Par Sara Chatfield
Cet article renferme de la terminologie et des contenus à caractère historique que certains pourraient considérer comme offensants, notamment au chapitre du langage utilisé pour désigner des groupes raciaux, ethniques et culturels. Pour en savoir plus, consultez notre Mise en garde — terminologie historique.
J’ai un aveu à vous faire : ce que je préfère dans les recensements, ce sont les instructions aux commissaires et énumérateurs. J’ai d’ailleurs abordé cette question dans un billet de blogue sur le recensement de 1926. Quand j’ai appris que celui de 1931 allait paraître, je me suis tout de suite demandé quelles nouvelles questions avaient été posées cette année-là. J’ai eu de la chance : j’ai trouvé une mine de renseignements dans un document de 118 pages numérisé par Statistique Canada.

Page couverture des instructions aux commissaires et énumérateurs (OCLC 988695501)
Comme l’indique la page titre, il s’agit des instructions données par le Bureau fédéral de la statistique (l’ancêtre de Statistique Canada) aux commissaires et énumérateurs pour réaliser le septième recensement du Canada, en 1931.
La première section, de nature administrative, s’intitule « Stipulations générales »; elle porte sur l’emploi des énumérateurs qui réalisent le recensement de 1931. Y sont indiqués la date du début du recensement, la rémunération journalière des commissaires, les droits de l’énumérateur et la manière de réagir si quelqu’un refuse de répondre aux questions. En cas de refus de la part d’un répondant, l’énumérateur doit se souvenir que « son attitude dans toute circonstance doit être celle de la courtoisie et de la conciliation. Il ne doit jamais s’emporter, discuter ni menacer; on peut accomplir beaucoup par le tact et la persuasion. Bien des gens, après une nuit de réflexion, donneront le matin les renseignements refusés la veille. »
Un autre article des stipulations générales se lit comme suit : « Nul employé ne peut faire faire son travail par un autre. Il est défendu aux commissaires, recenseurs ou autres employés au recensement d’engager un remplaçant ou de faire faire leur travail par un autre. »

L’article 34 des stipulations générales indiquant aux commissaires et aux énumérateurs que « nul employé ne peut faire faire son travail par un autre » (OCLC 988695501)
Les stipulations générales sont intéressantes à plus d’un titre. En plus de donner un aperçu des conditions de travail des énumérateurs (les employés chargés de recueillir les renseignements du recensement) et des commissaires (les personnes qui forment les énumérateurs, les supervisent et vérifient leur travail), elles donnent des renseignements essentiels. Par exemple, on y apprend que : « Les Réserves Indiennes ne font pas partie d’un district de recensement; leur dénombrement se fait par des fonctionnaires du Ministère des Affaires Indiennes. » Cette information est très importante si vous cherchez des communautés ou des ancêtres autochtones.
La section suivante s’intitule « Instructions sur la formule de la population ». Les chercheurs y apprendront qui est considéré comme un membre de la famille ou non, et comment l’énumérateur consigne l’information donnée par le répondant. C’est bon à savoir si la famille qui vous intéresse comprend un étudiant, un visiteur, un domestique, un manœuvre, un marin ou un pêcheur parti en mer, un ouvrier de chemin de fer ou un travailleur dans un chantier de construction. Cette section explique aussi aux énumérateurs comment remplir chacune des colonnes, dont les colonnes 7 et 8 (Catégories de logements et Matériaux de construction).

Une partie des instructions indiquant comment l’information sur l’habitation et les matériaux de construction doit être inscrite dans le recensement (OCLC 988695501)
Comparativement aux instructions données pour le recensement de 1921, celles de 1931 fournissent plus de détails sur les personnes considérées comme des membres de la famille. On y trouve des options supplémentaires et des descriptions plus détaillées. De plus, une toute nouvelle colonne est ajoutée en 1931 pour déterminer combien de familles possèdent une radio. C’est le début de l’ère des télécommunications! La question vise probablement à évaluer à quelle vitesse et dans quelle mesure l’information peut se répandre. Le recensement de 1931 est un excellent moyen de suivre l’évolution de ce nouvel instrument de la culture populaire.

Le recensement de 1931 évalue combien de familles canadiennes possèdent une radio (OCLC 988695501)
Les instructions de 1931 prévoient également une façon plus détaillée de recenser les personnes nées à l’extérieur du Canada. En 1921, les instructions étaient les suivantes : « si une personne déclare qu’elle est née en Autriche-Hongrie, en Allemagne, en Russie ou en Turquie, tel que chacun de ces pays se trouvait constitué avant la guerre, on entrera le nom de la province ou la région dans laquelle cette personne est née, comme Alsace-Lorraine, Bohème, Bavière, Pologne allemande ou russe, Croatie, Galicie, Finlande, Slavonie, etc., ou le nom de la cité ou la ville dans laquelle elle est née, comme Berlin, Prague, Vienne, etc. » En 1931, plus de dix ans après la fin de la Première Guerre mondiale, les instructions tiennent compte des modifications frontalières et des nouvelles réalités géopolitiques.

Instructions détaillées sur la façon d’inscrire le lieu de naissance des personnes nées à l’extérieur du pays (OCLC 988695501)
Ce ne sont là que quelques-unes des instructions qui ont attiré mon attention. J’aimerais lire vos commentaires pour savoir quels articles vous ont paru intéressants ou utiles!
Sara Chatfield est gestionnaire de projet à la Direction générale de l’accès et des services de Bibliothèque et Archives Canada.
