuillère à thé de crème de tartre
  • 1/3 tasse de lait
  • 2 onces de chocolat

Faire bouillir tous les ingrédients mélangés, jusqu’au stade de « boule molle ». Ajouter 2 cuillères à soupe de beurre et 1 cuillère à thé de vanille. Laisser refroidir. Battre jusqu’à consistance assez épaisse pour pouvoir étendre.


Pour d’autres recettes d’antan, consultez les liens suivants :


Ariane Gauthier est archiviste de référence à la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.

Biscuits aux patates de 1917 : Comment la ménagère peut aider à préserver les stocks de blé du pays

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Bannière Cuisinez avec Bibliothèque et Archives CanadaPar Ariane Gauthier

Le Canada entre dans la Première Guerre mondiale le 4 août 1914, aux côtés de la Grande-Bretagne et de son empire. La guerre de mouvement qui oppose la Triple Alliance à la Triple Entente se transforme rapidement en guerre de tranchées. À partir de 1915, une véritable guerre d’usure se déroule sur le continent européen et dans le bassin méditerranéen.

En Europe, la dévastation des campagnes et l’arrivée d’une foule immense de soldats venus du monde entier compliquent l’approvisionnement en nourriture. La Grande-Bretagne mobilise rapidement les ressources de son empire afin d’appuyer son effort de guerre. Au Canada, les produits agricoles et industriels sont envoyés aux troupes outre-mer. Mais ces efforts ne suffisent pas et, bien vite, tous les ordres de gouvernement cherchent à accroître leur aide, allant jusqu’à rationner des ressources essentielles.

Au début de la troisième année du conflit, les provisions de blé s’épuisent. Prévoyant un rationnement, le ministère ontarien de l’Agriculture publie en août 1917 le livret War Breads: How the Housekeeper May Help to Save the Country’s Wheat Supply. On y affirme notamment que chaque livre de farine économisée donne plus de pain à l’armée. On admet cependant que les substituts de farine de blé proposés ne donnent pas toujours du pain ou des biscuits savoureux. Si ces pains de qualité inférieure ne sont pas au goût de tous, ils ont au moins l’avantage d’être plus sains que le pain blanc.

Page couverture d’un livret avec des photos de plusieurs sortes de pains.

Page couverture du livret War Breads: How the Housekeeper May Help to Save the Country’s Wheat Supply (OCLC 1007482104).

Intriguée par ce livret plutôt particulier, j’ai choisi une recette qui me donnerait une idée des efforts consentis par les ménagères au nom du patriotisme : des biscuits faits avec des patates. J’étais optimiste puisque j’avais déjà mangé et bien aimé des pains et des beignes aux pommes de terre.

La liste d’ingrédients et les instructions pour préparer la recette.

Recette de biscuits aux patates tirée du livret War Breads: How the Housekeeper May Help to Save the Country’s Wheat Supply (OCLC 1007482104).

Je n’ai rien remarqué d’anormal en survolant la liste d’ingrédients. Quand j’ai commencé la préparation, toutefois, la quantité dérisoire de sucre (½ cuillère à soupe) et de beurre (1 cuillère à soupe) m’ont portée à croire que les biscuits seraient fades ou auraient un goût de levure très prononcé. Ce n’était pas étonnant toutefois, car pendant la guerre le rationnement ne touchait pas seulement la farine de blé.

De la levure, trois pommes de terre, du beurre, un œuf, du lait, du sucre et de la farine.

Les ingrédients de la recette de biscuits aux patates. Photo : Ariane Gauthier

J’ai commencé par rassembler les ingrédients. Bizarrement, la recette recommande de cuire et non de faire bouillir les pommes de terre. C’est peut-être pour contrôler le niveau d’humidité? Quoi qu’il en soit, je les ai mises au four de 45 à 60 minutes à 400 °F, jusqu’à ce qu’une fourchette s’insère facilement.

Photo du dessus : trois pommes de terre sur une plaque couverte de papier parchemin, dans un four. Photo du dessous : des pommes de terre pilées grossièrement, dans un bol.

Les pommes de terre cuites au four, puis pelées et pilées. Photos : Ariane Gauthier

L’étape suivante était la préparation du mélange à levure. Comme je n’ai pas trouvé de levure fraîche (yeast cake, dans la recette originale en anglais), je me suis tournée vers la levure sèche. J’ai mélangé le lait tiède, la levure et un peu de farine, puis j’ai réservé le mélange pour qu’il lève.

Le mélange dans un bol de cuisson.

Le mélange de levure, de farine et de lait. On remarque la mousse et les bulles formées par la levure qui s’active. Photo : Ariane Gauthier

J’ai pilé les patates et ajouté le sel, le sucre, le beurre et du lait bouillant, jusqu’à ce que le mélange soit lisse. J’ai ensuite ajouté le mélange à levure, l’œuf et le reste de la farine. Le four avait alors suffisamment refroidi pour que je puisse y laisser la pâte reposer et lever.

Les étapes du mélange des ingrédients pour former la pâte.

Préparation de la pâte à biscuits aux patates. J’ai vigoureusement mélangé les ingrédients à chaque étape pour que le tout soit homogène. Photos : Ariane Gauthier

Je ne m’attendais pas du tout à ce que la pâte soit si collante en raison de la proportion des ingrédients secs par rapport aux ingrédients humides. Ayant bien lu l’avertissement dans la recette, j’ai évité de manipuler la pâte. J’ai donc utilisé des cuillères pour verser le mélange dans un moule à muffins beurré.

Les quatre étapes pour le mélange et le transfert de la pâte, dont le prélèvement d’une partie de la pâte levée dans une cuillère, et le versement de la pâte dans un moule à muffins.

La pâte, avant et après avoir levé pendant quelques heures dans un endroit chaud. Comme la recette l’indique, la pâte était bien trop collante pour être façonnée avec les mains. Photos : Ariane Gauthier

Comme c’est souvent le cas avec les vieilles recettes, la température de cuisson n’est pas précisée. J’ai mis le four à 400 °F et surveillé la cuisson attentivement pendant 15 à 20 minutes, jusqu’à ce que la pâte soit dorée.

Quatre biscuits aux patates dans une assiette. Le premier est garni de confiture de fraises, un autre est farci de baies, et les deux autres sont nature.

Les biscuits aux patates, cuits. Celui de gauche est garni de confiture. J’ai ajouté des baies dans un autre avant la cuisson. Photo : Ariane Gauthier

Et voilà le résultat! Qu’en pensez-vous?

La forte odeur de levure m’a frappée dès que j’ai sorti les biscuits du four. Quant à la saveur, elle est extraordinairement fade. Heureusement, la confiture de fraises traditionnelle que j’avais chez moi a sauvé la mise (un grand merci à mes parents!), car ces biscuits ne semblent pas conçus pour être dégustés nature.

Comme d’habitude, j’ai offert des biscuits à mes collègues pour avoir leur avis. C’est la première fois qu’une de mes recettes polarise autant l’opinion! Personne n’est resté indifférent : on aime ces biscuits ou on les déteste.

Si vous avez le goût de l’aventure, ou si vous voulez juste goûter une tranche d’histoire, je vous recommande d’essayer ces biscuits aux patates. Mais n’oubliez pas la confiture!

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Autres ressources


Ariane Gauthier est archiviste de référence à la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.

Pain au fromage et aux noix de 1924

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Bannière Cuisinez avec Bibliothèque et Archives CanadaPar Ariane Gauthier

Le livret Mangeons du fromage canadien : Recettes et menus a été publié par le ministère de l’Agriculture en 1924. Il met en valeur les aspects sains, nutritifs et économiques du fromage, en particulier le fromage québécois. Bien sûr, les connaissances sur la valeur nutritionnelle de cet aliment ont beaucoup évolué depuis. À l’époque, le livret affirmait : « Il n’y a point de repas où le fromage n’aît [sic] sa place avec profit, et celui qui va à son travail fortifié par cet aliment nutritif accomplira avec le même entrain la même somme d’ouvrage que s’il avait pris un copieux repas à base de viande. »

J’ai trouvé cet ouvrage dans notre outil en ligne Recherche dans la collection plutôt que dans notre catalogue Aurora. J’espérais ainsi dénicher quelque chose d’un peu plus personnalisé; par exemple, une recette de famille glissée dans une lettre archivée! C’est alors que j’ai découvert un dossier du ministère de l’Agriculture portant sur l’exportation du fromage canadien. Surprise : il dissimulait le livret Mangeons du fromage : Recettes et menus, en français et en anglais.

Page couverture d’un livret avec l’inscription "Mangeons du fromage : Recettes et menus".

Page couverture du livret Mangeons du fromage : Recettes et menus, publié en 1924 (OCLC 937533172). Image courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

(Finalement, on peut aussi trouver ce livret dans Aurora, OCLC 937533172. C’est la voie d’accès la plus simple.)

Ce tout petit ouvrage était coincé au milieu d’une pile d’entretiens, de comptes rendus économiques et d’enveloppes de photos portant sur le fromage canadien entre 1920 et 1924. Il a tout de suite piqué ma curiosité.

Mais cela ne m’a pas empêchée de lire tout le dossier. Ainsi, j’ai appris qu’à l’époque, l’industrie des produits laitiers était assez instable au Canada. L’exportation en Grande-Bretagne demeurait bonne (surtout pour le fromage) grâce à une prime particulièrement généreuse, mais la consommation de fromage déclinait. Les Britanniques – nos plus grands acheteurs – ne favorisaient plus autant cet aliment, et les Canadiens non plus.

Au ministère de l’Agriculture et parmi les producteurs, l’inquiétude régnait : le Canada perdrait-il sa place à l’international? C’est dans ce contexte que Mangeons du fromage canadien a été conçu.

J’ai feuilleté le livret en quête d’une recette. Mon seul critère : trouver quelque chose d’inédit. J’ai donc jeté mon dévolu sur une recette de pain au fromage et aux noix.

Texte présentant les ingrédients et les étapes de la recette de pain au fromage et aux noix.

Photo de la recette du pain au fromage et aux noix (OCLC 937533172). Image courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

J’ai commencé par rassembler les ingrédients, prenant bien soin de choisir un fromage canadien. Mon choix s’est porté sur un cheddar local, fabriqué près d’Ottawa.

Ingrédients utilisés pour la recette de pain au fromage et aux noix : pâte de tomates, sauce piquante, fromage cheddar, chapelure, huile d’olive, citron, poivre, sel et noix. (L’oignon ne figure pas sur la photo.)

Les ingrédients de la recette. Image courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

La recette demandait une tasse de mie de pain. Ça m’a semblé bizarre; j’ai regardé le livret en anglais pour comparer. À ma grande surprise, Cheese Recipes for Every Day présentait des recettes complètement différentes. Aucune trace de recette de pain au fromage et aux noix! Pour ne pas gaspiller un bon pain, j’ai choisi d’y substituer de la chapelure.

Première constatation : l’absence d’instructions. On présente les ingrédients, puis on dit simplement de mettre le tout dans un moule bien graissé et de « rôtir au four doux ».

Ingrédients côte à côte dans un bol : du fromage cheddar, des noix, de la pâte de tomates, des oignons, de la sauce piquante et de la chapelure.

Les ingrédients dans un bol. La recette ne dit pas de les mélanger, mais on devine que c’était l’intention. Image courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

Bref, on semble faire appel au gros bon sens du lecteur. J’ai donc bien mélangé le tout. Le résultat était assez sec, sans doute en raison de la chapelure. J’ai rajouté un peu d’eau, mais ça n’a guère aidé. Je m’en suis toutefois tenue à cela, n’osant pas trop modifier la recette.

Trois plans rapprochés, côte à côte, montrant le mélange des ingrédients et le transfert dans un plat de cuisson.

Assemblage et mélange des ingrédients. Le résultat est plus ou moins homogène. Image courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

J’ai ensuite versé le mélange dans un moule bien graissé, dont j’avais recouvert le fond de papier parchemin pour faciliter le démoulage. Aucune température de cuisson n’étant précisée, j’ai décidé d’enfourner le tout à 400 oF tout en gardant un œil sur le pain. Au bout d’une quinzaine de minutes, il avait pris une belle coloration et dégageait une odeur de grillé; je l’ai retiré du four. Voici le résultat :

Pain au fromage et aux noix sur une planche de bois.

Le pain au fromage et aux noix de 1924, qui tient de justesse en un morceau. Image courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

Le pain tenait de justesse; il était visiblement très sec. Il n’a d’ailleurs pas survécu au trajet entre mon domicile et le 395, rue Wellington, se transformant en une espèce de pâté. Malgré tout, je crois que mes collègues ont apprécié son petit goût surprenant, que je comparerais à celui de boulettes à spaghetti sans viande.

Qu’en pensez-vous?

Si c’était à refaire, je sacrifierais un bon pain pour en retirer la mie : elle absorberait sûrement mieux le mélange que la chapelure. Je prendrais aussi un fromage local avec un taux d’humidité plus élevé.

Si vous essayez cette recette, n’hésitez pas à partager les photos de vos résultats avec nous en utilisant le mot-clic #CuisinezAvecBAC et en étiquetant nos médias sociaux : FacebookInstagramX (Twitter)YouTubeFlickr et LinkedIn.

Autres ressources :


Ariane Gauthier est archiviste de référence à la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.

Des choux à la crème de 1898

English version

Bannière Cuisinez avec Bibliothèque et Archives CanadaPar Ariane Gauthier

The New Galt Cook Book (1898) est une édition révisée d’un livre populaire au Canada anglais, surtout aux environs de Galt, dans le Sud-Ouest de l’Ontario. Les éditeurs auraient soi-disant envoyé des exemplaires du livre en Chine, en Égypte, en Inde, en Afrique du Sud, en Australie et aux États-Unis. Comme bon nombre d’anciens livres de cuisine, ce recueil présentait des recettes, des suggestions visant à simplifier le travail ménager ainsi qu’une liste de remèdes pour les maladies courantes.

Vous pouvez consulter ce livre en ligne dans le catalogue des collections publiées de Bibliothèque et Archives Canada, Aurora : OCLC 1049883924.

En tant que cuisinière amatrice qui s’intéresse aux vieilles recettes et à l’histoire de la cuisine, j’ai décidé de mettre mes compétences à l’épreuve en essayant de préparer des choux à la crème. Pour voir la dernière recette d’antan que j’ai préparée, consultez mon billet de blogue Une tarte à la citrouille de 1840.

Il est intéressant de savoir que le format des recettes aussi vieilles que celle-ci diffère grandement de celui des recettes modernes. Un peu comme dans La cuisinière canadienne, un livre de cuisine de langue française publié en 1840, les recettes sont classées par type de plats. Au début de chaque section, on retrouve un texte qui explique les principes de base de chaque type de recettes. Les auteures Margaret Taylor et Frances McNaught ont décidé de classer leur recette de choux à la crème dans la section Biscuits.

Page du livre The New Galt Cook Book présentant la recette de choux à la crème suivie de deux autres recettes.

Page 354 du livre The New Galt Cook Book par Margaret Taylor et Frances McNaught, Toronto : G. J. McLeod, 1898 (OCLC 5030366).

Durant la cinquantaine d’années qui s’est écoulée entre la publication de La cuisinière canadienne et celle de The New Galt Cook Book, la cuisine canadienne a beaucoup évolué. On peut d’ailleurs le remarquer dans la liste d’ingrédients. La recette de choux à la crème nécessite de la farine, du beurre et des œufs pour créer la pâte, puis de la farine ou de la fécule de maïs, du lait, du sucre et d’autres œufs pour préparer la garniture. À la dernière ligne de la recette, on suggère d’ajouter du citron ou de la vanille pour aromatiser la crème.

J’aimerais attirer votre attention sur deux choses. La première concerne l’utilisation de sucre granulé, un ingrédient que ne pouvaient pas se permettre les classes inférieures, car les droits d’importations en gonflaient le prix. Dans mon article de blogue sur la tarte à la citrouille de 1840, je mentionne que La cuisinière canadienne proposait plusieurs édulcorants de remplacement, y compris du sirop et de la mélasse. Il s’agissait des principaux édulcorants que les cuisiniers canadiens utilisaient dans les années 1800, jusqu’à ce que la Tariff Act de 1885 entre en vigueur et élimine les droits d’importation sur le sucre de canne. Au cours des cinq années suivantes, le coût du sucre est progressivement devenu comparable à celui du sirop et de la mélasse. Après 1890, le sucre est devenu l’édulcorant le plus populaire, car il s’agissait de l’option la moins chère.

Le deuxième élément d’intérêt concerne l’utilisation du citron comme substance aromatisante. Dans mon article sur la recette de tarte à la citrouille, je mentionne que La cuisinière canadienne suggère d’utiliser du zeste d’orange dans la garniture à la citrouille. Il s’agit d’une suggestion un peu étrange, car à l’époque, les oranges n’étaient pas importées partout au Canada comme c’est le cas aujourd’hui. Or, La cuisinière canadienne a été publié à Montréal, qui était alors le principal port commercial du Canada, ce qui explique le choix de cet ingrédient, plus facile à trouver dans cette ville. À titre de comparaison, Toronto commençait alors tout juste à se développer. Durant les 50 ans qui ont suivi la publication de La cuisinière canadienne, Toronto est devenue une métropole, notamment grâce au développement ferroviaire reliant la ville aux villes nord-américaines importantes, comme Montréal et New York. L’ajout progressif d’autres lignes de chemin de fer à Toronto a entraîné une diversification des activités commerciales de la ville. Dans ce cas-ci, le citron comme substance aromatisante témoigne du développement global de Toronto et du Canada. On peut donc en conclure que l’amélioration des technologies de transport a permis aux Canadiens qui résidaient au centre du pays de trouver plus facilement du citron, car ce fruit pouvait maintenant parcourir de grandes distances pour atteindre des endroits où le climat n’en permettait pas la production locale.

En gardant à l’esprit ces faits intéressants, j’ai réuni les ingrédients nécessaires et me suis mise au travail.

Des œufs, de l’extrait de vanille, du lait, du sucre, de la margarine et du citron.

Ingrédients de la recette. Courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

J’ai commencé par la pâte à choux. Heureusement, contrairement à la recette de tarte à la citrouille, j’ai eu à formuler beaucoup moins de suppositions cette fois-ci, car le livre The New Galt Cook Book donne des mesures assez précises : « Une tasse et demie de farine, deux tiers de tasse de beurre, un demiard d’eau bouillante. Faire bouillir le beurre et l’eau ensemble, puis incorporer la farine pendant que le mélange continue de bouillir. Lorsque le mélange est refroidi, ajouter cinq œufs battus; déposer sur une plaque, puis faire cuire pendant 30 minutes dans un four à cuisson rapide. »

Six photos montrant les étapes à suivre pour préparer la pâte : casser des œufs dans un bol, remuer la farine dans un autre bol, ajouter la farine au mélange d’eau et de beurre bouillant dans une casserole, mélanger les ingrédients qui se trouvent dans la casserole, ajouter les œufs battus à la pâte refroidie dans la casserole, puis mélanger la pâte dans la casserole.

Préparation de la pâte à choux comme décrite dans The New Galt Cook Book. Courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

Je devais ensuite former les choux sur une plaque à pâtisserie tapissée à l’aide d’une poche à douille. Puisque je n’avais pas de poche à douille, j’ai utilisé un sac réutilisable dont j’ai coupé l’extrémité. Pour transférer plus facilement la pâte dans le sac réutilisable, j’ai utilisé ma cafetière comme récipient. Comme je n’étais pas certaine de ce que les auteures voulaient dire par « four à cuisson rapide », j’ai réglé mon four à convection à 400 °F et, comme pour la tarte à la citrouille, j’ai utilisé mon nez et mes yeux pour déterminer la fin de la cuisson.

Trois photos qui montrent les étapes de formation des choux : remplir un sac réutilisable de pâte, pousser la pâte dans un coin du sac de manière à former une poche hermétique, puis former les choux sur une plaque à pâtisserie à l’aide de la poche à douille.

Formation des choux à l’aide d’une poche à douille. Courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

Après la stressante étape de préparation de la pâte à choux, j’ai commencé à préparer la crème. Comme j’avais déjà fait de la crème pâtissière, j’étais beaucoup plus confiante pour cette étape. Encore une fois, The New Galt Cook Book est précis : « Garniture à la crème – Une cuillerée à soupe de farine ou de fécule de maïs, un demi-litre de lait, une tasse de sucre, deux œufs. Battre les œufs, la farine et le sucre, puis incorporer le mélange au lait pendant qu’il bout. Lorsque le mélange est presque refroidi, aromatiser avec du citron ou de la vanille. »

Trois photos montrant les étapes de préparation de la garniture à la crème : verser le sucre dans le bol contenant le mélange d’œufs et de farine, verser le mélange dans une casserole contenant du lait, remuer la garniture dans la casserole.

Préparation de la garniture à la crème comme décrite dans The New Galt Cook Book. Courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

Si je me fie à mon expérience précédente, il faut faire attention au moment de verser le mélange d’œufs, de farine et de sucre dans le lait. Il vaut mieux tempérer le mélange en y ajoutant une petite quantité de lait bouillant d’abord, tout en fouettant vigoureusement. Cela permet d’élever graduellement la température du mélange et d’éviter de créer un choc thermique. Une fois que le mélange est incorporé au lait bouillant, il est important de fouetter constamment le mélange jusqu’à ce qu’il épaississe; autrement, vous vous retrouverez avec des œufs brouillés sucrés!

Pour ce qui est de la saveur, j’ai choisi de diviser la crème afin d’essayer l’extrait de vanille et le zeste de citron.

Pour terminer, The New Galt Cook Book ne mentionne pas comment assembler les choux. Le fait de savoir à quoi ressemble un chou à la crème s’est avéré très utile ici. Comme la pâte doit être remplie de crème, j’ai versé la crème dans un sac réutilisable dont j’ai coupé l’extrémité. Avant de remplir les choux de crème, j’ai fait une incision en X au bas de chaque chou afin de faciliter l’insertion du sac.

Une photo montrant le remplissage d’un chou et une photo montrant le produit final : un chou à la crème.

Un chou rempli de crème. Courtoisie de l’auteure, Ariane Gauthier.

Qu’en pensez-vous?

Je suis assez satisfaite de mes choux à la crème. Ils sont beaucoup plus légers que les choux à la crème contemporains et peuvent contenir une grande quantité de crème. Je les ai apportés à un rassemblement des services de référence, et mes collègues les ont bien aimés. Encore une fois, cela prouve que ces vieilles recettes peuvent résister au passage du temps!

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Autres ressources


Ariane Gauthier est archiviste de référence à la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.

Une tarte à la citrouille de 1840

English version

Bannière Cuisinez avec Bibliothèque et Archives CanadaPar Ariane Gauthier

La cuisinière canadienne, paru en 1840, est un des premiers livres de cuisine, peut-être même le tout premier, écrit et publié au Canada. Son auteur le destinait autant aux cuisiniers professionnels qu’au grand public. Ce livre marque le début de la cuisine canadienne-française proprement dite. Pour ce qui est du style et du contenu, il vise l’efficacité, cherchant à encourager « une sage économie domestique […] proportionnée aux moyens des familles Canadiennes [sic] ».

Ce livre est accessible en ligne par le biais du catalogue Aurora de Bibliothèque et Archives Canada (OCLC 1140071596). Vous n’avez qu’à cliquer sur le bouton « Accès en ligne » à droite de la page, dans la case « Options de retrait ».

La page titre de La cuisinière canadienne (OCLC 1140071596).

Pour accompagner l’ouvrage, j’ai trouvé très utile le compte rendu de Yannick Portebois sur La cuisinière canadienne (qui peut être lu gratuitement sur Érudit). Il aide à comprendre les mesures employées à l’époque et le langage technique qui n’est plus utilisé aujourd’hui. Il présente également le contexte historique dans lequel ce livre s’inscrit. C’était un moment clé pour la formation de l’identité culturelle québécoise, à cheval entre son passé français et la nouvelle réalité d’une population anglophone toujours grandissante. Yannick Portebois note la francisation de certains mots anglais ainsi que l’emploi de termes bourgeois qui marqueront entre autres le vocabulaire de la cuisine québécoise naissante.

Le défi

À titre de cuisinière amateure, j’ai décidé de relever le défi de cuisiner une recette d’antan proposée dans ce livre.

Ce qu’il faut d’abord comprendre, c’est que les recettes d’autrefois, surtout celles qui remontent au milieu du 19e siècle, ne sont pas rédigées comme dans les livres actuels. Il n’y a pas de listes complètes des ingrédients, les quantités sont approximatives et les recettes sont présentées sous forme de texte suivi. La cuisinière canadienne fournit des ingrédients de substitution, au besoin. Le but n’était pas de créer des recettes comme le désirent les lecteurs d’aujourd’hui, mais de communiquer les principes de base afin que les cuisiniers puissent se débrouiller seuls. D’une certaine manière, La cuisinière canadienne établit la destination, mais c’est à nous de choisir le chemin pour y arriver, c’est-à-dire les ingrédients, les quantités et la technique.

Trois pages du livre La cuisinière canadienne qui expliquent certains termes de cuisine.

Les pages de La cuisinière canadienne qui m’ont été les plus utiles dans la préparation de ma recette (OCLC 1140071596).

Mon premier défi était de composer la recette puisque La cuisinière canadienne ne fournit aucune recette complète de tarte à la citrouille. Le chapitre X contient une recette de pâte à tarte (ou pâte brisée) n’offrant que l’indication vague d’y ajouter de la confiture de notre choix pour cuisiner une tarte.

Pour ce faire, il fallait lire le chapitre XI sur les confitures. Originellement, j’espérais faire une bonne tarte au sucre, mais La cuisinière canadienne ne donne aucune recette de sucre à la crème ou de garniture à l’érable. Je me suis donc contentée d’une tarte à la citrouille, un bon remplacement à mes yeux.

Lait d’amandes, courge, oranges, beurre, farine, sirop d’érable, tasse à mesurer, moule à tarte et rouleau à pâte.

Ingrédients et matériel utilisés par l’auteure pour faire la tarte à la citrouille du livre La cuisinière canadienne. Crédit : Ariane Gauthier.

Une fois la recette composée, il fallait réunir les ingrédients. La pâte à tarte nécessitait de la farine, du beurre (fondu) et du lait (chaud). La cuisinière canadienne indique de mélanger le tout jusqu’à l’obtention d’une pâte. À défaut d’informations plus spécifiques, je me suis fiée à mes connaissances. Dans les recettes que j’ai suivies antérieurement, les pâtes à tarte étaient très sèches. Donc, à une tasse de beurre fondu et une tasse de lait chaud, j’ai ajouté de la farine jusqu’à l’obtention d’une pâte sèche.

J’avoue ne pas avoir mesuré la quantité. L’idée est que la pâte doit à peine tenir ensemble.

Ensuite, j’ai travaillé la pâte pour que le tout soit bien incorporé. Je l’ai laminée, c’est-à-dire que je l’ai aplatie avec un rouleau avant de la replier sur elle-même, et j’ai répété la manœuvre encore et encore jusqu’à ce que la pâte devienne lisse et uniforme. Après quoi, j’ai délicatement déposé la pâte dans un moule à tarte et découpé l’excès. D’habitude, il faut perforer la pâte pour s’assurer qu’elle ne gonfle pas et la cuire un peu pour éviter que la garniture ne la détrempe. C’est ce que j’ai fait avant de la mettre au four pendant cinq minutes à 350 °F.

Sirop d’érable, courges coupées en dés et pelures d’orange dans un chaudron sur le feu.

Assemblage des ingrédients pour la confiture à la citrouille. Il faut faire bouillir des cubes de citrouille dans du sirop avec de la pelure d’orange pendant trois heures. Crédit : Ariane Gauthier.

Entre-temps, j’ai suivi les indications de La cuisinière canadienne pour une confiture à la citrouille. En gros, je devais faire mariner de la citrouille dans une quantité égale de sirop (ou de mélasse) pendant trois heures. Je pouvais aussi ajouter de la pelure d’orange ou de citron pour enrichir le goût. Malheureusement, comme ce n’était pas la saison des citrouilles à tartes, je me suis contentée d’une courge. J’ai choisi du sirop d’érable, car c’était l’option abordable pour les cuisiniers de l’époque. Ce n’est qu’après 1885 et l’adoption de la Tariff Act que le sirop d’érable est devenu un produit de luxe, le prix du sucre de canne ayant soudainement chuté. Dans les années qui ont suivi, des lois et mesures protégeant l’industrie des produits d’érable et la pureté de la qualité ont également eu des répercussions sur le prix du sirop.

Grâce aux avancées technologiques survenues depuis la publication de La cuisinière canadienne, je n’ai eu qu’à attendre à peu près une heure et demie avant que la courge soit tendre. J’ai malaxé le tout pour obtenir une confiture plus uniforme, gardant la pelure d’orange pour le goût. C’était pour le meilleur ou pour le pire, selon les goûts, car ce choix a fait en sorte que la tarte goûtait plus l’orange qu’autre chose. Mise en garde pour les braves qui vont tenter de cuisiner leur propre tarte à la citrouille de 1840 : il vaut peut-être mieux enlever les pelures!

Trois photos démontrant l’assemblage de la tarte : le plat avec la pâte seulement, la garniture versée sur la pâte et le plat final avant la cuisson.

Assemblage de la tarte. Une fois que la pâte a été précuite pendant quelques minutes, on y ajoute la confiture à la citrouille et on remet le tout au four pour terminer la cuisson. Crédit : Ariane Gauthier.

Enfin, j’ai versé la confiture sur la pâte et j’ai mis la tarte au four, toujours à 350 °F. Pour savoir quand la pâte était cuite, je me suis fiée à mon nez et mes yeux. Voici le résultat final. Qu’en pensez-vous?

Photo de la tarte qui vient de sortir du four. Des feuilles, une plume, un livre et les mots BAC et LAC en pâte sont posés sur le dessus de la tarte.

La tarte une fois cuite. Après son passage aux Services de référence le lendemain, il n’en restait plus une miette. Crédit : Ariane Gauthier.

Mes collègues l’ont manifestement aimée, surtout mon superviseur qui en a pris trois pointes. Cette recette, bien que très différente de nos recettes contemporaines, semble toujours appréciée!

The New Galt Cook Book – 1898

Page couverture avec le titre The new Galt cook book et une illustration d’une femme avec un tablier tenant un plat contenant de la nourriture.

Page couverture du livre de cuisine The new Galt cook book (OCLC 1049883924).

Bien que j’aie traité d’une recette tirée de La cuisinière canadienne, son équivalent canadien anglais est également digne de mention. The new Galt cook book était un incontournable dans les cuisines canadiennes-anglaises. C’est une nouvelle édition d’un livre populaire, surtout aux environs de Galt, dans le sud-ouest de l’Ontario. Les éditeurs affirmaient que des exemplaires du livre ont été envoyés en Chine, en Égypte, en Inde, en Afrique du Sud, en Australie et aux États-Unis. Comme plusieurs anciens livres de cuisine, ce recueil présente des recettes, des suggestions visant à simplifier le travail ménager et une liste de remèdes pour les maladies courantes.

Si vous tentez votre chance avec la tarte à la citrouille de 1840 ou toute autre recette de La cuisinière canadienne, n’hésitez pas à partager vos résultats sur les comptes de médias sociaux de Bibliothèque et Archives Canada : Facebook, Instagram, X (Twitter), YouTube, Flickr ou LinkedIn, en utilisant le mot-clic #CuisinezAvecBAC et en étiquetant nos médias sociaux.

Autres ressources de Bibliothèque et Archives Canada


Ariane Gauthier est archiviste de référence au sein de la Direction générale de l’accès et des services à Bibliothèque et Archives Canada.