Par Dalton Campbell
Il y a 130 ans, en 1894, la fête du Travail devient une fête nationale. En avril cette année-là, des dirigeants syndicaux rencontrent le premier ministre Sir John Sparrow David Thompson. Ils formulent un certain nombre de demandes, mais le premier ministre n’en accepte qu’une seule : œuvrer à l’instauration de la fête du Travail. Avant l’été, la loi faisant du premier lundi de septembre un jour férié est adoptée.

Défilé de la fête du Travail, rue Main, Winnipeg, Manitoba, en 1895. Fonds Sir William Van Horne (e011367824-005). Desmond Morton écrit qu’au 19e siècle, « les défilés, avec leurs chars, leurs bannières et leurs costumes, ne représentaient pas une forme de militantisme, mais plutôt un divertissement de foule et une démonstration d’ordre et de respectabilité » (traduction).
En instaurant un jour férié au début du mois de septembre, le gouvernement du Canada comble l’absence de congé entre le 1er juillet (aujourd’hui la fête du Canada) et l’Action de grâce. Ce nouveau jour férié s’inscrit dans le rythme des saisons (à l’approche de l’automne) et évite toute association avec le Premier mai, fête à forte connotation politique.

Défilé de la fête du Travail, rue Front, Belleville, Ontario, en 1913. Fonds du studio Topley (a010532).
En 1894, l’idée d’instaurer une fête nationale du Travail n’est pas nouvelle. La création de ce jour férié avait été recommandée cinq ans plus tôt, en 1899, dans le rapport final de la Commission royale sur les relations du travail avec le capital au Canada.
Les recommandations de la Commission ne sont pas mises en œuvre. Cependant, le rapport représente toujours un document marquant dans l’histoire du travail au Canada. Il comprend des témoignages de travailleurs et de membres de leur famille sur les conditions de travail dangereuses, les longues heures de travail, les faibles salaires, les amendes sur le lieu de travail, la discipline, le travail des enfants et d’autres problèmes. Comme le décrit Jason Russell, au 19e siècle, les usines du Canada sont « des lieux sombres contenant des machines dépourvues de dispositifs pour protéger les travailleurs qui les utilisent. Dans les usines, il y a des chaudières, des machines à vapeur et des volants d’inertie sans aucune protection […] et l’obtention de la journée de travail de seulement 10 heures est un objectif majeur des syndicats. » (traduction).
Comme l’écrivent Craig Heron et Steven Penfold, avant la proclamation de la fête du Travail, « des fêtes du travail locales sont des événements bien établis dans plusieurs villes et villages ». Tout au long du 19e siècle au Canada, des espaces publics accueillent des parades et des festivals, et dans les années 1880, « les artisans syndiqués du pays prennent en charge ces parades traditionnelles et en créent de nouvelles » (traductions).

Défilé des Chevaliers du travail, rue King, Hamilton, Ontario, dans les années 1880. Collection Edward McCann (a103086). Les Chevaliers du travail, une organisation qui a vu le jour aux États-Unis, font leur entrée au Canada en s’établissant à Hamilton, en 1881. Les Chevaliers deviennent rapidement l’une des plus importantes organisations syndicales du 19e siècle au Canada.
En 1880, les mineurs de la Nouvelle-Écosse organisent ce qui vraisemblablement a été la première fête du travail locale. Viennent ensuite les fêtes de Toronto (1882), d’Hamilton et d’Oshawa (1883), de Montréal (1886), de St. Catharines (1887), d’Halifax (1888), d’Ottawa et de Vancouver (1890), puis de London (1892).
Le Trades Union Advocate, un journal ouvrier hebdomadaire, décrit en détail le défilé ouvrier de juillet 1882 à Toronto.
Pour prendre part au défilé, des travailleurs de différents syndicats d’artisans ont installé de petits postes de travail sur des chariots à plateforme. En parcourant la ville, ils présentent leur ouvrage à la foule : les lithographes impriment des tracts et des images, les cigariers roulent le tabac « avec une dextérité et une agilité remarquables », les marins équipent leur remorque comme un navire, etc. Le défilé comprend des dignitaires, des syndicalistes qui marchent en brandissant des bannières et des pancartes, ainsi qu’une douzaine de fanfares disséminées parmi les chars. Selon le Globe de Toronto, au moins 3 000 personnes participent au défilé et 50 000 le regardent depuis les trottoirs.
En plus d’exemplaires du journal Trades Union Advocate, la collection de BAC consacrée au travail contient un certain nombre de photographies de la fête du Travail : certaines de ces images sont incluses ici et d’autres sont présentées sur la page Flickr de BAC. Toutes ces photographies sont accessibles en faisant une Recherche dans la collection.

La syndicaliste et militante Madeleine Parent parle au microphone. Fête du Travail, Valleyfield, Québec, 1948. Fonds Madeleine Parent et R. Kent Rowley (a120397).
La collection de BAC consacrée au travail comprend également une cinquantaine de messages de la fête du Travail, des années 1930 aux années 1970, livrés par les dirigeants syndicaux A. R. Mosher, Pat Conroy, Jim MacDonald, Donald MacDonald, Jean-Claude Parrot et d’autres encore. Les messages portent sur des thèmes universels : les acquis des syndicats, la nécessité de syndiquer davantage de lieux de travail, et le rôle vital des travailleurs dans les profits des entreprises, la production et l’économie. Les messages annuels abordent également des événements contemporains, ce qui fait de ces discours un petit historique instantané de l’année écoulée. Le message qui revient sans cesse, cela dit, en est un de soutien aux travailleurs. En 1966, Claude Jodoin, président du Congrès du travail du Canada, exprime ce sentiment dans des termes qui résonnent encore au 21e siècle : « Les syndicats ont consacré une grande partie de leurs efforts à obtenir le droit pour les travailleurs d’avoir des loisirs et de profiter paisiblement des fruits de leur labeur. » La fête du Travail, dont profitent aujourd’hui des millions de Canadiens, est l’un des résultats de ces efforts.
Recherche complémentaire :
- Trades Union Advocate (MIKAN 107136)
- Messages de la fête du Travail (copies numérisées)
- Fonds Sir John Thompson (MIKAN 106637)
- Fonds Madeleine Parent et R. Kent Rowley (MIKAN 105430)
Sources publiées :
- Craig Heron et Steven Penfold, The workers’ festival: a history of Labour Day in Canada (OCLC 58545284)
- Jason Russell, Canada, a working history (OCLC 1121293856)
- Desmond Morton, Working people: an illustrated history of the Canadian labour movement (OCLC 154782615)
- Rapport de la Commission royale sur les relations du travail avec le capital au Canada (OCLC 1006920421, publications du gouvernement du Canada (no472984)
- Greg Kealey, dir., Canada investigates industrialism: the Royal Commission on the Relations of Labor and Capital, 1889 (OCLC 300947831)
Dalton Campbell est archiviste à la Section des sciences, de l’environnement et de l’économie de la Division des archives privées de Bibliothèque et Archives Canada.